Judas le bien aimé/
Gérald Messadié
« Va, Judas, mon frère, dit Jésus… ». Judas réhabilité ?
D'entrée nous sommes en présence d'une situation complexe où l'attitude de Jésus est jugée inconvenante par le Sanhédrin animé par le géronte Caïphe, grand prêtre et Annas son cacochyme beau-père, après les événements du Temple dont les marchands ont été chassés manu militari par Jésus et ses disciples.
Référence est faite au Deutéronome, dernier chapitre de la Torah qui prêche la compassion et le pardon, morale sur laquelle s'appuie Jésus, mais que ne reconnaissent pas vraiment les religieux du Sanhédrin.
Pour Jésus, l'autorité du Cinquième Livre (Deutéronome) , prime sur celle des autres, car il en corrige les erreurs. Au Dieu courroucé et vengeur des Pharisiens, Jésus oppose un Dieu compatissant et qui accorde le pardon.
Rappelons pour mémoire que le Deutéronome fait partie du Pentateuque composés des cinq premiers livres de la Bible, appelés aussi les Cinq Livres de Moïse, (Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome), qui racontent l'histoire du peuple d'Israël jusqu'à la mort de Moïse. Ils constituent la Torah des Juifs.
Des déclarations de Jésus telle que celle-ci : « le corps est transitoire, mais il n'est pas impur. Seule l'âme peut être impure. » ,ne sont pas conforme aux valeurs du Sanhédrin.
Jésus est-il un agitateur, un provocateur ou un blasphémateur ? Devant la réserve affichée non seulement par Joseph d'Arimathie, ami de Jésus et personnage respecté du Sanhédrin, mais encore par le rabbin Gamaliel et le procurateur romain Pilate dont la femme Procula est disciple de Jésus, la tension est à son comble et la décision d'arrêter Jésus tarde à être prise.
Voilà l'ambiance du début de ce récit historique mis en scène avec toujours autant de brio par G.
Messadié, dont l'érudition et la connaissance des textes sacrés et historiques ne se démentent à aucun moment dans ce beau livre riche de spiritualité.
Judas l'Iscariote, un des douze apôtres, fut compagnon de Jésus à Qoûmran chez les Esséniens. Tout les rapproche. Jésus de lui dire : « Tu es entre tous mon frère par l'esprit… C'est toi qui doit leur révéler où je me trouverai cette nuit après le souper chez Nicodème (La Cène)…Tu m'aideras à me dépouiller de mon habit de chair ainsi qu'on nous l'a enseigné. » La mission de Judas est parfaitement claire. Après le dernier repas, Jésus lui demande de le dénoncer auprès des autorités policières du Temple dirigées par Saül.
Le détail des circonstances de l'arrestation de Jésus à Gethsémani au pied
Du Mont des Oliviers nous est relaté ainsi que les atermoiements de Pilate qui au final cède aux objurgations des hommes de Caïphe et Annas. Jésus sera mis en croix sur le Golgotha, à la mode romaine.
C'est là que l'histoire se sépare de la tradition chrétienne. Un stratagème conçu par Marie de Magdala, Nicodème et Joseph d'Arimathie pour sauver Jésus de la mort est évoqué par l'auteur. Il est prouvé que les tibias de Jésus ne furent pas brisés pour abréger son agonie et que lorsque le légionnaire romain lui donna un coup de lance au côté droit, le sang rouge apparut ce qui ne peut être le cas sur un cadavre. Pilate ayant accepté que Jésus fût descendu de la croix avant Pessah pour respecter la tradition juive, ce sont les serviteurs de Nicodème qui se chargèrent de l'opération assistés d'un médecin.
La suite est facile à imaginer. Je vous la laisse deviner.
La postface de ce roman historique peut éventuellement être lue en priorité afin d'être éclairé de la découverte relativement récente (2005) en Égypte de l'Évangile apocryphe de Judas, datant du deuxième siècle. L'innocence de Judas y est patente ; il ne fut point le vendu de la tradition chrétienne.
A noter que ce thème a été repris par
Eric Emmanuel Schmitt, sous une autre forme, dans « L'évangile selon Pilate ». Un chef d'oeuvre.
En conclusion, un excellent moment d'histoire et de spiritualité.