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EAN : 9782715235526
Le Mercure de France (03/09/2015)
3.69/5   87 notes
Résumé :
Ma chance à moi, Stéphanie St-Clair, Négresse française débarquée au beau mitan de la frénésie américaine, fut qu’à mon arrivée Harlem commençait à se dépeupler de ses premiers habitants irlandais, puis italiens, lesquels cédaient la place jour après jour, immeuble après immeuble, à toute une trâlée de Nègres venus du Sud profond avec leur accent traînant du Mississippi et leur vêture ridicule en coton de l’Alabama. Dès le premier jour sur cette terre d’Amérique, je... >Voir plus
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Jusqu'à présent, la seule femme gangster américaine dont j'avais entendu parler était Ma Barker qui fit régner la terreur dans le Middle West avec ses fils. Mais à la même époque, une autre femme de tête, une Martiniquaise dénommée Stéphanie St. Clair dirigeait un gang spécialisé dans la loterie clandestine à Harlem. Je croyais que ce personnage vu dans le film Les Seigneurs de Harlem dans lequel Dutch Schultz, Lucky Luciano et Bumpy Johnson se faisaient la guerre était fictif. Il n'en est rien.
Dans Madame St-Clair, Reine de Harlem, Raphaël Confiant retrace la vie extraordinaire de "Queenie" , arrivée sans un sou sur le sol américain en 1912. Initiée au crime via le gang irlandais des 40 voleurs, cette femme intelligente, farouchement indépendante et futée mena rapidement sa barque, mais se vit finalement obligée de verser sa dime à la mafia italienne. Femme, Française, noire, catholique, jeune, seule à Harlem, elle fut toujours animée d'une détermination farouche, bien décidée à échapper à la misère et à la tutelle masculine: «Simplement, une femme dans la mafia, c'était comme qui dirait un chien dans une yole, selon l'expression créole qu'affectionnait ma mère. Un éléphant dans un magasin de porcelaine, disait ce bon français que je ne connaissais que par les livres. Servir de petite main, ça oui, les gangsters noirs ou blancs l'acceptaient volontiers. Messagère, accoucheuse de secrets sur l'oreiller, livreuse de gamelles de nourritures des heures indues de la nuit à ces messieurs qui tenaient conférence ou, moins insignifiant, espionne, voilà l'essentiel des tâches qui étaient réservées à la gent féminine. Quant à moi, je récusais tout net cette condition subalterne qui nous était imposée. »
Stéphanie St-Clair fera de sa singularité une force. Elle traversa deux guerres mondiales, la Prohibition, la crise de 1929, connut les règlements de compte, les violences raciales, les mouvements pour les droits civiques, et termina paisiblement ses jours dans la Grosse Pomme.

Nous traversons le siècle à travers ses souvenirs. Queenie est une femme résolument moderne, emblématique de ces Roaring Twenties , une "Flapper », admiratrice de Louise Brooks. Confiant dépeint avec maestria cette Amérique marquée par des changements économiques et culturels majeurs qui se heurtera de plein fouet à une autre Amérique, celle de la peur, de la Prohibition, du Jeudi noir. Dans cette biographie romancée, les gangsters qui ont marqué la culture populaire ( Dutch Schultz, Ellsworth Johnson, Meyer Lansky, Luciano…) côtoient les différentes figures de l'intelligentsia afro-américaine (Countee Cullen, W.E.B. du Bois, Marcus Garvey, Sufi Abdul Hamid…). le thème de l'Identité, de l'Altérité, serpente au fil des pages. Stéphanie St-Clair est une fille de la Caraïbe au milieu de noirs américains. le contraste entre son île natale à la société stratifiée (pauvres, noirs, blancs, Indiens, bourgeoisie mulâtre, grands blancs, fonctionnaires métropolitains, se croisent sans se côtoyer) et une nation où l'obsession de la race frôle la démence (avec des pages glaçantes sur le K.K.K. et l'Eté rouge de 1919) est saisissant.
On ne pourra pas oublier de sitôt cette Reine de Harlem.
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C'est la critique de Pecosa qui m'avait donné envie de lire ce livre. Je l'ai donc acheté… et oublié, perdu au milieu de ma gigantesque PAL. Un jour que je tentais de ranger un peu mes livres, je suis retombée dessus et je me suis donc décidée à le lire. Pecosa est décidément de bon conseil, j'ai passé un bon moment avec « Madame St-Clair, Reine de Harlem » même si tout n'est pas parfait.

En fait, je ne suis pas totalement convaincue par la forme. J'ai trouvé l'écriture de Confiant assez inégale. Certains passages sont formidables, d'autres m'ont semblé plus faibles au niveau du style. Mais ce qui m'a vraiment gênée, c'est un côté un peu fouillis. Je suis convaincue que l'auteur a fait le bon choix en optant pour un récit non chronologique fait d'allers et venues entre les époques mais ce procédé narratif est très exigeant et demande une maîtrise parfaite de la construction d'un récit. Ce n'est pas le cas ici. J'ai trouvé que le récit était parfois confus, on ne sait pas toujours où on en est. Il y a certains éléments qui tombent comme un cheveu sur la soupe, l'auteur semblant ne pas savoir comment les intégrer au récit. Et puis il y a des redites, certaines choses sont répétées plusieurs fois. Et le fait que la narratrice, qui raconte son histoire à son neveu, s'en excuse ne rend pas ces redondances plus digestes. Enfin, je n'ai pas adhéré du tout au procédé consistant à passer de la 1ère à la 3ème personne alors même que c'est toujours Stéphanie St-Clair la narratrice. J'ai trouvé ce choix narratif bizarre, artificiel et pas très heureux.

Bon j'arrête là l'énumération de ce qui ne m'a pas trop plu dans le roman de Confiant. Tous ces défauts, toutes ces maladresses sont balayés par le sujet même du roman. Quelle personnalité cette Stéphanie St-Clair ! Quel destin aussi…
Confiant raconte ici, de façon romancée, la vraie vie de Stéphanie St-Clair, jeune femme de Martinique qui deviendra reine de la loterie clandestine de New-York dans les années 20-30. A travers ce destin hors norme, c'est tout un pan de l'Histoire américaine qu'on lit en filigrane, celui des Noirs américains dans la première moitié du 20ème siècle. Ainsi on rencontrera des grandes figures Noires américaines qui ont oeuvré d'une façon ou d'une autre dans la lutte pour les droits civiques, Marcus Garvey, W.E.B Dubois, l'association NAACP… On croisera également des noms qui sont entrés dans la légende tels Lucky Luciano ou Leyer Mansky. le destin de Stéphanie permet de mettre en lumière la dureté de la vie pour les Noirs, la misère des quartiers, les rapports brutaux avec la police et des scènes tout simplement cauchemardesques. le passage où les salopards du Klan arrêtent un bus pour se livrer à des actes barbares est particulièrement éprouvante.
Quant à Stéphanie, elle est formidable. Dure à cuire, badass, elle ne s'en laisse pas compter et gare à ceux qui voudraient la soumettre. Elle ne flanchera que face au surpuissant Luciano. Libre, indépendante, forte, Stéphanie force le respect même si ses affaires étaient illégales.

Si, malgré de très bons passages, je n'ai pas été entièrement séduite par l'écriture de Confiant j'ai été tellement enthousiasmée par la personnalité et le destin de Stéphanie que j'ai dévoré ce livre à toute vitesse. Je pense qu'il me laissera un souvenir finalement agréable.

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Quelle vie ! J'ai dévoré cette histoire extraordinaire d'une personnalité, une femme, une française, époustouflante. Je me suis régalée de ses aventures et de la vision des Antilles (de la France) et des Etats-Unis du début du 20ème siècle. Histoire magistrale !
Mais l'écriture de l'écrivain n'est pas toujours égale. En cours de lecture, au milieu du livre, je m'aperçois que l'auteur raconte pour la 3ème fois un fait. Cela donne un sentiment de perte de repère et un désire d'accumulation obsessionnel pour multiplier des pages, pour épaissir le livre. D'autre part, inégalité de langage. Comme tous les auteurs antillais, langage beaucoup trop précieux avec accumulation d'un vocabulaire recherché, je dirai même inapproprié et parfois, un style faible.
Mais je recommande absolument ce livre car la vie de cette femme est extraordinaire à plus d'un titre et pour connaitre les Antilles et avoir habité aux Etats-Unis durant quelques années, sa vision des choses est juste et n'a hélas que très peu changée au 21ème siècle.
Bravo Monsieur Confiant pour avoir mis à l'honneur une telle femme !
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L'incroyable portrait de Stephanie Saint Claire, martiniquaise au caractère pugnace qui va s'affranchir d'un destin tout tracé dans son Ile natale, s'émanciper des barrières sociales d'une société ségrégationniste et machiste pour devenir une figure de la pègre de Harlem : Queenie la Reine de la loterie clandestine.
Le très beau portrait d'une femme extraordinaire, mais aussi une plongée dans un New York des années 20 en pleine effervescence entre prohibitions, petits trafiques et crise financière. Une ville, haute en couleurs, qui se construit au gré des flux migratoires d'une population Européenne et Afro Américaine fuyant misères et persécutions ; un joyeux foisonnement où l'on rencontre policiers corrompus, mafieux, gangsters, porte flingues, femmes de ménages serviles, courtisanes le tout se retrouvant dans des cabarets au nom évocateur tel que le Cotton Club. L'auteur nous donne l'occasion de découvrir l'avant-garde de la culture Afro Américaine et son intelligentsia dans les balbutiements de ce qui deviendra la lutte pour les droits civiques et nous livre de somptueux extraits de textes de Countee Cullen ou du Jazzman Duke Ellington.
Un livre entraînant, instructif et divinement écrit par la plume fougueuse et railleuse de Raphael Confiant
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Une vieille dame qui raconte sa vie, à un neveu juste là pour suggérer qu'elle ne parle pas seule, ça peut justifier des répétitions, des approximations, une chronologie floue... mais cette manière de raconter a noyé mon intérêt pour cette histoire réelle fascinante : une jeune créole martiniquaise devenue reine de Harlem au milieu des mafias (irlandaises, italiennes) et des Noirs américains.
J'aurais aimé une écriture plus resserrée, avec moins de redites, moins d'incohérences pour la crédibilité... J'aurais aimé entendre la voix de cette femme alors que j'ai surtout eu l'impression - à tort peut-être - d'entendre l'auteur se servant de ce personnage pour parler de l'identité, Noire et Créole. Et à force d'entendre nous les Noirs, eux les Blancs, eux les Yiddish, j'ai décroché, malheureusement.
J'aurais au moins appris l'existence de cette dame à l'époque de al Capone.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
... la règle d’or de la mafia : ne se tuer qu’entre soi et ne jamais, au grand jamais, toucher aux policiers, aux juges ou aux politiciens. Jamais ! Ces derniers, il suffisait de leur graisser la patte pour qu’ils deviennent aussi doux que des agneaux ou, pour certains, aveugles aux pires trafics. Et les trafics, tricheries, magouilles et compagnie, on trouvait ça surtout dans le milieu des courses où ça pariait des dizaines de milliers de dollars officiellement, et trois fois ou quatre fois plus clandestinement.
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À force de fréquenter ces gens, j’avais réussi à grappiller des bribes de leur langue si belle à l’oreille, mais si affreuse, à mon humble avis, à l’écrit. Tout particulièrement « Conàs a tà tu ? » (Comment vas-tu ?), expression qui me fut maintes fois utile plus tard lorsque à Harlem, la police se mit à me harceler et à m’arrêter sous des motifs divers. Nombre d’agents étaient irlandais ou d’origine irlandaise et il me suffisait de prononcer, quoique assez mal, quelques mots dans leur langue pour qu’ils s’attendrissent sur-le-champ et me laissent filer.
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Le début de l'une d'elle, en Sicilien, me revint à l'esprit et sans trop savoir pourquoi je me mis à la fredonner:

Mi votu e mi rivotu suspirannu
Passu la notti' ntera senza sonnu
E li biddizzi toi jeu cuntimplannu
Mi pasa di la notti sino a ghiornu..

Une sorte de miracle se produisit. Lucky Luciano, le grandissime chef de la mafia de New York ferma les yeux, s'agrippant au bord de mon fauteuil, et des larmes se mirent à couler sur ses joues. Des larmes douces et claires. Des gouttes de rosée dans la pénombre de l'après-midi finissant dans ce salon aux lourds rideaux à moitié tirés. Cette scène sembla durer une éternité. Son garde du corps, embarrassé, vint l'aider à se relever.
- Je...je vous fais une nouvelle offre, Madame Saint Clair..."
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Pas facile du tout d'intégrer ce milieu du business d'alcool clandestin et surtout de m'y faire une place, car il était hors de question pour moi de croupir dans mon état de gagne-petit. J'étais venue en Amérique pour réussir ma vie, c'est-à-dire avoir une maison confortable, des domestiques sous mes ordres, des employés dans l'entreprise que je monterais et des hommes aimants à mes pieds qui me couvriraient de fleurs et de bijoux. Ce n'était nullement un rêve, mais une certitude ancrée en moi dès l'instant où j'avais quitté ma Martinique natale, la prédiction d'une vieille quimboiseuse y étant pour beaucoup. Simplement une femme dans la mafia, c'était comme qui dirait un chien à bord d'une yole, selon l'expression créole qu'affectionnait ma mère. Un éléphant dans un magasin de porcelaine, disait ce bon français que je ne connaissais que par les livres.
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La nuit, après l'amour, j'avais, en bonne insomniaque, des difficultés à trouver le sommeil et j'observais mon amoureux qui respirait la bouche à demi ouverte, son visage d'ange couvert d'une fine rousinée de sueur. Est-ce que je l'aimais ? Était-ce vraiment cela l'amour, cet oublie du quotidien, cette désinvolture à l'égard du lendemain, cette impression qu'on avait l'éternité devant soi ? A force de sonder mon cœur, je découvris, à mon grand dam, qu'il ne chantait point, mais qu'il remerciait la personne qui se trouvait à mes côtés d'être là, simplement là. Cela aurait été une autre personne, belle d'une autre manière, serviable et dévouée à ma personne, mais d'une autre façon, que j'aurais éprouvé selon toute probabilité le même sentiment.
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