Je reviens vers cet auteur, une réminiscence soudaine, le livre sur son étale dans ce classement alphabétique de cette enseigne grand public,
le parfum des fleurs la nuit respire le printemps, ce titre est une invitation au voyage florale des sens, la flagrance des essences enivre mon inconscient pour m'imaginer dans ce jardin et m'y perdre, en aparté du titre, Ma nuit au musée, en bas , sous la photo de l'auteur d'un bordereau habillant ce roman broché, le noire teinte ce roman broché, de la taille proche de celui de poche, je lis le début de la quatrième de couverture, pour survoler la trame, ayant déjà lu deux de ces romans,
Dans le Jardin de l'Ogre et
Chanson douce puis un recueil d'articles regroupés dans un livre sous le titre,
le diable est dans les détails, je me laisse guidé par cet instinct, je connais ce style, je me laisse porté par ce que je n'ai pas oublié de ces moments de lectures fort agréable et de ces intrigues dérangeantes, animant mon plaisir.
Le double titre,
le parfum des fleurs la nuit en première de couverture, comme le principal de ce roman, et plus bas en filigrane, Ma nuit au musée, comme une parenthèse, je ne l'avais pas vu ,de prime abord, comme si, il répondait secondairement à l'émotion majeur de cette prose, étant le support de ces effluves venant jaillir dans la chair et les mots de
Leïla Slimani, pour laisser revivre ces choses qu'elle n'a pas oublié. Je viens de finir Comme un chant d'espérance de Jean d'Ormesson, un livre sur le rien, comme le voulait
Flaubert,
Leïla Slimani écrit aussi sur le rien, celui qui nous anime, ce rien et le tout de notre quotidien et de ses incertitudes, le cheminement de notre vie et de ses humeurs, son roman débute par une errance de notre auteur sur sa vie littéraire, son habitat pour écrire et un certain vague à l'âme, les mots vivent l'instant présent que nous laisse entrevoir l'écriture qui chante le coeur de notre auteur, comme si le rien qui l'entoure était une musique lancinante vibrant son enveloppe se transposant dans la plume vivante de sa chair , celle de la littérature, héritage lointain de son
enfance et plus précisément de son père. Doucement
Leïla Slimani nous fait voyager vers une destination qui explique le sous-titre, celui du projet d'une nouvelle collection que lui propose son éditrice, dormir une nuit dans un musée, la Punta della Dogana, un monument mythique, une ancienne douane transformée en musée d'art contemporain, cet enfermement sera l'occasion de cette échappée belle pour, Ma nuit au musée, et surtout de sentir vivre notre auteure dans ces élucubrations, qu'elle avoue, sachant que la vie continue.
A la différence de ces deux autres romans que j'ai lu précédemment, deux trames où l'une est une femme prisonnière de ses pulsions sexuelles dévorantes, l'autre une femme perdue dans sa névrose, deux histoires sorties de l'imaginaire de cette écrivaine,
le parfum des fleurs la nuit entrouvre une partie son intime, dévoilant cette énergie pour écrire, sa stimulation, cette origine
invisible vous inspirant, puis comme je l'ai écrit en introduction, le passé se réveille, s'introduit dans sa mémoire pour noircir les pages blanches de cette aventure solitaire de l'écriture. A travers ses lectures
Leïla Slimani oeuvre le cheminement personnel de sa voix au fil des aveux des autres auteurs, citant
Léon Tolstoï, disant de son héroïne
Anna Karénine qu'elle était partie, lors des pages blanches pendant l'écriture de son roman culte du même nom, attendant qu'elle revienne, l'obsession de cette phrase lui hante l'âme, ces personnages aussi la fuit, c'est la difficulté d'un écrivain de trouver son environnement pour l'inspiration et le calme pour écrire, le non semble être ce moyen pour notre auteure, l'isolement, fuyant « la condition humaine » de sa vie réelle, n'oubliant pas,
Chanson douce dans son écriture, elle n'a jamais été aussi heureuse. Elle a cette phrase, «Écrire c'est découvrir la liberté de s'inventer soi-même et d'inventer le monde. », c'est cette libération qu'elle va découvre dans le fruit de son travail d'écrire, ce pouvoir absolu de faire selon ces désirs , de ne plus avoir d'entrave, de dictat familiale, ce souffle nouveau va la guider vers cette île de tous les possibles, inventer ,créer, comme son personnage d'Adèle, ce fruit défendu, son héroïne, face à une oeuvre du musée,
le Rideau de Felix González-Torres, mort du sida en 1996, lui rappelle sa perception du monde à travers un rideau de sang, que personne ne voit, ce corps la possède, elle est maitre de sa personne, elle aime cette souffrance pour se sentir vivante, elle existe dans masochiste sexuel,
Leïla Slimani évoque
Kundera, « la monotonie de la vie corporelle », celle qu'elle éprouve, ce qui est au coeur de son oeuvre, notre auteure exprime naturellement ce qui contamine sa chair, qu'elle maitrise dans ces écrits à travers ces personnages, c'est surement un mal humain chez beaucoup, ou juste une réalité humaine que l'on tente d'effacer par faute de compréhension et de valeur puritaine sociétale, entre la religion monothéiste et ces valeurs propres à chaque pays, selon des traditions et des us, c'est la puissance de masse face à la légèreté de chacun.
Cette nuit solitaire dans ce musée, à courir pieds nus les allées et salles, de ces oeuvres contemporaines, la laissant de marbre la plupart du temps, d'ayant pas les codes des musées occidentaux, ni de cet nouveau abstrait, cette banalité d'objets exposée , une simplicité qui pour ma part reste inerte à mon regard, n'étant pas du tout initié comme
Leïla Slimani, cet art murmure seulement à un petit groupe élitiste, ce club fermé, cette minorité de puriste s'exaltant devant une banane accrochée à un tableau, pour y être mangée, ce n'est pas le cas dans l'exposition que visite notre auteure, elle va découvrir sa madeleine de
Proust, ce parfum va la propulser dans son passé lointain, à jamais emprisonné par ce galant, « mesk el arabi », et l'écho des mots de son père tinte en elle, comme le refrain d'une chanson qui vous ensorcelle, « Vous sentez ? C'est le galant de nuit ! », fenêtre ouverte, les parfums viennent tout le temps émerveiller son père, cette odeur comme le dit sa fille dans ce roman, « entêtant et sucré », l'émeut, perlant son regard de larmes, c'est l'odeur de son pays, de son
enfance, qui lui semble englouti et disparu. Son père, celui avec sa mort la libéra de cette prison inconsciente familiale, lui donnant cette force pour écrire, surtout la liberté de pouvoir le faire comme beaucoup de plaisirs, sans l'obstacle paternel, elle remercie à sa manière la mort de ce père qui lui a peut parler, de ce dialogue presque absent entre ces deux êtres de même sang, ce lien indéfectible, gravé à jamais dans leur chair et cette mémoire du temps, je comprends
Leïla Slimani, ce regard réaliste sur la mort de son père, lui ouvrant les portes de sa plénitude, ce souffle d'oxygène la propulsant dans la vie qu'elle mène, ce musée en devient une prison, comme celle connu par cet homme, une erreur judiciaire le tuant, cet enfermement qu'il n'a pas choisi, sa fille la voulu, cet antagoniste survit encore entre sa fille et son père, c'est la continuité du temps, la poursuite de leur relation continue à être la même, sera-t-elle, un roman, une voix nouvelle dans l'oeuvre d'une fille aimant son père, n'oubliant pas une photo de lui peignant, une autre avec un roman ,
Paul Auster, qu'elle lira sans le finir, le perdant lors de ces multiples
voyages, ne cherchant pas connaitre la fin de lien qui l'unit à jamais avec son paternel, je suis presque admiratif par ce lien, je ne le connais pas, et sans en être jaloux, je le comprends, sans l'avoir connu et exprimé, étant hermétique à cette sensibilité des liens géniteurs, et de mes aïeux, c'est une autre histoire !
Je dévore ce livre avec gourmandise, je l'ai lu rapidement , puis je l'ai relu lentement, je l'ai digéré comme si c'était un festin, avec lenteur et plaisir, pour m'en imprégner, c'est un livre sur le lien entre nous et ce qui nous entoure, comme ceux qui visite un musée, certain reste devant des oeuvres, inertes, d'autres sont bavards, ces oeuvres sont vivantes que sous le regard de ces passants, comme le dit Marcel, c'est le regardeur qui fait l'oeuvre d'art, je ne suis pas de cet avis, l'oeuvre est vivante en soi, sans personne , il n'aura rien, juste la banalité d'un oeuvre qui se plait d'elle-même. Je suis assez prolixe, c'est un livre assez court, cette nuit au musée à pour notre plus grand plaisir, cette tiédeur intime que nous offre
Leïla Slimani, cette femme happée par la nuit, de son prénom signifiant la nuit dans la langue arabe, elle aime la nuit, elle est attirée par la nuit, son prénom étant un simple hasard ou une destinée, celle de la vie, celle de ce roman.
C'est la quatrième fois que j'éprouve ce plaisir de lire, et de faire cette ébauche prosaïque d'une critique sur un livre de
Leïla Slimani, j'aime l'émotion et l'écriture de cette femme de lettre, merci pour ces instants rares de liberté !