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EAN : 9782213609270
328 pages
Fayard (05/09/2001)
3.5/5   12 notes
Résumé :

Les intellos précaires ont entre 25 et 35 ans et sont diplômés. Ils alternent stages, CDD, petits boulots et contrats dans l'édition, le journalisme, la culture et la communication. Cette précarité, choisie pour les uns, subie pour les autres, définit un nouveau rapport au travail et à l'existence en général. En effet, leur consommation est paradoxale, orientée vers les services et les biens culturel... >Voir plus
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Intello précaire ? Drôle d'oxymore ! On croyait la précarité réservée aux moins qualifiés, l'exclusion aux sans-grade. Or, autour de nous,à Paris, nos voisins, nos amis, nos anciens camarades d'école vivent avec des bouts de ficelle en enchaînant les petits boulots.
Pigistes, correcteurs, traducteurs, intermittents du spectacle, intérimaires, vacataires, ils exercent des métiers souvent valorisés, mais n'en vivent pas.
Leur précarité n'est pas toujours malheureuse. Leur vie est dure, stressante : il faut toujours chercher un job, le réaliser dans des conditions et des délais stricts, parvenir à se faire payer, et recommencer. Mais elle leur évite la routine abrutissante du salariat. Les intellos précaires ont l'impression d'être libres et réinventent une relation au travail.
Leur précarité n'est pas toujours subie. Bien sûr, nul ne devient précaire volontairement. Ces intellos sont souvent devenus précaires suite à un échec : certains ont raté l'aggrégation ou n'ont pas été titularisés après leur thèse. Mais ceux-là auraient pu passer le CAPES et s'y sont refusés. Aussi assume-t-il leur choix et ses conséquences.

Anne et Marine Rambach ont réalisé qu'elles appartenaient à cette nouvelle catégorie sociologique et en ont fait un livre au début des années 2000.
Livre admirable qui parvient à capter l'air du temps et à cerner une évolution
Succès mérité qui a justifié la parution huit ans plus tard d'une suite : "Les nouveaux intellos précaires". M'en conseillez-vous la lecture ?
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Sous ces deux termes en apparence antinomiques se cache une réalité sociale et économique. La précarité de l'intellectuel est le résultat d'une politique orientée vers la rentabilité à tout prix, au profit de l'actionnariat et au détriment de la dimension humaine et sociale de l'entreprise (sauf lorsqu'il s'agit d'une jeune structure ou d'une association, elle-même précaire, qui induit celle de ses intellos). À défaut d'avoir fait une analyse sociologique en bonne et due forme, Anne et Marine Rambach ont sorti du placard l'une des conséquences du régime capitaliste que nous absorbons chaque jour à petite dose : l'externalisation des compétences. Au même titre que la délocalisation, la baisse de la qualité au mépris de la sécurité et de la santé du travailleur et du consommateur, la recherche impérative de la croissance économique (par l'obsolescence programmée ou l'injection de dépendance), la précarité est une réponse économique pour être rentable et conquérir toujours plus de place sur les « marchés » ultra-concurrentiels.

Ceux qui investissent sur les biens, les services et les êtres humains pour bâtir leur fortune l'appellent flexibilité et mobilité. Pour ceux qui la subissent – et ils sont certainement majoritaires – c'est la précarité. Les CDI, s'ils ne sont pas raflés par un plan social, sont progressivement remplacés par des travailleurs à domicile, des free lance (ou des auto-entrepreneurs) dont les charges sociales et les contraintes sont inexistantes ; les journalistes sont plus compétents lorsqu'ils sont pigistes, car moins sédentaires ; même les CDD sont remplacés par des stagiaires qui occupent à tour de rôle un poste à l'année. Dans cette logique ultra libérale, ce sont évidemment les entreprises qui tiennent d'une main de fer le rapport de force avec les nombreux candidats à la précarité (à défaut d'avoir pu mettre les deux pieds dans l'entreprise avec un CDI utopique, ou au moins un CDD).

Grâce à la précarité, les entreprises suppriment leur devoir de nourrir, de protéger et d'assurer la retraite de leurs salariés. Désormais, on dispose et on impose selon les besoins immédiats de l'activité. Désormais, les salariés, tout comme leurs outils de travail et leurs locaux (bref, leurs conditions de travail), ne représentent plus un investissement mais seulement une charge ; on investit plus que dans les actions et les fonds financiers.

Et parmi les employeurs visés, Anne et Marine Rambach s'en prennent violemment au premier d'entre eux : l'État, qui abuse des CDD consécutifs, des postes vacataires et se permet des retards de paiement.

La précarité induit une concurrence extrême entre les précaires qui se battent pour une pige ou une traduction payée au lance pierres ; la précarité tue les droits sociaux et la sécurité de l'emploi que chacun mérite en échange de sa force de travail (qu'elle soit physique ou intellectuelle). La précarité tue la solidarité, muselle les travailleurs qui n'existent pas sur les plans social, économique, politique et médiatique. Ces travailleurs n'existent même pas pour les organismes publics, comme la Sécurité sociale et le Pôle emploi, ce qui entraîne des flous plus ou moins artistiques en termes de rémunération. Cette non-représentation permet aux entreprises de continuer, en toute impunité, à piocher dans le tas de précaires pour remplir les tâches sous-investies ; les précaires eux-mêmes ne se reconnaissaient pas en tant que tels, avant cette enquête, et ne se sont jamais syndiqués (mais par qui ?). Et la concurrence entraîne le nivellement par le bas des tarifs des piges, des feuillets, des heures d'enseignement qui rémunèrent les intellos précaires : « le précaire précarise le précaire. »

Qui sont les intellos précaires ? Auteurs, journalistes, traducteurs, rewriteurs, éditeurs, illustrateurs, photographes, scénaristes mais aussi chercheurs et enseignants, ils ont fait de longues études (de bac + à bac + 8) mais n'ont pas trouvé d'emploi fixe. Ils sont passionnés par leur métier et ont choisi de l'exercer sans considération des difficultés économiques à venir.

Le mode de vie précaire engendre une succession de comportements plus ou moins volontaires : ils sont polyvalents et hyper-travailleurs, ils effectuent tantôt des travaux dits « alimentaires », tantôt des travaux qui les passionnent, parfois dans des secteurs radicalement opposés, ce qui permet difficilement de les comptabiliser. Bernard Lahire, dans La Condition littéraire, évoque cette « schizophrénie sociale » (que Bernard Lahire appelle « double vie »), puisque les auteurs sont en première ligne de la précarité des diplômés. Rares sont ceux qui vivent de leur écriture (Marc Lévy, malheureusement...) et la grande majorité exerce des métiers sans rapport direct avec leur passion de l'écriture.

Ils vivent dans l'instant présent (selon les contrats qui se présentent) et cumulent un fort capital symbolique et des activités culturelles chronophages, au croisement entre les obligations du métier et la passion. L'intellectuel précaire se doit d'entretenir son réseau, car sans lui il n'est rien, puisqu'il lui permet de décrocher les contrats – et c'est probablement la plus grande difficulté des nouveaux intellos précaires. La précarité est bien souvent financière (d'où le développement du système d'et de pratiques illégales) mais aussi statutaire : comment se projeter dans l'avenir si, à chaque instant, on est menacé de perdre des contrats ? Vivre avec quel argent en cas d'« accidents de la vie » ? Et comment avoir une retraite, quand l'activité professionnelle n'ouvre aucun droit ?

Mais la précarité n'est pas forcément subie ; elle peut être un choix et présente des avantages, surtout quand le CDI en entreprise n'est plus le modèle économique qui séduit les jeunes générations. « le modèle du travail salarié ne veut plus de nous ? Ça tombe bien : nous ne voulons plus de lui ! » L'entreprise est une désillusion : elle engendre le stress, le mal-être, le harcèlement moral, la sédentarité. Il faut respecter les codes sociaux et vestimentaires, veiller à éviter les conflits relationnels, et travailler dans des conditions de travail souvent mal vécues et qui ne laissent pas de place à la créativité et à l'originalité. L'entreprise est perçue comme une micro-société violente psychologiquement, où la guerre pour le pouvoir est perpétuelle ; le mode de fonctionnement est perçu comme rigide et sclérosé.

Les intellos précaires ont des beaux métiers : être auteur pour donner à voir au-delà des apparences, être journaliste pour défendre la cause des opprimés ; être traducteur pour donner le texte à l'universalité ; être rewriteur pour permettre au texte de rencontrer le plus grand nombre de lecteurs ; être éditeur pour incarner le lien indispensable entre l'auteur et son lectorat. Nobles métiers, ô combien prestigieux ! « Surtout dans l'édition où tout le monde se la pète un peu parce qu'on fait des livres, pas de la pâtée pour chiens. »

Oui, mais ! Anne et Marine Rambach pointent du doigt ce qu'elles appellent le grand écart social : les métiers sont valorisés socialement mais pas du tout financièrement. Et souvent, le prestige social fait office de rémunération ; comme si l'on ne se nourrissait exclusivement que des honneurs.

Lisez la suite de la critique sur mon blog :
http://www.bibliolingus.fr/les-intellos-precaires-anne-et-marine-rambach-a80136680
Lien : http://www.bibliolingus.fr/l..
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Cet essai publié en 2001, eut une suite, publiée en 2009, « Les nouveaux intellos précaires ».

Anne et Marine Rambach ont voulu montrer ici le grand écart qui existe entre la reconnaissance sociale, le statut auréolé du prestige des institutions ou des entreprises pour lesquelles ces « intellectuels précaires » travaillent (entreprises de l'audiovisuel ou de la presse, instituts de recherche, universités…), et leurs réelles conditions de vie matérielles. Faisant alors elles-mêmes partie de ce groupe, elles construisent un essai vivant et teinté d'humour, à partir de témoignages.

En 2001, ce livre avait le mérite de mettre l'accent sur cette « catégorie », en réalité très hétéroclite, avant la médiatisation des conflits liés au statut des intermittents du spectacle, de pointer du doigt l'ampleur d'un phénomène qui concerne la culture, les medias, mais aussi le secteur public – universités par exemple, ou encore de montrer qu'un des effets pervers de la précarité est de produire des contenus intellectuels standardisés – ici en particulier dans la presse avec l'omniprésence des pigistes.

Malheureusement cet essai manque d'une analyse rigoureuse de la catégorie qu'il prétend étudier, et donne ainsi à lire un contenu hétéroclite, et de plus très délayé. Il met en lumière les dégâts de la libéralisation mais sans perspective sur la marchandisation et la paupérisation de la culture, dont il est lui-même une sorte de produit … car il faut bien vivre, comme Anne et Marine Rambach l'expliquent avec franchise en introduction.
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Cet essai publié en 2001, eut une suite, publiée en 2009, « Les nouveaux intellos précaires ».

Anne et Marine Rambach ont voulu montrer ici le grand écart qui existe entre la reconnaissance sociale, le statut auréolé du prestige des institutions ou des entreprises pour lesquelles ces « intellectuels précaires » travaillent (entreprises de l'audiovisuel ou de la presse, instituts de recherche, universités…), et leurs réelles conditions de vie matérielles. Faisant alors elles-mêmes partie de ce groupe, elles construisent un essai vivant et teinté d'humour, à partir de témoignages.

En 2001, ce livre avait le mérite de mettre l'accent sur cette « catégorie », en réalité très hétéroclite, avant la médiatisation des conflits liés au statut des intermittents du spectacle, de pointer du doigt l'ampleur d'un phénomène qui concerne la culture, les medias, mais aussi le secteur public – universités par exemple, ou encore de montrer qu'un des effets pervers de la précarité est de produire des contenus intellectuels standardisés – ici en particulier dans la presse avec l'omniprésence des pigistes.

Malheureusement cet essai manque d'une analyse rigoureuse de la catégorie qu'il prétend étudier, et donne ainsi à lire un contenu hétéroclite, et de plus très délayé. Il met en lumière les dégâts de la libéralisation mais sans perspective sur la marchandisation et la paupérisation de la culture, dont il est lui-même une sorte de produit … car il faut bien vivre, comme Anne et Marine Rambach l'expliquent avec franchise en introduction.
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Journalistes, chercheurs, artistes… et précaires, c'est l'objet de l'enquête menée par Anne et Marine Rambach au début des années 2000. Pourquoi avoir un doctorat et vivre de bouts de ficelle ? Enchaîner travail au noir, CDD, piges et missions ?

Conditions de travail, salaires, mode de vie… Au fil des pages, les auteures brossent un tableau assez complet de cet « ovni social » que sont les intellos précaires dans cet essai qui est à la fois une enquête sur un phénomène sociologique et un plaidoyer pour l'amélioration de la situation des personnes concernées. Elles s'appuient sur de nombreux exemples, à commencer par le leur, sans verser dans l'autobiographie. Elles citent des anecdotes parfois désopilantes et décrivent des situations surprenantes, tout en insistant sur le fait qu'être précaire, c'est parfois un choix. Mais l'enquête reste à la surface du problème.

Pourtant, cet essai est d'autant plus intéressant qu'une dizaine d'années plus tard, il reste plus que jamais d'actualité.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Errant de stand en stand en compagnie d’autres amis précaires pendant l’inauguration du Salon du livre 2001, dans la grande halle de la porte de Versailles, nous nous demandions combien d’intellos précaires squattaient alors l’endroit. On critique souvent les pique-assiettes qui hantent les cocktails. Pense-t-on que certains d’entre eux trouvent ainsi leur principal repas ? Un jeune pigiste de Technikart expliquait ses stratégies pour se nourrir toute la semaine en courant de buffet en buffet. Ce soir-là, comme des volées de moineaux, nous dévalisâmes le traiteur du Seuil avant de jeter notre dévolu sur celui des éditions Robert Laffont. Comme nous étions mêlés à la foule, notre illégitimité était indétectable ; nous emportions nos provisions pour les dévorer à l’ombre d’une plante verte ou derrière une tablée de livres... Cependant, cette année, manquant de bonnes adresses (la chaleur, sans doute), nous éclusâmes surtout du champagne, ce qui nous conduisit à un état d’euphorie sans doute injustifié.
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Les stagiaires : catégorie bénie ! Si soumis, si disciplinés, de bonne volonté, pas fiers, travailleurs, et qui ne coûtent rien. Besoin d’une assistante ? C’est fait. Bac + 5, bilingue, connaît déjà le boulot, pour environ 13 francs de l’heure, sans charges sociales. Qui dit mieux ?
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Moi, je fais ce métier parce que je l’aime foncièrement. Je trouve passionnant de travailler sur les archives, de découvrir parfois un secret d’état au détour d’une recherche. J’adore l’odeur des bibliothèques, tout ce savoir réuni en un même endroit.
(p. 147)
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