Agréable moment de lecture avec ce roman de terroir et de fiction historique, qui m'a plongée au coeur de la campagne corrézienne à la veille du premier grand conflit mondial, peu après la promulgation de la séparation entre l'Eglise et l'Etat.
Dans le village pauvre et reculé de St Roch, surnommé « la petite Vendée », où règne en maître l'abbé Brissaud, l'arrivée de la nouvelle institutrice laïque de la « communale », Cécile Brunie, ne se fait pas sans hostilité et sans heurts.
C'est par le regard et la pensée de Malvina, jeune fille de 13 ans, illettrée, pouilleuse et sauvage, considérée comme « l'innocentoune » du village, que nous sommes guidés tout au long de ce roman.
Malvina, qui ne veut pas grandir car elle refuse d'intégrer le monde des adultes, mais chez qui Cécile va détecter un potentiel insoupçonné qu'elle aura à coeur de faire éclore, avec beaucoup de tendresse et une infinie patience.
Ce roman constitue un formidable témoignage sur la vie quotidienne, la place accordée à la religion, à l'éducation et à la scolarité et sur les conditions d'enseignement dans les campagnes reculées de Corrèze au début du 20ème siècle, dans le contexte d'avant-guerre particulièrement tendu que l'on connaît.
Je salue à ce titre le travail de l'auteur pour recréer, grâce à une multitude de détails concernant les us et coutumes, et à la reconstitution du patois occitan, une ambiance ultra réaliste de cette dure vie de labeur, âpre, pauvre, inconfortable et emplie de privations.
Les paysages et la nature environnants, la succession des saisons, tiennent également une belle place dans le texte, et la délicatesse quasi poétique avec laquelle ils sont dépeints a fortement ajouté au plaisir de ma lecture.
La narration par la petite Malvina, alliant le côté brut et naïf de l'enfance à un sens aigu de l'observation et à des ressentis instinctifs forts, n'a fait que renforcer cette impression d'immersion, et a également contribué à mon attachement particulier pour cette jeune fille hors normes.
Car
l'Orange de Noël est aussi une très jolie histoire d'amitié, teintée de féminisme, et une belle leçon d'humanité et d'espérance ( à laquelle j'ai donc volontiers pardonné quelques petites invraisemblances et contradictions).
Petit à petit, subtilement, des liens se tissent entre les personnages, et notamment entre Cécile et Malvina (mais pas que), dévoilant les caractères, la psychologie, les forces et les faiblesses des uns et des autres.
Je me suis laissée porter, de la cachette en branches d'un tilleul, à celle de la tour d'un château en ruine, d'une salle de classe mal chauffée au travail dans les champs, de la boutique de l'épicière à un recoin de l'église, de la cuisine rustique d'une ferme au logement spartiate de Cécile à l'école, de l'interminable hiver glacial au soleil ardent des fenaisons… observant, écoutant, devinant, rêvant, espérant…
De sa plume sensible et réaliste,
Michel Peyramaure redonne foi en l'humanité, sans jamais prendre parti ni se poser en maître à penser. Sans jugements arbitraires, il nous laisse libre de nos opinions, abordant avec justesse l'ambivalence et la dualité qui peuvent cohabiter en chacun de nous. Une neutralité et une discrétion de l'auteur que j'ai appréciées car assez peu fréquemment rencontrées en littérature, pour peu que l'on y aborde des sujets clivants.
On sent qu'ici, au fond, l'important, ce n'est pas tant ce que les gens pensent ou croient, mais ce qu'ils sont, au fond de leurs coeurs et dans leurs âmes.
La fin, bien qu'émouvante, m'a laissé un petit goût d'inachevé, certaines questions importantes restant en suspens… Elle appelait visiblement une suite, et j'ai découvert après coup, mais avec soulagement, qu'effectivement, ce roman constituait le premier tome d'une trilogie. Cela m'apprendra à bien me renseigner avant d'entamer une lecture !!
Je vais donc partir en quête de la suite, malheureusement plus éditée, pour tenter de connaître le fin mot de cette attachante saga.