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Jacques Noiray (Autre)
EAN : 9782072865664
320 pages
Gallimard (12/01/2023)
3.8/5   61 notes
Résumé :
L’action se situe durant le règne de Charles X (1824-1830) et se déroule entièrement dans la ville, dite médiévale, de Provins, dans le département de Seine-et-Marne.

Pierrette Lorrain est une jeune orpheline, confiée par ses grands-parents ruinés à ses cousins Rogron, deux célibataires imbéciles. Elle sera la victime innocente des manipulations des personnages essayant de récupérer la fortune des Rogron.

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Balzac est inégal, c'est vrai ; mais qui ne l'est pas ? Il s'englue parfois dans des sujets et des intrigues avortés ou grands prématurés, publiés à la va-vite faute de temps et d'argent. C'est vrai tout ça. Mais quand il est en forme le bonhomme, ouh ! nom de Dieu ! ça dépote les amis !

Et c'est ce Balzac-là qui justifie que, sitôt qu'on l'a croisé une première fois dans ses moments de grâce, l'on s'évertue sans cesse, à vie durant, à vouloir le croiser à nouveau vers de tels sommets.

J'ai eu récemment à dire du mal de mon petit chéri De Balzac et ça m'a fait de la peine. C'est peut-être pour cette raison que j'ai encore plus de plaisir aujourd'hui à vous parler de Pierrette, qui est, à n'en pas douter, un excellent Balzac.

C'est un court roman, qui se prêterait admirablement à une découverte de l'auteur pour un public lycéen, c'est du Balzac typique, du condensé de Comédie Humaine et à sa lecture seule, on comprend aisément que son auteur ait choisi ce titre pour chapeauter l'ensemble de son oeuvre.

Tout y est : l'entrée en matière avec la peinture du lieu où va se nouer l'action principale, l'éclairage rétrospectif sur les personnages centraux qui nous permet de mieux comprendre pourquoi ils en sont arrivés à vivre et réagir ainsi, Pierrette, le personnage prétexte qui n'est pas le personnage véritablement principal, un peu à la manière d'Eugénie Grandet ou du Père Goriot qui ne sont que des épiphénomènes de la mécanique humaine que l'auteur souhaite illustrer, le sens de l'intrigue sociale si propre à Balzac, la modification progressive du rythme vers la grosse accélération finale, etc., etc. ; tout y est ou presque des clefs d'écriture qu'on retrouve régulièrement à différents endroits de la Comédie Humaine.

Pierrette est indubitablement annonciatrice des Rougon-Macquart de Zola. On peut, au bas mot citer au moins quatre opus qui s'en inspirent directement : La Fortune Des Rougon, La Conquête de Plassans, Au Bonheur Des Dames, La Joie de Vivre. D'ailleurs, le nom même des Rougon résonnent de façon troublante avec celui des Rogron de Pierrette et Balzac écrit même textuellement à un moment la formule " la fortune des Rogron " à laquelle Zola donnera une descendance.

Mais c'est loin d'être tout, on peut y lire sans peine une amorce des Misérables d'Hugo où Cosette rime avec Pierrette, où les Thénardier sont des émanations postérieures des Rogron et où les personnages de Marius et de Jean Valjean apparaissent comme un dédoublement du personnage de Jacques Brigaut qu'on rencontre ici.

Nous sommes donc téléportés au sud-est de la région parisienne, dans le Provins des années 1825-1830 et l'on voit s'y épanouir la petite mesquinerie commerçante et provinciale d'un couple borné et absolument irrespirable, les Rogron frère et soeur, tous deux célibataires endurcis après une minable quoique rentable vie de merciers à Paris.

Parmi les rejetons éparpillés du rameau familial, exactement à l'instar des Rougon-Macquart, on trouve la petite Pierrette Lorrain, cousine des deux affreux, d'au moins vingt-cinq ans leur cadette, et aussi innocente, simple et admirable que les autres sont retors, prétentieux et détestables.

Par un hasard de mauvaises fortunes et d'héritages détournés, Pierrette va donc se retrouver pupille de ses cousins à Provins, elle qui a grandit près des embruns en Bretagne.

Tour à tour faire-valoir social, outil stratégique et enjeu matrimonial, on assiste impuissants à la mise au pilori de Pierrette (Pierrette et le poteau laid, en somme) par son cousin et surtout sa cousine Sylvie Rogron. Mais c'est sans compter sur l'intervention de Jacques Brigaut, un brave parmi les justes, qui voudrait bien arriver à inverser la tendance et à rendre à Pierrette un peu de sa dignité d'être humain et d'amour tout simplement. Y parviendra-t-il ? Ça c'est ce que je m'interdis de vous révéler.

En tout cas, c'est du très grand art Monsieur de Balzac, ça ne donne pas spécialement le moral, ça ne nous fait pas particulièrement aimer davantage l'humanité, mais c'est admirable dans son style, un patrimoine romanesque à inscrire sur la liste de l'Unesco, car malheureusement, ça a existé et ça existe encore de nos jours, peut-être avec une ou deux modalités différentes, mais si peu.

Bref, selon moi un opus majeur de la Comédie Humaine et de la littérature française en général, mais ce n'est que mon avis, c'est-à-dire une toute petite pierrette à l'édifice.
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C'est le premier des trois portraits de célibataires de la Comédie humaine.


Coeurs sensibles et esprits imaginatifs, ne lisez pas ce roman à un moment de déprime. C'est le récit des mauvais traitements plutôt de nature morale que physiques infligées à une orpheline par des coeurs secs, un frère et une soeur, boutiquiers retirés à Provins pour y manger leur rentes.


La pauvre Pierrette est non seulement victimes des deux célibataires mais aussi des rivalités de pouvoir entre deux factions, pour lesquelles elle n'est qu'un pion. Personne ne la soutiendra donc jusqu'à ce que le pire arrive.


Le portrait des deux célibataires est sans nuance. Non seulement ils sont méchants, naturellement apparemment, sans en avoir vraiment conscience, mais ils sont bêtes, sont moqués pour leur volonté de paraître sans avoir la distinction et le bon goût nécessaire, mais sans comprendre pourquoi et pour parfaire le tout ils sont laids.
La vieille fille en particulier est l'objet des flèches De Balzac. Courtisée sur le tard par intérêt par un vieux colonel, il est dit que celui-ci grâce à son expérience de soldat peut faire face à sa laideur “. Les vieux militaires ont contemplé tant d'horreurs dans tant de pays, tant de cadavres nus grimaçant sur tant de champs de bataille, qu'ils ne s'effraient plus d'aucune physionomie, et
Gouraud coucha en joue la fortune de la vieille fille.“ ou encore “ il lui baisa la main, il était colonel de cavalerie, il avait donné des preuves de courage.”


Si l'histoire navrante mais vraisemblable de la fillette m'a touchée, j'ai eu beaucoup de mal au début du roman avec la présentation de tous les personnages. Je me suis un peu perdue dans les généalogies sans que cela gêne réellement ma lecture. J'en ai saisi assez pour comprendre que certains avaient été spoliés, dont les grands parents de l'orpheline.


Comme souvent chez Balzac la morale est assez cynique. Les méchants sont récompensés.

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Oh quel roman! On se croirait sur une scène de théâtre où on assiste à une confusion des faits, des intérêts pour les personnages...oui un conflit d'intérêt plane autour de Pierrette, sans que celle- ci, une enfant orpheline, maltraitée, sans aucune ambition, aucune force de caractère, n'ayant qu'une seule quête dans la vie une poignée de douceur, sans qu'elle en doute une seule pincée de machination! Recueillie par ces lointains parents, les Rogron, le frère et la soeur, deux bons célibataires, qui se sont enrichis dans le commerce de la mercerie, deux grincheux et très égoistes qui ont du mal à percer le voile d'amitié dans tous les milieux de Povins...mais je ne sais pas comment, et par quel retournement Balzac est parvenu à faire de la maison des Rogron l'un des enjeux qui va influencer le monde politique et bourgeoise de Pavins...cela relève simplement du génie de l'auteur! Pierrette est une oeuvre dont les choses se construisent a partir d'un chaos, pour des amateurs De Balzac, il va falloir d'un peu de patience...
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"Pierrette", est, à mon sens, un des plus beaux romans, du grand Honoré de Balzac, qui est un écrivain que j'apprécie, que je chérit beaucoup !
C'est un roman beau, sensible, puissant, un des grands, un des très grands romans de l'auteur du "Père Goriot", qui, y dépeint, avec un art unique, la lente descente aux enfers, d'une pauvre petite fille, victime de la bêtise et de la cruauté humaine.
Balzac dépeint ses personnages, à la perfection. Sa finesse psychologique brille, ici.
Mais ce qui fait la valeur de ce roman, est surtout l'émotion, cette émotion indignée, que l'on ne peut que ressentir, devant l'injustice, du sort tragique, de Pierrette. Ce sort est admirablement bien décrit, dans ce roman où tout mène, à la tragédie.
Balzac livre ici l'un de ses plus beaux, et de ses plus grands romans, à mes yeux, l'un des romans qu'il a le mieux réussis, pour moi, un roman complet, beau, émouvant, puissant.
Magnifique !...
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On pose souvent cette question du livre unique que l'on choisirait d'emporter sur une île déserte. C'est une question difficile, mais tentons d'y répondre. Pour ce qui me concerne, mon choix pourrait se porter sur le Grand dictionnaire universel du XIXe siècle publié entre 1866 et 1876 par Pierre Larousse. Ce monumental dictionnaire compte 17 volumes soit 24 000 pages de très grand format dans une police de caractère minuscule et pratiquement sans illustration. Cela correspond à environ 900 livres de 300 pages au format standard ! Je suis content de mon astuce pour avoir de la lecture pendant au moins une décennie sur mon île déserte ! À condition que l'on considère que cet ensemble ne forme qu'un livre. Mais en fait j'hésite entre ce Grand dictionnaire qui contient tout le savoir du XIXe siècle et la Comédie humaine De Balzac. Mais, me direz-vous, la comédie humaine est constituée de plusieurs livres (89 titres) et l'on n'a droit qu'à un seul. Rien n'est moins sûr, si l'on se rappelle le grand discours de Victor Hugo sur la tombe De Balzac :

« Tous ses livres ne forment qu'un livre, livre vivant, lumineux, profond, où l'on voit aller et venir et marcher et se mouvoir, avec je ne sais quoi d'effaré et de terrible mêlé au réel, toute notre civilisation contemporaine ; livre merveilleux que le poète a intitulé comédie et qu'il aurait pu intituler histoire, qui prend toutes les formes et tous les styles, qui dépasse Tacite et qui va jusqu'à Suétone, qui traverse Beaumarchais et qui va jusqu'à Rabelais ; livre qui est l'observation et qui est l'imagination ; qui prodigue le vrai, l'intime, le bourgeois, le trivial, le matériel, et qui par moment, à travers toutes les réalités brusquement et largement déchirées, laisse tout à coup entrevoir le plus sombre et le plus tragique idéal. »

Alors j'opterais finalement pour la Comédie humaine qui est l'équivalent sous forme de roman du Grand dictionnaire de Pierre Larousse.

C'est sur cette île que je m'évade lorsque je lis Balzac.

Écrit en 1839, publié en janvier 1840 et dédié à Mademoiselle Anna de Hanska lors âgée de 12 ans (la fille de la future femme De Balzac), Pierrette est un roman psychologique sur la vie en province, la bourgeoisie locale et le célibat.

« Pierrette » et « Le curé de Tours » ont été réunis par Balzac sous le titre « Les célibataires » et groupés avec « Eugénie Grandet », « Ursule Mirouet » et « la Rabouilleuse » dans le premier tome de ses « Scènes de la vie de province ».

J'ai lu ce court roman dans l'édition d'Albert Béguin datée de 1966. Une série en 16 volumes reliés plein cuir sur papier bible. Une remarquable édition qui vaut largement la collection pléiade proposée par Gallimard en 12 volumes et qui est hors de prix (70 euros le volume tandis que j'ai payé mes 16 volumes 30 euros sur un vide-grenier !).

Revenons à notre histoire.

La petite orpheline Pierrette est âgée de 14 ans au moment où commence l'action. Sylvie Rogron et son frère Jérôme (anciens commerçants) tentent de se faire admettre dans la société bourgeoise de Provins. Ils sont rejetés à cause de leur médiocrité et de leur mentalité de boutiquier. Un an après leur arrivée, ils tombent dans une vie solitaire et sans occupation. Par désoeuvrement ils décident de prendre à leur charge leur cousine Pierrette en répondant au courrier que leur avaient adressé les grands-parents de Pierrette. Celle-ci reçoit un accueil sans chaleur de la part des deux célibataires qui par des agissements méprisables l'ont spolié de son héritage. Certes Pierrette quitte la misère ou elle vivait, mais elle perd l'affection de ses grands-parents et s'éloigne de son ami Jacques Brigaut. Son calvaire commence. C'est l'histoire d'une opposition entre le coeur tendre et noble de Pierrette et la méchanceté imbécile de deux êtres qui font de leur cousine leur souffre-douleur. Dès les premiers jours, Pierrette est blessée par les observations méchantes de sa cousine qui lui reproche de faire trop de bruit, de se lever trop tôt ou de salir le parquet avec ses souliers crottés. Peu appréciée chez ses cousins, Pierrette fait l'objet de l'attention de toutes les Dames de Provins et est bientôt invitée partout entraînant la jalousie des ses parents adoptifs. Ceux-ci lui interdise de sortir et pour l'occuper charge Pierrette de s'occuper du ménage à la place d'Adèle leur domestique qu'il renvoie. Dès lors Pierrette va subir des brimades et des injustices provoquées par la méchanceté gratuite de ces deux horribles cousins. Elle subira de nombreux sévices atténués par le soutien de son ami Jacques Brigaut et de sa grand-mère. Au final un procès aura lieu, mais je n'en dévoile pas plus.

Ce tableau fait penser au personnage de Cosette, il est même probable que Victor Hugo pensa à Pierrette pour composer son personnage des misérables.

Comme d'habitude Balzac nous dépeint un microcosme avec génie. Balzac nous décrit aussi le combat entre deux clans politiques dans la petite ville de Provins entre les « libéraux » et les « légitimistes » à la veille de la révolution de 1830. Ses descriptions que beaucoup appréhendent, ses explications sur la généalogie des personnages qui endorment certains, sont cependant un véritable régal pour les inconditionnels Balzaciens. Ces croquis instantanés font mouche : « Y a-t-il rien de plus horrible à voir que la matinale apparition d'une vieille fille laide à sa fenêtre ? ». Il signe là sans doute l'une de ces oeuvres les plus abouties. Il faut dire qu'il est dans sa pleine maturité créatrice.

Balzac aime explorer à fond tous les détails d'un thème tous les aspects d'un caractère toutes les variantes possibles d'une histoire, s'il n'était écrivain il serait joueur d'échecs ou musicien à la manière d'Érick Satie.

Voilà un livre qui relance encore mon intérêt pour l'oeuvre De Balzac. À la cadence de deux ou trois livres par an (avec parfois des relectures) je n'ai pas encore terminé la comédie humaine, il me reste peut-être encore une vingtaine de romans à lire, j'ai bien l'intention d'aller jusqu'au bout et de compter un jour parmi les lecteurs qui ont lu et commenté tout Balzac (y compris sa correspondance, ses oeuvres de jeunesse et son théâtre).

— « Pierrette » Tome 6 de l'oeuvre De Balzac, le club français du livre (1966)
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Quand ses amis, ses compères les rouliers ou ses habitués lui demandaient ce qu’il comptait faire de ses enfants, le père Rogron expliquait son système avec une brièveté qui avait, sur celui de la plupart des pères, le mérite de la franchise.
- Quand ils seront en âge de me comprendre, je leur donnerai un coup de pied, vous savez où ? en leur disant : « Va faire fortune ! » répondait-il en buvant ou s’essuyant les lèvres du revers de sa main.
Puis il regardait son interlocuteur en clignant les yeux d’un air fin :
- Hé ! hé ! ils ne sont pas plus bêtes que moi, ajoutait-il. Mon père m’a donné trois coups de pied, je ne leur en donnerai qu’un ; il m’a mis un louis dans la main, je leur en mettrai dix : ils seront donc plus heureux que moi. Voilà la bonne manière. Eh ! bien, après moi, ce qui restera, restera ; les notaires sauront bien le leur trouver. Ce serait drôle de se gêner pour ses enfants !… Les miens me doivent la vie, je les ai nourris, je ne leur demande rien ; ils ne sont pas quittes, eh ! voisin ?
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Ce colonel, gros homme court, portait d’énormes boucles à ses oreilles, cependant déjà garnies d’une énorme touffe de poils. Ses favoris épars et grisonnants s’appelaient en 1799 des nageoires. Sa bonne grosse figure rougeaude était un peu tannée comme celles de tous les échappés de la Bérésina. Son gros ventre pointu décrivait en dessous cet angle droit qui caractérise le vieil officier de cavalerie. Gouraud avait commandé le deuxième hussards. Ses moustaches grises cachaient une énorme bouche " blagueuse ", s’il est permis d’employer ce mot soldatesque, le seul qui puisse peindre ce gouffre : il n’avait pas mangé, mais dévoré ! Un coup de sabre avait tronqué son nez. Sa parole y gagnait d’être devenue sourde et profondément nasillarde comme celle attribuée aux capucins. Ses petites mains, courtes et larges, étaient bien celles qui font dire aux femmes : " Vous avez les mains d’un fameux mauvais sujet." Ses jambes paraissaient grêles sous son torse. Dans ce gros corps agile, s’agitait un esprit délié, la plus complète expérience des choses de la vie, cachée sous l’insouciance apparente des militaires, et un mépris entier des conventions sociales.
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Cette vieille fille, à l’oreille si alerte, se présentait dépouillée des artifices en tout genre qu’elle employait pour s’embellir : elle n’avait ni son tour de faux cheveux ni sa collerette. Elle portait cet affreux petit sac en taffetas noir avec lequel les vieilles femmes s’enveloppent l’occiput, et qui dépassait son bonnet de nuit relevé par les mouvements du sommeil. Ce désordre donnait à cette tête l’air menaçant que les peintres prêtent aux sorcières. Les tempes, les oreilles et la nuque, assez peu cachées, laissaient voir leur caractère aride et sec ; leurs rides âpres se recommandaient par des tons rouges peu agréables à l’œil, et que faisait encore ressortir la couleur quasi blanche de la camisole nouée au cou par des cordons vrillés. Les bâillements de cette camisole entr’ouverte montraient une poitrine comparable à celle d’une vieille paysanne peu soucieuse de sa laideur. Le bras décharné faisait l’effet d’un bâton sur lequel on aurait mis une étoffe. Vue à sa croisée, cette demoiselle paraissait grande à cause de la force et de l’étendue de son visage, qui rappelait l’ampleur inouïe de certaines figures suisses. Sa physionomie, où les traits péchaient par un défaut d’ensemble, avait pour principal caractère une sécheresse dans les lignes, une aigreur dans les tons, une insensibilité dans le fond qui eût saisi de dégoût un physionomiste.
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Elle s’appelait Bathilde et l’autre Pierrette. Elle était une Chargebœuf, l’autre une Lorrain ! Pierrette était petite et souffrante, Bathilde était grande et pleine de vie ! Pierrette était nourrie par charité, Bathilde et sa mère avaient leur indépendance ! Pierrette portait une robe de stoff à guimpe, Bathilde faisait onduler le velours bleu de la sienne ! Bathilde avait les plus riches épaules du département, un bras de reine ; Pierrette avait des omoplates et des bras maigres ! Pierrette était Cendrillon, Bathilde était la fée ! Bathilde allait se marier, Pierrette allait mourir fille ! Bathilde était adorée, Pierrette n’était aimée de personne ! Bathilde avait une ravissante coiffure, elle avait du goût ; Pierrette cachait ses cheveux sous un petit bonnet et ne connaissait rien à la mode ! Épilogue : Bathilde était tout, Pierrette n’était rien.
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Le vin de Bordeaux était inconnu il y a cent ans : le maréchal de Richelieu*, l’une des plus grandes figures du dernier siècle, l’Alcibiade français, est nommé gouverneur de la Guyenne ; il avait la poitrine délabrée, et l’univers sait pourquoi ! le vin du pays le restaure, le rétablit. Bordeaux acquiert alors cent millions de rente, et le maréchal recule le territoire de Bordeaux jusqu’à Angoulême, jusqu’à Cahors, enfin à quarante lieues à la ronde ! Qui sait où s’arrêtent les vignobles de Bordeaux ?
(N. B. : *Louis François Armand de Vignerot du Plessis, duc de Richelieu (1696-1788), petit-neveu du cardinal.)
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Vidéo de Honoré de Balzac
Deuxième épisode de notre podcast avec Sylvain Tesson.
L'écrivain-voyageur, de passage à la librairie pour nous présenter son récit, Avec les fées, nous parle, au fil d'un entretien, des joies de l'écriture et des peines de la vie, mais aussi l'inverse, et de la façon dont elles se nourrissent l'une l'autre. Une conversation émaillée de conseils de lecture, de passages lus à haute voix et d'extraits de la rencontre qui a eu lieu à la librairie.
Voici les livres évoqués dans ce second épisode :
Avec les fées, de Sylvain Tesson (éd. des Équateurs) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23127390-avec-les-fees-sylvain-tesson-equateurs ;
Blanc, de Sylvain Tesson (éd. Gallimard) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/21310016-blanc-une-traversee-des-alpes-a-ski-sylvain-tesson-gallimard ;
Une vie à coucher dehors, de Sylvain Tesson (éd. Folio) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/14774064-une-vie-a-coucher-dehors-sylvain-tesson-folio ;
Sur les chemins noirs, de Sylvain Tesson (éd. Folio) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/14774075-sur-les-chemins-noirs-sylvain-tesson-folio ;
Le Lys dans la vallée, d'Honoré de Balzac (éd. le Livre de poche) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/769377-le-lys-dans-la-vallee-honore-de-balzac-le-livre-de-poche.
Invité : Sylvain Tesson
Conseil de lecture de : Pauline le Meur, libraire à la librairie Dialogues, à Brest
Enregistrement, interview et montage : Laurence Bellon
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Les Éclaireurs de Dialogues, c'est le podcast de la librairie Dialogues, à Brest. Chaque mois, nous vous proposons deux nouveaux épisodes : une plongée dans le parcours d'un auteur ou d'une autrice au fil d'un entretien, de lectures et de plusieurs conseils de livres, et la présentation des derniers coups de coeur de nos libraires, dans tous les rayons : romans, polar, science-fiction, fantasy, BD, livres pour enfants et adolescents, essais de sciences humaines, récits de voyage…
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