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Bernard Kreiss (Traducteur)
EAN : 9782226159632
341 pages
Albin Michel (01/04/2005)
3.65/5   10 notes
Résumé :

Après les trois volets de son autobiographie - La langue sauvée, Le flambeau dans l'oreille et Jeux de regard -, Elias Canetti, prix Nobel de littérature et témoin majeur du XXe siècle, s'est penché sur ses " années anglaises ". Rassemblée et ordonnée après sa mort en 1994 à l'instigation de sa fille, cette suite fragmentaire et inachevée de l'" Histoire d'une vie " mêle journal intime et ga... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
[disponible en traduction française sous le titre : Les années anglaises]

Elias Canetti quitta Vienne pour l'Angleterre en 1939, quelques mois avant la guerre, et y vécut avec sa première femme, Veza, jusqu'au début des années 1970, puis par intermittence jusqu'à sa mort en 1994.
Réfugié politique, il n'avait publié, à son arrivée, qu'une pièce de théâtre oubliée et son unique roman, auto-da-fé, qui de surcroît n'était pas encore traduit en anglais. Pourtant il manifeste, plus que les sentiments de déracinement typiques des exilés, une forte rancune à l'égard du pays d'accueil, pour l'arrogance de ses élites (déclinée en plusieurs formes) et, particulièrement, pour le manque de reconnaissance qu'il subit, surtout au cours des premières années. L'expression de ces sentiments est un peu dérangeante par sa petitesse, et c'est sans doute pour cette raison que l'auteur refusa de revoir et publier les notes qui composent ce livre, qui paraît posthume une décennie après son décès.
Hormis ce détail, le livre comporte une analyse très pénétrante et subtile – comme d'habitude chez Canetti – du milieu dans lequel l'auteur évolue, surtout du point de vue de la sociabilité-mondanité (les « parties »), pendant et après la guerre, et tout spécialement une étonnante galerie de portraits d'hommes et femmes illustres (et parfois de parfaits inconnus) qu'il a côtoyés. Certains sont au vitriol, à l'instar de celui de T. S. Eliot, qu'il ne connaissait que très vaguement, ou d'Iris Murdoch, qui au contraire s'avère avoir été sa maîtresse plus qu'accidentellement... D'autres sont bienveillants voire admiratifs, tel Bertrand Russell, Franz Steiner, Oskar Kokoschka. Mais tous ont été croqués comme des personnages de nouvelle, dans une finesse de trait, une caractérisation psychologique et surtout un langage d'une extrême richesse et beauté. le traducteur anglais, Michael Hofmann, qui est aussi un poète, met en exergue (dans la préface) et donc restitue, à l'évidence de façon très réussie, un style emprunté à la littérature anglaise du XVIIe, dont Canetti exprime a plusieurs reprises son admiration inconditionnelle, comme si ces notes d'Angleterre avaient été pensées, sinon rédigées, directement dans cette prose. Cela semble parfaitement logique pour un auteur qui avait lu les premiers livres de son enfance en anglais, qui a effectué des recherches pendant trente ans dans cette langue et qui, en décrivant le milieu et les personnes d'un pays qu'il comparait, à leur désavantage, à une période plus glorieuse, s'efforçait par-dessus tout de gagner leur reconnaissance. Pour cette raison, et malgré l'effort qu'il m'en a coûté, je suis content d'avoir lu ce livre dans cet anglais compliqué.
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Les « Années anglaises «  tiennent, à la fois, du journal intime et d'une galerie de portraits.
Réfugiés en Angleterre, dès 1939, Elias Canetti et son épouse Veza logent à Londres, puis, à la campagne, l'ecrivain observe la paisible vie britannique et croque des scènes très « british ».
De retour dans la capitale, il fréquente les milieux politiques et intellectuels et brosse un récit saisissant, malicieux, caustique des célébrités britanniques ou allemandes ayant fui le nazisme.
Comme dans tous les oeuvres du prix nobel, l' écriture est incisive, précise et poétique.
Pour les lecteurs qui, comme moi, ont beaucoup aimé les trois volets de son autobiographie , se plonger dans ce livre, est un vrai plaisir.
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Lire Canetti dans ces années anglaises c'est lire un homme qui décrit une assez longue période de sa vie, réfugié en Angleterre, au travers du regard qu'il porte sur des femmes et des hommes qu'il y a rencontrés.
Ce n'est pas l'écriture d'Autodafé ni même celle de Masse et Puissance (pas encore lu), elle est toujours aussi belle et froide, mais plus accessible.
Un bon moment de détente, une belle galerie de personnages et quelques portraits au vitriol...
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Pendant la guerre, il y a plus de cinquante ans, l'Angleterre dut son salut au fait d'être une île. C'était encore une île, et elle a entre-temps gaspillé ce privilège qui était aussi un formidable avantage.
Elle assume aujourd'hui la succession d'un gouvernement dont l'unique et sacro-sainte recette était l'égoïsme. On était fier de cet égoïsme comme d'une invention nouvelle, une secte de cols-blancs dont les adeptes se paraient du titre de busy executives se propagea dans le pays, s'employant à arracher au pays lui-même le butin qu'on allait auparavant rafler aux quatre coins du monde. L'Angleterre avait résolu de se piller elle-même et engagea à cet effet une armée de yuppies. En guise de paradis, mais ici-bas, on promit à chacun qu'il posséderait sa propre maison. Les gens s'activèrent, faisant montre d'une hâte fort peu anglaise, et arrivèrent rapidement à quelque chose. L'État déclara fièrement qu'il ne s'occuperait plus de rien, chacun s'occuperait dorénavant de soi, et d'ailleurs, qui voudrait balayer les rues pour les autres. L'hypocrisie, qui avait été le ciment de la vie anglaise, tomba en désuétude. Et en très peu de temps, un nouveau mot d'ordre se répandit dans les esprits : moi d'abord, et que le diable emporte les autres. Il s'avéra alors - je dois l'admettre, à mon vif étonnement - qu'on pouvait prêcher l'égoïsme avec non moins d'ardeur que le désintéressement. Le rôle de la grande prêcheuse (note de bas de page 1 : Margaret Thatcher, Premier ministre anglais de 1979 à 1990. ) fut dévolu à une femme qui rejeta systématiquement tout ce qui pouvait bénéficier aux autres, pour les autres tout était trop cher, pour soi-même rien ne l'était assez. On confia l'eau, l'air, la lumière aux bons soins des hommes d'affaires, et ces biens s'améliorèrent ou se dégradèrent suivant les cas, la plupart du temps ils se dégradèrent. Une petite guerre fut ourdie aux antipodes (note de bas de page : La guerre des Falkland en 1982 ) afin de rendre à toutes les mers du monde le sentiment qu'elles étaient anglaises. Churchill en personne et le mortel danger auquel l'Angleterre avait été exposée peu d'années auparavant furent appelés en renfort, et tout cela fut réalisé avec d'autant plus d'efficacité que les sévères prescriptions nécessaires pour y parvenir venaient d'une femme qui était mariée à un simple millionnaire. Il s'était contenté de trop peu, elle non. Il se retira dans l'ombre pour ne pas la déranger. Grâce à elle, maintes villes furent ruinées, tranformées en objets de dégoût. Les écoles devinrent mauvaises afin que les enfants apprennent au plus tôt à se débrouiller seuls et à ne pas s'embarrasser de scrupules. Les propositions que certains hommes publics avaient faites plus ou moins à contrecoeur - parce que l'autre moitié du coeur avait encore voix au chapitre - furent brutalement inscrites dans les faits. Tout homme ayant finalement quelque peine à surmonter la bassesse à laquelle il est naturellement enclin, un soupir de soulagement traversa l'humanité anglaise : elle était soudain autorisée à se montrer aussi vile que l'humanité en générale, et dans la mesure où elle y réussissait, elle se voyait en outre couverte d'éloges en provenance des plus hautes instances.
Il m'a été donné de vivre cette époque et de voir mes meilleurs amis sombrer dans la simulation. Ils avaient bénéficié d'une éducation que tout citoyen né dans une autre partie de la planète ne pouvait que leur envier. Cette gouvernante qui prônait le contraire de tout ce à quoi on avait été astreint jusqu'alors les mettaient infiniment à l'aise. Soudain, on était tenu de se livrer à toutes les ignominies auxquelles on était naturellement porté mais qu'il avait fallu s'interdire jusque-là.
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Je ne veux pas parler du temps que je lui ai consacré car ce qu'il considérait, eu égard à la maladie du temps dont souffrent à peu près tous les Anglais, comme pure générosité de ma part envers lui n'en était pas en fait : durant les trente années et davantage que j'ai passées en Angleterre, j'ai donné mon temps à tout un chacun. J'en ai été prodigue, même là-bas je ne suis jamais devenu l'esclave du temps ; la perte du temps ne m'affecte pas, et tout le temps que j'ai pu consacrer à quiconque me parlait de soi a contribué à m'ouvrir et à me rendre heureux ; il m'était donné ainsi de ne pas rester seul avec moi-même, et je crois que le bonheur consiste à être avec d'autres plutôt qu'avec soi, à pouvoir se quitter sans qu'on ait été entraîné à cela et, même, sans que l'on s'en rende compte.
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You could describe it as an advanced social training. You're brought together into a small space, very close, but without touching. It looks as though there might be a crush, but there isn't. Freedom consists in the distance from your opposite number, even if it's only a hair's breadth. You move smartly past others who are crowding in on you from all sides without brushing any of them. You remain untouched and pure. It would be accounted a fault, a stain, if you permitted yourself the least contact with anyone else. [...]
An individual's identity is expressed by an active form of restraint. Its crowning version is when it doesn't show itself as such. Anyone who is so famous as to be generally recognised doesn't really belong in a party, unless he is such a master of disguise that he manages to make himself completely invisible. (p. 58)
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In order to be absolutely truthful, I should have to track down every needless humiliation I was offered in England, and relive it in my memory for the torture it was; and then seek out every instance of sensitivity with which someone sought to save me from humiliation; hold them together, weigh them up, and have them cancel one another out, as happened to me.
Each thing, the one, the other, and both together, would amount to the truth. (p. 48)
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J'ai peine à le croire : sous mes yeux, de son propre chef, non pas du fait de quelque occupation ou oppression étrangère, ce pays court au désastre, tout seul, de soi-même, de soi-même uniquement.
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Video de Elias Canetti (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Elias Canetti
http://le-semaphore.blogspot.fr/2014/.... Elias Canetti (1905-1994), l’éveilleur d’un futur antérieur : Une vie, une œuvre (1998 / France Culture). Émission “Une vie, une œuvre” diffusée sur France Culture le 19 novembre 1998. Par Catherine Paoletti. Réalisation : Anna Szmuc. Enregistrement et mixage : Marie-Dominique Bougaud, Philippe Bredin et Dimitri Gronoff. Elias Canetti, né à Roussé ( en Bulgarie le 25 juillet 1905 et mort le 14 août 1994 à Zurich en Suisse, est un écrivain d'expression allemande, originaire de Bulgarie, devenu citoyen britannique en 1952 et qui a longtemps résidé en Suisse. Il a reçu le prix Nobel de littérature en 1981. Canetti est souvent associé à la littérature autrichienne mais il couvre une perspective plus large. Son œuvre a défendu une idée pluraliste de la culture européenne dans sa richesse et sa diversité, liée à un parcours de vie singulier. Il est l'auteur d'analyses de grande envergure sur le XXème siècle et de réflexions détaillées sur les mécanismes humains et les modes de fonctionnement psycho-sociaux. Son œuvre est composée de pièces de théâtre, d'un unique roman, d’essais, de recueils d’aphorismes et d'une autobiographie en quatre volumes. Entre 1924 et 1929, il vit à Vienne où il étudie la chimie et est bientôt reçu docteur. Pendant cette période, il entreprend de nombreux voyages à travers l’Europe, notamment à Paris, en Bulgarie et à Berlin… C’est également pendant cette époque charnière de l’histoire, où l’on peut entendre les premiers bruits de bottes en Allemagne, qu’il développe de façon autodidacte ses connaissances puis ses théories artistiques en participant à des rencontres d’intellectuels - des salons - et aussi en travaillant sur ses premières idées littéraires. Canetti fera la connaissance de Karl Kraus, un intellectuel polémiste, fondateur de la revue “Die Fackel” (“Le Flambeau”), qui aura une influence majeure sur lui. Il rencontre peu après sa future femme : Venetiana (dite Veza) Taubner-Calderon. Pour subvenir à ses besoins et pour écrire, il traduit en allemand plusieurs livres de l’anglais. Toutes ses activités le happent et le poussent à délaisser la chimie et son enseignement. En effet, il va entre autres fréquenter les réunions qui s’organisent autour d’Alma Mahler, la veuve du compositeur Gustav Mahler, et entamer la rédaction de son roman “Die Blendung” (“Auto-da-fé”) ainsi que d'œuvres théâtrales. Il rencontrera des personnalités du monde de la culture comme Bertolt Brecht, George Grosz, Alban Berg, Robert Musil… Le 15 juillet 2927, un événement marque à jamais sa vie et son œuvre : une manifestation populaire qui tourne à l’incendie du palais de justice de Vienne. Cela provoque en lui le désir d’analyser et de comprendre le rapport entre les comportements de masse et le pouvoir. Il étudie alors cette problématique centrale de l’histoire du XXème siècle jusqu’en 1960, date de la publication de l’œuvre majeure de sa vie, “Masse und Macht” (“Masse et puissance”), presque exclusivement consacrée à cette phénoménologie des masses ainsi qu'à l'illustration de toutes les manifestations du pouvoir politique : « Il se peut que toute la substance du 15 juillet soit entièrement passée dans Masse et puissance. » Canetti s'y débarrasse de toutes les théories préexistantes à l'époque et cherche à « arracher le masque » de la figure centrale du pouvoir qu'il nomme le « survivant », pour « prendre le siècle à la gorge ». Avec : Alain Brossat, professeur de philosophie à l’Université Paris-VIII Youssef Ishaghpour, auteur de “Elias Canetti : métamorphose et identité” (La Différence) Marc de Launay, philosophe et traducteur français de philosophie et de littérature allemandes Gerald Stieg, professeur de littérature et civilisations allemandes et autrichiennes à l’Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3 Avec les voix d’Elias Canetti, Karl Kraus, Raphaël Sorin et Angèle Saül Textes lus par Daniel Mesguich Archives sonores : Dominique Jameux Archives INA : Martine Auger Sources : France Culture et Wikipédia
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