Morny : Un voluptueux au pouvoir

Les scrupules n'étouffaient pas Morny quand il s'agissait de faire fortune. On retrouve ici un exemple cinglant du cynisme et de la cupidité du demi-frère de Napoléon III.
Entre 1845 et 1865, une phrase courut dans les milieux de la finance, une simple petite phrase qui, comme par une sorte de pouvoir magique, ouvrait les coffres des banques et faisaient jaillir les économies des épargnants. Il suffisait de murmurer: Morny est dans l'affaire...Pour que aussitôt, une foule de spéculateurs de toutes sortes et de toutes origines, tous, voulaient y être aussi.
Le flair de Morny pour repérer les opérations fructueuses étaient bien connus! Il était placé au meilleur poste d'observation, au courant de tous les tuyaux de la Bourse, avant même qu'ils ne soient divulgués. le demi-frère de Napoléon III ne laissait jamais passé l'occasion de réussir un bon coup. Plus encore que l'attrait de l'argent, c'était celui du risque qui le guidait. Il aimait ce jeu dangereux qui constituait à tout miser sur sa chance; d'ailleurs il le disait lui-même: Je n'ai gagné de l'argent que pour le plaisir, mais il m'est arrivé d'en perdre avec tout autant de plaisir.
Le duc de Morny ne gagnait pas toujours, et peu lui importait pour cet homme, pour lequel l'existence n'offrait d'intérêts que par ses incertitudes. Une fois engagé dans une entreprise, il allait jusqu'au bout, et quelque qu'en fût l'issue, il y puisait des émotions qui le ravissait. Ce que l'on sait sur la construction du canal de Suez qui bouleversa les trafics commerciaux en racoucissant considérablement les distances entre l'Asie et l'Europe, Morny était moins sensible à ces formidables perspectives économiques qu'au pot-de-vin tout aussi formidable que lui versa l'Angleterre pour empêcher la construction de l'ouvrage. Une telle somme a de quoi étouffer bien des scrupules, il voit dans l'opération le couronnement de sa carrière, car il connaît l'influence qu'il possède sur l'empereur. Et sa tâche première consiste à saper l'entreprise de Lesseps. C'est alors que l'affaire du canal va prendre l'aspect d'un vaudeville aux rebondissements aussi cocasses qu'imprévus. Mais par un étrange caprice du destin, Lesseps détient une pièce maîtresse, une lettre imprudente écrite à Morny par Nubar Pacha, le nouveau ministre égyptien des affaires étrangères, toujours présent à Paris. Cette lettre parvient à Morny le 10 mars 1865, c'est à dire le jour même de sa mort. Sa mort sonna le glas des espoirs britanniques. Et quatre ans plus tard en 1869, le canal de Suez était triomphalement inauguré, en présence de l'impératrice Eugénie.

Le duc de Morny est un enfant né hors mariage.
Il est le demi-frère de Napoléon III par sa mère Hortense de Beauharnais.

Cet homme est plus connu par sa vie personnelle dépravée, que par sa vie publique. C'était un homme d'affaires de génie, grand visionnaire au niveau politique.
Il est celui qui a installé son demi-frère en décembre 1851 sur le trône par un coup d'état, mais dont le mérite ne sera pas immédiatement reconnu car la faiblesse de caractère de Napoléon l'entraîne à se laisser guider par ses favoris.
C'est Morny qui a été le grand penseur de la modernisation de la France et qui a donné du lustre au Second Empire.
On lui doit, en particulier, l'introduction du suffrage universel.

« Dans ma lignée, nous sommes bâtards de mère en fils depuis trois générations. Je suis arrière-petit-fils de roi, petit-fils d'évêque, fils de reine et frère d'empereur » dira de lui le duc de Morny. Il y a en effet de quoi être fasciné par ce personnage dont Jean-Marie Rouart nous fait un portrait haut en couleur dans le sillage De Balzac ( personnage de Marsay), mais sur un ton plus léger..
Il semble que l'auteur se soit glissé , le temps d'un récit, dans la peau de son « héros » car les moindres de ses faits et gestes sont étudiés à la loupe comme s'il l'avait connu personnellement . A la faveur d'une solide documentation,l'académicien nous fait pénétrer dans l'intimité de l'aristocratie du Second Empire avec ses heurts et ses malheurs et nous en apprenons beaucoup sur cette période bien souvent escamotée dans les livres d'histoire.
La plume alerte de l'auteur , son esprit très français et la richesse d'une langue qu'il sait manier avec talent ,nous font revivre la grande et la petite histoire et transforment cette biographie littéraire en un roman historique, comme si la réalité devenait fiction.

Le talent d'écriture de Jean-marie Rouart donne à ce portrait de Morny un relief particulier qui rend le personnage à la fois complexe, odieux, charmeur, réaliste et jouisseur. le livre se lit d'une traite et donne envie de mieux connaitre l'oeuvre de l'auteur...

Celui-là n'est pas connu
Pourtant, très certainement une des personnages majeurs du second empire
Période charnière de la mutation de la France rurale en France industrielle
Ici le biographe fait merveille : il creuse l'apparente vacuité de cette période, et nous donne envie d'en connaitre u n peu plus sur N3 ...

Affaire à suivre donc,