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EAN : 9782080711052
346 pages
Flammarion (24/04/2001)
4.46/5   14 notes
Résumé :
Le poète autrichien Georg Trakl (1887-1914) est réputé sulfureux : une enfance bourgeoise vécue en porte-à-faux, une jeunesse marquée par la drogue, l'inceste la guerre et une mort précoce, à vingt-sept ans, dans des circonstances qui restent mystérieuses. Au cours de ces quelques années, Trakl écrit une poignée de poèmes qui sont au nombre des plus beaux de la langue allemande : des vers fulgurants qui chantent l'intimité de l'enfance aussi bien qu'ils célèbrent le... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
La poésie de Trakl, sombre et tourmentée, donne forme à une horreur profonde et imagée qui a reçu l'influence de Rimbaud. Les poèmes sont crépusculaires, denses, mystérieux, qu'ils évoquent une servante ou une saison, des rats le crépuscule.
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Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
LA NUIT *



C'est toi que je chante, ravin sauvage,
Montagnes dressées
Dans la tempête de la nuit ;
Ô tours grises
Débordant de grimaces infernales,
De faune ardente,
De rêches fougères, de pins,
De fleurs cristallines.
Tourment infini
D'avoir traqué Dieu,
Doux esprit,
Poussant des soupirs dans la cataracte,
Dans le balancement des pins.

D'or embrasent les feux
Des peuples alentour.
Sur des écueils noirâtres
Se jette ivre de mort
La rougissante fiancée du vent,
La vague bleue
Du glacier
Et gronde
Puissamment la cloche dans la vallée :
Flammes, malédictions,
Et les sombres
Jeux de volupté,
À l'assaut du ciel
Une tête pétrifiée.

* fait partie des Poèmes publiés dans la revue Le Brenner (1914-1915)

/ Traduction de Marc Petit et Jean-Claude Schneider
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Psaume

Il est une lumière que le vent a éteinte.
Il est une cruche de bruyère, qu’une après-midi un homme ivre délaisse
Il est une vigne, calcinée et noire des trous pleins d’araignées.
Il est un lieu, qu’ils ont badigeonné de lait

Le fou est mort. Il est une île des mers du Sud,
pour capturer le dieu Soleil. On bat les tambours.

Les hommes représentent des danses guerrières.

Les femmes balancent leurs hanches dans des lianes tordues et des fleurs de feu,

quand chante la mer. O notre paradis perdu.

Les nymphes ont quitté les forêts d’ors.

On enterre l’étranger. Alors se lève une pluie d’étincelles.

Le fils de Pan apparaît sous la silhouette d’un terrassier,

qui dort à midi sur l’asphalte brûlant.

Il est des petites filles dans une cour avec des petites robes pleines d’une déchirante pauvreté !

Il est des chambres, emplies d’accords et de sonates.

Il est des ombres qui se prennent dans les bras devant un miroir aveugle.

À la fenêtre de l’hôpital se réchauffent des convalescents.

Un vapeur blanc sur le canal apporte des épidémies sanglantes.

La sœur étrangère apparaît à nouveau dans les mauvais rêves de quelqu’un.

Reposant dans le bosquet de noisetiers elle joue avec ses ombres.

L’étudiant, peut-être un double, la regarde longtemps de la fenêtre.

Derrière lui se tient son frère mort, ou bien il dévale le vieil escalier en colimaçon.

Dans le sombre des bruns châtaigniers s’estompe la forme du jeune novice.

Le jardin est dans le soir. Dans le cloître, volettent les chauves-souris tout autour.

Les enfants du concierge cessent leurs jeux et cherchent l’or du ciel.

Derniers accords d’un quatuor. La petite aveugle court tremblante par les allées.

Et plus tard son ombre tâte les murs froids, cernés de contes et de légendes

sacrées.

Il est un bateau vide, qui le soir descend le canal noir.

Dans les ténèbres du vieil asile déclinent des ruines humaines.

Les orphelins morts sont couchés contre le mur du jardin.

Des chambres grises sortent des anges aux ailes tachées d’excréments.

Des vers gouttent de leurs paupières jaunies.

La place devant l’église est sombre et silencieuse, comme aux jours de l’enfance.

Sur des semelles d’argent glissent des vies antérieures

Et les ombres des damnés descendent vers les eaux qui soupirent.

Dans sa tombe le magicien blanc joue avec ses serpents.

Silencieusement dessus l’ossuaire s’ouvrent les yeux d’or de Dieu.
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Métamorphose du mal

Automne : marche noire à la lisière de la forêt ; minute de destruction muette ; le front du lépreux aux aguets sous l’arbre nu. Soir passé depuis longtemps, qui sombre maintenant sur les couches de mousse ; novembre. Une cloche sonne et le berger mène au village un troupeau de chevaux noirs et rouges. Sous le taillis de noisetiers, le chasseur vert vide un gibier. Ses mains fument de sang et l’ombre du gibier gémit dans la frondaison au-dessus des yeux de l’homme, brune et taciturne ; la forêt. Des corneilles qui se dispersent ; trois. Leur vol ressemble à une sonate, pleine d’accords pâlis et de mélancolie virile ; un nuage doré fond en silence. A côté du moulin, des garçons allument un feu. Le frère du plus blême est flamme et il rit enfoui dans sa chevelure rousse ; ou bien c’est le lieu du crime, à côté duquel passe un chemin pierreux. Les épine-vinettes ont disparu, à longueur d’année ça rêve dans l’air de plomb sous les pins sylvestre ; peur, obscurité verte, le gargouillement d’un homme en train de se noyer : de l’étang aux étoiles, un pêcheur tire un grand poisson noir, le visage plein de brutalité et de folie. Les voix du roseau, d’hommes se querellant dans son dos, il se balance sur une barque rouge à travers les eaux glacées de l’automne, vivant dans les sombres légendes de sa race, et les yeux en pierre ouverts sur des nuits et des terreurs virginales. Le mal.

Qu’est-ce qui te force à te tenir en silence sur les marches effondrées, dans la maison de tes pères ? Noirceur de plomb. Que portes-tu à tes yeux, avec ta main d’argent ; et tes paupières sombrent comme saoules de pavot ? Mais à travers les murs de pierre tu vois le ciel étoilé, la Voie lactée, Saturne ; rouge. L’arbre nu frappe avec rage le mur de pierre. Toi sur des marches effondrées : arbre, étoile, pierre ! Toi, une bête bleue qui tremble en silence ; toi, le prêtre blême qui l’égorge sur l’autel noir. O ton sourire dans le noir, triste et méchant, au point qu’un enfant blêmit dans son sommeil. Une flamme rouge a bondi de ta main et un papillon de nuit s’y est brûlé. O la flûte de la lumière ; ô la flûte de la mort. Qu’est-ce qui te force à te tenir en silence sur les marches effondrées, dans la maison de tes pères ? En bas un ange frappe à la porte d’un doigt cristallin.

Ô l’enfer du sommeil ; ruelle sombre, jardinet brun. Dans le soir bleu sonne doucement la figure du mort. De petites fleurs vertes voltigent autour d’elle et son visage l’a abandonnée. Ou bien il se penche, devenu blême, sur le front froid du meurtrier dans l’ombre du couloir ; adoration, flamme pourpre de la volupté ; mourant, le dormeur est tombé dans l’obscurité par-dessus des marches noires. Quelqu’un t’a quitté à la croisée des chemins et tu regardes longtemps en arrière. Pas argenté dans l’ombre des petits pommiers estropiés. Le fruit luit pourpre dans les branches noires, et dans l’herbe le serpent change de peau. Ô l’obscurité ; la sueur qui apparaît sur le front glacé et les tristes rêves dans le vin, à l’auberge du village sous des poutres noircies par la fumée. Toi, contrée encore déserte, qui transforme la fumée brune du tabac en îles roses et qui tire du dedans le cri sauvage d’un griffon alors qu’il chasse autour de noirs écueils en pleine mer, au milieu de la tempête et de la glace. Toi, un métal vert et dedans un visage enflammé, qui veut partir et chanter les temps obscurs de la colline aux ossements et la chute en feu de l’ange. Ô désespoir, qui tombe à genoux dans un cri muet.

Un mort te rend visite. Du cœur s’écoule le sang qu’il a lui-même répandu et dans le sourcil noir niche un instant indicible ; sombre rencontre. Toi – une lune pourpre, alors que lui apparaît dans l’ombre verte de l’olivier. Vient après lui une nuit éternelle.

(traduit par Laurent Margantin)
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Révélation et naufrage (extraits)



Et il parla une voix sombre venant de moi

De mon cheval j’ai rompu le cou

au fond de la forêt la plus noire,

quand la folie jaillit de ses yeux pourpres

tombèrent sur moi les ombres des ormes,

le rire bleu de la source

et le froid noir de la nuit

quand je débusquais, chasseur sauvage,

un gibier de neige dans un enfer de pierre.

Mon visage mourut.



Mais comme je descendais la sente rocheuse,

la folie me terrassa et je criais,

haut dans la nuit,

et comme je me couchais

avec des doigts d’argent sur les eaux muettes,

je vis que mon visage m’avait abandonné.

Et la voix blanche me dit : Tue-toi !

Gémissante une voix d’enfant se leva en moi

et me regarda, rayonnante,

de ses yeux cristal, au point que je m’abattis

pleurant sous les arbres,

la voûte puissante des étoiles



Avec des semelles d’argent,

je descendis les degrés d’épine

et j’entrais dans la chambre blanchie

à la chaux

Calmement, un chandelier y brûlait

et je cachai ma tête

en silence dans les toiles pourpres.

Et la terre rejeta un cadavre d’enfant,

une forme lunaire

qui sortit lentement de mon ombre,

plongea bras cassés

des pierrailles, neige en flocons.

.
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Présence de la mort.

O le soir qui s'en va vers les obscurs villages de l'enfance.
L'étang sous les saules
Se gonfle des fétides soupirs de la mélancolie.

O la forêt qui légère abaisse ses yeux bruns
Lors qu'un solitaire, de ses osseuses mains
Laisse sombrer la pourpre de ses jours extasiés.

O la présence de la mort. Prions.
Cette nuit se dénouent sur de tièdes coussins
Que l'encens a jaunis les membres frêles des amants.
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Vidéo de Georg Trakl
[RARE] Georg TRAKL – Une Vie, une Œuvre : De rêves et de ténèbres étreints (France Culture, 1986) Émission "Une Vie, une Œuvre", par Hubert Juin, diffusée le 29 mai 1986 sur France Culture. Invités : Lionel Richard, François Vezin, Eugène Guillevic et Antoine Berman.
Dans la catégorie : Poésie allemandeVoir plus
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