Pour mon plus grand bonheur j'ai suivi Daniel Pouget dans ses pérégrinations groenlandaises !
Celà m'a permis de faire la connaissance d'une femme extra-ordinaire grâce à l'esprit de l'ours, le chemin de vie d'une chamane.
Je n'ai pas pu résister : une fois les présentations faites j'ai écouté à mon tour le récit de vie de cette femme pas comme les autres, même au sein de sa communauté.
Mais avant de continuer, il faut savoir que Daniel Pouget n'est pas à son premier séjour au Groenland, ethnologue voyageur, de la lignée des grands explorateurs polaires comme Jean Charcot,
Paul-Emile Victor, ayant étudié des ethnies du monde entier, il décide en 1995 de revenir dans la baie de Disko où il a séjourné trente ans plus tôt chez une famille qu'il a perdu de vue et, qu'il souhaite retrouver. Cecilia, l'épouse de Anok l'avait adopté « Je suis ton anäna, ta mère . » aimait-elle à lui dire.
Projet qui aurait pu être voué à l'échec mais la chance est de son côté : il retrouve assez vite un des membres de la famille, Laura, un des trois enfants de ce couple, qui à présent approche de la soixantaine.
Des retrouvailles chargées d'émotion qui amènent Daniel Poujet à prolonger son séjour pour relater le chemin de vie de Laura qu'il recueille grâce à une série d'entretiens.
Tout prédisposait Laura à sortir du lot.
Son histoire familiale : son père Anok, grand chasseur et sa mère, Cécilia, guérisseuse, étaient des personnalités reconnues pour leurs pouvoirs.
Les conditions de son enfantement et, le ciel, le jour de sa naissance, auguraient d'un destin exceptionnel. En effet, être née sous un ciel couvert, temps idéal pour la chasse en saison d'été, lui permets d'atteindre le statut de protectrice des chasseurs, et les recours à une vielle chamane lors de sa naissance lui en confère ses pouvoirs. Ainsi à peine les yeux ouverts, son chemin de vie semble tout tracé.
Mais tout n'est pas joué d'avance pour autant. Quand Laura naît, nous sommes dans les années Trente, et les Inuit sont encore surnommés les Eskimos, ceux qui mangent de la viande crue.
Les pasteurs protestants danois ont repris depuis longtemps le travail d'évangélisation des missionnaires ( Hande Egede 1686-1747 est le premier missionnaire des Inuit du Groenland) et si ils instruisent la population autochtone, ils exécutent un travail de sape niant les valeurs traditionnelles et leurs croyances spirituelles, synonyme d'un passé révolu.
Ainsi, dès ses premiers jours elle est baptisée sous la pression d'un prêtre, et la petite Iglaoüt devient Laura. Acte qui sera une des raisons du premier départ de la région d'origine de la famille afin de fuir ce religieux, la seconde étant que la petite semble avoir une santé fragile . Puis bien emmailloté sur le dos de sa mère, avec son frère aîné, ils embarquent dans un oumiak pour de nouveaux horizons. de la côte orientale à la côte occidentale, les années passent, la petite Laura grandit. Elle est même placée chez une arnak, femme aux pouvoirs magiques dans l'espoir d'une guérison. Mais le diagnostic tombe : Laura n'est pas malade , elle est possédé par les esprits…
J'ai beaucoup apprécié ce moment de lecture qui nous plonge dans la vie d'une Inuit au siècle dernier à une époque où le mode de vie traditionnel est encore préservé et, la déesse de la mer , Noulajiouk, invoquée et vénérée. Mais en filigrane on entend peu à peu le bruit des moteurs des scooters des neiges qui effacent les aboiements des chiens de traineau.
Ce qu'il me reste de cet émouvant témoignage, c'est la parole de Laura : des mots sincères, authentiques qui donnent une valeur ethnographique à ses propos.
Ce qui m'as le plus touché c'est son humanité, sa vision globale de la vie : malgré les deuils successifs qu'elle a vécu, les épreuves violentes et difficiles, elle a su améliorer ses dons, ses pouvoirs magiques pour aider les siens et rester solidaire de sa communauté.
Ce qui m'as le plus étonné, son désir, sa soif inextinguible d'apprendre et d'apprendre toujours et encore. Approfondir ses connaissances auprès de chamanes (apprentissage chez Hilla dont le nom signifie « Pilier de la terre ») mais aussi à l'université de Copenhague lors de son séjour chez un ami danois où elle se perfectionne en botanique ( elle avait auparavant obtenu son certificat d'institutrice dans sa jeunesse).
Plus tard la reconnaissance de ses pouvoirs et pratiques chamaniques par les autorités danoises ainsi que le respect et la confiance que lui témoignent les siens lui permettent de se révéler entièrement faisant grandir sa réputation.
Et surtout, surtout, malgré les bouleversements qu'elle a connu et que le Groenland a subi, elle reste fidèle à elle-même, à son peuple et à son territoire. Elle est le garant des traditions, l'héritière des coutumes.
Un chemin de vie exceptionnel qui m'a impressionné . Une belle lecture et de belles rencontres...
Que l'esprit de l'ours perdure encore longtemps dans les immensités glacées.
En effet si l'on se réfère aux dits d'Anok, le père de Laura, il le vaudrait mieux pour le genre humain :
« Si tu observes la vie de l'ours, elle est proche de la nôtre : l'ours se tient debout comme un homme, la femelle donne naissance aux oursons dans des maisons de neige comme sont faites les nôtres. Un ours auquel on enlève la peau ressemble à un homme nu. Regarde-nous, pour survivre dans l'Arctique, ce milieu extrêmement difficile, nous avons été obligés de penser et d'agir comme l'ours. »
Pour conclure, une des conséquences du réchauffement climatique est à terme la disparition de l'ours polaire … alors si, l'ours représente le double de l'Homme chez les Inuit, il y a un gros soucis.
On peut dès à présent se donner rendez-vous dans le cosmos !
Parents ou grands parents, si vous êtes sensible à cette cause, vous pouvez proposer à vos petits bouts de choux un conte écologique, Ynami la prophétie des ours, que l'on trouve sur la toile, écrit par
Jocelyne Marque et illustré par Stéphane Mathieu qui vous permettra d'en discuter avec eux.
http://data.over-blog-kiwi.com/0/83/38/12/20170401/ob_c6253a_ynamiscol-cursive-standard.pdf