Les trains m'ont toujours fasciné et dans mes heures noires je songe à me jeter sous un train. Il n'est pas dit que je ne le ferai pas une nuit. Mais il me faut un grand train noir avec beaucoup de fumée et des lanternes rouges qui annoncent un abominable vacarme. On est là dans le noir, appuyé des coudes au passage à niveau, le coeur battant dans la nuit humide.
La machine hurlante arrive en trombe et puis c'est la rapide cavalcade des wagons qui font traîner des torchons de lumière jaune sur les haies et puis le monstre est passé suivi de deux étoiles rouges, des petites. La mort vous a oublié pour cette fois et on rentre chez soi avec un grand trou d'air dans la poitrine. Un trou qui y était déjà, mais que le vent du train a creusé encore un peu plus profond. p 31-32 (éditions La Dragonne 2013)
Quand on me parlait de ma facilité, c'était, bien sûr, pour sous entendre que je ne m'en servais pas assez. Comme si -- parce qu'on a quelque talent -- on avait été créé et mis au monde pour, tous les ans, ou tous les deux ans, faire son petit caca en trois cents pages ou en quatre actes !... p 16
Mais non, je ne suis pas mort. C'est bien plus pire ! Il faut dire que j'ai tous les inconvénients de la mort sans en avoir les avantages. Un moine sans foi, je suis. Et aussi un forçat innocent?
Voilà deux beaux et bons titres. Dont l'un a déjà été pris par Supervielle, d'ailleurs. C'est aujourd'hui la Pentecôte et je commence ce cahier qui sera, je crois, la relation du "rien".
Marcel Achard a écrit autrefois une pièce qui s'appelait "Celui qui vivait sa mort". Voilà encore un titre qui conviendrait à ce que j'écris pour vous.
Depuis combien de temps j'ai envie de m'expliquer ? Quoique cet ouvrage ne doive pas être un règlement de comptes. Oh non! Je n'ai de comptes à rendre à personne et personne n'a à m'en demander. La solitude m'endimanche tous les jours que le bon dieu défait et les "autres" ont depuis longtemps pour moi perdu leurs visages. (p.10)
Mais non, je ne suis pas mort. C'est bien plus pire ! Il faut dire que j'ai tous les inconvénients de la mort sans en avoir les avantages. Un moine sans foi, je suis. Et aussi un forçat innocent?
Voilà deux beaux et bons titres. Dont l'un a déjà été pris par Supervielle, d'ailleurs. C'est aujourd'hui la Pentecôte et je commence ce cahier qui sera, je crois, la relation du "rien".
Marcel Achard a écrit autrefois une pièce qui s'appelait "Celui qui vivait sa mort". Voilà encore un titre qui conviendrait à ce que j'écris pour vous.
Depuis combien de temps j'ai envie de m'expliquer ? Quoique cet ouvrage ne doive pas être un règlement de comptes. Oh non! Je n'ai de comptes à rendre à personne et personne n'a à m'en demander. La solitude m'endimanche tous les jours que le bon dieu défait et les "autres" ont depuis longtemps pour moi perdu leurs visages. (p.10)
"Passer le temps", voilà le mot qui m'entre dans l'âme comme un poignard et que tout le monde me dit. Vous écrivez ? ça vous passe le temps. Les autres, pour attendre la soupe, le sommeil, la sortie et la mort, jouent à la belotte, aux boules, regardent les images ou lisent- ceux qui peuvent. Moi, j'essaye de présenter sur un plateau d'or toute ma vie déchirée et on trouve que je passe le temps ! Vous leur offririez à tous votre cœur saignant qu'ils regarderaient comme un marchand de peaux de lapins considère une pièce fausse. Mais ne nous mettons pas en colère. (p.70)
André de RICHAUD – Une Vie, une Œuvre : 1907-1968 (France Culture, 1990)
Émission "Une Vie, une Œuvre", par Jacqueline de Roux, diffusée le 3 mars 1994 sur France Culture. Invités : Maurice Baquet, Pierre Seghers, Pascal Mazzotti, Georges Abbé, Robert Morel, Léon Gabriel Gros et François Marie Lemonnier.