L'Appel de la pampa

Les récits de départ à vie pour une destination lointaine et inconnue, même si ces pauvres bougres n'avaient en somme pas grand choix, m'ont toujours fasciné. Depuis fort longtemps, j'ai un faible pour l'Argentine de la Pampa, de la Patagonie et des gauchos légendaires. Voilà donc 2 bonnes raisons pour m'attaquer au 2ème livre de Sylvie Anne, après son "Un horloger bien tranquille".

Sur ce pays d'Amérique latine, j'ai, au fil des années, lu une petite bibliothèque. Ne voulant pas vous ennuyer avec une plutôt longue liste, je me limite à quelques ouvrages. le dernier en date est d'Albert Londres "Le chemin de Buenos Aires" et peu avant de l'historienne Donna J. Guy "Sex and Danger in Buenos Aires : Prostitution, Family and Nation in Argentine". Séduit par le drame musical "Evita" d'Alan Parker de 1996 avec Madonna et Antonio Banderas, j'ai lu de Jean-Louis Febvre "Chronique de l'histoire d'Evita Perón", richement illustré, mais qui m'a laissé un peu sur ma faim. Aussi bien que sur cette "Cinderella del tango", (comme l'a baptisé Tomás Eloy Martinez) je vais lire prochainement sa biographie par Joanna Spencer "Eva Perón" de 2007.

Un des problèmes majeurs, au début du siècle dernier en Argentine, était qu'il y avait un peu trop de gauchos par rapport au nombre de femmes. Aussi bien que des proxénètes se sont lancés dans la "traite des Blanches" et comme la plupart de ces gentlemen étaient Parisiens, où se faisaient passer pour, bien qu'originaires d'un peu plus au sud d'Europe, on a affublé ces femmes du surnom de "Franchuchas".

Ceci n'était sûrement pas le cas d'Elise Cassagne, 22 ans en 1884, et originaire du département d'Aveyron en Occitanie, ni de sa nouvelle copine Lucie Deltour, qui rêve d'y devenir institutrice. Elise s'était décidée au voyage pour le Nouveau Monde contre l'avis de sa famille, tout en y perdant son petit fiancé Sylvain. La raison principale de son départ résulte de la promesse faite à son père avant qu'il ne meure de douleur de la perte de son vignoble, d'y créer un vignoble produisant un vin de la même qualité que celui de son Marcillac natal.
Le voyage en bateau, qui durait plus d'un mois jusqu'à Buenos Aires, plus un long périple en train 3e classe jusqu'à San Miguel, 500 km au sud de BA, ne ressemblait en rien au confort des vols directs actuels d'un peu plus de 13 heures.

Arrivée à destination, la situation se présente mal à notre Aveyronnaise : le régisseur Henri Coste lui déclare qu'elle ne pourra rester sans contrat et elle n'arrive bizarrement pas à mettre la main sur son exemplaire. Heureusement que le colon modèle François Lunel lui met 5 hectares à sa disposition pour commencer un vignoble. Seulement, François est jeune et beau et Lucie tente de se l'accaparer, bien qu'il soit plus fasciné par la personnalité d'Elise. D'où rivalité, jalousie et querelles.

En fait, Sylvie Anne, très habilement, introduit de la sorte un élément romanesque, mais déstabilisateur, dans son récit, qui en stimule la lecture sans que ce soit "tiré par les cheveux" pour autant. Qu'il y ait eu dans ces colonies implantées au milieu de nulle part des tensions propres à toute communauté isolée et dans une certaine mesure artificielle, me paraît assez évident. Après tout, ce San Miguel, qui en est à ses primes débuts, avec entre baraquements et campements provisoires uniquement que 2 bâtisses en pierre (de Coste et du riche fermier Édouard Fontanier), forme un microcosme de bons et méchants, où en plus les sentiments sont exacerbés par les très longues heures de travail dur et ingrat et un hiver pas comparable à celui du midi de la France.

J'arrête mon résumé à la naissance de Joseph, le splendide bébé d'Elise (un souvenir de Sylviain qui a préféré rester en Occitanie), en juin 1885.
À vous de découvrir, chers ami(e)s, les manigances du faux-jeton Coste, l'arrivée de nouveaux colons, tels le jeune maréchal-ferrant Félix Borel, la belle intrigante Elena Henriquez, l'abbé Gaviot et le docteur Andrew. Et surtout pour apprendre... que deviendront le petit Argentin Joseph, sa mère Elise et ses amours ainsi que son vignoble ?

Cette histoire m'a rappelé un documentaire, vu il y a longtemps à la télé encore noir et blanc, d'un médecin de campagne qui par pitié avait procédé à un avortement et qui après être libéré de taule est parti avec son épouse et 8 rejetons direction Patagonie. Grâce à une Simone Veil le pauvre toubib n'aurait jamais été puni, mais il a eu sa revanche, malheureusement à titre posthume, lorsque sa grande-fille est devenue ambassadrice argentine dans un pays d'Europe occidentale.

"L'Appel de la Pampa" est une oeuvre sans grande prétention littéraire, mais qui est d'une lecture agréable, parce que Sylvie Anne a créé des personnages crédibles dans un "setting" historique et géographique correct. Leur interaction est captivante et vous réserve quelques heures plaisantes dans un décor fascinant.

Du Sylvie Anne... Pas de surprise, une histoire que l'on n'a pas envie de quitter car on veut savoir comment Elise va s'en sortir. La rude vie des paysans qui partent de France pour devenir propriétaire en Argentine et qui arrivent plein d'espoir et ne trouvent pour la plupart que désillusions. Bien écrit, facile à lire. Un agréable moment de détente.

Captivant ! Se lit d'une traite.