Petites chroniques

La 4ème de couverture signée de l'auteur donne une idée précise de ce recueil dans lequel le lecteur éprouvera du plaisir à se perdre.
« Les petits faits vrais du passé, ceux que les chroniqueurs relatent avec imprécision ou réticence, et que négligent les historiens, ouvrent parfois dans mon temps, dans mes journées, quelque chose qui s'apparente à des vacances. Je veux dire qu'ils deviennent repos et divertissement, comme la lecture d'un livre d'aventures ou d'un policier… »
10 contes dont le dernier, Borges l'inexistant attire l'attention.
La nouvelle fait référence à l'article de la revue argentine Cabildo, affirmant que Borges n'existe pas et serait une invention de plusieurs auteurs dont Bioy Casares et Manuel Mujica Lainez.
Le non voyant de Buenos Aires qualifié de « théologien athée » qui fait « confluer la théologie dans l'esthétique » qui affirme « ce n'est pas Dieu qui a créé le monde : ce sont les livres qui le créent. » ; qui « fait de l'Ajar sans le savoir »
Quel plaisir de lire, pour les fans irréductibles de l'Argentin, des concepts tels que « le point de soudure de la circularité borgesienne » ou encore « la nouvelle de l'inexistence de Borges est une invention qui se situe dans l'ordre des inventions de Borges »
Qu'importe au fond que Borges existe ou pas, dès lors que je peux lire ses livres ?
La 4ème de couverture est l'incipit de la nouvelle Mata Hari à Palerme, autre curiosité du recueil.
La question se pose de savoir pourquoi la danseuse incarnée à l'écran par Greta Garbo, après s'être produit à Paris aux Folies Bergères se retrouve au Trianon de Palerme où elle monte sur scène deux fois par jour.
Ce que retient Sciascia, ce sont les articles trompeurs et bourrés d'erreur de la presse locale. On retiendra que « le public l'a longuement applaudie (…) » et dès la deuxième représentation « (…) l'art de la belle danseuse sera mieux compris et apprécié dans toutes ses finesses. »
Le lien entre Borges et Mata Hari est évident, peu importe qu'ils existent ou non ; si je peux lire de l'un les ouvrages et de l'autre lire dans la presse que « Puccini en est un fervent admirateur… »
A suivre….

Pas facile de suivre Sciascia dans ses petites chroniques historiques et romancées(?) D'une part l'écriture est soutenue voire sévère et d'autre part les sujet ardus: la politique en Italie et autres faits de société On a un florilège de sujets quand même assez éclectiques et de bon aloi. la politique ce n'est pas simple mais quand on l'applique a l'Italie ça devient un casse-tête Il n'y pas de royaume d'Italie mais des peuples d'Italie et des politiques et en général lettrés qui cornaquent ces peuples les suivent ou essayent de les freiner en bref qui les manipulent
Des chroniques un peu difficiles à appréhender du fait du contexte embrouillés de ce royaume d'Italie, des noms de personnages et des faits locaux qui ne nous évoquent pas grand-chose, des pages de l'histoire italienne. Des tranches de vie qui n'ont de valeur que par la prose de Sciascia qui arrive pourtant à nous ferrer sur des faits qui l'ont interpellé en tant qu'historien et feuilleteur compulsif d'archives Et on apprécie !

En politique
Une histoire de meurtre et de châtiment des coupables, gens bien nés qui pensaient assassiner sans être inquiétés du fait de leur naissance.

L'inquisition avec ses fervents soutiens et ses abolitionnistes et parfois des accusateurs qui deviennent admirateurs d'hérétiques et qui ne sont en fait que l'autre face de la même médaille

La chronique d' Alessandro Manzoni (grand écrivain engagé du XIX siècle) est plus accessible car moins factuelle et plus générale. Les embrouillaminis des politiques italiens Manzoni a des relents de culpabilité de ne pas avoir empêché le lynchage, à coup de parapluies, du ministre des finances Giuseppe Prina « Prina ! Prina ! le jour s'approche » mais Manzoni est resté coi comme beaucoup d'autres !

La guerre picrocholine de Garibaldi en Sicile contre les armées bourbonnaises menées par le fringant et ubuesque général Bosco et ayant comme chroniqueur le curé Buttà d'une mauvaise foi inégalable qui dénonce l'incompétence et la trahison des officiers

Le prince Pierre Bonaparte un rejeton de l'illustre famille de napoléon « le petit » n'ayant ni l'intelligence de celui-ci ni sa grandeur Sorte de lansquenet sans cervelle assassin à ses heures qui aurait inspiré un personnage de de Beyle Une petite frappe quoi !

En fait divers
L'assassinat de Rosetta par la police Une demi-mondaine en fait arrêtée et soupçonnée d'avoir ingurgité du poison pendant son arrestation Toutefois cela n'explique pas les traces de coups violents non consignées à l'autopsie ni les nombreux témoins qui n'ont pas été interrogés ni le frère handicapé violemment tabassé, la présence d'un garde déjà impliqué dans des violences policières bref comme on dirait aujourd'hui La (grosse) bavure

Mata Hari en représentation à Palerme dans un théâtre de second classe indigne de sa réputation
Besoins urgent de fonds, erreur de casting ou en mission secrète ?

Éloge d'un futur écrivain Antonio Borgese futur gendre de Thomas Mann veut étudier à Palerme. Les études coûtent chères mais la famille accepte en espérant un retour de leur investissement Mais voilà Antonio n''est pas attiré par le droit mais par la littérature. La famille fait la grimace mais Antonio suit sa voie et réussit à percer.

Mea culpa d'un bourreau au Chili Un bourreau et tortionnaire fait un repentir auprès de l'église pour les meurtres et tortures qui lui sont demandées par la junte au pouvoir

Borges n'a pas existé affirme une revue argentine !

Sciascia un bon historien, un bon chroniqueur, un bon romancier

Des anecdotes intéressantes, parfois surprenantes, parfois sanglantes sur l'Italie mais aussi les neveux de Bonaparte, Mata Hari ou une figure de tortionnaire chilien... le style de Sciascia est acerbe, élégant. Basé sur des documents rares mais fiables. À lire.