Une biographie de
Paul Valéry qui se lirait avec avidité ?
Impossible ?
C'est pourtant le défi qu'a relevé
Benoît Peeters, dont les intérêts sont très éclectiques, puisqu'il est par ailleurs spécialiste de la BD et qu'il a publié, entre autres, un «
Hergé, fils de Tintin. »
Paul Valéry a connu une grande gloire de son vivant, avec des funérailles nationales. Il est aujourd'hui presque totalement ignoré. Dans le meilleur des cas, on se souvient de «
Monsieur Teste » ou du « Cimetière marin » :
Valéry n'a jamais écrit de véritable « livre », seulement des recueils, de
poèmes, d'articles, de discours, de fragments. Pas de roman. Il détestait raconter.
Le grand intérêt de l'approche de
Benoît Peeters est de nous donner à voir une « figure » d'écrivain en mouvement.
Il n'écrit pas une biographie linéaire ou exhaustive, mais il choisit des moments où l'homme Valéry se définit et se révèle comme auteur, lui qui disait écrire « par faiblesse. »
Ce sont les premiers vers de l'adolescence, les lectures formatrices, les rencontres avec Pierre Louÿs,
Gide, Mallarmé, les contributions à des revues et l'exaltation suscitée par toutes ces conversations, le « sentiment, plus délicieux qu'aucun autre, d'être admis dans une confrérie », puis le renoncement à l'amour et à la poésie en 1892, le goût des sciences, le travail de bureau, la rédaction des « Cahiers », le retour de la littérature, de la passion (
Catherine Pozzi), l'Académie française…
Ecrire donc, ne plus écrire, écrire pour vivre, pour « la galette », faire vivre sa famille, écrire pour être reconnu, pour la gloire, écrire pour soi, écrire des lettres, écrire l'amour, vendre ses manuscrits pour manger, quitte à confectionner après coup de nouveaux manuscrits truqués, publier pour les bibliophiles, rechercher des protections, « me voici à vendre ou à louer », c'est toute la vie de
Paul Valéry, désinvolte, fragile et si humaine, qui défile dans ce passionnant essai de
Benoît Peeters.
Le dernier chapitre est un plaidoyer pour Valéry. Il aidera le lecteur à s'orienter dans cet ensemble imposant. Ses « Cahiers » ont été numérisés sur Gallica. On peut y retrouver tous les méandres de la vie mentale de l'écrivain, un esprit « fondamentalement solitaire. »
« le vent de lève. Il faut tenter de vivre » (Cimetière marin)