Je dois à Mathieu Amalric la découverte de l'écrivain
Daniele del Giudice. En effet, l'acteur-cinéaste français a brillamment adapté, en 2002 et de manière rocambolesque (il faut absolument voir les bonus dans la version DVD)
le Stade de Wimbledon, un livre de 1983 qui retrace l'enquête littéraire d'un étudiant (une étudiante dans le film ; interprétée par
Jeanne Balibar) sur les traces de
Roberto Bazlen, l'écrivain triestin sans oeuvres mais d'une influence durable puisqu'on le retrouve dans de nombreux livres, dont ceux de Vila-Matas ou
Jouannais par exemple. Si le livre de del Giudice est excellent, le film est lui aussi formidable : grâce à son rythme particulier, son ambiance nouvelle vague, c'est un exemple de réussite d'adaptation de roman sur grand écran (et les exemples sont rares, sans vouloir être trop négatif) ; et lorsqu'un livre me plait, je pars à la découverte du reste de l'oeuvre de son auteur, et voilà qu'en feuilletant le catalogue de la collection La librairie du XXIè^siècle (où a été publié le Voyage d'hiver de Perec, et qui est l'édition qui propose le plus de titres de del Giudice), je tombe sur ce titre intriguant :
Dans le musée de Reims. Allez savoir pourquoi, à la lecture de la première phrase de ce court roman, phrase que je reproduis ici "Quand j'ai su que je deviendrais aveugle, j'ai commencé à aimer la peinture", j'ai pensé à un film que je n'ai toujours pas vu (mais dont j'ai lu et entendu des descriptions quand même) : le dos rouge. Peut-être parce que
Jeanne Balibar y est présente, aussi parce qu'il se passe dans un musée et probablement parce qu'on y décrit des peintures et parce que le protagoniste central,
Bertrand Bonello, cherche à voir, à comprendre, à trouver quelque chose dans les peintures. Et c'est là tout l'enjeu du livre de del Giudice. Qu'est-ce qu'on voit quand on ne peut plus voir ? Et comment expliquer une peinture à un homme atteint de cécité ? C'est là deux questions parmi beaucoup d'autres qui font de ce livre une magnifique expérience de lecture autour d'un homme qui perd la vue, d'une fille qui murmure à l'homme les descriptions des peintures, et d'une peinture en particulier, celle de David : La Mort de Marat (ou Marat assassiné), dont on apprendra tout, ou presque... une merveille ce livre car en peu de pages il va vers un essentiel qui - le croirait-on à tord - en demanderait dix, vingt ou cent fois plus. Tristesse que cet écrivain soit gravement malade et si peu connu.