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sur 1090 notes
Japon, 17e siècle. Après avoir survécu à une sanglante bataille et traversé quelques mésaventures, le jeune Takezo décide de se consacrer à l'étude du sabre et de sillonner le pays dans le but de s'améliorer, se faisant un tas d'ennemis au cours de ses pérégrinations.

Ce roman est basé sur la vie de personnages historiques, mais on reste dans la fiction. Il s'agit à la fois d'un roman d'apprentissage, puisque nous suivons le personnage principal dans son évolution pendant quelques années, de l'adolescent brouillon et brutal au samouraï devenant progressivement maître de son « art »; mais aussi d'un récit d'aventures, qu'on pourrait qualifier de picaresque si on le rapproche de romans européens.

Dans la préface (en partie spoilante, mais vous pouvez lire les premiers paragraphes, qui ne font que préciser le contexte), ce roman est comparé à Autant en emporte le Vent de Margaret Mitchell. Cette comparaison n'est pas à prendre au pied de la lettre, mais plutôt dans le sens où il est question d'une époque qui a été déterminante historiquement dans l'Histoire du pays. Sur le fond et la forme, je rapprocherais plutôt La Pierre et le Sabre de récits comme Les trois Mousquetaires d'Alexandre Dumas: un jeune provincial désargenté cherche à se faire un nom grâce à son sabre, connaît de multiples aventures et de nombreux combats.

La comparaison ne s'arrête pas là. Dans ce roman comme dans ceux de Dumas, la vie humaine a peu de valeur: on s'entretue comme on change de chemise, pour des raisons futiles, on se bat à dix contre un, on traite les femmes comme des objets, et, en résumé, on fait le portrait d'une société rongée par la violence et les excès.

Le héros est globalement un peu moins une grosse brute que les autres personnages masculins, mais n'est pas toujours forcément très sympathique. Il parcourt le pays à la recherche d'hommes d'épée plus réputés que lui, dans le but de les vaincre et de prouver qu'il est le plus fort. Il traîne dans son sillage son apprenti, un jeune garçon particulièrement exaspérant, assez stupide et violent, une jeune fille amoureuse (le seul personnage à avoir un peu de plomb dans la cervelle à mon avis), ainsi que tous les gens qu'il a indisposés et qui veulent se venger de lui.

On note que, comme les personnages de Dumas qui étaient prêts à se trucider pour un mouchoir ramassé, les protagonistes de la Pierre et le Sabre ont une notion de l'honneur particulièrement étrange: pour se venger d'un affront, réel ou imaginaire, ils font usage sans complexe de diffamation, de meurtres (dont bizarrement les autorités ne se préoccupent jamais beaucoup) ou de mutilations, et ne voient aucun déshonneur à envoyer 70 hommes se battre contre un homme seul… Ce que l'auteur ne manque pas de souligner, parfois avec une certaine ironie.

A travers ce roman, c'est le portrait du Japon à cette époque qui nous est montré. Dépaysement garanti, malgré les ressemblances avec les romans d'aventures français que j'ai mentionnées. Beaucoup de descriptions des paysages et de la nature sont faites, des éléments des croyances et traditions nous sont présentées. Il y a également beaucoup d'action, même si le récit n'est pas dénué de certaines longueurs (le héros réfléchit beaucoup) et répétitions (après 2 ou 3 combats, on a un peu l'impression de tourner en rond quand un de plus survient).

C'était malgré tout une lecture assez fluide, intéressante pour en apprendre plus sur le Japon, son Histoire et ses idées. Mon problème a été que j'ai trouvé les personnages tous plus pénibles les uns que les autres, surtout qu'on nage en pleine culture du violeur. Les femmes qui ne sont pas des victimes ou des prostituées sont les complices des violences envers les jeunes filles, voire sont coupables de violences elles-mêmes. le personnage le plus intéressant et le seul que j'aie trouvé réellement attachant est Otsu, la jeune orpheline qui tente de se libérer d'une vie toute tracée et peu attrayante.

L'autre point négatif que j'aurais à souligner concerne l'édition: il n'est précisé nulle part qu'on n'est pas dans un one shot et qu'il s'agit d'un tome 1. En arrivant à la fin, j'ai bizarrement trouvé que la conclusion était plus qu'abrupte et que rien n'était réellement résolu. Vérification faite, il y a un tome 2: La parfaite Lumière. Je suis un chouïa agacée, si j'avais été prévenue, je n'aurais pas acquis ce tome tout seul (achat dans une bourse aux livres)…

Pour résumer, une bonne lecture, mais pas dénuée d'aspects dérangeants, ce qui finalement fait partie de son intérêt, mais aussi de quelques passages assez ennuyeux. Soyez prévenu-e-s que c'est assez violent et sanglant.
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Musashi est un jeune homme plein de fougue et d'espérance. Il n'a qu'un rêve celui de devenir Samouraï. Mais dans un Japon en pleine reconstruction, cela ne va pas être facile. Il va devoir apprendre son chemin seul, il va devoir trouver seul la voie du Samouraî.

J'ai eu du mal au début à me plonger dans ce Japon médiéval, d'autant qu'en général ce type de roman n'est pas dans mes préférées.
Toutefois j'ai bien aimé suivre les aventures de Musahi, plonger dans un Japon que je connaissais à travers les films petites à savoir les batailles de Samouraï pour l'honneur, les histoires d'amour fleur bleu (du moins c'est que je pensais petite). Petite pour moi ce n'était que de la fiction, le risque de se voir affronter la mort à chaque coin de rue pour un manque de respect ou par amour pour son école de combat. Je viens de m'apercevoir que c'était ça le Japon : tout repose sur des questions de valeurs de quête et d'honneur.

Au final cela m'a fait passer un bon moment et j'ai eu envie de voir à nouveau ces vieux films.
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Hasards du calendrier : pour ma dernière chronique de 2018, il n'est pas exclu que je vous cause du roman que j'ai le plus adoré cette année – un livre dont je repoussais depuis bien trop longtemps la lecture en raison de son volume intimidant, et qui s'est avéré, comme on me le disait de toutes parts, un sommet dans son genre, le roman-feuilleton historique avec des samouraïs dedans.



Il me faut pourtant préciser d'emblée que La Pierre et le sabre est en fait quelque chose comme un « demi-roman » : le roman originel, sobrement titré Musashi, est extrêmement long, et a été scindé en français dans une édition en deux tomes (qui énervera sans doute un peu moins que les découpages, au hasard, du « Trône de Fer » par Pygmalion, tant le volume est effectivement conséquent) – le premier est donc La Pierre et le sabre, qui pèse dans les 860 pages, et le second La Parfaite Lumière, dans les 700 pages avec une police un peu moins riquiqui : Musashi, c'est l'ensemble (il existe au moins une édition en un seul volume, mais manier le pavé revient probablement à faire un exercice de musculation à chaque séance de lecture). Au début, j'envisageais du coup de faire une chronique commune des deux volumes français, mais, de crainte de trop repousser, j'ai finalement choisi de chroniquer chaque tome séparément.



Adonc, un roman-feuilleton, publié dans le fameux journal Asahi Shinbun entre 1935 et 1939 – et un feuilleton au succès colossal, d'abord au Japon comme de juste, puis dans le reste du monde, le roman s'étant vendu à des dizaines de millions d'exemplaires. L'auteur, Yoshikawa Eiji (1892-1962), à la carrière prolifique, prisait par-dessus tout les récits anciens et notamment épiques, de la tradition japonaise (il a livré « sa » version du Dit des Heiké), mais aussi chinoise, avec pour modèle, qui ressort particulièrement ici, les grands romans-fleuves du type Au bord de l'eau.



Avec Musashi, il livre une biographie romancée (très romancée…) d'un fameux personnage de l'histoire japonaise, à savoir Miyamoto Musashi (1584-1645), présenté comme le plus grand sabreur de tous les temps, celui qui n'a jamais perdu un duel, et par ailleurs l'auteur du fameux Traité des Cinq Roues, que j'avais chroniqué sur ce blog il y a quelque temps de cela (parce que s'y référer peut se montrer utile, j'ai complété cette vieille chronique par une vidéo, au cas où). Un sujet épique pour un livre épique, mais qui a bien d'autres choses à offrir également…



Résumer une histoire aussi colossale s'annonce compliqué, sinon vain : Musashi est un roman-feuilleton, avec de très nombreux personnages, de très nombreux décors (on navigue dans tout Honshû, à la campagne comme dans les grandes villes, Kyôto, Ôsaka dont la fortune est encore assez récente, Edo qui commence tout juste à émerger des marécages), au fil d'un récit qui s'étend sur des années (au début du XVIe siècle, et donc de l'ère Edo) ; les personnages, tous autant qu'ils sont, sont emportés dans une ronde infernale, ils se poursuivent, ils se fuient, ils se croisent par hasard, ils parviennent à se manquer quand tout les incitait à se trouver… le destin et le hasard alternent leur domination sur les événements, et les quiproquos sont de la partie, de même que les rumeurs qui, très souvent, les fondent. Dans ces conditions, résumer La Pierre et le sabre n'aurait en fait pas de sens.



Donnons seulement quelques grandes lignes. le livre s'ouvre sur une scène qui a tout du traumatisme : au lendemain de la bataille de Sekigahara (20-21 octobre 1600), qui a vu l'armée de l'est emmenée par Tokugawa Ieyasu triompher de ses ennemis et lui assurer le shogunat, une des batailles les plus importantes de l'histoire du Japon, deux jeunes gens s'éveillent au milieu des cadavres – l'arrogant Takezô, et son compère hautement influençable Matahachi ; deux imbéciles bouseux jouant aux samouraïs, qui pensaient que participer à la bataille leur procurerait immanquablement la gloire et un office bien rémunéré auprès d'un daimyô… Cela n'a pas été le cas – d'autant qu'ils ont combattu pour le mauvais camp.



Revenir au pays, dans ces conditions, est problématique – il faut dire que le volage Matahachi a été séduit par le frais minois d'Akemi, une jeune femme dépouillant les cadavres, et qui remplacera utilement dans son coeur la naïve Otsû qu'il était supposé épouser au village. Aussi, quand Takezô rentre à Miyamoto, seul, et pourchassé par les sbires des Tokugawa, il rencontre bien vite un autre problème de taille : Osugi, la mère de Matahachi, est convaincue que son fils est mort à cause de Takezô – et elle associe bientôt au jeune criminel une complice de choix, Otsû, qui était supposée devenir sa bru… mais qui serait un peu trop compatissante envers Takezô ?



Débute le jeu du chat et de la souris – qui se poursuivra donc tout au long du roman. Mais cette première étape est assez rapidement conclue, en somme : Takezô ne coupe pas au châtiment, mais le bonze zen Takuan fait en sorte qu'il en tire d'utiles leçons – et c'est ainsi que, supplicié puis enfermé dans un château, le jeune homme décidera de changer de vie : il lira, beaucoup, et il pratiquera l'escrime – il fera sienne la voie du sabre, et deviendra le meilleur dans son art. Un tel changement de vie justifie bien un changement de nom : lisant les kanjis de son prénom à la chinoise, Takezô devient Musashi – et il prend la route, bien décidé, non pas à se mettre à l'école des plus grands maîtres d'escrime du temps, mais à les affronter tous, où qu'ils se trouvent à travers le Japon, et à les vaincre.



Cependant, Musashi n'est pas le seul à prendre la route. La douce Otsû fait de même, qui doit bien admettre qu'elle est amoureuse de ce garçon autrefois si détestable, et qui le piste, alors même qu'il la fuit terrorisé. Osugi également, qui hait Musashi et Otsû de toutes ses forces, dans un délire paranoïaque de mère plus qu'envahissante, un tourbillon qui bat la campagne l'arme en main afin de réclamer justice pour le sort de son fils, se répandant partout en calomnies sur le compte de Musashi et de l'infidèle Otsû. Or Matahachi est toujours vivant, si dans un état lamentable, et navigue lui aussi au gré des événements à travers tout le pays, figure tragique de la déchéance, et en même temps bouffon plus qu'à son tour… Akemi aussi voyage beaucoup, et sa mère Okô – tout aussi infréquentable. Takuan également, à l'autre bout du spectre de la vertu, encore qu'à sa manière si… déconcertante : un kôan fait homme !



Puis il y a ceux que l'on croise en route : par exemple, l'enfant infernal Jôtarô, qui veut devenir samouraï. Mais aussi un rival de taille pour Musashi, un autre jeune sabreur, du nom de Sasaki Kojirô – porteur d'une épée démesurée, créateur de son propre style, et assurément arrogant, mais plus qu'assez compétent pour s'autoriser ces vantardises… Et, sur la route, il y a tout le Japon : paysans miséreux, bourgeois à la morale douteuse, prostituées par dizaines, rônins qui sont avant tout brigands, et quantité de samouraïs de premier ou surtout de second ordre, fils de sans l'aura de leurs ancêtres et membres d'autant d'écoles qui ne sauraient tolérer que ce Musashi humilie ainsi leurs enseignements et leurs personnes…



Au fil du récit, tous ces personnages occupent tour à tour le premier plan : Musashi a beau donner son nom au roman, on ne l'abandonne pas moins pendant des dizaines de pages, çà et là – il est un héros, mais Otsû aussi, et Osugi à sa manière, ou même Matahachi ou Sasaki Kojirô, ou les samouraïs défiés par Musashi…



La Pierre et le sabre est un roman-feuilleton – et un modèle dans son genre. Il bénéficie d'un souffle épique remarquable, et abonde en rebondissements, parfois très tordus, mais toujours savoureux, toujours palpitants, d'autant que l'auteur, assez pince-sans-rire parfois, joue avec ses personnages comme avec ses lecteurs : il y a une certaine complicité ludique dans le déroulement de cette trame très complexe, qui prend sans cesse le lecteur à partie, et c'est tellement bon de se faire ainsi balader…



De fait, et ç'a été pour moi une sacrée surprise, je ne m'y attendais pas spécialement au regard du très digne sujet du roman, et de son caractère épique qui plus est, La Pierre et le sabre est aussi un récit très drôle ! Il abonde en scènes comiques, dont certaines sont proprement hilarantes, dans des registres très divers – cela va des reparties spirituelles mais parfois sacrément incongrues, en apparence du moins, de Takuan, aux quiproquos quelque peu bouffons impliquant Matahachi et Sasaki Kojirô, en passant par le très amusant autant que délicieusement insupportable personnage d'Osugi, furie et belle-mère toute japonaise, jamais à court de reproches à l'encontre du monde entier, ou par le naturel irrévérencieux de la petite teigne Jôtarô, qui assène ses quatre vérités à des adultes ébahis de tant d'insolence. Et, bien sûr, il faut y ajouter tous ces samouraïs qui n'ont que l'honneur à la bouche, quand leur conduite est tout sauf honorable : leurs ridicules, et il y en a, sont impitoyablement raillés par Yoshikawa Eiji – parfois simplement en les confrontant à un Musashi naïf et qui ne comprend pas bien ce qui se passe autour de lui… Oui, c'est un roman palpitant, mais aussi très drôle !



Mais il a un autre atout dans son personnage principal, bien sûr – et qui, là encore, peut surprendre ? C'est que, dans cet itinéraire martial autant que spirituel qui fonde et justifie le roman, Musashi n'a pas toujours le beau rôle, loin de là. Ce n'est certainement pas un héros monolithique, par essence parfait : c'est bien au contraire un homme éveillé à son imperfection et qui souhaite y remédier – sa dévotion à la voie du sabre n'est pas seulement de l'ordre de la performance martiale, elle est en même temps essentiellement éthique. Cependant, en chemin, il ne se montre pas toujours très sympathique… et parfois, il a même quelque chose de foncièrement repoussant. Takezô, initialement, n'a à vrai dire rien d'un héros : c'est une petite brute, un adolescent porté à tyranniser ceux de son village, au seul argument de sa force supérieure – et il n'est pas très malin, à vrai dire, ainsi qu'en témoigne son idée absurde d'aller chercher de la gloire à Sekigahara, avec les conséquences que l'on sait. Si Osugi en fait trop quand il retourne à Miyamoto, et qu'elle s'en prend à lui pour de mauvaises raisons, pour des fantasmes totalement infondés, on comprend sans peine qu'il est d'autant plus aisé pour les villageois de le haïr qu'il a tout fait pour cela dans les années précédant le drame – Otsû, qui tombe pourtant amoureuse du jeune homme, parce qu'elle sent un changement en lui, et peut-être aussi parce que Takuan est là pour, à sa manière si étrange, faire en sorte que les deux jeunes gens s'améliorent, Otsû donc ne fait pas mystère qu'elle détestait initialement Takezô, pour avoir fait plus qu'à son tour, petite fille, les frais de sa brutalité. Certes, Takezô devenu Musashi a changé : son châtiment lui a été bénéfique, et il entend dès lors se montrer vertueux – il devient, progressivement, un héros. Mais c'est bien cette idée de devenir qui compte : Musashi est imparfait, et entend se perfectionner – ce qui va bien au-delà du seul art du sabre. En matière d'escrime, il apprend assez vite de ses erreurs – mais il y a toutes celles d'un autre ordre, et elles sont nombreuses, que ce personnage… un peu psychopathe, parfois, car cela va au-delà de la naïveté à ce stade, a du mal à seulement entrevoir. Lors d'une scène incroyablement épique vers la fin du volume, durant laquelle Musashi se bat seul contre des dizaines de samouraïs furieux, nous le voyons tuer (parmi tant d'autres, et délibérément) un enfant incapable de se battre véritablement, et ne pas être en mesure de comprendre que ce qu'il a fait était « mal » ! de même quand il « réalise » qu'Otsû ne le laisse pas indifférent, après tout… À vrai dire, toujours quelque peu arrogant, même s'il est sur la bonne voie, Musashi n'est pas totalement étranger aux ridicules de ses adversaires obsédés par l'honneur de leur école. Enfin, Musashi, si brave quand il se confronte à des sabreurs… est d'une incroyable lâcheté et puérilité quand il s'agit pour lui de faire face aux plus redoutables des adversaires : les femmes ! Otsû comme Osugi ou Akemi… Et cela participe de la dimension comique du roman, d'ailleurs !



Mais La Pierre et le sabre est bien un roman épique, et d'aventure – de cape et d'épée, dirait-on par chez nous ; de kimono et de sabre, quoi. Et dans ce registre également, bien sûr, Yoshikawa Eiji fait des merveilles. Son art consommé de la narration passe aussi par la mise en scène de faits d'armes stupéfiants, racontés avec un brio impressionnant. Moi qui, souvent, peine un peu devant les scènes de combat interminables (j'aime bien Robert E. Howard, mais il m'a infligé quelques suées dans ce domaine), j'ai toujours été emballé, ici, par les nombreux affrontements auxquels prend part Musashi tout au long de ces 850 pages environ – et il y en a, même s'il n'y a pas que de ça non plus, loin de là : en fait, les batailles peuvent être séparées par des dizaines voire des centaines de pages pas moins stimulantes et palpitantes, avec des dialogues virtuoses et des situations savoureuses. Mais, quand il y en a... C'est puissant, époustouflant, cela devrait parfois être grotesque, comme la bataille ahurissante mentionnée précédemment, qui aurait été à sa place dans un Baby Cart, et pourtant c'est toujours juste ; en même temps, l'humour comme la figure du rônin pouilleux mais habile, chez Musashi comme chez certains de ses ennemis, anticipe peut-être plutôt Yôjimbô, tandis qu'en fait de Baby Cart la dimension spirituelle du récit, même sur un ton moins cruel, évoque peut-être davantage les plus belles réussites de Lone Wolf and Cub. Quoi qu'il en soit, c'est parfait dans son genre.



Un dernier mot, enfin, sur la dimension spirituelle de cette épopée : elle est remarquablement adéquate. Ce contenu est toujours là, sous-jacent, mais jamais démonstratif, et en tout cas jamais sentencieux : l'itinéraire spirituel de Musashi est palpable, mais avec une certaine subtilité, et Yoshikawa Eiji ne donne pas dans la pseudo-sagesse si fréquente dans ce registre, et qui rend, pour en rester au Japon mais cela va bien au-delà, certains mangas comme certains films de sabre ou de yakuzas pénibles à force de mystique à dix yens, a fortiori quand elle est associée à des postures badass sous la pluie, etc. On devine pourtant, derrière chaque bataille, le Traité des Cinq Roues en train de s'inscrire, dans l'étude, l'expérimentation et la méditation, mais jamais cela ne se montre lourdement démonstratif et pédant.



C'est toujours essentiellement naturel – ou faussement naturel, sans doute. Ce qui caractérise aussi le style de ce roman, très fluide, un régal de simplicité apparente, qui ressort bien dans le texte français : la traduction de Léo Dilé me paraît très bonne à cet égard, si elle a peut-être un peu vieilli à l'occasion dans la manière d'exprimer certaines références à la culture japonaise, moins connue en France à l'époque, peut-être.



Oui, La Pierre et le sabre est un modèle de roman-feuilleton – un chef-d'oeuvre dans ce registre, et probablement le roman qui m'a le plus enthousiasmé durant toute cette année 2018. À la hauteur de sa réputation, chaudement recommandé.



Et à un de ces jours pour la suite et fin, La Parfaite Lumière
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J'avais lu quelque part que Eiji Yoshikawa était le Victor Hugo japonais. C'est ce qui m'a donné envie de lire cette épopée racontant la vie des guerriers et samouraïs. Une bonne envie car le récit m'a étonnée, passionnée, même si je suis assez contente de ne pas avoir vécu à cette époque où la vie ne valait pas grand-chose, celle des hommes qui mouraient dans d'atroces combats et celle des femmes qui n'étaient que des servantes, des prostituées ou même rien du tout.
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A mon grand dam (parce que j'ai aussi un grand dam), les littératures orientales sont encore trop peu représentées dans ma bibliothèque : aucun chinois, (la honte !) et à peine deux japonais (la honte derechef !), fort estimables certes (La femme des sables de Kobo Abe et Musashi – La pierre et le sabre suivi de la parfaite lumière – de EijiYoshikawa) mais rien de Akutagawa, Soseki, Tanizaki, Inoué, Kawabata, Mishima… Promis, il faudra que je m'y mette. Mes amis (et amies) Babélionautes m'y aideront, je n'en doute pas.
Le diptyque de Musashi est l'oeuvre principale – et le chef-d'oeuvre de EijiYoshikama (1893-1962). Il retrace, de façon romancée, la carrière du samouraï Miyamoto Musashi, artiste et philosophe, mais surtout escrimeur émérite, véritable légende et héros national.
Si vous avez lu l'incontournable Shogun de James Clavell, vous ne serez pas dépaysé par Musashi. Il s'agit de la même époque (fin du XVIème siècle et début du XVIIème), la bataille de Sekigahara (1600) se situe à la fin de Shogun et au début de Musashi.
C'est justement le lendemain de cette bataille que deux jeunes garçons, Takezo et Matahachi, survivants au massacre, vont entamer leur épopée. Takezo, d'humble extraction, est un jeune blanc-bec, indiscipliné et arrogant. Matahachi, lui est issu d'une famille bourgeoise dominée par sa mère Osugi. Matahachi, d'un naturel plutôt volage, délaisse la douce Otsu qui lui était promise au village pour la belle Akémi. Takezo rentre donc seul, affrontant deux dangers, les soldats de Tokugawa (le Toranaga de Shogun), et Osugi, qui le rend responsable, ainsi qu'Otsu, de la mort de son fils.
Tel est la situation de départ de ce roman-feuilleton foisonnant, échevelé et captivant de bout en bout. Car nos héros ne vont cesser de se poursuivre, par amour ou par haine, sur des centaines de pages, accumulant des séquences dramatiques et des scènes plus calmes, parfois même comiques, faisant des rencontres insolites, passant de duels épiques à de tendres moments d'intimité… Takezo s'assagira, deviendra un escrimeur de première force et prendra le nom de Musashi. La Voie du sabre qu'il a choisie est tout au tant mystique que martiale.
Evidemment, Musashi est un pavé.(près de 700 pages pour chaque partie). Mais le jeu en vaut la chandelle. Mettez-y le doigt, la main y passera, et tout le bras, et tout le corps et tout l'esprit. Si vous ne vous laissez pas impressionner par le foisonnement des personnages, la technicité des scènes de bataille ou de duels, le laïus métaphysique qui accompagne certaines digressions, vous serez emballé par ce maelström romanesque qui tient à la fois à la tradition orientale, au roman picaresque, au roman d'aventures historiques à la Dumas, et même à l'épopée homérique.

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Je ne ferai pas de distinction entre La pierre et le sabre et La parfaite lumière, le découpage de la version française valant ce qu'il vaut : rien.
Yoshikawa ne cherche pas à faire oeuvre d'Histoire, il écrit une histoire. On peut même parler d'épopée vu le souffle qui imprègne son récit. S'ajoutent un aspect initiatique à travers la quête d'accomplissement de Musashi, et un versant moralisateur (la Voie l'emporte sur l'orgueil, la tradition vaut mieux que le changement, l'ordre est supérieur au chaos...).
On a là un parfait condensé de la mentalité nippone, pas très portée sur la réforme (comme quoi les Français et les Japonais ne sont pas si différents), très idéaliste de son passé à travers la figure du samouraï (l'équivalent de notre roman national), coincée entre l'avant (l'âme japonaise tradionnelle) et le maintenant (la modernisation et l'occidentalisation). Un esprit qui est aussi celui de la maîtrise de soi, de la force intérieure, de l'excellence, de la progression sur une voie (ici celle du guerrier) comme le travail d'une vie.
Le roman idéalise beaucoup, ce qui n'a rien de scandaleux : il s'agit d'une fiction. Inventer des épisodes de la vie de Musashi, proposer un modèle parfait, en un mot fantasmer, tout cela fait partie du travail romanesque.
L'oeuvre de Yoshikawa a une portée symbolique indéniable dans le sens où elle te raconte quelque chose de plus que son texte au premier degré. Elle chante le Japon et les Japonais, du moins l'idée qu'ils se font d'eux-mêmes, de leur histoire, de leurs valeurs...
Et si la symbolique te passe au-dessus, eh bien, il te reste un excellent roman historique d'aventure, du cape et épée qui n'a rien à envier à nos Trois Mousquetaires et t'occupera un moment (1600 pages au total en VF). du bruit, de la fureur, des duels au sabre et même des mouches attrapées avec des baguettes.
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Yoshikawa et Mishima ! La lumière et l'ombre ! Tous deux m'ont fait découvrir le japon, leurs légendes portant leur rêve et leur rêve perdu portant une forme de désespoir.
La Pierre et le Sabre avec la parfaite lumière illustrent la première catégorie. Autant ce maitre du sabre, auteur du Gorin no sho possède une forme de grandeur solaire, autant il m'a agacé, surtout dans ses relations avec celle qui l'aime.
Mais tout cela est exotique, c'est le japon avec ses samouraï (les chevaliers de mon enfance). En fait en lisant ces deux romans j'ai retrouvé mon imaginaire d'enfant, rêvant d'aventure et de noble quête.
Le kendo est venu tout naturellement s'inscrire dessus quand j'ai voulu pratiqué une escrime !
Pourquoi l'influence de « La Pierre et le Sabre » plutôt que des 3 mousquetaires ou Ivanhoé, je crois que c'est à cause de l'accueil des Kendoka par rapport aux escrimeurs français : plus jovial et bon vivant, en ce temps et en ma ville ! Rien de général.
En conclusion lisez le La Pierre et le Sabre et venez pratiquer la voie du sabre !

b-(^_^)-d
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Le Moyen-Âge au Japon n'avait pas l'air spécialement facile à vivre!
Déjà, tout commence dans le sang, à la fin d'une bataille perdue, où deux des vaincus, deux jeunes ambitieux sans grande jugeote se retrouvent, meurtris mais vivants, dans le camp des vaincus. de là partira tout pour eux: le choix d'une voie difficile d'un côté, avec quelques erreurs de parcours, et le choix d'une pente savonneuse en se laissant aller aux plaisirs faciles de l'autre. Vendetta, amours contrariées, vieux sages et vieille casse-pied, il se passe plein de choses, et on croise plein de monde, dans ce roman foisonnant et plutôt entraînant.
J'avoue que cependant, j'ai mis un temps fou à finir ce roman de kimono et de sabre, sans savoir trop dire pourquoi. L'écriture est fluide et élégante, l'histoire intéressante et les personnages aussi, c'est très dépaysant....Peut-être que c'est mon manque d'habitude du Japon moyenâgeux dans mon régime de livres habituel, voire de Japon tout court, j'avais parfois bien du mal à m'y retrouver dans les personnages secondaires et cela ne m'a pas aidé à m'accrocher.
J'ai aimé ce livre, je lirais sans doute un jour la suite....mais pas tout de suite!
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Je ne suis, et de loin, pas un expert dans la civilisation japonaise, mais j'ai trouvé – à mon petit niveau – dans la Pierre et le Sabre une comme un quête initiatique teintée d'interrogations sur le sort de l'Homme, son lien avec la nature peut-être lié au shintō, sa capacité ou pas à aller au-delà de ses impulsions premières... Ce quelque chose, peut-être, qui fait le Japon, ou du moins le Japon romancé. Commencé un peu au hasard, le roman d'Eiji Yoshikawa m'a captivé et je ne tarderai pas à découvrir La Parfaite Lumière en compagnie de Sensei Musachi.
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La tradition de l'âge d'or des samouraïs est restée longtemps implantée dans l'esprit japonais - et, d'ailleurs, elle peut fasciner aussi des Français pourtant de culture très différente. Yoshikawa Eiji (1892-1962) a contribué à propager au XXème siècle ces mythes fondamentaux pour l'Empire du Soleil Levant. "La pierre et le sabre" représente l'archétype du roman de cape et d'épée japonais. Il évoque (d'une manière très libre) les aventures du samouraï Miyamoto Musashi, qui a vécu dans le Japon du XVIIème siècle. Guerrier hors pair, adepte fervent du Bushido, Musashi a porté les valeurs de la maîtrise de soi et de l'exigence morale. Yoshikawa Eiji en fait un portrait sans doute idéalisé, qui peut servir d'exemple non seulement aux apprentis samouraïs, mais aussi à tout un chacun. Cependant, la vie du héros est loin d'être présentée comme une marche en avant triomphale. Au contraire, Musashi démarre plutôt mal sa vie et c'est au terme des longues épreuves qu'il approchera la perfection. Les aventures qu'il vit tout au long du roman m'ont semblé passionnantes. Attaché aux ambiances et aux valeurs traditionnelles japonaises - qui, évidemment, n'ont plus guère cours dans la société actuelle - j'ai aimé laisser libre cours à mon imagination en dévorant ce grand roman.
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Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

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