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EAN : 9782070315420
384 pages
Gallimard (07/10/2004)
3.47/5   86 notes
Résumé :
Il arrive que les individus prennent collectivement des
décisions singulières et agissent avec constance dans
le sens totalement contraire au but recherché : pour
éviter un accident, des pilotes s'engagent dans une
solution qui les y mène progressivement ; les ingénieurs
de Challenger maintiennent obstinément des joints
défectueux sur les fusées d'appoint ; des copropriétaires
installent durablement un sas de sécurité... >Voir plus
Que lire après Les décisions absurdes : Sociologie des erreurs radicales et persistantesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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Si j'ai choisi ce livre lors de la masse critique de février c'est que je suis convaincu depuis longtemps de vivre en Absurdie. Les décisions absurdes existent : je les ai rencontrées ! Personnellement et très souvent.

Un des types les plus marquants d'absurdité en pédagogie est d'utiliser des exemples ou pire des exercices qui heurtent le sens commun genre la bonne réponse dans un problème de physique sur les résistances est que pour ne pas brûler en premier le cordon électrique d'un fer à repasser devrait avoir un diamètre mini de 0.5 mètre parce que le professeur pour simplifier a émis l'hypothèse que la résistance du fer est négligeable (hors c'est bien évidemment elle qui chauffe la semelle). Pédagogiquement il n'y a rien de plus nuisible d'autant que les rares élèves intelligents qui soulèveront l'incongruité se feront réprimander, et au contraire ceux qui donneront la réponse débile féliciter.

Mais il y a pire, c'est de s'attaquer à la résolution d'un problème qui n'existe pas (ou plus) ex. celui des transparents illisibles et d'y revenir sans cesse pour étayer sa thèse. Car oui Mr Christian Morel fait une fixette sur les transparents que moi-même dans les années 80 j'appelais ironiquement transpirants.

ALORS SI CE N'ETAIT PAS UNE OPERATION VIDE GRENIER DE BABELIO MAIS UNE REEDITION : ARRETEZ TOUT !

L'utilisation très répétitive et redondante des mêmes exemples durant les 350p. s'apparente plus au supplice de la goute d'eau qu'à une validation. Je n'oublie jamais qu'une fausseté inlassablement répétée ne devient pas pour autant une vérité. Je veux simplement dire que la répétition excessive n'apporte de mon point de vue aucune plus value. J'ai trouvé que de nombreux passages s'apparentaient à de la masturbation intellectuelle, cela doit venir du côté freudien des sciences humaines. Bref ce martelage m'a non seulement ennuyé mais fortement parasité la vue d'ensemble. Cette surabondance de recours aux mêmes cas pour illustrer jusqu'aux concepts les plus simples nuit finalement à la clarté de l'exposé et va donc à l'encontre de l'objectif recherché (mais peut-être aligné sur des objectifs personnels inavoués.)

La méthodologie de bâtir toute une théorie sur un échantillon d'une douzaine de cas me paraît à haut risque, mais pourquoi pas ? Je déplore cependant que l'auteur ne donne aucune explication sur la sélection de ces exemples, a-t-elle été faite de manière aléatoire ? L'échantillon n'est-il pas biaisé ? le périmètre est-il le bon ? N'aurait-il pas été plus pertinent de s'en tenir aux cas où il y a mort d'homme ? le modèle ainsi bâti a-t-il été testé à postériori pour le valider ? La thèse semble à priori intéressante mais qu'elles sont les hypothèses sous-jacentes ?

Plus ennuyeux certains des cas utilisés sont hautement questionnables, je pense ici notamment aux évaluations annuelles, à l'enquête d'opinion. Dans ces deux cas l'auteur, ancien DRH fait preuve d'une incroyable naïveté par rapport à la réalité du terrain, limite de la cécité mentale, occultant totalement l'aspect manipulatoire que revêtent ces procédés. Quant au cas des Amish et leur refus de la modernité, il est étudié avec un biais supporté par un jugement de valeur, ainsi l'accent est porté sur l'absurdité des comportements de cette population. de 1996 à 98 j'étais au Etats-Unis, j'y ai vu par hasard un reportage extrêmement documenté qui montrait que les rendements à l'hectare obtenus par leurs méthodes traditionnelles non seulement n'étaient pas inférieurs mais au contraire significativement supérieurs à ceux du reste du pays où l'agriculture intensive et l'utilisation toujours plus massive de produits chimiques n'arrivait pas à compenser un appauvrissement des sols et une érosion toujours croissante. Interpellant.

Outre la pertinence du modèle se pose aussi la question de sa simplicité dont dépendra son adoption. Je ne suis pas pleinement convaincu que les segmentations et sous-segmentations proposées vont aider à diminuer le nombre et la gravité des décisions absurdes. Si l'éclairage reste un tant soit peu intéressant il reste extrêmement théorique et d'une certaine complexité. Mon expérience dans la pratique est que sauf gravité très importante la plupart des organisations ne prendront pas le temps d'une analyse approfondie multi-critères. De-là à dire qu'avec ce livre Mr Christian Morel a bâti son pont de la rivière Kwaï, il n'y a qu'un tout petit pas.

Je vais quand même remercier Babelio pour cette masse critique et les éditions folio en recommandant à ces dernières de s'interroger sur la persistance de cet ouvrage sans un remaniement important. Je leur signale en passant que dans le livre reçu régulièrement vient se glisser une phrase avec une police plus petite aussi bien sur les pages de gauche ou de droite, passablement dérangeant. Tiens, j'en ai justement repéré une p.307 "Une solution peut ainsi partir à la dérive." ;)

Pour illustrer le sujet par plein d'exemples croustillants rien ne vaut un bon Dilbert. Et je pose la question ne serait-il pas intéressant pour la sociologie de considérer les décisions absurdes comme l'état de normalité et celles qui ne le sont pas comme des exceptions ?
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Je remercie les éditions Gallimard de m'avoir envoyé ce livre, qui avait piqué ma curiosité lors d'une opération Masse critique de Babelio.

Il s'agit d'une étude sociologique des décisions absurdes, c'est-à-dire d'actions radicales et persistantes menées par un individu ou par un groupe, contre le but qu'ils veulent atteindre.

Dans la première partie, l'auteur décrit une douzaine de cas réels, qui serviront d'illustrations à son analyse. Ces cas sont très variés. Je citerai par exemple un équipage d'avion qui, craignant que le train d'atterrissage soit mal sorti, prend soin, très calmement, de bien préparer les passagers à un atterrissage forcé mais omet de vérifier le niveau de carburant; l'avion s'écrasera à quelques kilomètres de l'aéroport. Un autre exemple a trait à la vie quotidienne: lors d'une réunion de famille, le grand-père propose une promenade, pensant faire plaisir au reste de la famille, qui accepte pour faire plaisir au grand-père. En rentrant, ils s'aperçoivent qu'aucun d'entre eux, y compris le grand-père, n'avait envie de faire cette promenade.

L'auteur organise ensuite son analyse selon trois aspects. le premier aspect est cognitif. L'auteur met en évidence des erreurs de raisonnement (« bricolages cognitifs ») qui mènent à des décisions qui ne résolvent pas le problème initial, au contraire.

Le deuxième aspect est celui qui m'a le plus intéressé: il est développé dans la partie intitulée « Les décisions absurdes sont une oeuvre collective ». Il décrit les différents types d'acteurs (« manager », « expert », « candide ») et met en lumière l'impact que peuvent avoir une mauvaise coordination ou une communication inefficace. Par exemple, dans le cas de l'avion que je mentionnais plus haut, chaque membre de l'équipage a peut-être pensé qu'un autre membre de l'équipage se préoccupait du niveau du carburant, ou que le pilote savait ce qu'il faisait, etc.

Enfin, l'auteur termine par un aspect téléologique, mettant en évidence la perte de sens d'une décision (on finit par faire quelque chose sans trop savoir pourquoi on le fait).

L'étude est minutieuse et l'on sent que l'auteur, cadre dirigeant dans une grande entreprise, s'est préoccupé de soigner la pédagogie de son exposé. Personnellement, j'ai parfois trouvé ce soin excessif, quand il menait à des reformulations ou à des répétitions qui, à mon sens, alourdissaient le texte. le texte est très clair dans sa structure et l'analyse est bien argumentée. Ceux qui s'intéressent à la question s'y accrocheront avec intérêt. Mais je ne dirais pas que la lecture est passionnante; les 100 premières pages sont un peu lassantes.

Le livre est paru en 2002; j'en ai lu une réimpression de 2016 dont la qualité d'impression pourrait laisser croire que l'original était bien plus ancien. Je vois qu'en 2012, l'auteur a fait paraître « Les décisions absurdes II. Comment les éviter ». Je suis curieux de lire ce second volume, dont le titre et les critiques me font présumer, peut-être à tort, qu'il est plus intéressant que le premier.

Bref, je vous recommande cette intéressante analyse, mais uniquement si le sujet vous motive suffisamment pour que la clarté et la précision de l'exposé fasse passer au second plan un manque de dynamisme qui rebuterait un lecteur lambda.
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Des copropriétaires, pour lutter contre une vague de cambriolage, décident de sécuriser une des portes d'accès de l'immeuble, tout en laissant l'autre grande ouverte. Difficile à priori de comprendre comment une assemblée peut en arriver à prendre une telle décision. Et pourtant, il n'est pas rare de croiser des situations dans lesquelles les protagonistes construisent leur échec avec une persévérance qui laisse pantois.

Les explications sont toutefois diverses et variées : mauvais intuition des probabilités d'échec/de réussite, un sens social qui nous pousse à proposer des solutions acceptables pour tous et pas celle qui nous paraît la meilleure (qui vous mène à accepter une sortie à contre-coeur, pour faire plaisir à l'autre, qui vous avouera trois jours plus tard qu'il l'a proposée à contre-coeur, uniquement dans le but de vous faire plaisir), ne pas signaler un problème parce que « c'est tellement évident que quelqu'un l'a sûrement déjà fait », passer trop de temps sur les moyens jusqu'à en oublier le but final, etc.

La conclusion est assez déroutante : on aimerait, pour chacune des situations exposées, un coupable idéal, un crétin qu'on pourrait conspuer en toute tranquillité. La réalité est toute autre : ce sont toutes nos approximations, les raccourcis que prend notre cerveau, qui nous réussissent souvent très bien dans la vie quotidienne sans que l'on en ait réellement conscience, qui nous permet même d'avoir des « éclairs de génie » dans les situations critiques, qui peuvent également mener à des catastrophes.

Un livre intéressant, qui permet de comprendre que quelque soit l'assemblée, la compétence de ses membres, les mécanismes de communication et de vérification mis en place, le risque zéro n'existe définitivement pas.
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Ouvrage très intéressant et très instructif qui, à partir de plusieurs exemples concrets de décisions absurdes ayant abouti à des aberrations, voire à des catastrophes, nous décortique les mécanismes qui peuvent mener à de telles décisions.
L'auteur propose ainsi plusieurs approches qui se révèlent complémentaires en montrant, à travers les exemples présentés au début de l'ouvrage, que les erreurs persistantes défient tout entendement et se maintiennent même lorsque les décideurs sont conscients de n'être pas sur la bonne voie.
On trouve ainsi des réponses aux décisions absurdes dans les processus cognitifs, dans les organisations, dans la perte de sens, dans l'excès de réunions, dans des croyances collectives bien ancrées ou simplement dans la satisfaction d'avoir pris une décision sans même avoir réfléchi au but recherché.
Aucune solution miraculeuse ne jaillit des chapitres de ce livre, mais on y trouve des traits communs avec des situations vécues.
Très intéressant
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Voici un sujet intéressant, étudié ici par un sociologue. Je ne suis pas du tout sociologue et a priori j'ai été un peu refroidi par la longueur du livre. Je l'ai quand même lu, parfois en diagonale.
On commence par l'exposé de quatorze cas particuliers où des décisions absurdes, très inadaptées ou bien contre-productives, ont été prises. Par exemple, un avion qui, sans raison impérative, fait longuement des cercles autour de l'aéroport d'arrivée et finit par s'écraser par manque de kérosène. Mais le cas le plus tristement célèbre est la décision de lancer la navette spatiale "Challenger" qui a explosé peu après le décollage. C'était en 1986. Il gelait à Cap Canaveral et… ces conditions météorologiques rares en Floride (mais possibles !) n'avaient jamais été envisagées par les experts. Ceux-ci ont été consultés juste avant le lancement; ils ont été d'abord très réticents. Mais les managers, beaucoup trop confiants dans la fiabilité de la fusée, ont fait pression sur les ingénieurs pour qu'ils donnent leur feu vert. La catastrophe, due à la perte d'étanchéité des joints en raison du froid, était inévitable...
En outre, l'auteur évoque le "paradoxe d'Abilene", que je trouve vraiment significatif. Voici l'exemple cité par l'auteur: un jour de grande chaleur, une famille décide de faire un éprouvant voyage à Abilene (Texas), chacun ayant donné à contre-coeur son accord, en croyant faire plaisir à tous les autres. Ce paradoxe a été souvent observé dans la vie privée, mais aussi à Cap Canaveral en 1986, et dans d'autres cas.
L'auteur étudie tous les aspects des erreurs radicales et persistantes crées principalement par des biais cognitifs non conscientisés. Entre autres, il analyse les rôles de trois acteurs-clé (l'expert, le manager et le "candide") dans la prise d'une décision absurde. Il évoque aussi les dérives possibles à chaque étape du schéma de Duming (PDCA: "plan", "do", "check", "act"). Tout ceci est très (trop) détaillé. Evidemment, je n'ai pas tout retenu, et cependant je crois que j'ai compris l'essentiel.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Il peut même arriver qu'une solution déconnectée, placée sous la protection d'une valeur générale et intouchable, devienne un symbole de cette valeur. Par un curieux retournement, la solution déconnectée devient le porte-drapeau de sa valeur refuge et se renforce. Par exemple, la direction d'une entreprise institue un indicateur dans le domaine de la créativité. En raison d'une réflexion insuffisante sur l'objectif et de dysfonctionnement dans sa conception, cet indicateur devient une solution considérablement déconnectée. Il ne veut rien dire. La créativité est sa valeur refuge, du fait de son caractère général et intouchable. La direction est consciente du non-sens de l'indicateur. Toutefois, elle le maintient car elle craint que sa suppression ne soit interprétée comme le signe d'une remise en cause du principe de créativité.
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Dans la copropriété dont les résidents avaient choisi de ne fermer qu'un seul accès pour lutter contre les cambriolages, laissant l'autre complètement ouvert, le plus surprenant était la satisfaction qu'éprouvaient les propriétaires devant leur solution, alors qu'elle n'apportait aucune sécurité. Il existe en effet des cas où la réalisation partielle enlève tout son sens à une solution, pourtant on se contente et on se satisfait de la solution partielle.
[...]
La réalisation partielle apporte la satisfaction que quelque chose a été fait. On n'est pas resté les bras croisés. Le non-sens du résultat disparaît derrière l'existence d'un travail accompli. Dans le cas de la copropriété, c'était manifeste. Le groupe avait réussi à entreprendre quelque chose.
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Une caractéristique du silence sur les désaccords est qu'il se renforce automatiquement avec le temps, ce qui lui donne une grande efficacité. Plus on avance dans la mise en œuvre, plus il est difficile de revenir en arrière. Des dépenses et des modifications ont déjà été effectuées. Rompre le silence de l'acquiescement général devient de plus en plus coûteux. Avant la décision, celui qui n'est pas d'accord est un opposant. Plus la décision avance, plus il acquiert le statut de traître.
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Ce mélange chez un même individu et dans une même organisation de processus intuitifs et perceptif enfantins, d'une part, et d'une compétence de type scientifique, d'autre part, peut paraître surprenante, mais il existe bel et bien. L'exemple d'ingénieurs d'entreprises de haute technologie qui croient entraiment que les phases de la lune proviennent de l'ombre projetée de la Terre illustre ce mécanisme. Leur croyance dans les ombres chinoises du globe terrestre sur l'écran blanc de l'astre lunaire apparaît comme une vision enfantine non résolue et non inhibée, alors qu'ils possèdent une incontestable compétence scientifique.
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Le silence [dans une réunion de décision] entraîne l'illusion de l'unanimité.
[...]
Dans les organisations fondées sur la légitimité scientifique, insister sur un problème au moyen d'une intuition n'est pas légitime.
[...]
On ne se sent pas non plus autorisé à parler si on ne dispose pas d'une connaissance complète d'un problème. Dans les organisations fondées sur la division du travail, on ne possède jamais une connaissance complète d'un sujet. Ce fait découle directement du principe même de la division du travail. Les réunions de coordination sont théoriquement là pour rassembler les éléments du puzzle. Mais, comme la connaissance partielle incite chacun au silence, la confrontation a tendance à affaiblir le signal plutôt qu'à l'amplifier. Dans la décision de lancer Challenger [qui allait exploser au décollage], des managers disent s'être tus parce qu'ils n'avaient qu'une connaissance générale du problème, et des ingénieurs ont expliqué leur silence par leur connaissance partielle de la question !
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