Attention, titre trompeur ! Ce recueil de textes tardifs de l'auteur rassemble bien des récits et exposés liés aux deux conflits mondiaux, mais aussi des compte-rendus de voyages plus ou moins commémoratifs en URSS de 1975 à 1988, puis de simples souvenirs de vacances, à travers divers pays d'Europe, pour finir par des notations pleines de fraîcheur sur son Haut-plateau, entrelaçant présent et passé dans le va et vient des impressions et notations.
Au total un ensemble décousu et souvent décevant... Les tentatives d'exposés sur les opérations militaires italiennes au cours des deux guerres mondiales manquent de clarté, faute de vue d'ensemble, et l'auteur se perd dans un détail confus de précisions mal datées et de souvenirs mal localisés... Quant au récit des différents voyages officiels en URSS, on voit que l'écrivain est victime d'un à priori positif qui lui fait accepter les comptes-rendus ronflants et les circuits de l'Intourist, au détriment de son esprit critique, ce qui est bien ennuyeux... Puis le miracle opère, et Rigoni Stern redevient émouvant et sensible dans le retour sur les lieux de sa "retraite de Russie" au moment de la débâcle italo-allemande de 1943 devant l'armée rouge. Les notations sur un village de montagne au Portugal, sur les oiseaux aquatiques en Frise, sont un pur régal...
Rigoni-Stern, ce grand écrivain, n'est jamais aussi émouvant et suggestif que lorsqu'il laisse parler son coeur et admire les beautés de la nature, car dit-il "les vieillards sont par nature bougons ou taciturnes, je me sens démodé et même déconnecté". Ce recueil contient un peu trop de réminiscences nostalgiques et décousues, mais atteint de temps à autre à la pure beauté.
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Un itinéraire de la mémoire à travers la Première et la Seconde guerre mondiale à laquelle le grand narrateur de Asiago a déjà dédié tant de pages inoubliables,bouleversantes et très amères. Les récits du livre parcourent les vastes terres enneigées,depuis la lointaine Russie de l'Armir jusqu'à celles des Alpes,théâtre tragique de tant de batailles.Anecdotes,petits éclats d'histoire oubliée se mêlent aux grands évènements narrés dans les livres.Même chose dans la galerie des personnages: aux héros notoires dont les noms se sont transmis,s'ajoutent des figures minimes,des ombres fugitives qui,si ce n'était Rigoni Stern,ne seraient plus dans les mémoires.
C'est un livre riche de souvenirs tragiques mais aussi de descriptions de moments insouciants et des compte-rendus de ses voyages dans les pays de l'Est où il cherche à retrouver des traces de la tragédie qui a tué des milliers de soldats italiens dans la terrible Russie;
Je ne retiendrai pas les faits datés et narrés avec précision, mais l'ensemble se lit avec le cœur serré.
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Des fragments, comme résultants d'une explosion... Trop éclatés, mais parfois très beaux.
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En Frise
Je pouvais voir aussi les nids cachés dans des trous bas parmi les herbes, ou flottants, dans lesquels les femelles avaient commencé à couver : le mâle voletait au-dessus peut-être encore non satisfait. C'était un chatoiement de lumières, d'air vif que des ailes agitaient, d'appels sur la couleur brune de la terre à peine arrachée à la mer : stupeur de la vie à l'arrivée du printemps.
Le 25 décembre, à Athènes, Metaxas écrivait dans son journal personnel: "Comme ils doivent souffrir mes pauvres soldats! " A Rome, le même jour; Mussolini, au chaud dans son bureau du Palazzo Venezia, disait à Ciano: "Ce froid et cette neige sont parfaits, ça va nous débarrasser des mollassons, et cette race italienne médiocre y gagnera..." p.85
Beaucoup d'Occidentaux ne comprennent pas encore ces gens qui aiment s'arrêter devant les tombes des poètes, les couvrir de fleurs fraîches, déclamer, émus, leurs vers, voire discuter de leur interprétation, comme il m'est arrivé d'observer un dimanche matin. La tombe de Vladimir Vissotski — acteur, compositeur de ses propres chansons, mort il y a huit ans — était entourée de plusieurs dizaines de garçons et de filles qui apportaient des fleurs et qui restaient là en silence, ou qui jouaient de la guitare devant le monument funèbre, tandis que de petites grand-mères débarrassaient le marbre de la cire qui coulait des chandelles, et disposaient les bouquets tout autour jusqu'à couvrir le passage.
Un cimetière militaire en Belarus
Là, sous cette herbe et sous ces arbres, il y a nos morts, presque tous des alpini tombés pendant la période où nous sommes restés sur le Don. Au-dessus d'eux une enfant fort gracieuse, et légère comme une libellule, danse en agitant en rythme un long ruban d'un bleu céleste. Un nœud me serre la gorge et je dois m'éloigner de notre groupe pour ne pas montrer mon émotion. À mes lèvres affleurent les noms d'amis fraternels et généreux avec lesquels j'ai chanté et souffert, ainsi que leurs visages, leurs paroles, leurs espérances.
L'armistice fut signé à 18 h 40 le 3 novembre, entrant en vigueur à 15 h le jour suivant. Pour nous et pour l'Autriche-Hongrie la Grande Guerre était finie, mais là où elle était passée, il ne restait que désolation et mort.
"Altipiano ou cheminer avec Mario Rigoni Stern", Loïc Seron, éd. Rue d'ULM EDS
Un beau livre conseillé par Stéphane Nappez, co-fondateur de l'association Baraques Walden.
Entretien mené à l'Abbaye de Jumièges. (Département de la Seine-Maritime)
Vidéo : Paris Normandie