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EAN : 9782266155342
213 pages
Pocket (24/03/2006)
3.47/5   16 notes
Résumé :

Ayant grandi dans le milieu traditionnel Inuit, Laura n'a pas eu une vie facile, confrontée, comme un homme, à l'obligation de chasser et de faire des réserves de nourriture en prévision des grands froids. De plus, Laura, au caractère sauvage, fait preuve de dons pour le chamanisme qui survit, au Groenland, face aux religions officielles. Sa force ayant été reconnue par Hilla, vieille femme experte en matière de magie, Laura a suivi auprès d'elle un long... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Pour mon plus grand bonheur j'ai suivi Daniel Pouget dans ses pérégrinations groenlandaises !
Celà m'a permis de faire la connaissance d'une femme extra-ordinaire grâce à l'esprit de l'ours, le chemin de vie d'une chamane.
Je n'ai pas pu résister : une fois les présentations faites j'ai écouté à mon tour le récit de vie de cette femme pas comme les autres, même au sein de sa communauté.

Mais avant de continuer, il faut savoir que Daniel Pouget n'est pas à son premier séjour au Groenland, ethnologue voyageur, de la lignée des grands explorateurs polaires comme Jean Charcot, Paul-Emile Victor, ayant étudié des ethnies du monde entier, il décide en 1995 de revenir dans la baie de Disko où il a séjourné trente ans plus tôt chez une famille qu'il a perdu de vue et, qu'il souhaite retrouver. Cecilia, l'épouse de Anok l'avait adopté  « Je suis ton anäna, ta mère . » aimait-elle à lui dire.
Projet qui aurait pu être voué à l'échec mais la chance est de son côté : il retrouve assez vite un des membres de la famille, Laura, un des trois enfants de ce couple, qui à présent approche de la soixantaine.
Des retrouvailles chargées d'émotion qui amènent Daniel Poujet à prolonger son séjour pour relater le chemin de vie de Laura qu'il recueille grâce à une série d'entretiens.

Tout prédisposait Laura à sortir du lot.
Son histoire familiale : son père Anok, grand chasseur et sa mère, Cécilia, guérisseuse, étaient des personnalités reconnues pour leurs pouvoirs.
Les conditions de son enfantement et, le ciel, le jour de sa naissance, auguraient d'un destin exceptionnel. En effet, être née sous un ciel couvert, temps idéal pour la chasse en saison d'été, lui permets d'atteindre le statut de protectrice des chasseurs, et les recours à une vielle chamane lors de sa naissance lui en confère ses pouvoirs. Ainsi à peine les yeux ouverts, son chemin de vie semble tout tracé.
Mais tout n'est pas joué d'avance pour autant. Quand Laura naît, nous sommes dans les années Trente, et les Inuit sont encore surnommés les Eskimos, ceux qui mangent de la viande crue.
Les pasteurs protestants danois ont repris depuis longtemps le travail d'évangélisation des missionnaires ( Hande Egede 1686-1747 est le premier missionnaire des Inuit du Groenland) et si ils instruisent la population autochtone, ils exécutent un travail de sape niant les valeurs traditionnelles et leurs croyances spirituelles, synonyme d'un passé révolu.
Ainsi, dès ses premiers jours elle est baptisée sous la pression d'un prêtre, et la petite Iglaoüt devient Laura. Acte qui sera une des raisons du premier départ de la région d'origine de la famille afin de fuir ce religieux, la seconde étant que la petite semble avoir une santé fragile . Puis bien emmailloté sur le dos de sa mère, avec son frère aîné, ils embarquent dans un oumiak pour de nouveaux horizons. de la côte orientale à la côte occidentale, les années passent, la petite Laura grandit. Elle est même placée chez une arnak, femme aux pouvoirs magiques dans l'espoir d'une guérison. Mais le diagnostic tombe : Laura n'est pas malade , elle est possédé par les esprits…

J'ai beaucoup apprécié ce moment de lecture qui nous plonge dans la vie d'une Inuit au siècle dernier à une époque où le mode de vie traditionnel est encore préservé et, la déesse de la mer , Noulajiouk, invoquée et vénérée. Mais en filigrane on entend peu à peu le bruit des moteurs des scooters des neiges qui effacent les aboiements des chiens de traineau.

Ce qu'il me reste de cet émouvant témoignage, c'est la parole de Laura : des mots sincères, authentiques qui donnent une valeur ethnographique à ses propos.
Ce qui m'as le plus touché c'est son humanité, sa vision globale de la vie : malgré les deuils successifs qu'elle a vécu, les épreuves violentes et difficiles, elle a su améliorer ses dons, ses pouvoirs magiques pour aider les siens et rester solidaire de sa communauté.
Ce qui m'as le plus étonné, son désir, sa soif inextinguible d'apprendre  et d'apprendre toujours et encore. Approfondir ses connaissances auprès de chamanes (apprentissage chez Hilla dont le nom signifie « Pilier de la terre ») mais aussi à l'université de Copenhague lors de son séjour chez un ami danois où elle se perfectionne en botanique ( elle avait auparavant obtenu son certificat d'institutrice dans sa jeunesse).
Plus tard la reconnaissance de ses pouvoirs et pratiques chamaniques par les autorités danoises ainsi que le respect et la confiance que lui témoignent les siens lui permettent de se révéler entièrement faisant grandir sa réputation.
Et surtout, surtout, malgré les bouleversements qu'elle a connu et que le Groenland a subi, elle reste fidèle à elle-même, à son peuple et à son territoire. Elle est le garant des traditions, l'héritière des coutumes.

Un chemin de vie exceptionnel qui m'a impressionné . Une belle lecture et de belles rencontres...
Que l'esprit de l'ours perdure encore longtemps dans les immensités glacées.
En effet si l'on se réfère aux dits d'Anok, le père de Laura, il le vaudrait mieux pour le genre humain : 
« Si tu observes la vie de l'ours, elle est proche de la nôtre : l'ours se tient debout comme un homme, la femelle donne naissance aux oursons dans des maisons de neige comme sont faites les nôtres. Un ours auquel on enlève la peau ressemble à un homme nu. Regarde-nous, pour survivre dans l'Arctique, ce milieu extrêmement difficile, nous avons été obligés de penser et d'agir comme l'ours. »

Pour conclure, une des conséquences  du réchauffement climatique est à terme la disparition de l'ours polaire … alors si, l'ours représente le double de l'Homme chez les Inuit, il y a un gros soucis.
On peut dès à présent se donner rendez-vous dans le cosmos !

Parents ou grands parents, si vous êtes sensible à cette cause, vous pouvez proposer à vos petits bouts de choux un conte écologique, Ynami la prophétie des ours, que l'on trouve sur la toile, écrit par Jocelyne Marque et illustré par Stéphane Mathieu qui vous permettra d'en discuter avec eux.

http://data.over-blog-kiwi.com/0/83/38/12/20170401/ob_c6253a_ynamiscol-cursive-standard.pdf

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« Bien souvent, on dit que le temps apaise les plus grandes douleurs. Cela est certainement vrai, puisque quelques années après, me voici de retour, méditant sur mes souvenirs, qui, bons ou mauvais, sont tous auréolés du passé. »

30 ans plus tard, Daniel Pouget revient dans le village Inuit où il avait été accueilli chaleureusement par le chef du village, Anok, chasseur et pêcheur réputé, admiré de tous, à quelques pointillés près… les soirs où il racontait ses exploits, l'alcool le mettait à terre, lui qui avait affronté ours et baleines ne tenait plus debout… La mort d'Anok : une négligence absurde… il avait oublié de mettre son tablier de kayak, alors qu'au printemps, il circulait dans le dédale des glaces, le fractionnement inattendu d'un iceberg l'avait propulsé dans l'eau glacée qui avait eu raison de lui.

La fille d'Anok, Laura, à qui sa mère avait donné un prénom Inuit, refusé par un Pasteur danois intransigeant, a étudié au Danemark, en est partie avec un diplôme d'institutrice, y est retournée, pour le quitter définitivement et retrouver la maison de son enfance.

Devenue chamane, elle livre à Daniel Pouget son histoire.

Comme son père, elle a affronté, seule, un ours, et l'a tué, retenant difficilement ses chiens, les surveillant pour qu'ils ne se jettent pas sur les viscères dont certains contiennent le fiel, poison mortel, revenant avec la peau, la chair, les crocs.

Forte des mots de son père « Si tu observes la vie de l'ours, elle est proche de la nôtre : l'ours se tient debout comme un homme, la femelle donne naissance aux oursons dans des maisons de neige comme sont faites les nôtres. Un ours auquel on enlève la peau ressemble à un homme nu. Regarde-nous, pour survivre dans l'Arctique, ce milieu extrêmement difficile, nous avons été obligés de penser et d'agir comme l'ours. », comme l'ours, elle a chassé, elle a pêché, elle a combattu, elle est tombée et a essayé de se relever.

Solitaire, elle s'est rebellée, contre une civilisation moderne qui la mettait mal à l'aise, elle s'est révoltée, contre un homme violent, elle s'est défendue contre les accusations d'un Pasteur danois intolérant, elle a appris de ses visions, s'est mise en transe, a partagé son savoir.

Laura nous parle des siens, des enfants, si difficiles à envoyer à l'école, de la pêche, de la chasse, des ours, des phoques, de la baleine, recherchée pour sa chair, sa graisse (le gras de baleine, le mattak, riche en vitamine C, remplace le manque de crudités et de légumes), ses fanons, et aussi pour son squelette utilisé pour construire les cabanes ou les canots…

Plus qu'un témoignage, c'est une perle, riche et fragile, avant que la glace ne se fissure, et emporte toute cette magie avec elle.

Merci à mon amie babéliote, Mesrives, de m'avoir invitée sur celles de l'Arctique… en me conseillant ce livre.

« Notre bonheur, c'est de ne rien désirer d'autre que ce que la nature nous offre à chaque saison. Cette nature ne peut ni se tromper, ni nous tromper ».

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Ce livre témoignage est vraiment plaisant ! On y découvre la vie d'une femme inuite exceptionnelle tant par son parcours que par les événements qui ont marqué sa vie.

Ce qui m'a le plus marqué, c'est la mentalité inuite. Parfois, elle est difficile à appréhender pour l'Européenne que je suis, mais me parait très adapter au milieu de ces populations.
J'ai eu la grande surprise de découvrir que bien que le Groenland soit un environnement assez pauvre, tout ce qui y vit et y pousse regorge de bienfait. le nombre de plantes qui peuvent être usées pour soigner ou dans l'alimentation est assez impressionnant.

Laura, la femme chamane qui narre, évoque aussi de nombreuses légendes. C'était très intéressant. le rapport à l'ours est extraordinaire, car il apparait comme une entité proche de l'homme. Les pouvoirs magiques qu'ils possèdent sont nombreux.
Outre cela, elle évoque tout un mode de vie : technique de chasse, fabrication de kayak, relations entre parents-enfants, relations gens-chamanes, relations hommes-femmes, nomadisme.

J'avoue avoir été déçu en ce qui concerne le chamanisme, car j'espérai que le sujet soit un peu plus développé.
Ce n'est pas dans mes habitudes d'êtres aussi agressives, mais les personnages des pasteurs protestants me donnaient envie d'en abattre ! Ces gens ont détruit des cultures et des croyances entrainant la perte de savoir et apportant le malheur sur ces peuples. Et dire qu'aujourd'hui encore, on laisse faire ces choses-là ! C'est abject !

Bien que ce texte de pas mal d'années, il est intéressant de voir les inquiétudes de Laura pour son peuple. La modernisation de la société provoque de terribles changements qui influencent de manières très négatives les Inuits. L'alcool est un fléau. Mais d'un autre côté, de nombreux jeunes profitent des bienfaits tels que l'école et reviennent vers leurs traditions pour la sauvegarder.

Un livre extrêmement intéressant que je conseille vivement pour appréhender et comprendre cette population.

Lien : http://0z.fr/yMz-s
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Daniel Pouget, ethnologue, nous plonge au coeur de l'univers inuit. Plus qu'un récit scientifique, à mi chemin entre la biographie d'une chamane et un roman d'aventure, il nous plonge dans l'univers du nord groenlandais.
Laura la chamane, femme indépendante au caractère fort, raconte son parcours, les légendes, mythes et brosse le tableau des personnages et lieux qui ont marqués son initiation.
Des illustrations de la faune et flore locale principalement aère le récit.
Dépaysement garanti!
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
La vieille femme arriva avec une boîte contenant de la graisse de baleine. Après avoir enduit le vagin de ma mère, et après avoir murmuré des incantations incompréhensibles pour toutes les présentes, elle fit fortement pression sur le ventre.
Ma mère hurlait, et, tout à la fois, riait de satisfaction car j'apparus enfin en poussant, paraît-il, des cris perçants. Selon la coutume, le cordon ombilical fut noué avec une petite aiguille taillée dans la défense du narval. Tout mon corps fut nettoyé des souillures de l'accouchement avec diverses dépouilles d'oiseaux, principalement des mergules de mer et des goélands. Ces dépouilles furent ensuite découpées en petits morceaux qui devinrent des amulettes, que l'on distribua selon les besoins. La très vieille femme qui avait contribué à ma venue au monde demanda, telle une requête à ma mère, que je porte son nom qui était Iglaoüt.
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Un jour l’une des très jeunes filles de la première tribu commença à recevoir des visites d’un homme qui lui procurait beaucoup de plaisir. Comme les ténèbres étaient totales, elle ne pouvait le reconnaître. Poussée par la curiosité, elle imagina une invention d’importance pour la suite de notre civilisation. Elle réussit avec de la graisse de phoque et du lichen séché à faire une sorte de torche, et, à l’aide de deux galets, elle obtint les étincelles nécessaires pour enflammer le bout de cette torche. Elle venait d’inventer le feu pour les Inuit. Acharnée à connaître l’identité de celui qui lui rendait visite, elle trouva une astuce : elle enduisit sa poitrine du gras noir de la torche et poussa son amoureux à lui embrasser les sein. Après leurs ébats, elle alluma une nouvelle torche, ce qui lui permit de découvrir, avec horreur, le visage et la bouche de son propre frère noircis par la suie. Il n’y avait pas de doute sur l’identité du clandestin. Très en colère, la jeune femme se mit à poursuivre son frère avec sa torche. Celui-ci, pour lui échapper, monta directement au ciel, elle suivait derrière, les étincelles qui s’envolaient de la torche devinrent alors les étoiles. La jeune femme, la torche à la main, devint le soleil, son frère la lune. C’est pour cette raison que, depuis toujours, le soleil est à la poursuite de la lune. Les éclipses leur donnent l’occasion de se retrouver, mais le soleil donne alors à la lune de violents coups de torche qui aussitôt, se transforment en une multitude d’étoiles.
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Dans nos traditions, il a toujours été dit qu’une femme n’a ni le droit de penser ni le droit de parler. Ces temps-là sont révolus, j’ai acquis de l’instruction, j’ai fréquenté d’autres peuples, suffisamment pour savoir que ton comportement est devenu intolérable. J’ai accepté librement de te suivre. Au début, nos relations me convenaient. J’ai vécu, pendant notre long voyage pour arriver ici, des moments de bonheur forts et intenses, mais depuis cette séance chamanique, tu es totalement transformé. Peut-être certaines des femmes qui nous entourent accepteraient-elles de vivre comme tu me l’imposes, mais sache que je ne suis pas comme les autres. Je refuse dès cet instant de poursuivre avec toi quoi que ce soit. Si tu redeviens tel que tu étais, alors nous reprendrons peut-être notre vie commune, sinon, laisse-moi tranquille ».
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Dans cette région, les territoires de chasse étaient peu nombreux. Pour cette activité, il fallait envisager de très longs déplacements car le gibier, sur cette période de la côte, était rare. J’en ai connu les raisons un peu plus tard : en réalité, cela était dû au fait que les Américains, au cours de la dernière guerre, avaient installé là une importante base aérienne. Aussi, le bruit constant des décollages et des atterrissages des avions avaient fait fuir le gibier.
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"L'âme de cet animal est très puissante: quand on tue un ours, il faut respecter les mêmes coutumes et les mêmes tabous que pour un homme. Pour les chasseurs, la période de deuil concernant l'ours est encore plus longue que pour la perte d'un membre du groupe, elle est environ d'une dizaine de jours. Il faut bien veiller à récupérer ses dents et ses griffes pour en faire des amulettes protectrices, tout comme il faut prélever quelques petits morceaux de sa fourrure qui, cousus à l'intérieur de nos vêtements, nous permettent d'être toujours en contact avec cet animal."
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