Lecture Jeune, n°131 - septembre 2009 - Talentueuse conteuse,
Agnès Desarthe nous entraîne dans une tendre et singulière évocation de son grand-père. Mais, nous explique-t-elle, « mon grand-père n'est pas mon grand-père ». L'homme aux multiples prénoms - Bouz, Boris, Baruch, « BBB (...) pour faire plus court » - est celui avec qui sa grand-mère a refait sa vie, après la guerre et la disparition de leurs époux respectifs dans les camps d'extermination. « Triple B avait le bon goût de n'être pas à la hauteur du disparu ; ni aussi beau, ni aussi intelligent, ni aussi poétique que le mort qu'il remplaçait. On avait perdu au change et c'était parfait ainsi, moins culpabilisant. »
L'auteur convoque, ou plutôt recompose, ses souvenirs d'enfance : instants partagés, se résumant parfois à des sonorités, des couleurs ou des odeurs, à des objets, réinventés par le regard d'une petite fille curieuse, puis d'une adulte rêveuse. Elle dresse ainsi le portrait d'un homme discret, parfois lâche, qui laisserait indifférent ; un « remplaçant » qui a su se raconter et devenir un grand-père aimé. Ce n'est pas de lui pourtant dont l'auteur voulait parler : l'ouvrage devait être consacré au pédagogue Janusz Korzack, en réponse à une commande de son éditeur sur son héros favori, pour la collection « Figures libres ». C'est ainsi,
Agnès Desarthe écrit « toujours l'histoire d'à côté, jamais celle que j'avais prévue ».
Les jeunes lecteurs se laisseront totalement séduire par ce court récit à la langue si savoureuse et vivante. Ils seront sans aucun doute émus par la tendresse qui émane de liens familiaux à la fois ordinaires et un rien originaux.
« Ces derniers temps, la réalité gagne de plus en plus de batailles contre la fiction. » le texte d'
Agnès Desarthe rappelle joliment le pouvoir de la littérature. Il constitue un parfait éloge de l'imagination et du romanesque. Il est également certainement ce « détour nécessaire », pour évoquer une histoire familiale meurtrie par la Shoah. Hélène Sagnet