Robert Harris est le grand maître de la fiction historique avec des oeuvres situées dans l'Empire romain de l'antiquité (
Pompéi, Lustrum...) les 2 guerres mondiales (l'affaire Dreyfus,
Munich,
Enigma ...), une uchronie ("
Fatherland") et quelques autres ouvrages comme son thriller au Vatican ("
Conclave"). Ses livres sont traduits dans une quarantaine de langues et rien qu'avec le succès de son "
Fatherland" il a pu s'acheter une grande maison de vicaire à Hungerford (à peu près 75 km à l'ouest de Londres) où il vit avec son épouse, l'écrivaine
Gill Hornby, et leurs 4 enfants.
Dans une brève introduction de juste une page, l'auteur explique que son "V2" est une oeuvre de fiction située dans un cadre historique factuel : le lancement de missiles nazis sur Londres. À côté de personnages véridiques, comme le général SS Hans Kammler (1901-1945) en charge de cette "opération militaire" par exemple, figurent les créations de l'auteur. L'histoire se passe en 5 jours fin novembre 1944.
Les V2s étaient des missiles balistiques conçus par une équipe d'ingénieurs et savants sous la conduite du célèbre
Wernher von Braun (1912-1977), qui aura après la guerre une belle carrière à la NASA (l'administration américaine d'aéronautique et de l'espace) et qui a fréquenté Eisenhower, John Kennedy et ...
Walt Disney.
V2 est le diminutif de "Vergeltungswaffe" 2 ou arme de représailles, comme si les Boches n'avaient pas commencé la guerre en 1939-1940, mais les Anglais ! le site de conception et développement des missiles se trouvait à Peenemünde en Poméranie sur l'île d'Usedom en mer baltique.
Le récit démarre à cette date dans la ville côtière de Schéveningue (La Haye) aux Pays-Bas par l'arrivée de Berlin du Sturmscharführer (major) de la Wafffen SS Biwack, charger de vérifier les manoeuvres contre le Royaume-Uni et de surveiller le colonel Walter Huber de l'armée régulière et chef de la base allemande. Chez les nazis ce n'est pas la confiance qui règne et un perdant de la Première Guerre mondiale, il vaut mieux s'en méfier.
Biwack est étonné par l'âge du scientifique responsable de la base qui n'a que 32 ans, le même âge que
Wernher von Braun avec qui il a d'ailleurs fait ses études. Au jeune dr. Rudi Graf, Biwack murmure : " Donc, tu es un de ces génies grâce à qui nous allons gagner la guerre ?"
Graf réplique que comme il s'agit d'une technologie absolument révolutionnaire, le projet présente encore de nombreuses erreurs techniques.
Quoi qu'il en soit, le duo assiste au lancement d'une V2 et Biwack n'en reste pas seulement sourd - c'est le plus grand bruit produit par l'homme - mais contre son habitude aussi muet, tellement qu'il est abasourdi par le spectacle.
Même un pacifiste comme moi ne peut être que fortement impressionné par la prouesse scientifique d'arriver à lancer un engin de 8 mètres de longueur et d'un poids de 4 tonnes vide ou 12 et demi tonnes chargé en 4 secondes à 2000 mètres d'altitude.
Les Britanniques ne restent, bien entendu, pas inactif devant l'ampleur des conséquences catastrophiques de telles attaques horribles et comme ils ont gagné la guerre aérienne de 1940 contre les nazis, ils n'y a pas de raison pour eux pour ne pas se prémunir d'une défense et riposte adéquate.
Je laisse à
Robert Harris, qui s'est drôlement bien documenté, le soin de vous exposer l'attaque et la riposte à sa façon habituelle de raconteur-né. Il nous charme entre autres avec la mission secrète de la belle Kay Caton-Walsh, une volontaire et officier de la WAAF ("Women's Auxilliary Air Force"), qui part en Belgique clandestinement en vue de localiser la base de lancement des V2.
Il est vrai que la ville d'Anvers a reçu plus de V2 que Londres. Environ 4000 V2 furent lancés : 1135 tombèrent en Angleterre et 1664 en Belgique, dont 1610 sur Anvers. Un certain nombre a heureusement terminé son vol en la mer du Nord.
Pour les personnes intéressées par l'origine, la fabrication, la "distribution" et l'impact infernal de ces fusées,
Robert Harris a ajouté, en fin de volume, une bibliographie fort détaillée.
"U2" est le genre de livres qu'on ne dépose pas avant la fin, une fois par malheur ou bonheur en avoir commencé la lecture.
Par ailleurs, un excellent cadeau pour Noël ou le Nouvel An.