Y a pas d'heure pour les ordures !
En 81 pages en noir et blanc, qui avaient été prépubliées sous forme de cinq petits journaux datés de 1959 et imprimés sur du vrai papier journal avec des rubriques annexes, en l'occurrence à chaque fois un article d'actualité de l'époque concernant l'affaire de
Pierre Lebedel, un papier se rapportant à un sujet social brûlant d'alors de
Dominique Grange (l'épouse de
Tardi, une chanteuse engagée et militante) et une critique de films sortis à ce moment-là signée de
Michel Boujut (l'un des pères de l'émission de télévision ‘Cinéma, cinémas', mort en 2011) -ces articles figurent en introduction à l'histoire elle-même au début de cet album sur 12 pages supplémentaires-,
Jacques Tardi adapte en 2006
Pierre Siniac (1928-2002, un de ces originaux de la littérature policière française, un maître de l'absurde, dont
Tardi raffole, auteur notamment de ‘
Aime le maudit',
Femmes blafardes' et ‘
Monsieur Cauchemar' dont cette BD est l'adaptation -le roman avait d'ailleurs déjà été une fois adapté sous cette forme par le Belge
André Benn en 1987 sous son titre original-) et nous fait cadeau d'un de ces romans graphiques dont il a le secret : surprenant, pas forcément très crédible, mais prenant quand même, ne serait-ce qu'à cause de l'ambiance qu'arrive à créer le dernier des Communards, surtout quand il dessine Paris et ses quartiers, de nuit et dans le brouillard, sous l'influence de Gustave le Rouge.
L'histoire justement : en Février 59, la police fait grève pour revendiquer l'allocation d'une prime de risque après l'assassinat de six de leurs collègues ; et pendant ce temps-là un mystérieux étrangleur tue ; le petit Alphonse, fils d'assassin adopté par le flic qui a arrêté son père autrefois, se voit proposer par un ami bouquiniste, auquel il a l'habitude de voler les romans policiers qu'il ne peut s'acheter, d'accompagner celui-ci dans les rues de Paris la nuit afin d'y voir des victimes soumises se laisser étrangler sans piper mot par l'étouffant criminel…
Si vous avez du mal à dormir la nuit, arpentez donc notre belle capitale aux côtés de ce duo d'enfer, qui a tout dans la pipe et rien dans le cigare, sous les réverbères blafards et sur les pavés luisants d'un Paris revu et corrigé par le
Fritz Lang de ‘M le Maudit', à la recherche du petit frisson qui vous mènera au petit matin gris !