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Un roman blinis. Ce roman ressemble à tous les livres et films qu'Eric Neuhoff étrillent avec talent dans les pages du Figaro ou dans le Masque et la Plume. J'ai trouvé dans son livre les défauts qu'il reproche souvent à des films dont il interroge la raison d'être et aux livres qu'il juge tourner trop souvent en orbite autour du nombril de leur auteur. C'est dommage, car le romancier n'a pas gardé son style dans sa poche. Les dialogues sont savoureux et les sentences impitoyables. L'écriture incisive d'Eric Neuhoff est reconnaissable dès les premières phrases. Inutile d'être apnéiste quand on ouvre un de ses livres. Pas un mot en trop. Mais ici, j'ai eu l'impression d'assister à une soirée mondaine interminable, peuplée de « faux gens », d'intelligences vraiment artificielles qui se fréquentent pour le seul plaisir de parler dans le vide et faire tamponner leur passeport au pays des gens de bonne compagnie. Il faut en être à défaut d'être. Roman à conseiller à ceux qui dorment avec le Guide Michelin sur la table de chevet car cette histoire d'un vieux couple d'éditeurs en manque de succès et qui s'interroge sur l'opportunité de céder leur maison à un grand groupe, squatte les restaurants et les « place to be » de la capitale. C'est vrai que la cuenta n'est pas la même à la sortie de chez le libraire et qu'il faut sortir un télescope long comme la suffisance des personnages pour apercevoir quelques étoiles dans ce récit, mais au moins, les bonnes adresses pour entretenir son cholestérol ne manquent pas. Eric Neuhoff est aussi gourmand que son personnage mais j'ai trouvé ce roman aussi savoureux qu'une galette de riz flottant sur une soupe au tofu. Pourtant, l'idée de s'intéresser à un éditeur à l'ancienne paraissait séduisante et originale. Cela changeait des romans... qui parlent de romanciers... qui écrivent des romans face au miroir, façon poupées gigognes qui se regardent écrire. L'auteur maîtrise son sujet, fréquente assidument ce milieu, mais il laisse son lecteur sur les côtés, bloqué à l'entrée du carré VIP. Comme son titre l'indique (avec une mention très bien pour la couverture), il est question de prix littéraires, de transhumance à la foire de Brive, de romanciers hors sol et Eric Neuhoff démasquent très bien les turpitudes de cet entre-soi littéraire. Hélas, ses pérégrinations dans Paris pour regretter son bon vieux temps, où les auteurs restaient fidèles à leur éditeur, où les agents littéraires n'existaient pas, où la passion des livres justifiait toutes les audaces, où le dilettantisme était une vertu, sont gâchées par une overdose de pince-fesses. Ours dans mon genre, s'abstenir. Allergique aux mondanités, ce livre s'est trompé de lecteur avec moi. Désolé, je ne reçois pas, j'invite. Je ne fréquente pas, j'aime. C'est peut-être pour cela que je trouve que la plus belle réussite de ce roman tient dans la description des sentiments profonds qui unissent le couple d'éditeurs. C'est la seule relation qui sonne juste dans un concert d'artifices, le petit rayon de sincérité qui fait pétiller des coupes de champagne qui tintent si faux dans des diners ambiancés comme des vernissages. Chic mais toc. + Lire la suite |