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Critiques de Joyce Carol Oates (3260)
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Valet de pique

Harbourton, village mi-banlieusard, mi-rural, autrement dit en pleine cambrousse.



Andrew J. Rush, 53 ans, y vit depuis 17 ans avec Irina, sa tendre épouse bien-aimée.



Les trois enfants, deux garçons et une fille, sont adultes et indépendants, après avoir fait de longues études coûteuses.

Mais l'argent n'est pas un problème pour Andrew, qui vit très bien de sa plume.

Il est même surnommé le Stephen King Gentleman... quoi que ça veuille dire. En tout cas, l'appellation a bien fait rire S.K. himself.



Notre auteur écrit des polars bien carrés, qui lui demandent beaucoup de boulot. Toujours une happy end.

Ses romans sont même traduits en plusieurs langues.



Mais pour se défouler, la nuit, Andrew couche sur le papier des récits bien plus noirs, violents, misogynes, vulgaires., etc.

Et là, l'encre coule à flots. Bouquins écrits d'une traite.

Ils sortent sous le pseudo Valet de Pique et nul ne sait qui en est l'auteur.

Ils ont aussi leur petit succès, puisque Andrew les fait publier par une autre maison d'édition que sa traditionnelle.



Tout baigne pour la petite famille, jusqu'au jour oú une assignation à comparaître se glisse dans la boîte aux lettres, entre deux prospectus.

Il s'avère qu'Andrew est accusé de vol et de plagiat par une personne qu'il ne connaît pas.

Il est bouleversé et le choc provoque une confusion de personnalités entre Andrew et Valet de Pique.



J'ai aimé, mais j'ai pris peu de risques en optant pour un roman de Joyce Carol Oates.





Gobage ultra rapide de ce roman, écrit dans un style qui m'a rappelé celui de Confessions d'un gang de filles.

Pas d'envolées, pas de phrases complexes, l'autrice nous entraîne dans l'efficace, le concis, le sarcasme, l'ironie.

Tout tourne autour du personnage principal, fort peu sympathique, imbu de lui-même, en un mot détestable.

Et ça marche. On perçoit à peine les autres, qui ne servent qu'à mettre Andrew en pleine lumière.



Encore un excellent roman, premier véritable thriller / polar que je lis de Joyce Carol Oates.

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Nous étions les Mulvaney

« Dans une famille, le non-dit est ce que l'on guette. Mais le bruit d'une famille consiste à le noyer ».



C'est une grande maison dans la prairie, une maison couleur lavande aux volets violets, sertie de vérandas, de tourelles et de grandes cheminées, adossée à la colline de High Point Farm, dans l'état de New York. Ceux qui vivent là ont perdu la clé de cette grande ferme un peu brinquebalante, anarchique, d'une propreté douteuse, envahie par les herbes et les immenses arbres qui la cachent en été, entourée de terrains broussailleux et vallonnés, où vit la famille Mulvaney, c'est-à-dire six personnes : le chanceux et énergique père Michael, la pétulante et fantasque mère Corinne, les trois fils Mike le sportif, Patrick l'intellectuel et Judd le benjamin un peu invisible, et la solaire fille Marianne. Mais aussi des chevaux, des chiens, des chats, des chèvres, un canari…il fait bon vivre dans cette famille où chacun trouve sa place dans cette atmosphère de fête, entre rituels, codes familiaux uniques plein d'humour et d'originalité et vieilles légendes familiales racontées à table, surnoms surprenants donnés à chacun, joyeux bruits et chants dès potron-minet, tâches assignées et respect de la singularité de chacun.



« Les Mulvaney étaient une famille qui trouvait précieux tout ce qui lui arrivait, où l'on conservait la mémoire de tout ce qui était précieux et où tout le monde avait une histoire ».



Joyce Carol Oates nous présente la famille parfaite, ce genre de famille qui fait des envieux, s'exposant sur toutes les photos de la maison avec des sourires à en faire craquer la peau des joues. Ces photos tellement démonstratives qu'elles finissent par mettre mal à l'aise, comme si elles cachaient certaines lézardes, certaines failles, tapies, prêtes à surgir et à faire leur oeuvre de destruction au moindre accroc. Comme si étaler ainsi le bonheur permettait de se prouver quelque chose et de cacher d'importantes faiblesses. Comme si ce trop-plein de lumière sur la photo ricochait sur nous, éblouissante et fiévreuse, permettant de ne pas examiner de trop près telle mâchoire crispée, tel regard étrange, tel poing aux jointures blanches de devoir serrer fort…Soleil brillant aveuglant, comme dans un miroir fracassé…



L'auteure, à travers cette famille, semble avoir trouvé un sujet d'étude parfait, passant du temps consciencieusement avec chaque membre, analysant avec minutie la personnalité et la psychologie de chacun, les ajustant les uns par rapport aux autres, maillage parfait, pièces se soutenant les unes par rapport aux autres telle une construction en sucre dont l'effondrement d'un seul d'entre eux pourrait avoir un effet domino catastrophique. Pourtant n'est-ce pas dans les épreuves qu'il est donné à voir la solidité de cette construction familiale précisément ?



« On n'oublie jamais le paysage de son enfance, pensa Corinne. Les souvenirs les plus anciens sont ceux que l'on chérit le plus. Elle espérait que Michael et elle avaient donné à leurs enfants un paysage qui les accompagnerait toute leur vie. Une consolation, un réconfort ».



Pourtant lorsque le drame arrive cet été 1976, lorsque la fille iconique de la famille est tragiquement salie, la désintégration de la famille, lentement, va commencer. Joyce Carol Oates a renversé un des sucres, pilier de l'ensemble, en l'occurrence la fille tant aimée, sorte de princesse chérie, et analyse l'effondrement de tous les autres sucres. Eclatement de la bulle de cocon, fin de la magie…Exil de Marianne par les parents sans un mot de consolation, chagrin dévastateur, perte des repères, rejet de la famille par le village, entreprise qui périclite, alcoolisme, éclatement de la famille…C'était donc ça la famille Mulvaney que tout le monde enviait, à exploser ainsi au premier drame venu ?



C'est Judd, désormais trentenaire, qui raconte dans l'essentiel des chapitres l'histoire de la famille à la façon d'un album de famille, véridique, fait de souvenirs, de conjectures, de nostalgie, l'oeuvre de toute une vie…Judd le benjamin se reposant sur ses souvenirs mais aussi sur les souvenirs des autres, qui sont plus âgés et détiennent donc l'autorité. Le « je » de ces chapitres-là alterne avec le « elle » des chapitres consacrés à Marianne.

Au-delà de l'histoire de l'éclatement d'une famille, et de sa reconstruction éventuelle sous une autre forme, ce livre est captivant dans sa façon de soulever les innombrables questions liées à toute famille. Les souvenirs que nous léguons à nos enfants, ce que nous leur transmettons, la façon de se construire et de grandir avec cet héritage, la façon de vivre après une tragédie familiale et de la surmonter, les étapes dans la vie des parents au fur et à mesure de l'avancée en âge des enfants. J'ai été très touchée par la mère, Corinne, optimiste, qui se bat envers et contre tout. C'est elle le pilier véritable qui saura redevenir la pièce maitresse de la famille. Elle est la clé de cette famille, elle sait unir, elle saura réunir de nouveau, même si l'amour porté à son mari l'a un temps aveuglée.



« C'était vraiment fini, n'est-ce pas ? Corinne ne s'en était pas tout à fait rendu compte. Cette demi-heure tumultueuse où tous les enfants, en rentrant de l'école, se pressaient dans la cuisine, haletants et surexcités, échangeaient les nouvelles de la journée, plaisantaient, riaient, fonçaient sur le réfrigérateur…au milieu des aboiements ravis des chiens, pour qui c'était aussi le grand moment de la journée. Ces années merveilleuses où Mikey était encore au lycée, et Judd encore à l'école primaire, P.J, Bouton, Ranger. Et leur bonne vieille maman rayonnante de plaisir, même quand elle ronchonnait : « Hé ! Bande de pillards ! Gare à vous si vous n'avez pas faim ce soir ! Comme si des garçons en pleine croissance risquaient de manquer d'appétit. Ces garçons affamés qui dévoraient des sandwiches au beurre de cacahuète, des cookies au chocolat, des tranches de cheddar américain, des petits-beurre rances dégoulinants de confiture».



Si la première partie m'a harponnée au point de ne pouvoir lâcher le livre, j'ai trouvé plus de longueurs à la seconde partie même si le charme opérait toujours. Avec en toile de fond les interrogations qui sont miennes constamment, vôtres sans doute aussi, celles de tout un chacun : notre vie nous appartient-elle vraiment ? N'est-elle pas celle de nos parents dans le sens où nous devons ce que nous sommes, nos fragilités, nos lubies, nos faiblesses, à nos parents, notre enfance, ce qu'ils nous ont transmis, nos gènes, notre histoire familiale même ancienne ? Quand devenons-nous libres ? le voulons-nous d'ailleurs, le pouvons-nous ? Accepter cette donnée n'est-elle pas le meilleur chemin pour s'en affranchir avant de transmettre à notre tour ? Vastes questions que Joyce Carol Oates analyse avec une intelligence admirable et beaucoup de subtilité.



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Poursuite

Livre sur les violences conjugales mais l'auteur Joyces Carol Oates est très douée sur la psychologie de ses personnages.

Nichola ( mère de Abby) perpétuellement terrifiée par le comportement de Lew ( père d'Abby) jaloux ,violent ,vétéran de la guerre d'Irak ,accro à différentes sortes de drogues et la petite Abby que l'on





retrouve 24 heures après son mariage avec Willem ,au prise d'un cauchemar récurrent : un champ peuplé d'ossements humains dans lequel elle erre à l'infini . De confession en confession, 20 ans plus tard Abby partage avec Willem ce qu'elle n'a avoué à personne...

Porté par une écriture nerveuse oscillant entre le présent et l'enfance torturée d'Abby,on va à LA POURSUITE de la surprenante vérité d'une famille .Grâce à la densité, la psychologie de ses personnages nous sommes tenus en haleine jusqu'à la fin du livre .

Encore un roman de Joyce Carole Oates que j'ai dévoré . À lire absolument !

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La nuit. Le sommeil. La mort. Les étoiles.

Vous souvenez vous de l’assassinat de George Floyd en 2020 par la police de Minneapolis?

C’est par ce drame analogue que commence le roman de Joyce Carol Oates « La nuit. Le sommeil. La mort. Les étoiles. »

La victime John Earle McClaren ancien maire de Hammond est transporté aux urgences suite à un accident de la route causé probablement par un avc. C’est la version officielle. Mais avec son imagination fertile Joyce Carol Oates va nous emmener pendant 900 pages dans une famille « wasp « une famille modèle. La famille c’est comme une maison témoin, on gratte le vernis et quelques fois on a des surprises.

La romancière aurait pu dérouler ce drame mais cela aurait été trop simple, elle va prendre un autre chemin : celui du deuil, de ses conséquences et de ses souvenirs personnels.

Dans la famille McClaren il y a la mère Jessalyn une femme qui vivait dans l’ombre de son mari Whitey, aimée certes mais invisible. Et les cinq enfants, Thom, Beverly, Lorene, Sofia et Virgil.

Lire Joyce Carol Oates c’est comme partir en pays inconnu, je savais où je mettais les pieds. Après « la fille du fossoyeur « ou « Carthage » je savais que cette famille modèle allait souffrir.

« La nuit. Le sommeil. La mort. Les étoiles « est un roman addictif, il fallait bien 900 pages pour décrire cette famille hors norme. Merci aux participants de cette lecture commune.



Minuit clair

Voici ton heure mon âme, ton envol libre dans le silence des mots,

Livres fermés, arts désertés, jour aboli, leçon apprise,

Ta force en plénitude émerge, tu te tais, tu admires,

Tu médites tes thèmes favoris,

La nuit, le sommeil, la mort, les étoiles.

Walt Whitman
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Poursuite

Abby, vingt-ans fraîchement mariée à Willem est tiraillée par des cauchemars et des hallucinations auditives. En proie à une énième crise, elle se fige devant le bus qui la percute de plein fouet.



Que cache comme horreur cette jeune fille ?



JCO nous entraîne alors dans les méandres de la famille d’Abby mélangeant passé et présent. Père et mère vont chacun se livrer devant nous afin de nous permettre de cerner les peurs cauchemardesques d’Abby.

Des scènes horrifiques et poignantes se dessinent petit à petit mettant en avant la perversité humaine.



J’aurai bien aimé me réconcilier avec la littérature américaine, malheureusement je n’ai pas accroché à ce roman. Faute à l’écriture très froide et à la narration externe qui m’a empêchée de ressentir une émotion. Il y a un côté très obscur et mystérieux dans ce roman où les questions restent ouvertes.



Je garderai un souvenir bien à part de mon premier rendez-vous avec JCO à travers son récit J’ai réussi à rester en vie. Un livre poignant qui a fait écho à ma peine de l’époque.

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Viol, une histoire d'amour

J'ai découvert Joyce Carol Oates il y a quelques mois, en lisant Délicieuses pourritures, et m'étais promis de revenir vers elle très vite.

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Et puis le temps a passé et l'envie de la lire m'est revenue hier.

Un peu par hasard, je me suis emparée de Viol, une histoire d'amour.

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Pour être tout à fait franche, je ne suis pas d'humeur "pavé" alors 200 pages me convenaient parfaitement.

Mais quelles 200 pages ! L'auteure ne s'embarrasse pas de superflu, ses mots vont droit au coeur, ça pique profond là où ça fait mal.

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C'est le 4 juillet à Niagara Falls. Feu d'artifice, match de baseball, musique, fête dans la rue chez les particuliers et dans les bars.

Tina Maguire et sa fille de 12 ans ont célébré le "jour de l'indépendance" chez Casey, le copain de Tina.

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Celle-ci a un peu bu, beaucoup dansé, puis a réveillé sa fille Bethie qui s'était endormie sur un canapé. Minuit, il était temps de rentrer à la maison.

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Il fait doux, il faut moins d'un quart d'heure pour faire le trajet à pied, Tina décide de passer par le parc de Rocky Point en longeant le lac.

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Là se trouve un hangar à bateaux crasseux, qui sert de débarras, endroit où Tina sera laissée pour morte par une bande de jeunes ivrognes camés que la mère et la fille ont eu le malheur de croiser.

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Combien d'hommes ? au moins cinq, probablement davantage. Et la gamine est là, blessée, cachée, terrifiée... mais courageuse.

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La plume de l'autrice décortique les événements sans concession.

C'est cru, c'est violent, mais ce sont les faits, sans fioritures.

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Beaucoup de sous-entendus, aucune complaisance, Joyce Carol Oates n'est pas faite de ce bois. Elle ne s'étend pas, en dit un peu, pas trop. On devine aisément le reste, on lit entre les lignes..

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Après le récit du viol, nous continuons la plongée dans l'horreur avec la réaction et le regard des gens, puis le procès.

L'autrice ne fait de cadeau ni à la société ni à la justice et ça sonne terriblement vrai.

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Le procédé narratif fait mouche. Emploi de la 3e personne du singulier pour les personnages "secondaires" et de la 2e personne du singulier pour la gamine.

L'emploi du "tu" est remarquable et ajoute encore de l'émotion.

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"Tu étais Bethel Maguire que tout le monde appelait Bethie. Ton enfance a pris fin lorsque tu avais douze ans."

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Nul besoin de préciser que ce roman m'a scotchée (oui, j'aime bien ce mot) et que je le recommande vivement.

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Délicieuses pourritures

Connaissez-vous Joyce Carol Oates ? Moi je ne la connaissais que de nom jusqu'à hier, jour où j'ai décidé de me lancer.

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Voyez-vous, je lorgnais quelques uns de ses titres depuis un moment mais n'avais pu me résoudre à m'y plonger.

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Puis, je vis passer des retours sur Délicieuses pourritures... plus que mitigés les retours.

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Mais 117 pages à côté des pavés habituels de l'auteure, c'était un moyen de découvrir sa plume en trempant seulement le bout de l'orteil dans la mare.

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Joyce Carol Oates est une auteure controversée. On l'aime, on la déteste, mais elle laisse rarement indifférent d'après ce que j'en ai entendu dire.

Et ce n'est pas Délicieuses pourritures qui va inverser la tendance.

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Je me suis donc à nouveau emparée de ma bouée canard, parce que patauger dans la fange n'est pas toujours sans risque et aucune assurance ne couvre la perte de l'âme.

À dire vrai, c'est à Gillian, héroïne et narratrice du roman qu'elle aurait pu servir, cette bouée.

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Comme la plupart de ses copines, Gillian est amoureuse de son professeur de littérature et chacune fait tout pour en être remarquée.

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Une dizaine d'élèves ont le privilège d'être admises à participer au petit atelier de poésie prestigieux dudit professeur, M. Harrow.

Trève d'excès de politesse, appelons-le André, comme il souhaite que les privilégiées le fassent.

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Et ça devise, et ça disserte, et ça "poétise" et ça se livre, en fumant, d'un air plus ou moins faussement décontracté.

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On quête l'approbation et les compliments du cher, si cher professeur, lequel les dispense parfois avec parcimonie, parfois avec enthousiasme, à moins que son cynisme à la limite de la cruauté ne frappe de plein fouet.

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Mais au fait, il est marié, ce cher André. Marié à Dorcas, sculptrice de corps nus en bois portant le pompeux nom de totems, laquelle est également très présente, bien qu'en pointillés au départ.

Sa place deviendra prépondérante au fil du roman.

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Pour un coup d'essai, ce fut un coup de maître, l'auteure m'a trimballée comme elle l'a voulu du bout de sa magnifique plume, et de ce fait, j'ai aimé ce livre, même s'il devient particulièrement cru, osé, très malsain.

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Tout ce qu'il y a d'abject dans le sexe et la soumission se retrouve dans cette novella, mais plus suggéré que dévoilé sous une lumière crue.

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Les deux adultes sont des manipulateurs de la pire espèce, difficilement aimables, et pourtant...

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On verra au fil des pages que les élèves "ciblées" sont en grand manque d'amour parce qu'ayant vécu des enfances particulièrement traumatisantes.

Ceci expliquant peut-être cela.

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Je remercie ma Yaya (Yaena) de m'avoir fortement incitée à lire ce livre, presque à son corps défendant.

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Daddy Love

Pas besoin de mille pages pour marquer les esprits : Joyce Carol Oates n’y va pas pas quatre chemins pour conter l’horreur de la violence humaine.



L’entrée en matière est surprenante. après avoir parcouru le premier chapitre, on a un doute : c’est avec les mêmes mots que débute le deuxième chapitre! Une erreur d’impression? Non, quelques mots différent et d’autres détails arrivent. Même chose pour les deux chapitres suivants : un exercice de style? Cet artifice donne finalement du relief à la scène inaugurale, et la transforme en obsession, en rumination inévitable que génère tout drame, pour reconstruire ce que l’histoire aurait pu être si….



Le rapt de l’enfant et l’accident de sa mère sont alors mis de côté pour que l’on passe du côté de la victime. Sans pudeur, L’auteur décrit avec précision et méticulosité le fonctionnement du prédateur, qui va formater son butin, le rendre conforme à son désir pervers, avec cruauté et jamais une once de compassion. C’est à la limite du soutenable.

Curieusement après avoir décrit le calvaire du petit garçon avec luxe détails, six ans s’écoulent et l’on comprend bien que la fin de cette relation dévastatrice est proche. L’enfant a perdu son charme, il est temps de le remplacer. C’est alors que l’auteur décrit avec adresse le ressenti de ce presque adolescent, des sentiments contradictoires faits de haine et d’un attachement proche du syndrome de Stockholm.



Pendant tout ce temps, six ans, la mère panse ses blessures physiques, celles de l’âme sont beaucoup plus tenaces et l’image de la petite main qu’il n’aurait pas fallu lâcher est là, bien présente et obsédante. La reconstruction d’un corps crée des douleurs avec lesquelles on peut vivre, la souffrance d’une absence quotidienne est beaucoup plus délétère.



L’issue de ce récit dense et riche, laisse par contre un sentiment d’inachevé, comme si l’auteur déléguait au lecteur la mission de s’en débrouiller; C’était déjà le cas avec Mudwoman.



C’est donc une construction assez originale que nous propose Joyce Carol Oates, avec ce début répétitif, puis deux périodes espacées de six ans et une fin pas vraiment finie….Au risque de ne garder le souvenir que des moments les plus pénibles.
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Carthage

" Il y des contes de fées dans lesquels l'une des sœurs est bonne et belle ....

L'une des sœurs est bénie et l'autre sœur est damnée. Je suis cette sœur là. La sœur damnée."

Carthage dans l'état de New-York; la ville est en ébullition, la fille cadette de l'ancien maire Zeno Mayfield a disparu. Tout semble incriminer Brett Kincaid un héros de la guerre en Irak et ancien fiancé de Juliet, la belle Juliet.

Cressida est intelligente mais se sent rejeté, son physique androgyne n'attire pas les garçons, son caractère difficile l'isole encore plus.

Les années passent, la vie suit son cour, les recherches ont cessé.

Qu'est devenue Cressida ?.

Voila la trame, inutile dans dire plus. Joyce Carol Oates nous entraine dans une histoire particulièrement difficile, la disparition d'un enfant. Elle décortique avec minutie le caractère particulier de Cressida, ce vilain petit canard. Carthage est un voyage au bout de l'enfer, où l'on découvre l'univers carcéral d'Orion, le couloir de la mort, la chambre des exécutions. Un chapitre particulièrement difficile. Joyce Carol Oates nous invite à la réflexion sur le bien fondé de la peine de mort ou sur les vétérans d'Irak ou d'Afghanistan.

" Maintenant que les guerres d'Afghanistan et d'Irak ralentissaient, les anciens combattants allaient être rendus à la vie civile, telles des épaves sur une plage après le reflux d'une grande marée."

J'avais aimé " la fille du fossoyeur" j'ai adoré " Carthage".
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Petite soeur, mon amour

Je l’adore, cette auteure !

Elle a le don de m’emporter dans la plus infernale des spirales, dans le plus abominable des abîmes psychologiques.

Car son « héros » et narrateur, Skyler Rampike, n’en peut plus depuis que sa sœur est née, depuis que sa mère a décidé qu’elle en ferait un petit prodige de patinage artistique.



Jaloux, Skyler ? Peut-être. Sa maman, de qui il était le « petit homme » avant la naissance de sa sœur, n’en a plus que pour Edna Louise. Et son papa, n’en parlons pas... Le mâle américain dans toute sa splendeur, dragueur, macho, ne supportant pas la faiblesse... Qui se détourne de son fils lorsque celui-ci tombe méchamment en voulant prouver à son père qu’il est capable d’effectuer une figure de gymnastique. Skyler en restera handicapé.

Jaloux, Skyler ? Peut-être pas. Il aime sa petite sœur, sa petite Edna Louise que sa mère va surnommer « Bliss » depuis son lancement dans la sphère du patinage et du début de la célébrité. Il voudrait tellement la protéger de cette maman si gentille et si exigeante pour l’avenir de Bliss.



Et puis arrive le malheur total, innommable. Bliss est assassinée.

Par qui ? On n’en sait rien. La descente aux enfers peut commencer.

Pour tout le monde, mais surtout pour Skyler, qui nous raconte tout cela, à 19 ans, dans une espèce de catharsis avec laquelle je fais corps. Totalement. Inexorablement.



Tout est décortiqué, tout le monde y passe. Oates, par l’intermédiaire de son narrateur, fait éclater dans toute sa splendeur sa connaissance innée de l’âme et des cœurs.

Oates ? La prêtresse des démons intérieurs. Mais aussi l’observatrice fidèle et impitoyable d’une certaine Amérique, celle des apparences, de la richesse et de la célébrité.



Une auteure complète, un roman magistral. Excellentissime.

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Les Chutes

A l'image du Niagara, la vie n'est pas un long fleuve tranquille. Phases de tourments et d'accalmies règlent pareillement le cours de l'un et de l'autre. De même l'entrée en zone de non-retour précédant la chute brutale est rarement détectable.



Mariée la veille à Gilbert, Ariah se retrouve veuve le lendemain des noces. Le suicide de son époux au petit matin ne laisse pas de surprendre cette mélomane de 28 ans : depuis combien de temps Gilbert était-il entré dans cette fameuse zone de non-retour ?

En ce printemps 1950, le vent nauséeux du maccarthysme ne semble pas avoir atteint la petite ville de Niagara Falls située au nord-ouest de l'État de New-York et à proximité de la frontière canadienne. Capitale mondiale de la lune de miel, elle bénéficie d'une manne touristique importante et attire aussi, en raison de l'hydroélectricité locale, bon nombre d'industries de pointe et notamment chimiques.

Ariah n'aurait jamais dû voir l'envers du décor de carte postale de Niagara Falls. Le destin en a décidé autrement et la voilà, indirectement et bien malgré elle, liée aux affaires peu reluisantes et peu avouables de cette ville en apparence si avenante.



On mesure souvent le talent d'un écrivain à sa façon de brosser par petites touches la psychologie des personnages ; force est de constater que dans ce domaine Joyce Carol Oates excelle.

Qu'ils aient ou non un rôle de premier plan dans “Les Chutes”, la vingtaine de protagonistes semblent à tour de rôle s'imbriquer naturellement dans l'intrigue au demeurant palpitante sur fond de scandale écologique.



“Les Chutes” franchies dans l'euphorie, il est bien agréable de se laisser dériver au fil de l'impressionnante bibliographie de l'auteure américaine. Une deuxième approche de l'oeuvre de Joyce Carol Oates ne saurait tarder, à ce stade de la découverte loin est la zone de non-retour...

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Daddy Love

Joyce Carol Oates.



Ca en jette quand même comme nom, non?



Bref, je m’attaque à cet auteur légendaire américain pour la première fois. Je n’ai pas été déçu du voyage.



Daddy Love, un homme monstrueux kidnappe des jeunes enfants puis les tue lorsqu’ « ils deviennent trop « vieux ». Robbie Whitcomb va devenir sa prochaine victime et nous allons suivre son calvaire, ainsi que celui de ses parents.



L’écriture est fine. La psychologie des personnages approfondie. Rien que les 4 ou 5 premiers chapitres qui racontent tous la même scène décrite de plusieurs façons m’ont séduit. Puis elle m’a entraîné jusqu’à la fin dans cette terrible histoire. Il y a une puissance d’écriture chez elle qui emporte le lecteur.



Daddy Love, un livre marquant qu’on referme un peu soufflé. La force d’un grand écrivain.



Je pense dans les mois à venir me faire une cure de Oates. Mais l’œuvre semble gigantesque ! Je ne sais où donner de la tête !!



Pour mon plus grand plaisir.

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Un livre de martyrs américains

Le 2 novembre 1999, Luther Dunphy est devant la clinique où ont lieu les avortements. Il braque son fusil sur le docteur Augustus Voorhees et au nom d'un Dieu qui lui parle et lui ordonne, il appuie sur la gâchette et le tue, car Voorhees est un « tueur d'enfants ».

La définition d'un martyr est : « Une personne qui a souffert la mort pour sa foi religieuse, pour une cause à laquelle elle se sacrifie ». En d'autres termes, c'est quelqu'un qui a vécu un calvaire, qui en est mort, juste pour défendre ses convictions, rien de matériel, rien de concret, juste pour des notions irréelles, des certitudes. N'est-ce pas idiot ? Parce qu'une fois mort, que deviennent ces convictions ? Rien. Elles sombrent dans l'oubli et le néant.

Le roman de Joyce Carol Oates, si on peut appeler ça un roman car cette histoire tient plus du reportage que d'une invention, fait l'autopsie du choc provoqué par l'antagonisme des « pro-vie », fou de Dieu, soldats d'une église intégriste, et des « pro-choix », défenseurs de la liberté des femmes à disposer de leur corps. Ces deux monstres se mènent une guerre sans merci qui ne connait qu'une issue fatale, car le raisonnement a cédé la place à un obscurantisme acharné, à une provocation outrancière qui insulte les croyances de l'autre.

L'objectivité des propos de l'auteur ne laisse aucune place à une prise de partie pour l'un ou l'autre camp. Chaque position, chaque conviction de chacun des protagonistes est relatée sans qu'à aucun moment la balance de la justice des hommes ne verse pour l'un ou l'autre, sans l'ombre d'un parti pris. Il y a une évidente sauvagerie dans chacune des attitudes. L'onde de choc et ses conséquences se répercutent même sur les personnes à la périphérie proche ou lointaine de ce conflit.

Cette Amérique des martyrs est celle des gens qui meurent au nom de leurs convictions aveugles et inébranlables.

Avec un style faulknérien et un remarquable talent, Joyce Carol Oates écrit cette histoire qui ne peut que déchainer les passions et dénonce l'aveuglement moyenâgeux d'une société qui a grandi trop vite et seulement jeune de deux ou trois siècles.

Le fait que la question de la légalité de l'avortement se pose encore dans nos sociétés dites évoluées montre bien l'absence de maturité et de recul de ses composants.

Sur un autre plan, une question émerge : et si la mère d'Adolph Hitler avait avorté ? …

Un monument de littérature américaine, traduit par Claude Seban, que je recommande vivement de lire.

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La Princesse-Maïs et autres cauchemars

... et autres cauchemars ... tout est dit dans le sous-titre !



Il s'agit bien de 7 cauchemars, tous plus flippants que les autres, des cauchemars éveillés confinant à la folie dans lesquels Joyce Carol Oates déploie tout son talent de conteuse.



Tout inquiète dans ces nouvelles, tout trouble, tout sidère, tout stupéfie mais les frissons sont toujours subtils pour sonder la face cachée des nos âmes. L'effroi psychologique nait en fait du télescopage entre la violence sous-jacente distillée dans chacun des récits et leur caractère pourtant si familier.



Sur les 7, deux m'ont semblé nettement moins intéressantes que les autres ( Bersabée et Personne ne connaît mon nom ). Mais les 5 autres sont remarquables d'étrangeté et d'ambiguïté. Surtout la première, La Princesse-Maïs, dont la construction est en soi une performance virtuose en donnant une vue d'ensemble de la situation par un éclatement des points de vue et par une maitrise des ellipses étonnante.



Ce qui me reste de ce recueil, ce sont des images indélébiles :

- une mère découvrant la disparition de sa fille et paralysée, devant son téléphone lorsqu'il faut appeler les secours , par la honte sociale d'être une mère célibataire pauvre dans un quartier de riches qui va être montrée du doigt pour avoir laisser sa fille seule

- la princesse-maïs droguée au sol ses cheveux en couronne étalée autour de sa tête

- un foetus «  frère-démon »appuyant fort de sa tête sur la nuque de son jumeau faible pour ne plus avoir de concurrence

- une perceuse électrique qui s'approche de la tête d'une riche excentrique avide d'expérience ésotérique via la trépanation exercée par son chirurgien esthétique

- un chat sur la bouche d'un bébé sous le regard de sa grande soeur



Toute l'iconographie américaine est ainsi triturée jusqu'au point de non-retour. Glaçant.
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Blonde

« Ici, les gens pensaient que Marylin Monroe ne faisait que jouer son propre rôle. Tous les films qu’elle faisait, si différents fussent-ils les uns des autres, ils trouvaient moyen de les déprécier : « Cette nana ne sait pas jouer. Elle ne joue que son propre rôle ». Mais c’était une actrice née. Un génie, si on croit au génie. Parce que Norma Jeane n’avait aucune idée de qui elle était, et qu’elle devait remplir ce vide en elle. Chaque fois, elle devait inventer son âme. Nous autres, on est tout aussi vides ; peut-être qu’en fait tout le monde a l’âme vide, mais Norma, elle, le savait. »





J’ai préféré commencer ma critique de « Blonde », ce roman de mon auteure-fétiche sur une actrice que je ne connaissais très peu, par cet extrait qui résume tout le propos du livre.

Entendons-nous bien : Oates n’a pas voulu retracer la biographie de Marylin Monroe, elle l’a bien affirmé. Elle ne fait « juste » que tenter de comprendre l’insaisissable personnage qu’elle était. Insaisissable car considérée souvent comme une « grue », une moins que rien qui ne pensait qu’au sexe et à affoler les hommes par la même occasion, mais qui faisait preuve d’une telle profondeur de réflexion au-delà de son apparence superficielle qu’elle mettait souvent très mal à l’aise.

« Il était plus sage de rire que de pleurer. Plus sage de rire que de penser. Plus sage de rire que de ne pas rire. Les hommes l’aimaient quand elle riait. »





Personnage complexe, aussi. Etonnamment complexe. Et ici, Oates joue au psychiatre. Elle explore avec ténacité et lenteur extrême l’enfance de Norma Jeane, qui n’a jamais connu son vrai père et dont la mère est devenue folle alors qu’elle avait à peine six ans. En perpétuelle quête d’affection auprès de cette mère mythomane, elle a fini par aller en foyer pour orphelins. Puis recueillie dans une famille d’accueil, elle est poussée au mariage à 16 ans. Et la voilà jetée dans cette vie de femme à laquelle elle n’était pas préparée : vie de femme se déployant sous les regards concupiscents d’une multitude d’hommes.

« La vérité fondamentale de ma vie, que cela ait été la vérité ou une parodie de vérité : quand un homme vous désire, vous êtes en sécurité. »

« Les hommes étaient l’adversaire, mais il fallait faire en sorte que l’adversaire vous désire. »





Le désir de plaire, d’être aimée à tout prix vient donc de son enfance dévastée par un manque cruel d’affection et même de « reconnaissance » en tant qu’enfant.

Toute sa vie, d’ailleurs, sera une quête perpétuelle de reconnaissance de soi, y compris sa vie d’actrice : « Echouer dans sa carrière d’artiste c’était échouer dans la vie qu’elle avait choisie pour justifier sa naissance injustifiée. »





Amant après amant, film après film, producteur après producteur, elle trace sa voie, la petite Norma qui se distanciera toujours de la grande Marylin.

Tant bien que mal, encensée par beaucoup, heurtée par tous.





Bon, je dois vous avouer quelque chose : j’ai lu les trois quarts de ce roman-fleuve, de plus en plus agacée par l’écriture chaotique de Oates mimant, je le reconnais, l’esprit tumultueux de cette femme-enfant, sa personnalité complexe ainsi que multitude d’autres voix .

A la fin, n’en pouvant plus, obsédée par cette femme, ses amants, ses films, par ce style lancinant et tortueux, j’ai jeté l’éponge.

Bien m’en a pris, car je me rends compte que ma critique a pris dangereusement le pli de la longueur ! Trêve donc de bavardages, je tente de me déprendre de cette œuvre tentaculaire. Figurez-vous que j’étais prête à visionner les films de Marylin! Et toutes les nuits, ne parvenant pas à m’endormir après quelques pages de lecture, je me ruais sur Google pour voir ses photos !



Marylin Monroe est dangereuse, finalement ! Ou, bien réfléchi, ce serait plutôt Joyce Carol Oates...et là, je viens de comprendre. Elle m’a bien eue, cette auteure.

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Blonde

Joyce Carol Oates (Ou JCO pour les intimes) est une bavarde, une incroyable bavarde !

1110 pages pour raconter Marylin Monroe...ça peut paraître trop et pourtant, quand vient la fin, on a presque envie de dire : « C'est déjà fini ? Il manque des passages, non ? »

Alors, bien sûr, certains paragraphes peuvent paraître trop verbeux mais on pardonne tout de même à l'auteure (comme souvent) parce qu'elle a une façon bien particulière de vous mettre dans l'ambiance. Et quand je dis dans l'ambiance, je devrais plutôt dire, dans la peau de Norma Jeane Baker.





Norma Jeane, Miss Golden Dreams, l'Actrice blonde, Marylin Monroe...autant de qualificatifs qu'use Oates pour nommer cette sublime actrice, cette divine Blonde, cette femme-enfant aux multiples facettes.

Et on sent là toute la fascination et l'implication de Oates, toute sa volonté à exposer ce mythe hollywoodien dans toute sa complexité, à la mettre à nu devant les lecteurs, à la rendre à la fois intouchable et vulnérable, à la fois si mystérieuse et si ordinaire, à la fois si belle et si misérable...

Après avoir lu Blonde, on ne pourra plus associer Marylin Monroe à la simple image d'un Sex Symbol à la vie dissolue et auto destructrice.

Il apparaît indéniablement dans ce roman que Norma Jeane fut victime de sa beauté et de son sex appeal. Joyce Carol Oates dénonce bien évidemment une société bien trop misogyne et tient particulièrement à rappeler que Marylin Monroe, malgré ses allures de cruche blonde, était une actrice studieuse, douée d'imagination et de sensibilité.

Elle n'en fera pas pour autant une héroïne modèle et c'est tout à son honneur de rétablir sans fard ni artifice la divine et sublime Marylin dans une fiction qui, finalement, ne semble pas si éloignée de sa véritable vie.





Cette biographie – qui n'en est pas une- est digne d'intérêt et j'ai pris beaucoup de plaisir à la lire.

Il est vrai que j'ai parfois peiné et trouvé certains passages répétitifs et inutiles. Je n'ai pas aimé/ pas compris l'emploi de groupes nominaux ou d'initiales pour désigner les personnages tels que « L'Ex-Sportif » ou « Le Dramaturge » à la place de Joe Dimaggio ou Arthur Miller. Etait-ce pour signifier ou rappeler aux lecteurs qu'il s'agissait bien d'un roman et en aucun cas d'une biographie ?



Néanmoins, cette plongée dans la vie de Marylin fut une expérience véritablement inattendue !



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La fille du fossoyeur

En 1936, Ils ont quitté l'Allemagne pour les Etats-Unis parce qu'ils étaient juifs. Mais le père, ancien professeur devenu fossoyeur, y connait avec sa famille une déchéance intellectuelle et matérielle telle, qu'il se suicide devant sa fille après avoir tué sa femme.



Toute la vie de Rebecca, née sur le bateau qui les a conduits en Amérique, va être déterminée par ce drame initial. La haine de son père et son mariage avec un homme violent qui lui ressemble, ses changements d'identité pour se reconstruire après, les hommes nombreux et les métiers multiples et finalement le renvoi à son passé de fille de fossoyeur dans la quête de ses origines juives.



Cette histoire, inspirée à Joyce Carol Oates par celle de sa grand-mère, a une construction époustouflante. A l'inverse d'un récit linéaire, on découvre le combat et la survie d'une femme, blessée et malmenée par la vie, à travers les fluctuations de ses pensées intimes. C'est dense, historiquement passionnant, poignant et inoubliable.

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Les Chutes

L’écriture envoutante de Joyce Carol Oates ne laisse pas de répit au lecteur, "Les chutes" est le portrait d’Ariah qui semble sortir d’un tableau de Modigliani, avec sa silhouette longiligne et ses cheveux roux tenus en un chignon fragile. Mais ne vous y trompez pas, c’est un solide bambou déguisé en coquelicot balloté par le vent. On découvre Ariah dans les années cinquante, à trente ans, le lendemain matin de sa nuit de noces. Elle s’est mariée ainsi que son mari pour plaire à leurs parents. Lui n’a pas pu supporter plus longtemps cette situation et il s’est jeté dans les chutes du Niagara.



Durant une semaine, hagarde et foudroyée par le malheur elle attend avec obstination que l’on retrouve le corps de son mari. Dick Burnaby, un avocat, complètement fasciné par cette femme surnommée « la veuve blanche » par la presse, va la demander en mariage. L’ex vieille fille mal dans sa peau et le play-boy, riche héritier, forment un drôle de couple !



Le début de leur union sera passionné. Mais Ariah croit porter en elle une malédiction. Dès lors, elle s’enferme dans une certitude qui lui tient lieu de religion avec son cortège d’interdits qu’elle s’impose à elle-même comme à ses enfants. C’est une femme intransigeante, tout à la fois manipulatrice et faible.

Elle vit dans une bulle et ne veut pas voir le monde extérieur, ne pas perdre la face. Elle semble vivre dans une sorte de torpeur, elle piétine son bonheur la tête haute, seule la musique et son piano lui permettent de se relâcher un peu, si peu…



Ses sentiments sont ambigus, c’est une mère castratrice et c’est la maitrise de son image qui dicte en permanence son comportement…pour conjurer le mauvais sort. Pourtant, Dick Burnaby, son second mari est un homme attachant, complexe lui aussi, qui mènera un combat admirable mais voué à l’échec. Ariah n’a pas appris à aimer. Ni lui, ni leurs trois enfants.



Joyce Carol Oates nous fait rentrer dans l’intimité psychologique des personnages grâce à des descriptions physiques et psychologiques troublantes. On pénètre l’âme tourmentée des personnages tout au long de leurs chutes vertigineuses jusqu’à une possible renaissance…



Un roman saisissant.

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Maudits

Minuit, dans le jardin du bien et du mal. Deux noirs sont lynchés par des sympathisants à la cagoule blanche. Nous sommes au début de l’année 1905 et le Ku Klux Klan a ses entrées dans le domaine universitaire de Princeton. Le lieu de cet épais roman de Joyce Carol Oates, pensionnaire du même collège. Elle connait donc bien les mœurs et son histoire. Et quelle étrange histoire son esprit a fomenté dans les marécages de ses environs. Une histoire de démon et de malédiction centrée autour de la personne de Woodrow Wilson, président de l’Université de Princeton, avant qu’il n’engendre des fonctions bien plus hautes et méritantes.



Mais après tout, deux noirs au bout d’une corde, on s’en balance un peu… Non ? Il y a plus important : la Malédiction ! Une jeune femme, bien sous tous rapports, la fille du pasteur, enlevée lors de son mariage par un « être », plus proche du diable que de l’humain, parait-il, pourtant on a fumé le cigare ensemble le mois dernier, mais je lui ai trouvé un air louche quand même, surtout après le second bourbon pris dans le fauteuil en cuir de la bibliothèque.



Un garçon qui se recueille auprès d’une tombe et qui se transforme lui-même en gargouille de pierre. Un autre respire les pétales d’une fleur de Lys et s’en trouve empoisonné. Les événements s’enchaînent dans le tempo des pages qui défilent. Il faut dire que plus de 800 pages pour décrire ces « Maudits », il faut de la matière…



Alors, du coup, il y a quelques digressions, des pages mêmes, des chapitres entiers. Des trucs qui ne servent à rien dans l’histoire. A lire en option, les esprits du malin diront. Joyce Carol Oates laisse vagabonder son esprit. Des parties inutiles… qui auraient méritées d’être coupées au montage pour en faire un film de 120 minutes au lieu d’une série de 22 épisodes… oui, sauf que toutes ces digressions font de ce roman foisonnant de richesse une atmosphère indéfinissable. Je reste pris dans l’engrenage, et si j’ai envie de bailler, je me sers un double bourbon, et me retrouve à nouveau basculer dans ce monde de ténèbres où les marécages sont illuminés par la face obscure de la lune.



Et sous l’obscurité de la lune, entre pâle et bleue, les rencontres se succèdent au coin d’une rue, dans une taverne aussi bruyante que puante, odeur de marécage, odeur du vice, délice de la vie, vie ouvrière et bourgeoisie bien-pensante. En plus du futur président des États-Unis, je fréquente l’activiste Upton Sinclair, l’un des pères fondateurs du socialisme dans ce pays, je lis les premiers poèmes d’Émilie Dickinson, je découvre un Mark Twain sur une plage des Bermudes et un grand Jack London, grand par son mépris et son ivrognerie. En plus du Diable. De l’élite aux pauvres, des noirs aux femmes, J.C.O tisse la toile sociale des États-Unis en ce début de XXème siècle, un roman d’une incroyable richesse, foisonnante de détails, plus de 800 pages de littérature gothique.
Lien : http://memoiresdebison.blogs..
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Nous étions les Mulvaney

« Quels mots peuvent résumer une vie entière, un bonheur aussi brouillon et foisonnant se terminant par une souffrance aussi profonde et prolongée ? »



Difficile de trouver les mots en effet pour parler de cette histoire bouleversante...



Le mot « patchwork » peut être...qui revient souvent au fil de la lecture.



Les courtepointes en patchwork évoquent tellement les Etats-Unis !

Imaginez un peu...

Une chambre, style un peu vieillot, avec des meubles en pin et un chat qui dort confortablement installé sur la couverture en patchwork qui recouvre le lit. Une fenêtre « double hung » donnant sur des vallons verdoyants et une cour de ferme où divaguent chats, chiens, chevaux, biquettes...

C'est la ferme des Mulvaney, à l'image de leur bonheur : brouillonne et foisonnante.



A la fenêtre, il y a une jeune fille. La seule fille des Mulvaney : Marianne. Si tu regardes d'un peu plus près, tu vois bien qu'elle pleure. C'est qu'il lui est arrivé « ça », cette indicible chose que même ses parents et ses frères ne parviennent pas à nommer.

C'est à partir de ce moment qu'on peut s'intéresser à la courtepointe.

Ses couleurs sont vives, joyeuses, un peu disparates mais l'ensemble n'en n'est pas moins harmonieux et chaleureux.

Et pourtant...les larmes de Marianne la terniront.

Quand elle quitte la maison, chassée par un père qui ne supporte plus l'image qu'elle lui renvoie- l'image d'une famille américaine des années 70, loyale, honnête et bien dans ses bottes, pervertie par « ça » - Marianne, meurtrie dans son corps mais surtout dans son âme fait alors de sa vie un « patchwork », tout comme le dira sa mère.

Une vie qui n'a plus vraiment de sens.



Et si tu regardes bien la couverture, tu peux voir maintenant qu'elle est toute effilochée, que les morceaux de tissus sont décousus, qu'ils se détachent les uns des autres. Comme les membres de la famille Mulvaney...



C'est une histoire triste, poignante que celle que nous raconte Joyce Carol Oates. Au travers de portraits à la fois attachants mais aussi révoltants, elle capte irrémédiablement l'attention du lecteur, qui est prêt à tout lui pardonner, même ses longues digressions.

Cette auteur américaine n'a pas son pareil pour décrire les âmes tourmentées, mais également pour pointer du doigt cette société américaine aux mœurs si étriquées, à l'hypocrisie caractérisée, pour laquelle il ne suffit pas d'être mais surtout de paraître.





Merci à Latina de m'avoir conseillé ce livre. C'est maintenant mon « Oates » préféré !

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