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EAN : 9782355222122
240 pages
Zones (24/08/2023)
3.4/5   5 notes
Résumé :
Parmi les machines qui hantent nos vies quotidiennes, le tapis roulant est celle qui traverse le plus insidieusement tous les secteurs d’activité : des tapis mobiles sur chaîne d’assemblage aux tapis de caisse de la moindre supérette en passant par ceux dévolus à l’exercice corporel du fitness. Travail posté, rituel consumériste et souci hygiénique de soi : trois postures qui, chacune à sa manière, nous condamnent à l’éternel recommencement d’une marche forcée.
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
À la lecture de cette histoire du tapis roulant menée sur le mode « erratique et digressif de l'écriture fragmentaire » (p. 12), je me suis demandé, suivant ainsi l'appel fait au lecteur « de prendre le relais de cette quête à partir de (ses) propres intuitions analogiques, associations d'idées, lignes de fuite historiques » (p. 232) :
- comment, aujourd'hui, trouver (de manière individuelle) un lieu et un temps où l'on puisse se consacrer à la pensée lorsqu'on est au quotidien assommé par le travail salarié et par l'agitation de plus en plus foldingue au sein de certaines métropoles : ce qui fait écho à mes lectures du Phédon de Platon et à ses commentaires par Monique Dixsaut et par Benny Lévy ;
- pourrait-on alors faire un lien entre le dialogue de Platon et le motif de la cruauté qui court tout au long des Chaînes sans fin ? Dans le Phédon, il semble que la pensée entendue comme désir de penser, aimantée par la « sophia », par le langage de la philosophie, déborde le dualisme âme/corps (ou esprit/corps). le motif de la cruauté, sous cet aspect, poserait ainsi dans l'essai d'Yves Pagès la question du travail de l'esprit, du travail intellectuel (celui de l'inventeur-autodidacte, de l'entrepreneur comme de l'ingénieur, figures récurrentes de l'essai) en tant que ce travail ne s'oppose pas positivement à l'affairement du corps mais vise à asservir les corps et à barrer, à interdire toute possibilité de penser par-delà les cruautés d'un dualisme ici à l'oeuvre (qui connaît par exemple le travail industriel sait, encore aujourd'hui, que la pensée est parfois possible avant d'aller travailler mais jamais pendant ni après, cet après où l'on ne cherche plus qu'à tenter de défaire, d'apaiser les automatismes mortifères, tant au niveau physique que psychologique, les deux finissant d'ailleurs par se confondre dans la même bouillie, tout comme l'après se fond dans le retour perpétuel de l'avant - voir le rappel des luttes chez Peugeot, p. 206-207, et les films qui en témoignent) ;
- pour suivre ce fil de la cruauté jusque dans les rapports de domination et de résistance exposés dans le livre, ne faudrait-il pas aborder la question d'un certain « masochisme », sans pour autant donner du grain à moudre à l'adversaire, voire à l'ennemi ? Dans les quelques pages que j'ai pu lire de l'ouvrage de Catherine Malabou sur l'anarchie paru en 2022, j'ai l'impression que l'interrogation courait, que les « mécanismes de la domination » en s'appuyant sur une tendance psychologique à la domination entretenaient celle d'être dominé, tant au niveau individuel que collectif (c'est ce qu'il m'avait semblé comprendre, l'anarchisme cherchant à déplacer la vie sur un autre plan). J'avais relevé cette phrase : « comment, de toute manière, éviter la question psychanalytique lorsqu'il s'agit de domination ? » (p. 46). J'ai ensuite abandonné ma lecture, par manque de temps et de goût pour certains des auteurs étudiés (et l'esprit bourdonnant, déjà fatigué par le mot « anarchisme », comme par tant d'autres mots dont on ne sait plus quoi faire) ;
- lâchant le fil de la cruauté et du masochisme (quoique...), en quoi la « révolution informatique » évoquée p. 218 pourrait-elle être perçue comme une extension du transfert d'énergie animale et humaine nécessaire à « la mécanisation généralisée » dont témoigne cette enquête ? Ne peut-on considérer que, de manière parodique et terminale, en regardant une vidéo sur mon écran d'ordinateur (ce que doivent faire en même temps que moi des millions de post-humains), je participe à cette « mécanisation généralisée », dans sa dimension à la fois cybernétique et matérielle ? Ici, je repense à quelques livres qui m'ont accompagné pendant l'hiver et le printemps derniers : Lettres sur la peste d'Olivier Cheval ; L'altération des mondes de David Lapoujade ; La machine est ton seigneur et ton maître... Aux lectures qui en découlent : Cybernétique et société de Norbert Wiener ; Gramophone, Film, Typewriter de Friedrich Kittler ; le cas Ellen West de Ludwig Binswanger...

Enfin, sur un plan esthétique et toujours par analogies et autres lignes de fuite, les pages excellentes sur la « bagnole » et les drive-in (p. 194-195 notamment) m'ont fait rêvasser à Freud, Ballard, Cronenberg (et à la musique d'Howard Shore pour Crash).

(Pour une présentation claire de l'ouvrage, je conseille l'entretien accordé par l'auteur à la revue en ligne Lundi Matin.)
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Malgré ses qualités, je reste assez déçu par ces "Chaînes sans fin, histoire illustrée du tapis roulant" d'Yves Pagès. Pagès signe un livre d'histoire brouillon et érudit. Brouillon parce que son histoire du tapis roulant part un peu dans tous les sens, volontairement (et c'est très bien). Érudit, parce que Pagès nous guide d'un détail l'autre, d'une invention l'autre, d'un brevet l'autre, d'une référence culturelle l'autre pour découvrir toutes les évolutions d'un monde sans effort. Mais Pagès n'est pas Jarrige (l'historien, qui fait paraître "La ronde de bêtes", sur le travail animal qui croise beaucoup les tractions mécanisées de Pagès, mais Jarrrige semble plus attaché à distinguer les évolutions de cette histoire), ni Stefano Boni, qui dans "Homo Confort", cherchait à faire sens d'un confort sans effort. Ici, sous l'accumulation, on a l'impression de glisser dans une histoire anecdotique et répétitive, comme si on était nous-mêmes, lecteurs, sur le convoyeur. Pagès ne signe pas un mauvais livre loin de là, mais nous noie sous les références sans rassembler un propos, sans lui donner une ampleur qui nous aide à le resituer dans le temps.
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critiques presse (3)
Bibliobs
11 septembre 2023
Chaînes d’assemblage, escaliers mécaniques, tapis de course... Cette technologie s’est imposée dans notre vie. Et si raconter son histoire, c’était raconter notre monde ? Telle est l’hypothèse des « Chaînes sans fin », un livre qui fait avancer.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LeMonde
28 août 2023
"Les Chaînes sans fin" [...] entraîne les lecteurs dans un étrange périple. Car le tapis de course n’est qu’une des répercussions, parmi cent autres, de l’invention du tapis roulant.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LesInrocks
28 août 2023
Dans son [...] essai, “Les Chaînes sans fin – Histoire illustrée du tapis roulant”, l’éditeur et écrivain s’intéresse à ce symbole d’un surplace inquiétant autant qu’absurde.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Citations et extraits (1) Ajouter une citation
À l’issue de notre enquête, sans oublier le chemin parcouru et les suppliciés, harassés, exténués qui jonchent ses bas-côtés, on aboutit avec cet appareil d’exercice hors sol au comble d’un paradoxe in progress, sinon du ridicule : se déplacer en faisant du surplace. Il n’est pas au monde plus hypnotique exemple des errements idéologiques du discours progressiste – de sensibilité libérale, sociale-utopiste, stakhanoviste ou désormais transhumaniste. Avec cet ultime avatar, le tapis de course, s’expriment tout à la fois le motif sisyphéen de nos servitudes volontaires et l’imminence capitalistique d’un saut… bien au-delà du précipice.
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Videos de Yves Pagès (13) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Yves Pagès
Parmi les machines qui hantent nos vies quotidiennes, le tapis roulant est celle qui traverse le plus insidieusement tous les secteurs d’activité : des tapis mobiles sur chaîne d’assemblage aux tapis de caisse de la moindre supérette en passant par ceux dévolus à l’exercice corporel du fitness. Travail posté, rituel consumériste et souci hygiénique de soi : trois postures qui, chacune à sa manière, nous condamnent à l’éternel recommencement d’une marche forcée. Pour cette rentrée et ce lundisoir, nous avons invité Yves Pagès à venir parler de son dernier livre : Les chaînes sans fin, histoire illustrée du tapis roulant.
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