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Critiques de Léon Tolstoï (1432)
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La Guerre et la paix : Intégrale

Quelle Fresque ! Quelle épopée !

Elle démarre à Pétersbourg en 1805, de raouts en raouts, dans les froufrous des robes, des cancans, des intrigues et les rumeurs d'une guerre Napoléonienne qui semble inévitable, qui est même désirée, qui exacerbe les rêves de gloire.

Nous suivons principalement les membres de quatre familles, les Bolkonski, les Rostov, les Bezoukhov et dans une moindre mesure les Kouraguine jusqu'en 1813, avec une incursion en 1820 dans l'épilogue.

Pas besoin d'en dire plus sur le contexte, ça ne se raconte pas, ça se lit et se vit !



C'est le deuxième livre que je lis de Tolstoï, et les deux fois, ils ont fait un carton plein d'étoiles. J'en suis encore toute éblouie.

Les personnages sont vraiment d'une justesse remarquable. Ils s'empêtrent dans leurs contradictions faisant étalage de toutes les gradations de leurs défauts et de leurs qualités. Bref, des personnages parfaitement imparfaits à l'instar d'un Pierre qui dira qu'il « sentait qu'en lui-même le bon et le mauvais faisaient un mélange et s'atténuaient l'un par l'autre ».



Tolstoï a vraiment un talent admirable pour animer et faire vivre ses personnages, pour les faire rebondir et évoluer au gré des événements et des aléas qui les frappent, les fauchent ou les cajolent.

C'est d'autant plus accentué que l'écriture, à tout le moins dans les deux premiers livres (il y en a quatre), est très visuelle. C'est truffé de détails savoureux, tellement expressifs et humains. On croirait y être. J'y étais. Nous sommes projetés aux cotés des protagonistes et nous interagissons avec eux. Parfois d'ailleurs à leur insu, comme par exemple quand leur perception d'eux même est contredite par les événements. Certaines scènes m'ont beaucoup amusée. D'autres, comme les rituels militaires, notamment au début, m'ont carrément fait halluciner. J'ai parfois eu l'impression d'assister à un spectacle. Mais comme le chantait Freddie Mercury: the show must go on …



Et ce n'est pas tout... Tolstoï introduit graduellement, principalement à partir du troisième livre, la vision des historiens et sa propre vision. Il les fait cohabiter avec celle des protagonistes jusqu'à cet épilogue dans lequel il approfondit et développe ses convictions sur la science de l'histoire, ce qui met les hommes en mouvement, sur le libre arbitre, la responsabilité, le pouvoir. C'est passionnant et bien amené.



En tout cas, en ce qui me concerne, un grand moment de lecture ! Petite et grande histoire s'attirent et se repoussent dans une mazurka entrainante aux multiples variantes, à moins que ce ne soit dans un Danilo Cooper…

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La Mort d'Ivan Illitch - Maître et serviteur ..

Je me suis régalé avec ce livre qui regroupe trois nouvelles de Tolstoï tournant autour de l'idée de la mort.



Tout d'abord chapeau à l'éditrice qui a conçu le dossier. Les notes viennent à propos expliquer des détails utiles de l'Histoire de la Russie, ou un mot russe peu connu, ou encore dénouer la pelote des noms, surnoms et autres diminutifs par lesquels les Russes s'interpellent.



Trois morts est une courte nouvelle écrite plutôt en début de carrière (1858). C'est la moins palpitante des trois tout en étant quand même bien agréable à lire. Elle permet de montrer le contraste entre la mort d'un homme du peuple – un cocher – et d'une noble dame. Si le premier s'enfonce lentement dans la maladie, couché sur le poêle d'une isba (une habitude à l'époque), sans se plaindre et meurt en douceur sans un mot, la dame est terrifiée par la maladie, la dénie, pleure, enrage. Quant à la troisième mort, je vous laisse sur votre faim. Elle est surprenante.

Une bonne introduction aux deux autres nouvelles.



Tolstoï publie La mort d'Ivan Ilitch en 1886, soit presque trente ans après Trois morts. La Russie et l'auteur ont bien changé.

On est dans la bonne société. le début présente le comportement des « amis » et de la famille d'Ilitch dans les heures qui suivent son décès ; des gens moins effondrés de chagrin qu'ennuyés par cette séance qui vient parasiter leur routine ou par les problèmes financiers que la mort va impliquer (ça c'est sa femme). La mort elle-même ne les atteint pas ; elle ne peut pas les concerner, eux. La suite narre la vie d'Ivan Ilitch, une vie en forme de parabole avec une montée vers les sommets de la réussite sociale et une chute d'abord lente puis de plus en plus rapide à cause d'une blessure mal soignée (les médecins en prennent pour leur grade dans le texte). On suit pas à pas la progression de l'idée de sa propre mort qui fait son trou dans l'esprit de plus en plus paniqué d'Ilitch. C'est pathétique, terrible et finalement effrayant. L'homme si fier de sa carrière finit par se convaincre que c'est parce qu'il a choisi la « mauvaise route » qu'il a été en quelque sorte puni. Jusqu'à la fin il s'accrochera à n'importe quel élément – un serviteur, la religion – pour tarir son effroi.



Maître et serviteur est ma préférée. Publiée en 1895, elle s'intéresse moins à la mort, même si celle-ci est la fin obligée du voyage pour un individu trop peu prévoyant. Elle m'a fait penser à une sorte de Jack London russe. Vassili, le maître, un marchand qui a réussi, et Nikita, un paysan aux besoins simples, partent pour ce qu'ils pensent être un court voyage. Vassili a une affaire à régler qui ne souffre aucun retard. C'est l'hiver, la tempête de neige menace. Il part en traineau tiré par un bon cheval. Inquiète, son épouse l'a obligé à emmener Nikita. Vassili est une sorte d'Harpagon addict à l'argent. L'affaire commerciale, but du voyage, capte toutes ses pensées. Il ne parvient pas à saisir les signes multiples du danger que ce voyage représente, jusqu'à ce qu'il soit trop tard. Quand la nature, son froid, son vent, son immensité nocturne, s'impose à lui, il panique. Nikita, lui, vit le moment, cherche des solutions et ne râle même pas sur son maître si peu prévoyant et qui prend des décisions stupides. Les deux personnages iront au bout de ce que vers quoi leur caractère les pousse. Enfin, … pas tout à fait. Les caractères peuvent exploser quand la nature se déchaine au point de menacer votre vie.



C'est mon deuxième livre de Tolstoï, après Les cosaques lu il y a longtemps. Je compte bien poursuivre l'aventure, même si je ne suis pas prêt à me lancer dans ses briques littéraires les plus célèbres.

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La Sonate à Kreutzer

Tolstoï a écrit cette nouvelle en 1891, après avoir entendu la sonate de Beethoven, qui l’a ébranlé (au passage, j’aime Beethoven mais, pas du tout cette œuvre, tout comme la symphonie héroïque), et il n’y va pas de main morte!



En gros, si on résume, le mariage est à rejeter, la sexualité battue en brèche : l’auteur prône la chasteté, purement et simplement et tant pis si l’espèce humaine est vouée à la disparition pure et simple. On a d’un côté les prostituées, de l’autre l’épouse qui se doit d’être vierge et pour finir, le mariage qu’il considère comme de la prostitution légalisée.



En fait, le héros Posdnicheff est doté d’un ego surdimensionné, et ramène tout à lui, même leurs six enfants passent au second plan pour lui, à part son préféré. Ses réactions lorsque le médecin interdit à sa femme d’allaiter leur premier enfant donnent une idée de son mode de fonctionnement. C’est à ce moment-là que la jalousie maladive se manifeste pour la première fois. Les enfants sont cause de troubles dans le mariage.



« Oui, la jalousie ; la jalousie sans cause, c’est la condition de notre vie conjugale débauchée, et, durant tout le temps de mon mariage, jamais je ne cessai de l’éprouver et d’en souffrir. »



L’auteur a choisi la jalousie, la folie de son héros pour exprimer cette conception de la femme et du mariage et exprimer le dégoût, opposant la fornication à la chasteté, mais aussi pour montrer la montée en puissance de la violence, de la colère qui vont aboutir à la mort. Il peut ainsi, exprimer comment un esprit dérangé peut interpréter tout ce qu’il voit ou entend pour étayer son raisonnement vicié à la base.



La place occupée par la musique est très importante, elle aussi : tout d’abord, c’est par la musique que se rencontrent la femme du héros et le musicien Troukhatchevski, tous deux interprétant « la sonate à Kreutzer », elle au piano, lui au violon. Et la complicité dans la musique suffit à déclencher la jalousie du mari.



Ce qui m’a plu également dans cette nouvelle, c’est la manière dont on alterne le récit du héros (qui raconte les évènements en les réinterprétant, tentant de les expliquer), ce qui donne un rythme rapide, logorrhéique, et en écho, le narrateur qui essaie de calmer les excès, un récit à deux voix, comme la sonate.



Une lecture vraiment troublante. J’ai dû m’accrocher pour aller jusqu’au bout, tant l’opinion du mariage et de la femme du héros m’irritait. Au moment où il a écrit cette nouvelle Tolstoï traversait une période sombre, mystique. Elle a, du reste, été très mal accueillie par ses lecteurs. On imagine la réaction qu’a pu avoir sa femme!



La deuxième moitié est plus facile, probablement car il y a moins de théorie et qu’on est davantage entré dans l’action proprement dite. Cette lecture a été difficile, mais elle m’a plu. Je ne la conseillerais pas pour aborder l’auteur, car il faut être familiarisé avec lui. Cependant, je préfère la manière dont Dostoïevski aborde la folie.



Cette vidéo qui alterne la sonate et le récit est sublime :



https://www.youtube.com/watch?v=vqu84m3M4Qo



Challenge XIXe siècle 2017
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Maître et Serviteur

Tolstoï nous livre une réflexion sur le lien Maître et serviteur, employeur employé et sur le pouvoir que confère l’argent par rapport à celui qui doit obéir.



Il met en parallèle la sagesse de Nikita, proche de la terre, des éléments et des animaux qui sait d’instinct comment affronter la tempête, la neige, le blizzard, mais qui obéit aux ordres, même s’ils sont dénués de bon sens.



Face à lui, Vassili le maître obsédé par son affaire, il s’obstine à continuer la route dans la tempête mettant tout le monde en danger : il savait qu’il fallait s’arrêter au village la première fois où ils se sont perdus, mais l’appât de gain du maître est trop fort.



Il ne s’agit pas simplement de la relation entre deux hommes perdus dans la tempête, c’est aussi une critique de la société de l’époque (est-ce que cela a beaucoup changé ?)



Une mention spéciale pour la misogynie du maître : « ma femme ne saura pas se faire payer. Qu’elle est ignorante ! Elle n’a pas de savoir-vivre », pensa-t-il en se rappelant la façon dont elle avait reçu le commissaire de police qui lui avait fait visite la veille à l’occasion de la fête.



« Une femme, quoi ! Où aurait-elle pu s’éduquer ? Était-ce une maison convenable, celle de ses parents ? »



Tolstoï parle aussi de sa relation avec la mort : doit-on la redouter ou en accepter la fatalité : Vassili a peur de la mort, il pense même un moment, que Nikita peut bien mourir de froid, cela n’a pas grande importance, par rapport à sa propre vie.



Nikita, lui, ne redoute rien, la mort est une fatalité, quel est le prix de la vie pour lui ? il suit son instinct, sa propre expérience, pour se protéger, et tenter de protéger son maître et Moukhorty, le cheval qui est un être humain pour lui, il lui parle, le bichonne alors que pour Vassili, il n’est qu’un moyen de locomotion.



Les phrases sur la mort sont très belles.



« Mourait-il ou s’endormait-il ? Il ne le savait ; mais il se sentait également prêt pour l’une ou pour l’autre chose. »



J’ai lu cette nouvelle il y a très longtemps, à la même époque que la première lecture de « Anna Karénine », et la magie a fonctionné une nouvelle fois, j’ai retrouvé le texte qui s’était imprimé tout au fond de ma mémoire alors que je pensais l’avoir oublié…
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Anna Karénine

Anna Karénine, de Tolstoï... cette vieille édition, "héritage" maternel, "traînait" depuis bien longtemps dans ma bibliothèque... et ni son sous-titre "le plus émouvant des romans d'amour", ni l'image médiatique que j'en avais depuis l'enfance d'une grande fresque classique digne d'un méli-mélo télévisuel à la docteur Jivago ne m'encourageait à l'ouvrir... 980 pages de sentimentalisme mêlé à de longues descriptions des plaines enneigées où la vieille aristocratie russe exploite le moujik inculte n'avaient rien d'hâletant, et j'avais tellement mieux à faire... j'avais 20 ans...

Et puis la quarantaine est arrivée, et le dialogue s'est ouvert avec le vieux barbu au regard d'acier... radical et moderne, mystique et profond, rude et subtil à la fois, pacifiste végétarien et néanmoins génialissime sociologue de la guerre de tous contre tous... la vieille barbe n'a cessé de me surprendre, et de m'interpeler avec force, au cours de cette lecture...

Oui, en conclusion, Anna Karénine, si longtemps boudé comme roman de boudoir, est bien un classique, non pas par ses pages jaunies et le poids du pavé, mais par la pesanteur de la pensée qui sous-tend cette réflexion sur la vie.

S'il y est question d'amour, c'est pour en disséquer tous les ressorts : passion, violence, tendresse, doutes, transferts de ses propres désirs, désillusion, conformisme, rébellion... pour finalement aboutir à une conclusion sur la mort, et l'amour plus universel -chrétien chez Tolstoï, mais seulement parce que Lévine, contemplant le ciel étoilé, ne s'autorise pas à questionner plus avant les rapports des croyances humaines avec la Divinité...- qui seul semble la transcender...

S'il y est question de la beauté fragile et rebelle d'Anna, c'est pour la confronter à l'orgueil froid et peu consistant de Vronsky, choc de désirs et de vanités, qui finalement les renvoie dos à dos, dans la destruction et la folie.

S'il y a peinture sociale de la haute société d'une époque, c'est pour démontrer page à page l'inanité de leurs préoccupations, et consacrer au final la valeur de l'ermitage où se réfugient Lévine et Kitty, chacun ayant -elle d'abord, lui ensuite-, fait son chemin et trouvé la paix et un sens à sa vie, au plus près du peuple et de la nature.

J'avais lu que Tolstoï s'incarnait dans chacun de ses personnages, et c'est vrai : Anna Karénine ne décrit pas une société et un pays, mais avant tout le monde intérieur d'un homme hors normes, qui s'interroge et nous interroge alternativement dans chaque personnage, dans chaque situation, proposant en fin d'ouvrage une modeste conclusion personnelle, que chaque lecteur reste libre de choisir, ou pas, s'il préfère suivre le destin d'Anna, Vronsky, Lévine, Kitty, ou les autres...
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Anna Karénine

C'est le livre qui réduit mon esprit de synthèse à néant. Je ne sais quels noms et adjectifs choisir pour résumer mon impression sur ce roman. Tous ceux qui me viennent à l'esprit me paraissent "trop peu/pas assez" représentatifs pour parler de ce chef-d'œuvre.



C'est aussi le livre qui clôt tout débat sur l'accessibilité de la littérature dite classique. Ça se dévore avec facilité.

Et avec félicité.



C'est une fresque de la vie des princes et comtes russes du XIXe siècle, saisissante de réalisme.

Que l'émotion soit ridicule ou fasse tenir debout, que la raison soit philosophique ou dans son intérêt personnel, tout est divinement déroulé, démontré. Au point d'entendre le froufrou des robes et rubans.



Mais je m'arrête là. Tout ce que je pourrais dire ne saurait rendre justice à ce roman, de part l'étendue des caractéristiques humaines qu'il aborde avec brio. Encore que, le mot "brio" fasse partie des "trop peu / pas assez".
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La Mort d'Ivan Illitch - Maître et serviteur ..

Au seuil de la mort, Ivan Illitch, dans sa solitude tourmentée d’agonisant, procède à un dialogue intérieur. La pensée du magistrat alterne entre espoir de guérir et conviction de sa fin proche. Il ressent la fausseté et l’hypocrisie de ses proches qui lui mentent sur son état, rejette le simulacre de la médecine, analyse la vacuité de l’orgueil humain, pense à Dieu et finalement accepte après cette longue introspection, l’inéluctable fin de sa vie.



Dans le froid intense d’une tempête de neige, un maître et son serviteur se rendent dans une ville voisine pour conclure une affaire. Face aux éléments déchaînés, le bon sens voudrait qu’ils fassent demi-tour, c’est ce que pense Nikita face à l'obstination de son maître. Mais la cupidité de celui-ci est supérieure à son instinct de survie. Ils vont se perdre et le serviteur ne pourra sauver son maître.



La mort d’une vieille dame, d’un cocher et d’un arbre. La première meurt comme elle a vécu, acariâtre et tyrannique. L’arbre mort laissera sa place à d'autres arbres et deviendra une croix sur la tombe du vieux cocher disparu simplement, à l’image de sa vie.



Trois récits magnifiques par leur puissance d’évocation (le passage dans la tempête de neige est absolument glaçant) dans lesquels Léon Tolstoï se livre à une critique sociale, des récits hautement symboliques qui traduisent ses interrogations et angoisses existentielles.

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La Mort d'Ivan Illitch - Maître et serviteur ..

Allongé sur son canapé Ivan illitch attend

La douleur pénètre insidieusement en lui

Apportant larmes et déchirements

Le mal qui le ronge peu à peu le détruit

Aimé de peu, abandonné de tous, il prie

Charognards odieux attendant sa dépouille

Espérant que la mort fasse place à la vie

Et les délivres de ce visage de gargouille.



Tout est dit dans cette nouvelle de Léon Tolstoï, dès la première page on sait que Ivan Illitch est mort. La mort n’est jamais belle, la douleur encore moins,Tolstoï avec son talent nous renvoie à ce que nous sommes, des êtres en sursis. La mort d’Ivan Illitch titre de cette nouvelle est particulièrement effrayante. La douleur est dans toutes les pages, douleur morale et physique, aucun soulagement aucun réconfort.

J’ai aimé Ivan comme j’ai aimé Pierre dans la guerre et la paix comme j’aimerais Anna Karenine parce que les personnages de Tolstoï sont comme nous, pas des supers héros.

Merci à la tribu pour cette lecture commune et à Sandrine la cheffe d’orchestre de cette lecture.
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Quarante ans



Ç’aurait pu être une banale histoire fantastique.

C’est un texte d’une dizaine de pages écrit par Kostomarov (historien) d’après une légende petite russienne.

Trofine Sémionovitch a commis un acte répréhensible et connaîtra son châtiment dans quarante ans. Voilà de quoi réfléchir un bon moment ! Et c’est là qu’intervient Tolstoï en y apportant ses réflexions et les dilemmes qui l’on habités sa vie durant.

Si Dieu n’existe pas les hommes pourrait bien être comme lui et il est en danger et tout lui fait peur.

Si Dieu existe la seule chose qu’il ait à craindre est sa conscienceet la peur de ce qui adviendra dans quarante ans.

Tolstoï donne vie à cette histoire et nous éprouvons de la pitié mais aussi de la curiosité quand à ce qu’il adviendra.

Une conclusion s’impose portée avec brio par l’auteur, l’enfer est sur terre et nous en sommes les propres artisans par nos actions.

Un texte magnifique que je dois aux avis de @mh17 et @PatriceG qui ont su attiser ma curiosité.

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Anna Karénine, tome 1

« Anna Karenine » fait partie de ces romans que j'ai toujours voulu lire, mais que j'ai, à de nombreuses reprises, remis à plus tard pour plusieurs raisons.

La première est que j'abandonne très difficilement une lecture, alors, j'avais peur de m'engager dans un roman au nombre de pages si effrayant. J'avais aussi la crainte d'une histoire d'amour trop longue, trop lente, trop classique, trop complexe à lire.

En définitive, j'avais surtout peur de ne pas apprécier à sa juste valeur, ce roman considéré par beaucoup comme un chef d'oeuvre.



Pour la seconde fois, j'ai eu recours au livre audio pour m'aider à dépasser mes appréhensions. Et à l'écoute de la belle voix d'Hélène Lausseur, mon inquiétude s'est très vite dissipée, faisant place au souhait de rencontrer au plus vite Anna Karenine.



Pour ceux qui seraient tentés par cette approche, l'oeuvre de Léon Tolstoï se compose de deux livres d'une quinzaine d'heures chacun.



*

« Tous les bonheurs se ressemblent, mais chaque infortune a sa physionomie particulière. »



Comme chacun sait, Anna Karenine, c'est avant tout l'histoire d'une femme qui s'est mariée sans amour avec un homme de vingt ans son aîné, et qui va entretenir une liaison amoureuse avec un jeune officier.



« Toute la diversité, tout le charme, toute la beauté de la vie est faite d'ombre et de lumière. »



Dans sa quête du bonheur et de l'amour, elle va se laisser envahir par son désir d'être heureuse, sa soif d'aimer, et son besoin d'être aimée en retour, sous le regard de la bonne société russe avide d'indiscrétions, de médisances, de calomnies.

Avide d'être aux premières loges pour alimenter les rumeurs.

Avide de la juger et de la condamner au nom de la morale bien-pensante.

Avide de se repaître de son malheur.



*

J'ai été un peu décontenancée par le début de l'histoire, car Léon Tolstoï nous met en présence de nombreux personnages qui gravitent autour d'Anna Karenine et celle-ci est relativement peu présente au début du récit. Pourtant, elle donne son nom au livre.



Le rôle principal revient à Constantin Dmitrich Levine, un gentilhomme campagnard solitaire et socialement maladroit. Amoureux de la belle Kitty, il doit faire face à un rival de taille, le comte Wronsky, un homme jeune, séduisant et beau parleur.



« … pour lui, elle ressortait dans la foule comme une rose parmi des orties, éclairant de son sourire ce qui l'environnait, illuminant tout de sa présence. »



Et puis Anna Karenine entre en scène, éblouissante, captant tous les regards.



*

Je l'ai détaillée, à la descente du train en gare de Moscou, ravissante malgré la fatigue du long voyage depuis Saint-Pétersbourg, accrochant par son sourire mélancolique empli de douceur, le regard du brillant officier Alexeï Wronski.

Le soin qu'elle met à ne pas faire attention à ce jeune homme, à rester irréprochable en toute circonstance, marque dès lors une irrésistible attirance et le début d'une passion dévorante.



L'auteur dessine avec des mots, si bien que j'ai parfaitement distingué Anna Karenine dans mon esprit.

Si j'avais été une artiste, j'aurais choisi le pastel qui offre un effet doux et poudré pour tracer avec délicatesse les contours d'une jeune femme belle, mystérieuse, gracieuse, habillée avec raffinement et élégance. Puis, par petites touches délicates, j'aurais coloré son visage de pigments aux teintes satinées, m'attardant sur son regard, sa bouche pour restituer la grâce de ses traits, son charme inconscient et sa personnalité troublante.



*

D'une plume fine et élégante, Léon Tolstoï excelle à créer de si beaux personnages qu'ils semblent réels.

Il décrit avec beaucoup de justesse, la complexité des émotions humaines, la violence des sentiments, que ce soit la passion maladive d'Anna pour Wronsky ou au contraire sa haine viscérale à l'égard de son mari ; le narcissisme, la médiocrité et les limites morales de son mari Alexis Alexandrovitch Karénine; ou bien l'inconstance, la prétention et l'égoïsme de l'officier Wronsky.



*

Le récit apparaît si sincère que l'on ressent chaque mot, chaque joie, chaque douleur, chaque tourment.

Anna Karenine est émouvante, bouleversante dans son rôle de femme passionnée et entière, elle étouffe dans un rôle qu'elle n'a pas choisi et dont elle se sent prisonnière.

Elle ne veut plus, ni mentir, ni tricher. Son amour insensé vaut tous les sacrifices : sa réputation et son confort financier, sa vie de femme, d'épouse, ou de mère. Elle est d'une force de caractère incroyable pour l'époque, mais en même temps, elle semble seule, fragile, et délicate comme une poupée de porcelaine.



*

L'auteur a cette capacité de tirer parti des multiples facettes de la personnalité de chaque personnage, de sorte que notre avis sur chacun change en fonction du nouvel éclairage donné par l'auteur.



Au début du récit, Anna m'est apparue comme un ange.

Sa beauté intérieure irradiait autour d'elle, ricochant sur certains de ses proches. Ainsi, quelques petits traits de caractère mesquins et méprisables de certains personnages, se sont estompés pour révéler des qualités humaines jusque là cachées par l'obligation morale, la jalousie, l'hypocrisie, la rancoeur, le mépris ou la haine.

Et puis, sous cette apparence angélique, se dessine lentement une personnalité plus complexe, plus torturée, plus destructrice. Elle brûle d'un désir violent d'aimer et d'être aimé qui la pousse vers l'abime, entraînant avec elle, ceux qui l'aiment.



*

Autre surprise, « Anna Karénine » offre également un vaste tableau de la vie en Russie au XIXème siècle.



L'auteur prend les traits de Constantin Levine pour exprimer ses idées sur la société, la politique, la propriété foncière, le travail de la terre, les conditions de travail des paysans russes, sur la nécessité de se moderniser.

Malgré quelques longueurs et des opinions trop souvent patriarcales, ces réflexions font ressortir les disparités entre la vie rude de la campagne et la vie mondaine et frivole dans les grandes villes de Saint-Pétersbourg et Moscou. Anna est l'incarnation même de cette existence vide et futile.



Konstantin Levin m'a fait une belle impression : droit, honnête, il se préoccupe du sort des paysans, s'efforce de les comprendre et de les soutenir.

J'ai aimé sa simplicité, son attachement à la terre, son souhait de vivre avec la seule femme qu'il désire, Kitty. L'évolution de ce personnage tout au long du récit est superbement décrite, sa détresse, son envie de rompre sa solitude le rendant incroyablement émouvant et attachant.

Une de mes phrases préférées :



« Il descendit donc sur la glace, évitant de jeter les yeux sur elle comme sur le soleil, mais, de même que le soleil, il n'avait pas besoin de la regarder pour la voir. »



*

« Anna Karenine » est un roman magnifique, incarné par le merveilleux personnage féminin d'Anna Karenine et un personnage auquel je ne m'attendais pas, Konstantin Levin. Léon Tolstoï est passé maître dans l'art de décrire les pensées et les motivations de chacun, la beauté et la médiocrité des sentiments.

Je vais rapidement me lancer dans la seconde partie du roman, l'esprit attristé, anticipant par avance l'inévitable tragédie à venir, dévoilant par la-même, une nouvelle facette de la personnalité d'Anna.

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Anna Karénine

Je tiens tout d’abord à remercier Srafina pour m’avoir proposé de lire ce roman avec elle (toujours un plaisir) et aussi pour sa patience. J’ai dû interrompre notre lecture quelques jours car j’ai été malade. J’ai toujours peur de décrocher quand je fais une pause trop longue mais ici je me suis replongée facilement dans l’intrigue.



Il faut dire que Tolstoï a une écriture vraiment très accrocheuse et agréable à lire. C’est très fluide. Dans l’ensemble, j’ai passé un très bon moment de lecture.



J’ai trouvé vraiment intéressant d’être plongée dans la société russe à l’époque où le futur Nicolas II n’était qu’un petit garçon. Tolstoï va parfois très loin dans les détails et j’ai trouvé certains passages un peu longs.



J’ai aimé suivre le parcours de ces trois femmes : Anna, Kitty et Dolly. Trois facettes (parmi d’autres) de la condition féminine dans la Russie du 19e siècle. Les hommes ne semblent jamais avoir grand chose à perdre et de toujours avoir l’avantage quoi qu’ils décident de faire.



Il est aisé de cerner les personnages grâce aux monologues intérieurs sans connotation de jugement. J’ai l’impression que l’auteur nous laisse la liberté de nous faire notre propre opinion.



Je n’ai pas vraiment de personnage préféré mais celui qui m’a inspiré le moins de sympathie est le frère d’Anna. Karénine est rigide et lâche mais il est capable de compassion.



Ce roman est une fresque d’histoires qui s’entrelacent pour donner vie à une époque révolue.



Pour conclure voici un morceau de Karl Davidov un compositeur et violoncelliste russe de cette époque :



https://www.youtube.com/watch?v=z_NdZuGmHrc



Il n’est pas exclu que je relise ce livre un jour.











Challenge pavés 2022

Challenge XIXe siècle 2022

Challenge ABC 2021/2022

Challenge multi-défis 2022

Challenge coeur d’artichaud 2022

Challenge littérature slave orientale
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Anna Karénine

Quelle est cette « vérité immortelle » dont parle Dostoïevski à propos du livre de Tolstoï ? N’est-ce pas la passion ?

Un beau classique, un beau style, qui pose une question universelle : Peut-on résister à la passion d’amour ?

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Moscou, fin XIXè. La princesse Dolly s’aperçoit que son mari, le charmant Stiva, haut fonctionnaire, la trompe.

Sa sœur cadette Kitty hésite entre deux prétendants : l’homme de la campagne, franc et loyal Lévine, pour qui penche son père, qui le connaît, puisqu’il est le frère de son beau-fils Stiva, et le « dandy » comte Vronski, arrivant juste de Pétersbourg. Celui-ci veut juste une amourette, mais ne le dit pas, alors que Kitty imagine un engagement sérieux. La princesse, sa mère penche pour le charmeur Vronski.

Au bal, la lumière dégagée par Anna écrase involontairement le succès qu’attendait Kitty auprès de Vronski. Celui-ci, à son tour, est pris au piège de l’amour. Anna, femme mariée, pense qu’elle gâche le futur bonheur de Kitty, et repart précipitamment pour Pétersbourg. Mais Vronski, envoûté, la suit. Or, par malchance, le mari d’Anna, Alexis, haut fonctionnaire "psycho-rigide", ne s’occupe pas d’elle, et Anna, à son tour, est prise au piège de la passion pour Vronski ;elle est comme un poisson qui se débat dans une nasse.

Que fera Anna ? Son cerveau opte pour son devoir d’épouse, mais son cœur incline vers les délices de la passion…..

Sait-elle que la passion est dévastatrice ( passio= souffrir ) ?

Il faut souligner, outre les passages sur l’aristocratie que le comte Léon Tolstoï doit bien connaître, de beaux morceaux sur la Nature, que Tolstoï apprécie, ainsi que sur les gens de la campagne, modestes et simples, quand l’auteur revient sur Lévine rentrant dans ses terres, et lui donne la parole, sa parole, lui qui a donné ses terres à ses paysans ! J’aime beaucoup Constantin Lévine : il est beaucoup plus « vrai » que la plupart des personnages qui gravitent dans ce livre.

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« Je ne suis pas froissé de voir les paysans acheter nos terres. Le propriétaire ne fait rien, le paysan travaille et prend la place de l’oisif. »

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Le comte Léon Tolstoï est un personnage étonnant. Son observation du milieu aristocratique russe a sans-doute contribué au succès de ce roman, « Anna Karénine », sorti en 1877.

Mais, comme Hugo ou Zola, Tolstoï se tourne en ensuite plus fortement vers les questions existentielles, philosophiques. Schopenhauer l’interpelle.

Il ne méprise pas l’anarchie, et influencera Ghandi.

Il se pose les grandes questions sur le sens de la vie, la religion, la patrie.

Son dernier roman, « Résurrection », doit être passionnant 😊

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Nota : j’ai eu la chance de voir Pétersbourg et Moscou : je préfère de loin la première, qui est, à mon avis, plus belle, et a plus d’âme ; voir le Palais d’Hiver sur la Neva gelée, est de toute beauté.

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Je remercie Nastasia qui m’a conseillé ce roman en 2016 ; je viens de le relire.

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Anna Karénine

Anna Karénine est une très belle histoire romantique, malheureusement dramatique .L 'héroïne, Anna, avait tout pour vivre heureuse .Elle est issue,d 'une ancienne famille aristocratique . Elle est mariée à un haut dignitaire . Elle a des enfants .Elle est intelligente, belle, gaie,joyeuse et forte .Elle est séduite par un officier de l 'armée du Tsar, le vicomte, Vronski . le temps passe et comme tout a une fin même une belle romance ; le comte Vronski est las de cette liaison .

La femme séduite, Anna, est délaissée par son amant .Vivant dans cette société saint-pers bourgeoise hypocrite, cynique, Anna découvre les tares et les vices de cette société qui ne tardera pas à la méjuger ;Anna est une femme adultère .Elle devient, la femme pestiférée .Elle est abandonnée par tous .Mais ce qui fait le plus mal à Anna ce n 'est sa condamnation par la société mais c 'est qu 'elle n ' a pas triché au contraire ,elle a tout donné pour cet amour. Elle a sacrifié sa personne, sa vie à elle, sa vie de femme, sa vie de mère .Après tout ce sacrifice que reste-t-il à Anna ?

En lisant ce roman qui est un peu long mais dont la lecture est plaisante, et on ne s 'ennuie nullement .A travers cette lecture, on découvre tout le

talent de Tolstoi dans la description psychologique et les états d 'âme des différents protagonistes et surtout ceux de l 'héroïne, Anna .On se délecte, on se régale avec ce roman tellement sa lecture est passionnante !



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Anna Karénine

Chère Anna Karénine,

Permettez-moi ce soir de vous adresser cette lettre. J'ai souvent pensé à cette phrase qui ouvre le roman éponyme portant votre nom : « Les familles heureuses se ressemblent toutes ; les familles malheureuses sont malheureuses chacune à leur façon. » Par cet incipit, Léon Tolstoï, ce génie qui vous créa corps et âme, scellait ainsi votre destin.

Manquerais-je de pudeur si je vous avoue que deux femmes en littérature ont suscité chez moi de l'amour ? Vous et aussi une certaine Emma Bovary. Vous lui êtes contemporaine, je crois de vingt ans. Et je pense, dans cet amour que j'éprouve pour toutes les deux, qu'il n'y a pas de hasard à cela en observant dans vos histoires respectives des destins presque semblables. Presque, et dans ce mot il y a toute la différence mais aussi des choses qui se ressemblent et qui m'ont troublées, décrites sublimement par deux écrivains dont l'un figure dans mon Panthéon littéraire : Flaubert.

Mais parlons plutôt de vous...

J'ai aimé les flots de pages qui vous donnent vie, donnent vie aux personnages autour de vous, de votre beauté, de la lumière que vous dégagiez, j'ai l'impression que la vie était une sorte de manège tournant autour de vous, vous aimantiez tout ce qui était touché par votre regard, les hommes, mais aussi les femmes, les enfants, la clarté du jour, un paysage matinal où s'envolent des oiseaux, une calèche traversant une rue de Moscou, un train qui entre dans la gare de Saint-Pétersbourg...

Ah ! Les gares, les trains, les wagons, difficile d'y penser de nouveau sans ressentir la douleur, n'est-ce pas, Anna Karénine...?

Parmi tous ces personnages, j'ai parfois eu tout d'abord un peu de mal à m'y retrouver, mais brusquement je voyais où Léon Tolstoï voulait en venir, et surtout de quelle manière ingénieuse il déployait son récit, à la façon d'un architecte, posant un édifice où non pas une seule histoire se développait, la vôtre, mais celle de trois couples de l'aristocratie russe, liés indirectement les uns aux autres, peu à peu cela devenait comme une forêt où j'avançais et j'ai vu alors deux personnages se saisir du récit, vous Anna Karénine et Constantin Levine. Oui je vois alors, vous allez avancer tous deux dans ce récit sans presque jamais vous rencontrer, vous avancez parmi les pages du récit dans une sorte de dualité, deux chemins qui couturent le récit et donnent l'impression de ne jamais se rencontrer, sauf peut-être dans le regard du lecteur qui fait le contrepoint. Chacun incarne tout ce qui l'oppose à l'autre. Levine, en aimant cette presque sotte de Kitty Stcherbatski, va rencontrer l'amour conjugal dont il rêve tant. Kitty va cependant lui apporter le bonheur qu'il espère et lui aussi va la rendre heureuse. Mais vous Anna Karénine, vous auriez pu avec Alexis Karénine vivre le même bonheur. Mais non, Alexis votre époux, ce haut fonctionnaire de l'administration impériale, figé dans une droiture chrétienne, n'était pas présent au rendez-vous attendu.

À la faveur d'un quai de gare, vous avez alors imaginé une autre trajectoire, cette gare où pour la première fois vous avez rencontré celui qui allait devenir votre amant, Alexis Kirillovitch Vronski... Vous vous êtes retournés l'un après l'autre, presque dans le même mouvement, comme si vous vous reconnaissiez déjà dans vos regards effleurés... Je pense que c'est un des plus beaux coups de foudre parmi les livres que j'ai lus jusqu'à présent.

Et puis peu à peu, dans ce bouleversement d'un quai de gare, puis au cours du bal qui vint plus tard, surgit de nouveau le coup de foudre...

J'ai longtemps hésité à vous écrire, je ne savais pas par quel chemin venir à vous, Madame. J'ai lu tant de choses pour tenter de vous comprendre, y compris les textes de sachants obséquieux qui prétendent savoir tout de vous et des intentions de votre créateur, tenter de comprendre aussi la volonté qu'avait Léon Tolstoï en imaginant votre personnage et je pense que je me suis par moments perdu en route. J'ai lu tant de choses et son contraire aussi. Je ne sais plus. Il est préférable que je forge mon opinion sur la seule émotion que j'ai ressentie en lisant votre histoire. Je sais maintenant que derrière votre lumière il y avait du tourment.

Léon Tolstoï, à cette histoire des personnages, mêle aussi l'histoire du peuple russe auquel il était attaché, notamment le peuple paysan. Levine, dit-on, est une manière autobiographique pour Léon Tolstoï de s'inscrire dans ce récit, c'est-à-dire dès lors d'opposer deux visions de la vie : d'un côté le bonheur conjugal, de l'autre la passion douloureuse. Mais j'ai été aussi touché par l'itinéraire de Levine, bien moins lisse qu'il n'y paraît à première vue ; quand tout semble lui réussir, n'est-ce pas alors l'occasion pour lui d'aller questionner le sens de la vie ?

On a longtemps qualifié ce roman de celui d'une passion adultère alors qu'en définitive, la richesse déployée porte bien sur autre chose aussi qui s'agrège à cette histoire d'amour qui transgresse tous les codes de la Russie aristocratique et conventionnelle.

Adultère, l'un des plus vilains mots de la langue française. Je me suis demandé comment il se disait en russe. J'aurais pu le demander tout simplement à mon épouse dont le russe est sa langue natale, mais j'y ai renoncé de peur de susciter des tas de questions auxquelles je n'aurais peut-être pas forcément su répondre. J'ai découvert qu'en russe, le mot adultère se traduit ainsi, супружеская измена, ce qui signifie mot à mot : trahison conjugale.

La trahison conjugale, n'est-ce pas plutôt celle de l'époux ou de l'épouse qui enferme l'autre dans une prison conventionnelle, lui ôte toute possibilité de rêves, coupe ses ailes, l'éloigne des autres, de la vie, du soleil du matin, de l'éclat du jour, de l'insolite, de l'étonnement, de l'inattendu, d'une fenêtre qui s'ouvre dans les courants d'air, d'un fou rire à gorge éperdue. Emma Bovary, qui s'ennuyait et se morfondait dans sa Normandie profonde, rêvait de cela aussi je pense, attendait le prince charmant... Mais le prince charmant est rarement à la hauteur des rêves qu'on tisse si haut. Vronski, pardonnez-moi, mais lui aussi c'est une sorte de bellâtre, certes brillant et élégant en société, mais frivole aussi et peut-être pas l'idéal d'amour dont vous rêviez tant.

Chère Anna Karénine, permettez-moi de vous avouer que Léon Tolstoï a fait de vous l'héroïne tragique d'un roman sublime, magistrale par son ampleur, un des romans que je préfère. Mais je vous avoue ce soir que je lui en veux terriblement. Certes il y a ce destin tragique dont vous sentiez venir déjà de manière prémonitoire l'échéance. Mais, Léon Tolstoï a fait de vous une femme adultère, livrée à la vindicte, non pas populaire, mais celle de votre classe, la classe de l'aristocratie où il faut offrir une image et c'est peut-être pire. C'est pour cela que votre mari ne vous a pas pardonné cet écart, non pas par votre acte, mais pour sa représentation, parce que cela se savait, parce que cela le touchait dans sa réputation. Au fond, ne vous a-t-on pas reproché davantage votre pouvoir de séduction que votre infidélité ?

Léon Tolstoï était habité par une foi orthodoxe forte et je crois qu'il n'imaginait pas autrement votre destin. Je lui en veux un peu pour cela. Mais que seriez-vous, vieillissante, devant l'âtre, dans l'hiver de Saint-Pétersbourg face à un officier peut-être devenu vieux, volage et sans doute absent ? Que serait Emma Bovary, dans l'hiver normand, elle aussi vieillissante face à son mari demeurant toujours apprenti médecin après quarante ans d'exercice pitoyable de sa profession ?

Aujourd'hui, quelle force a donc votre histoire qui suscite tant d'émerveillement ? Nous sommes au XXIème siècle. On ne parle plus du mot d'adultère de cette manière-là. L'aristocratie russe est bien loin de nos univers quotidiens. Pourtant, pourquoi votre voix, votre histoire, cette musique qui vient de votre âme, me semblent-elles être si modernes et me touchent ? Pourquoi ? Je ne saurais le dire, mais je tente d'y mettre des mots cependant. Une émotion sans doute qui persiste, une révolte aussi qui anime peut-être à la fois une idée, un fou rire, une lumière dissidente contre la bienséance et l'ordre établi, c'est-à-dire contre Alexis Karénine et tout ce qu'il représente, mais aussi à l'encontre des écrivains qui en certains temps ont été mille fois inspirés de créer des personnages comme le vôtre, mais se sont peut-être parfois égaré dans leurs intentions, leur accordant tout au mieux la pitié et peut-être le pardon ? On comprend alors mieux pourquoi certains écrivains finissent par détester les personnages qu'ils ont créés. La réciproque est peut-être vraie. À juste raison, les personnages des livres finissent un jour ou l'autre par échapper aussi à leur créateur, à défaut d'échapper à leur destin ? C'est une merveilleuse chose et c'est excitant de le savoir. Puissiez-vous pour cette raison, chère Anna Karénine, survivre encore un peu après nous ?

Chère Anna Karénine, je vous aime.
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Anna Karénine, tome 1

Cette édition du Livre de poche nous présente l’œuvre en deux tomes avec une préface d’André Maurois.



On est d’emblée devant l’un des plus grands romanciers de tous les temps. Tolstoï est un maître. Il nous offre un roman complet : de belles descriptions, des discussions vivantes, des portraits ingénieux, des péripéties captivantes, des réflexions profondes, une multitude de visions et des sentiments forts. Et tout cela n’est que le premier tome !



On déguste avec délice les pages de ce roman qui nous mènent de sublime en sublime. Même si l’on commence à abhorrer cette Anna (cela ne m’est pas arrivé depuis la lecture de Madame Bovary de détester le personnage principal d’un roman), on s’attache particulièrement (à mon avis) à Lévine, tendre, indécis, fidèle et travailleur. A vrai dire le roman serait moins agréable s’il y avait seulement l’histoire d’Anna et son infidélité avec son mari trop stricte jusqu’à l’ennui. Le frère d’Anna Stiva est là pour introduire un peu d’humour dans cette histoire.



Le roman commence avec une phrase qui dès le début pousse le lecteur à réfléchir avant de continuer sa lecture. « Toutes les familles heureuses se ressemblent. Chaque famille malheureuse, au contraire, l'est à sa façon » La curiosité du lecteur est attisée par cette phrase flamboyante. Il faut qu’il vérifie cela. Il cherche cette Anna mais celle-ci comme Emma ne fait sa rentrée qu’après. Et Vronski ? Oui c’est un ambitieux, aime-t-il vraiment cette Anna ? A vérifier surtout dans le second tome !



J’ai beaucoup apprécié les épisodes du séjour de Kitty dans ce village, les travaux de Lévine, le bal où il demande en mariage la jeune fille, la discussion sur les droits de la femme, les rencontres entre Lévine et son frère, l’entrée d’Anna, la course de chevaux et la chute de Vronski.

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La mort d'Ivan Ilitch

De la grande littérature en si peu de pages.



La Mort d'Ivan Ilitch frappe d'abord par le choix de ce titre direct qui invite le lecteur à réfléchir sur le contenu et le genre de ce court roman. Et l'on commence à se poser des questions sur ce personnage tellement important dont la mort est si intéressante.



Tolstoï a choisi une organisation assez curieuse pour son roman (ou nouvelle). Une organisation qu'on retrouvera plus tard chez Kundera par exemple. le livre s'ouvre sur la nouvelle de la mort d'un conseiller à la cour d'appel. Et l'on constate que cette nouvelle cause des réactions étranges chez son entourage ; un mélange d'indifférence et d'insouciance égoïstes. Ensuite, l'auteur revient sur la vie et l'ascension de ce personnage assez banal qui menait, selon lui (Ivan), correctement, facilement et agréablement sa vie. Son mariage qui s'avère un véritable naufrage ne l'empêche pas de continuer sa carrière malgré les désagréments fréquents. En surplus, son travail devient un refuge pour lui sans pour autant y trouver du plaisir.



L'intérêt de cette organisation est dans le fait qu'on arrive à découvrir au fur et à mesure la raison de cette indifférence presque flagrante de son entourage. D'ailleurs, Ivan lui-même commence à saisir la réalité et la vérité de son existence toute entière et ce jusqu'au dernier souffle.



Par ailleurs, ce livre est une descente aux enfers de la douleur, de la mort et de l'absurdité de la vie (un mot un peu osé mais vrai). le malaise que ressent Ivan, on le ressent, nous-mêmes lecteurs, au long de ce récit. Cette douleur omniprésente, permanente qui consomme l'âme et le corps d'Ivan au fil des pages et des jours, Tolstoï nous la fait vivre par sa magie d'écrivain. Ivan affronte sa mort, seul. Ni médecins (d'ailleurs on retrouve une satire envers eux et une description désavantageuse de leur attitude envers les malades), ni famille, ni amis ne le sauveront ni même ne le comprendront. Il doit saisir l'intérêt de cette douleur, chercher l'origine de son mal et vaincre sa peur de la mort. C'est ce combat atroce qu'on retrouve dans ce court roman.



Il s'agit bien d'une lecture exigeante qui vous donne à réfléchir sur toute l'existence, une lecture qui « nous réveille (…) d'un coup de poing sur le crâne » (Kafka).
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Anna Karénine

Fin XIXe siècle, ce roman retrace la vie de plusieurs personnes en Russie : Anna Karenine, son mari, le prince Vronski, Levine, Kitty, le frère d'Anna et sa femme, le frère de Levine...

Mon avis sur ce grand classique est en demi teinte.

En 1er lieu, je ne comprends pas le titre donné à ce roman. Anna Karenine est certes l'un des principaux personnages, mais pas plus important que Levine, ou Kitty, ou son mari.

Il s'agit pour moi d'une image de la société russe de cette époque et non l'histoire d'une seule héroïne.

J'avoue aussi avoir sauté certains paragraphes (sur la vie politique notamment).

J'ai aussi eu du mal à m'y retrouver parmi tous les personnages et leurs différents noms.

J'ai beaucoup aimé (quand même !!) le début de romance entre Anna et Vronski. Ce sentiment qui s'avère être une évidence pour eux, qui leur permet de braver le "qu'en dira-t-on". Par la suite, j'ai trouvé Anna pénible par ses exigences, ses changements d'humeur, son attitude envers ses enfants...

De tous les personnages, j'ai préféré Kitty qui, de jeune fille devient une femme sûre d'elle, une femme droite.

Pour conclure, je suis contente d'avoir découvert Tolstoï, sans pour autant avoir éprouvé un coup de coeur.
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Maître et Serviteur

Une belle nouvelle où à chaque avancée survient une interrogation sur les relations humaines...en effet on se retrouve dans trois différents rapports entre le maître et le serviteur: dans un premier temps le maître est celui qui ordonne et le serviteur celui qui exécute et qui prend sur soi tous les délits de son maître, ensuite face à la rigueur du temps, le maître et le serviteur se retrouvent dans un rapport d'égal à égal, enfin, face à la providence ou à la sagesse, tout semble se renverser, le maître devient le serviteur et le serviteur devient le maître...



Alors dans chaque situation de la vie, à quel moment l'homme est-il maître ou serviteur?
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Anna Karénine

Les personnages de cette histoire sont envoutants et les descriptions de la campagne russe et des travaux des champs des paysans de l'époque sont magnifiques; on s'y croirait.

les personnages de Lévine et d'Anna karénine se ressemblent en ce sens qu'ils sont honnêtes , ce qui tranche avec l'hypocrisie qui régnait 'à l'époque, chez leurs compatriotes.

Lévine est assailli d’angoisses et d’interrogations sur le sens de la vie et de la mort et sur la relation des êtres humains avec l’infini...C'est le personnage qui m'a le plus touché car il est généreux et à l'écoute des autres, quelque soit leur condition sociale.

Anna karénine va sombrer dans une passion dévorante, un bonheur coupable. Cette quête de l'amour véritable la mènera vers une fin tragique.

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Maître et Serviteur

En 1870 Vassili Andreitch marchand pingre, avare et filou en affaire doit se rendre à Goriatschkino pour l’achat d’un petit bois estimé à 2000 roubles qu’il compte bien marchander.

Nikita, son serviteur, moujik de 50ans dont « tout le monde faisait cas pour son amour du travail, son habileté, sa vigueur, et surtout pour sa bonté et son heureux caractère. » prépare l’attelage. Et malgré la tempête de neige qui se lève l’équipage prend la route. Bientôt les difficultés arrivent, tempête glaciale, neige, brouillard, nos deux hommes tournent en rond, la nuit tombe, ils se perdent et sont obligés de bivouaquer.

Ce récit oppose le maitre au serviteur : celui qui dirige n’a qu’un souci faire une bonne affaire, il veut arriver au plus vite et n’évalue pas le danger qui les menace. Le serviteur, celui qui doit obéir représente le bon sens paysan, de bonne humeur et aime les bêtes il sait reconnaître leur bravoure et il les épargne.

Dans ce récit où Tolstoï excelle dans son art, ce qu’il y a d’incroyable c’est que la magie fonctionne ! Le récit est très vivant, les caractères bien campés et tandis que les éléments se déchainent on serait presque gelé en lisant cette nouvelle! On est happés dans le décor avec force et émerveillement.

Tolstoï aborde des sujets comme relations humaines maitre-serviteur l’un est calme, observe et connait de la nature l’autre est plein de cupidité et lorsque le danger arrive il est paralysé par la peur de mourir. Ainsi on remarque que petit à petit la peur, l’idée de la mort soumet le maitre devant le serviteur.

Génial Tolstoï qui fait de cette course dans la tempête de neige le symbole de nos luttes et nos peurs dans la vie et la bonne attitude à adopter.



















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