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Pierre-Emmanuel Dauzat (Traducteur)
EAN : 9782221115824
300 pages
Robert Laffont (01/02/2011)
2.93/5   15 notes
Résumé :
Adam Godley, un brillant mathématicien spécialiste de l’infinité des infinis et de la possibilité d’univers parallèles, repose dans sa chambre, au seuil de la mort. Les membres de sa famille le veillent. C’est alors qu’ils vont recevoir la visite invisible des dieux de l’Olympe qui vont s’amuser à prendre la place de certains d’entre eux pour satisfaire leurs désirs illicites…
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Il est des lectures dans lesquelles on s'avance comme dans l'inconnu, car on ne sait rien de l'auteur ni du sujet. Les premières pages retiennent et persuadent, qui ont le goût du risque. On craint le point faible, la faille, la glissade. En vain. Puis surpris, émerveillé, on sort de l'oeuvre avec la sensation d'avoir lu un grand auteur, car John Banville est de la meilleure espèce, à l'instar d'un Nabokov dont il a la sagacité et l'humour. Il s'inscrit dans la lignée de grands irlandais: Beckett, Joyce, Swift, Wilde, McCann...

Alors que certains écrivains se prennent pour le Dieu de la création, Banville confie plutôt sa narration à Hermès, le dieu bienveillant le plus proche des hommes, fils de Zeus. Les dieux de l'Olympe sont des filous facétieux qui, pour satisfaire des désirs inavouables, intègrent volontiers le corps et l'esprit des mortels en leur jouant des tours qui dévient le cours du récit avec plus ou moins de bonheur.
Adam, brillant mathématicien au seuil de la mort, spécialiste de théories à propos d'une infinité d'infinis et d'univers parallèles, survit dans un état végétatif qui ne l'empêche pas de penser, allongé dans cette vieille demeure d'Argen House où se déroule l'essentiel des événements. Sa femme, ses enfants, deux domestiques et des visiteurs, personnages magnifiquement croqués par un orfèvre des mots, interagissent pour brosser un tableau grave et ironique, sous le regard amusé, indulgent ou concupiscent des divinités olympiennes.

Le style de Banville est celui d'un maître et grâce à la brillante traduction française de Pierre-Emmanuel Dauzat, j'ai envie de risquer ce truisme que l'écriture elle-même est le corps de ce roman. Les portraits sont saisis avec des expressions atypiques savoureuses et nul autre ne décrira aussi bien un chien, un chat ou une poule que le Banville carricaturiste et observateur. J'avoue que j'ai dégusté chaque page de ce livre avec une délectation renforcée par le sevrage d'écritures cossues auquel nous contraignent, à tort ou à raison, bien des littératures aujourd'hui.

Au centre du roman, il y a la question du Moi et du Je. Ce n'est pas par hasard que Banville recourt, en la personne du père, à un mathématicien préoccupé des univers multiples: la cohabitation d'êtres différents qui ont chacun leur perspective singulière (il n'hésite pas à faire penser le chien de la maison) en est une manifestation tangible. La question de l'identité est remise en question par l'agissement de forces d'origine céleste dans le comportement des personnages. C'est de cette manière réjouissante que ce roman intelligent questionne le monde et l'individu. On peut s'interroger sur le mélange des genres littéraires qui est pourtant assumé avec cohérence: tout se tient avec élégance et souplesse.

Je ne peux me retenir de vous proposer ce passage d'une éclairante simplicité en fin de roman, alors que tous sont rassemblés autour du père moribond: "Il (Hermès) regarde le jardin crépusculaire. Un soleil fauve rampe sur l'herbe, dessinant dans son sillage des ombres pointues. Les arbres frémissent, parlant de nuit. Les oiseaux, les nuages, le ciel pâle et lointain. C'est le monde mortel. Un monde où rien ne se perd, où tout s'explique, mais où le mystère des choses est préservé; un monde où ils peuvent vivre même brièvement, même précairement, au soir défaillant du moi, solitaire et en même temps ensemble, d'une certaine façon, ici, dans cet endroit, si mourant qu'ils puissent être, mais à jamais fixés dans un instant lumineux, interminable."

John Banville (lien) est né en 1945, jounaliste et écrivain, il a publié de nombreux romans depuis 1970 dont "La mer" qui a obtenu le Booker prize en 2005, pour lequel il avait été cité avec "Le livre des aveux" en 1989. Il écrit aussi des romans policiers sous le nom de Benjamin Black. Il est un des plus importants auteurs de langue anglaise et certains critiques qualifient sa prose de virtuose. Je ne veux surtout pas les démentir.
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Infinis est une histoire gigogne, où toutes les boites auraient été laissées ouvertes pendant l'imbrication. Passer de l'une à l'autre donne parfois le tournis, mais John Banville excelle dans les chassés croisés et les changements de focus. Sa plume est espiègle et toujours inspirée, en plus d'avoir de la profondeur et du style.

Adam Godley se meurt à l'étage de sa grande maison, après une attaque. C'est un physicien mondialement célébré pour avoir révolutionné la science avec sa théorie sur les infinis, une infinité d'infinis. A son chevet veillent son épouse plus jeune, Ursula, et ses deux enfants. D'autres aussi sont là : sa belle-fille, l'intendante et le jardinier, quelques invités de passage, un chien. Et d'autres encore, ne sont pas loin : le dieu Hermès a endossé de bonne grâce le rôle de narrateur omniscient de cette histoire, tandis que son père Zeus a des vues sur la femme d'Adam – oui, le père et le fils s'appellent Adam, c'est pratique –, et cette femme se nommant Helen, on se demande si on ne va pas soudain débarquer à Troie. le dieu Pan aussi est dans le coin.

Banville sans cesse gonfle les voiles de sa narration, il souffle sur les braises et fait jaillir des étincelles où on ne les attendait pas. le mourant vogue dans ses souvenirs et chacun se prépare comme il peut à affronter le prochain deuil, tandis que les dieux vaquent à leurs propres desseins et que chacun s'interroge sur la réalité, l'amour et la mort.

Infinis a été un vrai grand plaisir de lecture !

« Cet amour, cet amour mortel, c'est une de leurs inventions, la chose que nous n'avons pas voulue, ni prévue ni approuvée. Comment ne nous fascinerait-elle pas ? Nous leur avons donné cette irrésistible compulsion dans les reins – Eros et Anankê, oeuvrant main dans la main – à seule fin de pouvoir surmonter leur aversion mutuelle pour la chair et s'unir volontiers, plus que volontiers dans l'acte de procréation, car après les avoir lancés, nous n'avons pas eu le coeur de les laisser s'éteindre : après tout ils étaient notre ouvrage pour le meilleur ou, bien souvent, pour le pire. Mais voyez ! Voyez donc ce qu'ils ont fait de ce frotti-frotta. Comme si on avait donné quelques copeaux de bois et un seau de boue à un enfant pleurnicheur pour le tenir tranquille quelques instants et qu'en moins de deux il érigeait une cathédrale […]. »
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Réunion de famille pour un huis clos funèbre à Arden, propriété des Godley où le père, Adam, mathématicien célèbre pour ses recherches sur l'infinité des infinis, est en train de s'éteindre. Ursula, sa femme, Adam, son fils aîné accompagné de sa belle épouse Helen, et Petra la cadette au psychisme fragile, attendent le dernier souffle du maître des lieux. L'arrivée de deux hommes, apparemment un ancien collaborateur et le pseudo petit ami de Petra, complètent le tableau. Jusqu'ici rien que de très banal mais cependant alléchant.

Sauf que le narrateur se nomme Hermès, le fils de Zeus, observateur et acteur des curieux événements qui vont agiter les membres de cette famille. Pendant que l'esprit comateux du vieil Adam remonte le temps et divague vers son passé, les dieux s'amusent à brouiller les sens des vivants selon le mythe de l'Amphitryon qui tente de trouver ici une résonnance avec les théories mathématiques du vieil homme.

Bon, autant le dire d'emblée, ce roman m'a profondément ennuyée. En lectrice consciencieuse, je me suis infligée cette farce jusqu'à la dernière page. Cela n'aura servi à rien, j'espérais un sursaut final et réconciliateur qui n'a pas eu lieu.

Ma déception est à la hauteur de l'enthousiasme qu'avait suscité chez moi "La Mer". le registre est certes bien différent mais même si l'on retrouve parfois des envolées poétiques qui faisaient tout le charme du précédent roman de Banville, celui-ci est vite rompu par le retour à une narration parfois à la limite du trivial ou, à l'autre extrême, sophistiquée lorsque l'auteur s'amuse à parsemer son texte de mots pompeux.

A l'exception peut-être de Petra qui n'en finit pas de liquider son Oedipe et d'Ursula à la fragilité secrète, les personnages n'engagent pas à la sympathie. Quant aux dieux facétieux et leur ton condescendant, ils m'ont aussi prodigieusement agacée de par leurs interventions intempestives qui viennent régulièrement briser un récit prêt à emporter le lecteur vers une veine plus dramatique et plus proche de mes attentes.

Bref, mon imaginaire s'est lamentablement heurté au mur de Planck.
Et un mauvais point à l'éditeur qui surfe sur le succès de "La Mer" et nous ressert une couverture splendide et tentatrice mais qui a peu à voir avec le sujet.
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Quand les dieux anciens reviennent remplir l'absence laissée par Dieu... Quand Zeus, tout à ses fredaines, revient séduire de jolies mortelles, les trompant en prenant l'apparence du mari trompé. Quand un vieil homme, entre la vie et la mort, nous fait part de ses pensées...
Au jeu des faux-semblants et des apparences (trompeuses, bien sûr) John Banville est très fort. Si, derrière la déraison se cachait la raison ? Si derrière le non-sens se cachait le sens, et de notre mortelle condition l'énigme ?
Et bien, bon courage pour décrypter. Fort déconcertée et quelque peu agacée j'ai failli fermer ce livre à la page 66 (chiffre presque fatidique). Et puis je me suis laissée prendre au jeu de cette histoire assez délirante, où les caprices divins se jouent de nos destinées comme de la plume au vent.
Entre Camus et Saramago, Banville se situe dans cette lignée d'écrivains qui, faisant de l'absurde le secret de la condition humaine, essaie de redonner à la vie l'humour et la légèreté de son apparente déraison.
Cela dit, on a l'impression de tourner en rond du début à la fin, tel Sisyphe poussant son rocher. Mais n'est-ce pas le propre (j'allais dire le privilège !!) des dieux que de s'ennuyer ?
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Le livre de John Banville est à lire avec une grande concentration.
Deux personnages (le père et le fils) ont le même nom Adam, les Dieux Hermès et Zeus viennent prendre possession des personnages de la maison. Il faut donc bien suivre pour savoir qui fait ou pense quoi.
Adam Godley est sur son lit de mort. Il ne bouge pas mais son esprit vagabonde. Il se souvient de sa jeunesse et émet des pensées sur l'amour et sur son travail de mathématicien. Il faut donc suivre aussi le temps (présent et souvenirs).
On a parfois l'impression que les personnages se dédoublent et s'observent eux-mêmes.
John Banville a un très beau style littéraire. Il sait allier humour (notamment lors facéties des Dieux) et sentiments ( Adam fils auprès de son père mourant, mal-être de la fille Petra...). Son vocabulaire est d'une grande richesse (j'ai appris beaucoup de mots : taxonomiste, air léporin, suffusion, solipsiste).
Tous les personnages sont intéressants et bien analysés comme la fille Petra qui souffre dans son âme et son corps, Helen, le belle-fille actrice ou la mère alcoolique. Même la bonne Ivy et le vacher Adrian Duffy ont une vraie place dans l'histoire.
Mais c'est l'apparition de Benny Grace, un ami d'Adam père et un Dieu lui aussi qui va tout décanter. Sans rien faire, ni dire, il va amener les autres à se dévoiler.
Lien : http://surlaroutedejostein.o..
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Jadis, quand elle était petite, quelque part, elle ne se souvient plus où exactement, un parc splendide ou les terres d'un manoir, Ursula se hissa sur la pointe des pieds à hauteur d'un muret couvert de mousse et aperçut un jardin clos, avec des masses de fleurs et d'arbres fruitiers en fleurs, des arbustes exotiques, des vignes gimpantes, tous rassemblés là au soleil, prodigues et joyeux. Dans la lumière rose du souvenir, cela lui apparaît comme un des moments les plus doux de sa vie, riche de toutes les promesses du futur, et elle le garde jalousement au fond de sa mémoire, telle une boîte de bijoux dans un tiroir secret. Si elle y retournait aujourd'hui, elle ne pourrait pas voir par-dessus le mur, elle en est sûre, d'une manière ou d'une autre il aurait poussé, ou c'est elle qui aurait rapetissé, mais elle saurait que le jardin est bien là, plus abondant et glorieux que jamais, attendant que d'autres viennent y jeter un œil, et soient heureux.
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Cet amour, cet amour mortel, c'est une de leurs inventions, la chose que nous n'avons pas voulue, ni prévue ni approuvée. Comment ne nous fascinerait-elle pas ? Nous leur avons donné cette irrésistible compulsion dans les reins – Eros et Anankê, œuvrant main dans la main – à seule fin de pouvoir surmonter leur aversion mutuelle pour la chair et s'unir volontiers, plus que volontiers dans l'acte de procréation, car après les avoir lancés, nous n'avons pas eu le cœur de les laisser s'éteindre : après tout ils étaient notre ouvrage pour le meilleur ou, bien souvent, pour le pire. Mais voyez ! Voyez donc ce qu'ils ont fait de ce frotti-frotta. Comme si on avait donné quelques copeaux de bois et un seau de boue à un enfant pleurnicheur pour le tenir tranquille quelques instants et qu'en moins de deux il érigeait une cathédrale […].
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Puis il y a la question du temps. Par exemple, qu'est-ce qu'un instant ? Les heures, les minutes, les secondes, même, c'est compréhensible, puisqu'on les mesure sur une horloge, mais ça veut dire quoi quand les gens parlent d'un moment, d'un temps, d'un clin d'œil, de quatrième vitesse ? Ce ne sont que des mots, bien entendu, pourtant ils sont en suspens au-dessus d'abîmes de silence. Le temps s'écoule-t-il ou est-ce une suite d'immobilités – d'instants – qui se déplacent si vite qu'ils donnent l'impression de se lier dans une vague ininterrompue ? A moins qu'il n'y ait qu'une seule grande immobilité, s'étendant partout, dans toutes les directions, à travers laquelle nous avançons en nageurs affrontant une mer infinie, indifférente.
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Cet amour, cet amour mortel, c'est une de leurs inventions, la chose que nous n'avons pas voulue, ni prévue, ni approuvée. Comment ne nous fascinerait-elle pas? Nous leur avons donné cette irrésistible compulsion dans les reins - Éros et Anankê, œuvrant main dans la main - à seule fin de pouvoir surmonter leur aversion mutuelle pour la chair et s'unir volontiers, plus que volontiers dans l'acte de procréation (...)Comme si on avait donné quelques copeaux de bois et un seau de boue à un enfant pleurnicheur pour le tenir tranquille quelques instants et qu'en moins de deux il érigeaient une cathédrale.
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Les mots sont si amicaux, si accommodants, si dociles et coulants, pas comme les chiffres, avec leur fastidieuse insistance à ne vouloir dire que ce qu'ils veulent dire et rien de plus.
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