C'est en tant que secrétaire du Commissaire du quartier Saint Georges que Jules
Maigret va mener sa première enquête. Celle-ci démarre le 15 avril 1913.
Maigret, penché sur ses cours, apprend consciencieusement les bonnes pratiques du signalement à proximité du poêle en fonte qu'il tisonne régulièrement. Mais voilà qu'en ce début de nuit, un jeune musicien vient signaler une femme ayant jeté à la fenêtre du 17 bis rue Chaptal un appel au secours suivi rapidement par un coup de feu. Téméraire, le jeune homme a frappé à
la porte et s'est reçu, en signe de bienvenue, un coup de poing. Or, cette adresse est celle des Gendreau-Balthazar. Les cafés Balthazar. Tout Paris connait ce nom prestigieux et hume le parfum du torréfacteur, avenue de l'Opéra.
Décidant de prendre au sérieux ce témoignage,
Maigret se dirige vers la demeure. Sarcastique,
le fils Richard Gendreau mène lui-même ce jeune policier à la recherche d'un hypothétique cadavre dans toutes les pièces de son hôtel particulier et lui fait explicitement comprendre qu'il n'est qu'un subalterne un peu zélé qui joue au détective. On lui expliquera aussi que le Commissaire le Bret est un habitué de la maison. Rentré bredouille de sa perquisition, il rédige un rapport exhaustif à l'intention de son supérieur. Celui-ci, impressionné par la précision du rapport, est d'abord sceptique, donne la consigne de plutôt fouiller du côté du témoin et attise alors la rage de Jules. Puis il va se raviser à la suite d'une information obtenue auprès de son épouse et qui contredit les dires des Gendreau-Balthazar. Mais la prudence prévaut,
Maigret est placé en congés afin de mener une enquête officieuse.
Cette première enquête arrivant plus ou moins au milieu de l'oeuvre des aventures de
Maigret,
Simenon se permet de faire allusion aux habitudes que le lecteur averti connait déjà. La pipe, le goût pour les planques, la descente des petits verres de calvados, les investigations en solitaire pour « renifler dans les coins », la passion pour les poêles à charbon qu'il tisonne jusqu'à les faire rougir, la bonne chère dans les brasseries et les bistrots parisiens. le futur commissaire étrenne ici des faits et gestes qui deviendront des manies auxquelles il aura recours tout au long de sa carrière.
Maigret est encore svelte. À 26 ans, il est jeune marié depuis cinq mois, il vient d'emménager Boulevard Richard-Lenoir avec son épouse. Celle-ci, « grosse fille fraîche, pleine de vitalité comme on en voit derrière le marbre du comptoir des crèmeries », l'appelle encore Jules.
Alors qu'en arrière plan, le Paris en effervescence affiche des drapeaux aux fenêtres en l'honneur de la visite d'un souverain étranger,
Maigret questionnera plus avant la bonne des Balthazar qui se révèlera une sacrée commère. Il va côtoyer de près le milieu au péril de sa vie.
De petit Calvados en flûte de Champagne, de choucroute en coq au vin, ça fouille, ça fouine, ça oscille entre enthousiasme ou envie de démission, tout en visant le Quai des Orfèvres qui le fait déjà rêver.
Après des enquêtes ou
Maigret est à la retraite puis revient en activité, le voilà débutant.
Simenon a peut-être pris plaisir à faire voyager son lecteur dans le temps !
Pour sa première enquête, Jules marchera sur des oeufs, jouant l'équilibriste au milieu des conflits d'intérêts, le drame s'étant déroulé dans un milieu très aisé dans lequel son Commissaire évolue comme un poisson dans l'eau. Il impliquera beaucoup son épouse qui prendra en charge des témoins. Ce sera un peu comme si elle était son premier inspecteur, ce qui donne beaucoup de chaleur à cet opus et un côté tout a fait sympathique.