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EAN : 9782130730040
224 pages
Presses Universitaires de France (30/08/2017)
4.39/5   36 notes
Résumé :
« Je vous réprouve, vous qui existez, dit Jésus dans L’Apocryphe de Jacques, devenez semblables à ceux qui n’existent pas. »
Si la divinité est le plus faible des êtres possibles, pour la défendre, il faut se faire soi-même faible. Si la divinité est sans pouvoir, il faut se faire soi-même puissance sans pouvoir. Si la divinité est invisible, il faut se faire soi-même imperceptible.

Comme dans un conte célèbre, seul l’enfant est assez petit e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Jésus finira par triompher ! (ne fermez pas la porte, on ne fait pas partie des Témoins de Jéhovah.)
Jésus s'est résigné à faire deux-trois concessions pour que son message traverse les millénaires au-delà des pouvoirs temporels. Il savait qu'il faut parfois faire figure basse en attendant que son heure arrive. C'est la raison pour laquelle Jésus n'a pas confié le dépôt de son message à ses meilleurs potes : Jean, qui était son plus grand fan, n'aurait pas permis au message de sortir du cercle de ses admirateurs et Marie de Magala, en tant que femelle, n'avait strictement aucun crédit. Alors Jésus a choisi de confier cette mission à Pierre, le plus borné de ses disciples, celui qui traînait avec lui sans trop savoir pourquoi ; mais il était aussi « le meilleur administrateur, rendu d'autant plus zélé dans la perpétuation du culte de Jésus qu'il se sentait coupable de l'avoir renié par trois fois ». Jésus était malin : il n'écoutait pas les penchants de son coeur et savait reconnaître les qualités de ses employés au-delà de leurs différents idéologiques. de plus, Jésus avait foi en l'humanité et il savait que, même si son message serait un peu transformé par les pouvoirs temporels au fil des siècles, soumis au grabuge du temps qui passe, il serait possible aux coeurs purs de le retrouver dans sa forme originelle par l'intuition spirituelle. « le but était que, par une suite presque ininterrompue de falsifications, de réfutations et de dénonciations, l'accès au coeur de sa parole ne soit jamais perdu ».

Pacôme affirme que le coeur de ce message a été préservé hors des cercles du pouvoir par les sectes gnostiques, par les hérétiques (Pacôme cite notamment les cathares qui bénéficient d'une aura dramaturgique sans équivalent puisqu'ils se laissèrent buter par les soldats du Roi, suivant leur principe de reniement du monde dans un fuck généralisé), dans le soufisme sunnite etc. Cette connaissance originelle faillit renaître au cours de la Renaissance hermétiste mais le siècle des Lumières advint, qui n'alluma que les Lumières des futurs supermarchés en germe dans l'esprit matérialiste à venir. « le capitalisme n'est rien d'autre que la continuation de l'Eglise par d'autres moyens : un permanent « millénaire » où un groupe d'élus se réjouit dans un Paradis à l'image de sa sordide mesquinerie, en observant ses victimes, les « damnés de la terre », souffrir dans une plainte continuelle. »

Le romantisme qui advint ensuite est comme une sorte de longue plainte mélancolique chantant l'éloignement croissant de l'homme d'avec l'essence du message gnostique. Les hommes de lettres de cette époque semblent devoir se crucifier sans cesse pour rappeler que ce monde est faux, mais sans véritable succès puisque la complaisance dans la souffrance continue de falsifier le message christique. C'est après ces années d'ébullition romantique que les manuscrits de Nag Hammadi furent découverts. Pour Pacôme, ce n'est pas un hasard : les textes apocryphes contenus dans ces jarres furent comme un brûlant rappel du message originel contre le dogmatisme canonique chrétien récemment mué en capitalisme. C'est comme si, voyant que les humains n'allaient finalement pas réussir à conserver vivant le message christique, l'univers s'était dit : c'est le bon moment pour leur balancer ça à la gueule. « L'objectif de la Bibliothèque de Nag Hammadi, c'est de nous aider à en finir avec notre servitude sentimentale par une alliance nouvelle entre l'amour et la solitude et avec nos hontes esthétiques par une sacralisation libre de l'imagination à travers l'exégèse sacrée. L'objectif de la Bibliothèque de Nag Hammadi c'est de nous aider à en finir avec notre timidité politique par le rappel de nos victoires récentes, invisibles mais bien réelles, contre les puissances spirituelles et matérielles qui n'ont cessé de nous opprimer. »

Les manuscrits de Nag Hammadi constituent notre défense contre le règne du capitalisme, plus destructeur encore que tous les autres règnes précédents. Ils sont l'occasion de prendre conscience que « nous souffrons dans un esclavage intérieur bien plus tordu encore que ce que nous imaginions ». le capitalisme comme religion déplace la coercition de l'extérieur vers l'intérieur et transforme les relations spontanées en relations d'utilitarisme ou en instrument d'autodestruction. le chapitre de la « Sofia amoureuse » est l'un de plus beaux et des plus puissants de ce livre.

La conclusion, comme d'habitude avec Pacôme, se déroule dans la célébration de la culture populaire comme lieu de retrouvaille de la populace avec l'essence du message gnostique. Si je ne suis pas insensible à l'art du divertissement et à l'esthétisme numérique, je ne dirais pas pour autant que c'est le moyen le plus pertinent de retrouver notre nature divine. La tête d'un mec regardant la télé est le signe le plus évident de la décadence. Retrouver le sens de la relation avec autrui me semble plus juste. L'univers nous enverra peut-être la bénédiction de l'arrêt de toutes les centrales nucléaires du monde pour nous retrouver les uns avec les autres ? J'espère que ça n'arrivera pas à mon époque.

Bonne soirée téloche les amis.
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Dans La Victoire des Sans Roi, les réflexions de Pacôme Thiellement virevoltent, elles sont exubérantes et inspirées, parfois sophistiquées. Et puisque c'est dans les détails que se loge le Diable, ce copain-comme-cochon du Démiurge.... eh bien plongeons-nous dedans !

Sans Roi, c'est cet autre nom attribué aux gnostiques se faisant les témoins de la véritable divinité, celle qui est ineffable et sans pouvoir dans le monde. Les Sans Roi ont un visage et un nom : Marie de Magdala, le secret amour de Jésus ; le poète Rûmî, le gnostique Basilide, l'écrivain William Blake. Et Pacôme d'ajouter : David Bowie, Franck Zappa, John Lennon.
Alors c'est vrai, j'aime beaucoup Bowie… mais impossible pour moi de l'assimiler à un poète soufi ! Franck Zappa en a sorti des bonnes et des impayables oui, c'est vrai… mais je ne le comparerais pas à un mystagogue du temps des premiers chrétiens ! Quant à John Lennon, il avait la réputation d'être un sale con violent avec les femmes, ça devrait suffire pour en finir avec la figure christique qu'on lui a vite établi. Lennon était plus certainement en phase d'inflation psychique lorsqu'il fut assassiné par un fou de Dieu, et la légende fut scellée. Alors non, non, non Pacôme, j'ai beau tourner l'idée dans tous les sens, mettre sur un même pied les gnostiques et les figures marquantes de la pop cultur de ton enfance, dans ma tête c'est… does not compute !

" John Lennon dira à Maureen Cleave, en mars 1966 : "Le christianisme s'en ira, se dissipera, rétrécira. Aujourd'hui, nous sommes plus grands que le Christ. Jésus était très bien, mais ses disciples étaient épais et ordinaires"

Les Pères de l'Eglise s'étaient fixés pour mission d'établir une frontière entre les bons chrétiens (les futurs catholiques) et les mauvais chrétiens (les gnostiques), les bons Evangiles (synoptiques) et les mauvais Evangiles (apocryphes), la bonne compréhension de la parole de Jésus (catholique exotérique) et sa compréhension mauvaise (gnostique ésotérique). On comprend le souhait des Pères de l'Eglise de construire un christianisme cohérent depuis la figure de Jésus, comme le firent d'autres courants gnostiques. On comprend moins ce désir d'établir un monopole sur sa parole au risque d'employer des moyens que Jésus lui-même aurait combattu.
Attribuer le qualificatif de Seigneur à Dieu, par exemple, c'est prendre le risque de le confondre avec le Démiurge, cette puissance du Ciel inférieur qui désire notre ferveur exclusive contre ses bons services : rachats en tout genre, réduction de délais des mises au piquet, rémission des péchés contre promesse qu'on ne nous y prendra plus. Avec les Pères de l'Eglise, nous sommes déjà loin de l'exemple des Pères antérieurs, ceux qui méditaient dans le silence du désert. Irénée de Lyon, nouveau pharisien ?

"Evêque du IIème siècle, Irénée de Lyon ajoute dans sa somme Contre les Hérésies que Simon a précédemment "acheté" sa femme dans un bordel de Tyr. Cette femme, c'est Hélène, qui accompagne Simon dans tous ses périples et que ce dernier présente comme la Grande Pensée de Dieu : symbole de l'âme jadis captive dans la matière et désormais libérée de l'esclavage des mauvais anges. "Leurs mystagogues vivent dans la débauche, et d'autre part, s'adonnent à la magie" écrit Irénée, qui est le premier à présenter les concurrents de l'Eglise chrétienne comme une bande de priapiques baisant comme des lapins"

Dans sa volonté de jeter l'anathème sur les dissidents de l'Eglise, ces Pères ne se privèrent pas de procès hâtifs. On avait fait à Simon le Magicien une réputation d'usurpateur ; le prophète Mani – à qui l'Eglise attribua le mal-nommé manichéisme – ne concevait pas l'existence terrestre en noir et blanc mais au contraire comme un moment de rencontre et de mélange de la nuit et de la lumière, de l'esprit et de la matière. Mani admettait la possibilité d'une médiation et d'un dialogue pour toute rencontre, il était un prophète de la nuance.
Ironie du sort, c'est l'Eglise qui allait lentement s'éloigner de la pensée subtile de Mani en recourant à la scolastique et à la dogmatisation, bien commodes pour tracer la frontière entre les « bons ceci » et les « mauvais cela ». Ils développèrent le principe du tiers-exclu, ce schéma de pensée qui justifiera plus tard l'hégémonie et l'ingérence de l'Occident. « Hors de l'Eglise, point de salut ». « Soyez avec nous ou vous serez contre nous »… on connait la musique et on connait la suite.

"La stratégie promotionnelle du christianisme primitif reste la base de toute la politique extérieure occidentale à ce jour, de la colonisation au "devoir d'ingérence" ou à la "politique des droits de l'homme". Et elle peut être résumée ainsi : non seulement les autres pays sont politiquement arriérés, mais ils démontrent que notre système est le seul universel et cela exige que nous le leur imposions par la force"

L'Eglise ne fut malheureusement pas la seule à s'éloigner de la vision nuancée de Mani. Les Cathares, bien que les premières victimes de l'Inquisition, avaient une conception sans joie de l'existence terrestre. On peut déplorer le sort injuste qui leur fut fait, mais leur statut de victime de l'histoire tend à donner une vision romantique de leur véritable mode de vie. Pour les Cathares, l'existence terrestre était une prison dont il fallait se libérer pour trouver dans un Arrière-monde une issue à leur souffrance. Et pourtant, il est possible que les épreuves de l'existence soient nécessaires pour nous inculquer – hélas dans la douleur – ce que nous ignorons encore de notre sagesse précédemment acquise. Amor Fati.

"Les Cathares vivaient dans le Royaume. Ils avaient réalisé le projet de Jésus et, quel que fut l'atrocité de leur extermination, il faut imaginer qu'ils n'en ressentirent pas la violence de la façon dont nous pouvons la ressentir. Ils n'eurent pas peur de l'ennemi qui se dresse devant eux et, ayant vaincu toute parole terrestre, ils savaient qu'ils iraient dans le lieu où il n'y a ni autorité ni tyran. La frontière entre les mondes étant dissipée, le passage de la mort ne pouvait sans doute pas les atteindre comme il pouvait effrayer un monothéiste ou un athée"

Si l'existence de règles, de cadres et de lois est immoral en soi, alors il ne serait pas moral de s'y conformer. Mais si les lois et les grands principes sont une donnée du cosmos, alors il serait vain de vouloir situer notre action en dehors de ce cadre prédéterminé, ni bon ni mauvais mais plus simplement… qui est.
Plutôt que maudire le temps et tourner d'emblée notre regard vers l'éternité, vaut-il mieux accepter de jouer la partie que nous avons à jouer durant notre existence. Plutôt que maudire le karma en lui attribuant un nom expiatoire et les pensées mauvaises d'un Démiurge, vaut-il mieux accepter ce grand principe de causalité qui, quoi que l'on fasse, finit toujours par s'imposer à nous.
Mener un combat pour s'affranchir de toute nécessité serait, si celui-ci était en réalité perdu d'avance, la meilleure façon de nous jeter dans le désespoir, les désillusions, c'est-à-dire dans les bras du Diable tant honni. Vertu du non-agir.

"Pour un disciple du Sauveur, ce monde est une prison de mort dans laquelle le Démiurge nous a enfermés. […] Tous les adversaires du christianisme primitif pensent que "la vie sur Terre est mauvaise". Cela ne nous ôte pas toute responsabilité dans nos misères, mais cela déplace celle-ci. Notre responsabilité vient du fait que nous puissions accepter le caractère inacceptable de ce monde"

J'avais prévu une chute désopilante dans laquelle j'aurais cultivé mon image de celui à qui on ne la fait pas, parce qu'avec Pacôme, on a parfois l'impression que... tout le monde il est gnostique ! Et puis ça m'a gonflé.
Même si j'aurais des réserves quant à l'ancienne vie rêvée des Cathares, même si j'aurais des réserves quant à une victoire prochaine des Sans Roi, même si j'aurais des réserves quant aux visages à qui Pacôme prête ce nom… je le remercie pour son ouvrage particulièrement bien écrit et renseigné, plein de cet espoir dont nous avons tous besoin.
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Pacôme Thiellement ( que j'ai lu suite à une suggestion de Pierre Krause ) que je remercie vivement s'intéresse dans cet essai philosophique aux gnostiques.

Il fait suite dans sa pensée en construction à sa rencontre à la fois avec J. Lennon dont il montre que les disques sont imprégnés de la pensée gnostique et une autre, celle avec P.K. Dick, auteur de science fiction qui met en scène un faux monde, idée imprégnée de la gnose.

Comme il nous le rappelle, gnose vient de gnosis qui signifie connaissance.
À la base, ce terme désigne ceux qui suivant ses mots à lui, ne rentrent pas dans le rang, ceux qui dès le début du christianisme ne se suffisent pas de la tradition. Pour les chrétiens, il montre qu'il s'agit néanmoins de ceux qu'on considère en contradiction avec les paroles du Christ.

Ils sont à travers l'histoire plutôt interdits, réfutés, combattus, voire exterminés. Jésus lui-même d'après certains textes les considère comme des sans roi car pour eux la divinité n'est pas une instance hiérarchique, mais quelque chose qui se situe dans l'homme. Est-ce possible ?

L'étape première de l'écriture de cet essai a été une lecture interprétation des textes gnostiques.

La seconde étape a été un voyage pour comparer les paroles de Jésus et celles de grandes figures du gnosticisme.

Jusqu'à l'achèvement du texte pour présenter la leçon des gnostiques, ce qu'on peut apprendre d'eux, en quoi ils peuvent nous parler aujourd'hui.

Pacôme revient sur la découverte importante d'un codex dans le désert égyptien au vingtième siècle qui regroupe des textes gnostiques et propose une exégèse.

Dans sa conception, suite à son travail, les gnostiques mettent l'accent sur la solitude de l'attitude réflexive dans le monde. Ils abordent la sexualité autrement, non pas comme un problème mais plutôt comme un mystère sacré. Ils sont sensibles à la cause animale. Enfin ils rejettent l'autorité, la hiérarchie car ils se pensent indépendants des relations de pouvoir.

En conclusions, il semble avoir des positions dont on peut se rapprocher mais on voit que le Christ des gnostiques est différent de celui des chrétiens...

Le monde dans lequel nous vivons est suivant les gnostiques plutôt une prison, la gnose une sorte de tempérament à mettre en place pour s'en sortir, car la sagesse est en errance sur cette terre, elle est plus faible que l'homme et a besoin d'amour pour se développer.

La gnose a traversé les époques et fait encore des adeptes de nos jours. Est-ce le signe d'une sensibilité qu'on ne peut ôter de l'homme sans le dépouiller de son humanité ? le contour d'une morale légitime ?

À la lecture de cet essai on comprend très bien pourquoi des chrétiens représentants l'Eglise ont eu une attitude méfiante vis-à-vis d'elle.

Il convient à chacun dans cette perspective de s'interroger sur l'inspiration gnostique et son caractère puis d'aller lire des gnostiques pour apprendre, cultiver son esprit critique et aussi préserver un sens de l'ouverture à la différence.

J'avoue ne jamais avoir lu de textes gnostiques mais j'ai trouvé l'essai intéressant et je laisse une place à cette invitation. Il témoigne que l'auteur est soucieux de justice vis-à-vis des penseurs gnostiques, et qu'il s'interroge vraiment sur le rapport justice et injustice. Personnellement je ne crois pas qu'on puisse parler de Révolution Gnostique.

Mais la question demeure de nos jours : comment des instances se voulant fonder sur la justice ont-elles pu produire de l'injustice ? Assurément les penseurs qui ont reçu une formation solide peuvent peser les choses et bouleverser nos représentations. Merci à l'auteur pour
le partage autour de sa pratique philosophique ainsi que sa méthode claire et élégante.




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Renversant, choquant, ce court et dense livre est un appel à lire et relire les évangiles canoniques et apocryphes. La révolution gnostique convoquée par l'auteur est une révolution personnelle et spirituelle pour suivre le chemin des Sans Roi et la parole de Jésus, le Jésus de Saint Jean.
Deux lectures de cet ouvrage emprunté à la bibliothèque de Versailles écornent à peine le sujet. Il y faudrait encore 5 ou 6 heures de lecture crayon en main puis étudier des textes gnostiques vers la Lumière. Ces Sans Roi qui, jamais, n'apparaissent dans leurs textes sont décrit en ces termes sybillins : « Ils sont de l'autre côté, dans la lumière de la Lumière et l'invisible de l'Invisible".
Lien : https://www.quidhodieagisti...
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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
On reprochait à Jésus de traîner avec des voyous : « Beaucoup de publicains et de gens de mauvaise vie vinrent se mettre à table avec lui et avec ses disciples ». Dès les Epîtres de Paul, il n’est plus question de continuer à fréquenter n’importe qui : « Les mauvaises compagnies corrompent les bonnes mœurs. » Et Paul s’énerve sans cesse à propos de la sexualité des autres, une sexualité toujours trop relâchée à son goût […]. Dans les Epîtres aux Corinthiens, Paul engoule à nouveau les homosexuels et les libertins et il se met à décider des mœurs du royaume à la place de Jésus : « Ni impudiques, ni idolâtres, ni adultères, ni dépravés, ni homosexuels n’hériteront du Royaume de Dieu ». S’autorisant de la prédication de Paul, l’Eglise n’a cessé de vouloir s’introduire dans la chambre des hommes, de réguler leurs instincts, exigeant un droit de regard sur l’utilisation de leurs appareils génitaux.
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Le projet du Jésus de l’Evangile de Jean, c’est que l’homme apprenne à devenir libre. Et la liberté de l’homme vient de ce qu’il apprend à agir par amour, non par obligation. […]
L’Evangile de Jean fait bien partie du Nouveau Testament. On pourrait même dire que c’est sa pièce capitale. Mais elle ne connaît pas de texte analogue dans le reste du corpus. L’Evangile de Jean est un livre qui parle de la lumière qui est en chacun de nous et non du corps qui devrait être purifié pour servir de support à la résurrection. C’est un livre qui parle d’amitié entre Jésus et les hommes et non de relation d’un maître à ses disciples. C’est un livre qui parle d’un monde qui a été abandonné au Diable, et non d’un monde qui doit être reconquis pour servir de base au Royaume. Enfin, c’est un livre qui sépare la pratique de la justice de sa récompense terrestre. C’est un livre qui parle d’un dieu impuissant sur la Terre.
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L’exemple de Jésus est parfait parce qu’en lui on ne peut jamais confondre renoncement et inaction ; acceptation et passivité. Jésus nous apprend à renoncer aux récompenses, à renoncer à la compréhension des autres hommes sur le sens de nos actions vis-à-vis d’eux. Mais il ne nous demande pas de renoncer à agir. L’acceptation est dans le caractère déterminé des actions d’autrui, l’impossibilité d’obtenir des hommes ce qu’on espère ou ce qu’on attend d’eux pour notre bien ou pour le leur. Mais cette acceptation ne doit jamais entraîner à la passivité. Au contraire, il est question d’agir inlassablement, dans le sens de la justice et de la générosité.
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Pour commencer, un conflit s’établit entre Pierre et Paul, et le rôle du christianisme primitif sera d’arriver à concilier leurs différentes options. Pierre veut réserver la parole de Jésus aux Juifs. […] Il veut que le christianisme soit une réforme juive. On peut même parler à son sujet de judéo-christianisme. […] En outre, Pierre tient à une hiérarchie très stricte. Il veut une Eglise soudée autour de son chef et de ses disciples. […] Pierre incarne véritablement la tendance « organisatrice » de l’Eglise.
Paul, lui, veut étendre le message de Jésus au monde entier. Il en fait l’instrument d’une révolution mondiale. Universaliste, Paul utilise le message de Jésus pour abolir les distinctions entre Juifs et Grecs. […] En outre, Paul est obsédé par la transformation du corps chrétien et sa soumission à une discipline très stricte : une discipline sexuelle, tout d’abord, puis une discipline sociale, qui passe par une attitude personnelle extrêmement austère, faite de renoncements et focalisée sur l’exemple personnel.
L’Eglise trouvera une articulation complexe entre ces deux ambitions : elle sera ouverte à tous, à l’image du projet de Paul, mais elle sera très rigoureusement hiérarchisée, selon le désir de Pierre. On peut dire qu’elle concilie ainsi deux tendances, l’une considérée généralement comme la tendance « de droite », hiérarchique et bourgeoise, confiée à une élite, et celle « de fauche », révolutionnaire et populaire, mais extrêmement disciplinée, vécue comme une coupure dans l’Histoire de l’humanité. […]
Mais Pierre et Paul ont tous les deux un point commun : ils veulent des résultats. Ils ne vivent pas une vie libre comme celle préconisée par Jésus mais ils attendent un fruit de leurs actions. Ils veulent voir la parole de Jésus produire une transformation dans la société. […]
Ce qui caractérise l’Evangile de Jean, au contraire, c’est le combat contre le monde […]. Jean ne cesse de répéter qu’il n’y a pas d’accord possible entre Jésus et la réalisation mondaine. Jean ne cesse de répéter qu’il faut choisir entre Jésus et le monde. Jésus le rappelle sans cesse : le monde et lui, ça fait deux. […]
Si Jésus n’est pas du monde, c’est que c’est à Satan que le monde appartient.
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Jésus ne s’est pas intéressé à la famille. Il a méprisé les liens biologiques et a annoncé leur destruction : « Je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère ; et l’homme aura pour ennemis les gens de sa maison ». Il n’a jamais parlé de mariage. Le mariage ne fait pas partie de ses sujets de prédilection. Paul, on l’a compris, n’aime pas le sexe, mais il sait que ses interlocuteurs vont quand même vouloir baiser. Du coup, il transforme son magistère en agence matrimoniale : « Il est bon pour l’homme de s’abstenir de la femme. Toutefois, à cause des débauches, que chaque homme ait sa femme. S’ils ne peuvent se contenir, qu’ils se marient : mieux vaut se marier que de brûler ». […] L’Eglise n’a cessé de considérer la famille comme le socle de sa société.
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