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Olivier Barbarant (Autre)
EAN : 9782070456505
272 pages
Gallimard (10/11/2022)
4.33/5   6 notes
Résumé :
Dernier recueil publié du vivant d'Aragon, en 1979, Les Adieux et autres poèmes est sans doute l'un des plus beaux de son oeuvre poétique et l'un des plus émouvants : adieux à Elsa disparue, adieux à la vie et au monde, son histoire tourmentée traversée de beautés irréductibles, salut à la poésie à travers un poignant hommage à Hölderlin, salut enfin aux grands peintres compagnons de voyage, Chagall, Picasso, Paul Klee et André Masson. Le chant d'Aragon est ici au p... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Gallimard vient de publier ce recueil des poèmes tardifs de Louis Aragon, mis en valeur par une courte et magnifique présentation du poète Olivier Barbarant. Sont rassemblés ici des textes écrits entre 1958 et 1977 qui avaient donné lieu à une publication en 1981 (Les adieux) et 1982 (avec ajout autres poèmes) aux éditions Temps Actuels. Que d'émotions quand un géant du XXe siècle nous fait de tels adieux, le legs est immense, se déploient ici le bilan d'une vie, les amours, les joies, les doutes, les erreurs, les peurs de la nuit qui vient. Les oiseaux, qu'il évoque souvent dans ses poèmes, planent au dessus de nous dans un vol majestueux, empreint de toute la tristesse d'une vie si intense qui s'en va et malgré tout reçu comme un réconfort face à notre condition trop humaine.

Dans son grand âge, Aragon gagne encore en virtuosité, ses vers prennent des formes multiples, inattendues pour moi qui aime relire « La diane française » ou « Les yeux d'Elsa », des vers plus courts, plus abordables, plus libres. Comme l'écrit merveilleusement Olivier Barbarant dans la préface : « …le vers se contracte, se distend ou se déchire, il offre aussi une extraordinaire résistance au désastre, et la lumière qui s'en dégage apparaît plus intense d'être lacérée... »

La première partie « Les Adieux » est sombre comme peut l'être la douleur de dire adieu à la vie. Aragon avait choisi le titre en référence à la sonate éponyme de Beethoven. le refus de la mort à venir est poignant, intemporel, magnifiquement exprimé dans « L'an deux mille n'aura pas lieu », une supplique désespérée.

La douleur quotidienne de vieillir éclate dans les mots de la longue suite poétique : « Paroles perdues »  et plus loin, des mots bilans dédiés au poète slovaque Novomesky.

Quand il dédie le poème « L'étreinte » à Pablo Picasso, ce sont ses propres réminiscences d'éternel jeune homme qui a eu un jour vingt ans.

Les derniers poèmes de Louis Aragon sont d'une grande modernité et d'un esprit presque enfantin, bouclant une vie bien remplie qui en a tant vu et encore capable de regarder le monde comme un enfant, jusqu'à une épure digne de Prévert (qu'il a côtoyé à l'école de Neuilly-sur-Seine).

Six mois après le décès d'Elsa Triolet, sa muse pour la vie, formant avec le poète un couple mythique depuis leur rencontre en 1928, le violoncelliste Rostropovitch joue la sarabande de Bach, le 12 décembre 1970 devant la tombe. Cela donne « Slava », émouvant poème d'adieu à Elsa.

Dans la deuxième partie « Autres poèmes », je découvre une autre facette de Louis Aragon. Il exprime son admiration, voire son envie pour ces peintres capables de créer des mondes nouveaux, simplement par les couleurs jetées sur la toile. Est aussi évoqué le poète allemand Hölderlin qui l'a inspiré, avec lequel il s'identifie. Puis viennent les grands peintres, amis de toujours, compagnons de voyage, les George Malkine, Paul Klee, Pablo Picasso, Marc Chagall et André Masson. Il faut sortir du texte de temps en temps pour retrouver les toiles évoquées et c'est tout ce que compte d'essentiel au siècle dernier qui renaît, magnifié par les mots d'Aragon. Voir les toiles à travers ses yeux est une expérience unique. Je n'en cite qu'une sur toutes celles commentées – comme jamais je n'ai vu commenter des tableaux : « Les amants » de Marc Chagall « Celui qui dit les choses sans rien dire ».

Louis Aragon est né en 1897, il est décédé en 1982 à l'âge de 85 ans. Il a tout connu des espoirs de ce siècle là, les deux guerres, le front, la résistance, les combats politiques intenses, et les défaites idéologiques terribles, subissant alors le récit vengeur des vainqueurs. Il ne se plaint pas, le premier vers donne le ton : « Cesse de gémir Rien de plus ridicule / Qu'un homme qui gémit / Si ce n'est un homme qui pleure ».

Nous commémorons le quarantième anniversaire de sa mort, et ce recueil est parfait pour aborder ou retrouver Louis Aragon, lui rendre l'hommage qu'il mérite. Je trouve que paradoxalement, ces poèmes souvent sombres réconfortent par leur beauté, leur musique, l'éclat rendu à l'art et leur humour, malgré tout, ici où là. Il me tarde de visiter enfin le musée qui lui est consacré à la Maison d'Elsa Triolet et Louis Aragon à Saint-Arnoult-en-Yvelines.
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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
La merveilleuse fête de rien

D'un nom porté ni d'une armée
De la fin d'une guerre ni
Du commencement d'un amour

Simplement la fête
Une danse de l'air une musique
Sans but un éblouissement
D'eau fraîche
Bue

Qui la donne à qui la donne-
T-il
Pas même le vent pas même l'automne
Vertige de tout
A rien ni personne
La fête parfaite Nue et inu-
Tile

Un rire désert
Un rite illusoire
Fort comme courir
Beau comme un hasard
Doux à en mourir

C'est la fête de nulle part
D'on ne sait quand pourquoi ni comme
Feu soudain qui ne brûle pas
Lumière éteinte orchestre tu

Cendre si lente du silence
Le bal s'endort sans bras ni jambes
Et la chanson
faite de rien


(extrait de "Poèmes des Années Soixante").
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«  Cesse donc de gémir Rien de plus ridicule
Qu’un homme qui gémit
Si ce n’est un homme qui pleure


Je me promène avec
Un couteau d’ombre en moi
Je me promène avec
Un chat dans ma mémoire
Je me promène avec
Un pot de fleurs fanées
Et des photos jaunies
Je me promène avec
Un vêtement irréparable
Je me promène avec
Un grand trou dans mon CŒUR


Crois moi
Rien ne fait si mal qu’on pense » ,…
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Toutes les inventions un beau jour se détraquèrent
Nous n’avions plus de mains pour la douceur des choses
Nous n’avions plus le temps qu’exige les baisers
Pour un rien nous tombions sous la table de nous-mêmes
Les rêves de la nuit pendaient aux crochets des boucheries
[...] Mais Chagall a peint les amants ensemble
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Joue encore pour moi Slava la sarabande
Aux morts ainsi qu’un soir au bout d’un soir à Budapest
Tu m’as joué je sais pour moi seul au fond de la foule caché
Cette plainte à mon image dont est faite ma nuit

Nous irons sur la tombe où dort mon Immortelle
Dort crois-moi seulement ma Belle au Bois dormant
Tu reprendras ce chant que tu jouas sans elle
Au loin près du Danube et qui la nuit dément
Ta main caressera les nerfs du violoncelle
Il saura me calmer tout bas en allemand
Pareil au bas-voler par quoi les hirondelles
Semblent parodier le parler des amants
Pour annoncer la pluie

Regarde mon ami notre grand lit de pierre
Où je m’irai coucher par un jour merveilleux
Près d’elle un lit profond profond où d’être deux
Sera doux comme avant et viendra la lumière
Lire d’un doigt de feu les mots prophétisés
Les doux mots bleus d’Elsa les mots inoubliables

Quand côte à côte nous serons enfin des gisants

Tu les entends ces mots ouvrir leurs primevères
Pour notre messe à nous qui n’aura pas de fin
Par toi qu’elle commence à la veille d’hiver
Charriant ton cœur lourd toi jusqu’ici qui vins
Assieds-toi sur le banc et devant nous ensemble
Pour toujours aujourd’hui sans plus attendre joue
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Ma vie au loin mon étrangère
Ce que je fus je l'ai quitté
Et les teintes d'aimer changèrent
Comme roussit dans les fougères
Le songe d'une nuit d'été
(...)
Mais l'oeil demeure au tard d'hiver
Le transfigurateur du temps
Aux arbres nus rend le jour vert
Et verse aux autres dans son verre
Le vin nouveau d'avoir vingt ans

(CHAGALL VI - p. 186)
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