Les Vainqueurs

LE GARÇON DANS L'ARMOIRE. Ceci est l'histoire d'un homme qui a trouvé la Joie.
La Joie que les mystiques brigandent sur les chemins obscurs du renoncement et de l'extase, mais, pour cet homme, la Joie n'est pas Dieu, ni la Sagesse.
Cette Joie n'est rien, rien qu'une manière d'être au-dessus de toutes choses, regardant sa vie comme une fable intéressante, acceptant tous les destins, souriant dans les fatalités, faisant de l'inachèvement l'achèvement du poème, oui, il acquiesce à tous les possibles, cet homme, ce fauve, ce poète.

CYTHÈRE. Qui a dit que la condition humaine était misérable ?

LE GARÇON DANS L'ARMOIRE. Faux plis de la métaphysique, qu'est-ce qu'on pourrait désirer d'autre que de mourir et souffrir ?

CYTHÈRE. Combien de vies attendent l'honneur de la vie ?

LE GARÇON DANS L'ARMOIRE. Un tel homme existe-t-il et son sourire de faune existe-t-il vraiment ?
Cet homme, peut-être ne fait-il que jouer quand il affirme qu'il sait vivre ?
Mais la valeur de ce mensonge est proprement inestimable et peut faire vaciller les puissances, elle est la légitimité de tous les pouvoirs, la source du désir vrai, l’aimant des religions.

CYTHÈRE. Au-delà du bien et du mal seule importe la fable. La fable est-elle bien rebondissant ?

LE DICTATEUR. Les politiques se contentent de négocier le réel, ce n'est pas de la politique, c'est de l'intendance, et encore si elle était probe ! Moi, je vois le chef comme un prophète, il voit le réel, non pas dans le poids de ses limites mortelles, mais dans l'énergie de son devenir, la politique c'est la science du demain, mais qui ose encore de nos jours choisir l'avenir comme jardin du réel.

FLORIAN. Le poète...

LE DICTATEUR. Savent-ils vivre les poètes ?

FLORIAN. La seule manière de vivre est de vivre poétiquement.

JUDE. Notre problème, c'est que soit on va chercher des justifications théologiques dans les poubelles de l'histoire, soit on prend la corde du matérialisme pour aller se pendre dans le jardin de la démission politique !

Dieu n'est que mot prononcé pour supporter notre inachèvement, nous sommes ce qu'il faut être et parfaitement et il ne faut à ma vie rien retrancher et rien ajouter, elle est un drame admirablement équilibré, on n'imagine rien de plus beau que d'être mortel !

C'est ce que j'appelle vivre poétiquement!