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EAN : 9782221127124
154 pages
Robert Laffont (17/11/2011)
4.1/5   45 notes
Résumé :
Une fantaisie à quatre mains. Mais quelle fantaisie ! Et quels partenaires pour l'exécuter ! Amis, compères et complices, Borges et Bloy Casarès ont joué une bien jolie comédie à leurs fidèles lecteurs en inventant l'auteur Bustos Domecq.

Ils lui prêtent leurs écritures croisées pour mettre en abyme, à travers scènes carnavalesques et funambulesques portraits de funambulesques personnages, les phénomènes littéraires et artistiques de l'Argentine où il... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Plutôt qu'un simple pseudonyme, Honorio Bustos Domecq, enfant «bicéphale» du couple Borges-Bioy Casares, devrait être considéré comme un hétéronyme à part entière, doté d'une existence et d'une personnalité propres. Borges disait à son propos : «À la longue, ce personnage finit par ne nous ressembler en rien et par nous dominer d'une main de fer, en nous imposant son propre style littéraire». Né en 1893, dans la province argentine de Santa Fé, selon une notice biographique publiée dans la célèbre revue littéraire argentine «Sur», H. Bustos Domecq -nom composé du patronyme d'ancêtres des deux écrivains, «Bustos» pour Borges, «Domecq» pour Bioy Casares-, est l'auteur de quatre ouvrages publiés, dont ces Chroniques, parues en 1967.

«Le non-sens est à la fois ce qui n'a pas de sens, mais qui, comme tel, s'oppose à l'absence de sens en opérant la donation de sens. Et c'est ce qu'il faut entendre par nonsense». Ce commentaire de Gilles Deleuze à propos d'Alice au Pays des Merveilles, pourrait illustrer parfaitement la démarche à l'origine de la rédaction de ces Chroniques, ainsi que le thème central et transversal aux vingt délicieuses et hilarantes vraies-fausses critiques d'art qui le composent.

Traitées avec l'humour pince-sans-rire et érudition dont on sait capable Borges, auxquels sont venues se rajouter les intuitions fulgurantes et anticipatoires dont Bioy Casares sut à son tour faire preuve à travers ses livres, Bustos Domecq s'amuse à recenser dans ses chroniques, avec le plus grand sérieux, dans des domaines aussi divers que la littérature, le théâtre, l'architecture, la gastronomie, ou encore le stylisme, des propositions radicalement fidèles à la rupture esthétique concrétisée par les avant-gardes modernistes du XXe siècle. Critiques où très souvent le comique apparent le dispute à une conception visionnaire des deux auteurs, très proche des chemins que la création artistique allait emprunter de manière de plus en plus surpenante et radicale dans les années à venir.

L'oeuvre d'art ayant posé les prémisses d'une véritable révolution artistique qui n'irait véritablement s'installer et occuper la scène mondiale qu'à partir de la deuxième moitié du XXe siècle, fut, sans conteste, le célèbre ready-made «Fontaine» (un simple urinoir en faïence) proposé par Marcel Duchamp en 1917 (et, bien-sûr, refusé à l'époque) lors d'une exposition d'art moderne à New York.
Le virage à trois cent-soixante degrés opéré par l'art contemporain consistera à déplacer progressivement l'accent d'une qualité quelconque, immanente et implicite à une oeuvre d'art, vers son auteur, l'artiste lui-même et sa conception personnelle de l'acte créatif, les représentations et le discours avec lesquels il la pare, ainsi que les réactions qu'il aimerait susciter dans le public. Une appréciation de l'art désormais liée donc directement à la personnalité même de l'artiste et à sa «démarche».
Dès lors, les grilles d'analyse par la critique spécialisée sembleront difficilement lisibles par tous, partageant l'opinion d'un public souvent désorienté et duquel, soit dit au passage, une large majorité continue, encore de nos jours, à vouer à l'art contemporain un rejet radical.

Dans la chronique intitulée «L'Oeil Sélectif», Bustos Domecq évoque la réaction du public aboutissant à la mise à feu de la galerie où se tenait en 1929, à Buenos Aires, l'exposition du sculpteur d'avant-garde Antartido A. Garay, consistant «en une ambiance, sans autre chose pour accrocher le regard que quatre murs nus, de vagues moulures au plafond et, sur les lattes du parquet, quelques gravats épars».
Le public ignorant complètement, en l'occurrence, ainsi que l'avait prétendu l'artiste, que «l'essentiel, pour un oeil exercé, c'est l'espace qui circule entre les moulures et les gravats»! On se souviendra certainement encore, cinquante après la publication de ces Chroniques, des réactions suscitées en 2014 par l'installation de la sculpture de l'artiste britannique Paul McCarthy (surnommée à l'époque, le «Le Plug Anal») à Paris, Place Vendôme. L'oeuvre avait été complètement ravagée, et l'artiste, après avoir affirmé laconiquement à la suite de ces actes de vandalisme : "au lieu d'engendrer une réflexion profonde autour de l'existence même des objets comme mode d'expression à part entière, notamment dans la pluralité de leur signification, nous avons assisté à de violentes réactions", renoncerait à la réinstaller.

Dans une autre chronique, « le Naturalisme en vogue », c'est le mouvement d'avant-garde «descriptiviste», radicalement naturaliste, qui attire toute l'attention de notre critique impartial. Retraçant quelques-uns de ses moments les plus forts, il évoquera ce concours littéraire prestigieux remporté en 1938 par un jeune poète inconnu à l'époque. le thème du concours étant cette année-là celui de «l'éternelle rose», le jeune Urbas, «simple et triomphateur» remit tout simplement au jury…une rose !
«Il n'y eut pas une voix dissidente ; les paroles, filles artificieuses de l'homme, ne purent entrer en compétition avec la rose spontanée, fille de Dieu. Cinq cent mille pesos récompensèrent à juste titre cette incontestable prouesse».
Ou encore lorsqu'au Salon des Arts Plastiques de Buenos Aires, en 1941, l'oeuvre présentée par l'artiste italien Colombres fit sensation, même si en fin de compte elle ne remporta pas le grand prix (pour des raisons qui paraîtront évidentes au lecteur…) : Colombres avait envoyé «une caisse en bois, fort bien conditionnée, qui, lorsqu'elle fut déclouée par les autorités, livra passage à un vigoureux bélier qui blessa à l'aine plusieurs membres du jury» ! Cinquante ans plus tard après cette exposition d'un «indéniable et brutal spécimen biologique» allant bien au-delà d'«une aimable fantaisie de l'art», en 1991, l'artiste contemporain (en chair et en os cette fois-ci, précisons-le tout de même !), Damien Hirst, devenu de nos jours l'un des plus côtés sur la scène artistique internationale, s'était lancé dans un nouveau projet, motivé par son désir de pouvoir rendre l'art “plus réel qu'une peinture”. Il présenta à ce moment-là au public l'une de ses oeuvres aujourd'hui considérée comme emblématique de toute la démarche ultérieure de l'artiste, «The Physical Impossibility of Death in the Mind of Someone Living» : un requin-tigre conservé entier dans une cuve transparente de formol (!) Cette oeuvre ayant été acquise quelque temps après par un collectionneur pour la modeste somme de 50 000 livres, un journal anglais de l'époque titrait: “50 000 pounds for a fish without chips!”...!

CHRONIQUES DE BUSTOS DOMECQ regorge par ailleurs de mouvements en «ismes» et de courants théoriques relevant de différents domaines de la création artistique, inventés de toutes pièces par les auteurs, tels l'«ultraïsme», le «descriptivisme» et -attention à ne pas les confondre !- le «descriptionnisme», la «théorie de l'association», l'«architectonique des ensembles inhabitables», le «machinisme du corps humain», ou encore le «nouveau théâtre universel»…

Certains de ces courants ont effectivement vu le jour . L'on pourrait citer, à titre d'exemple, les expériences théâtrales d'engagement physique dans l'espace public réalisés en grand nombre par des performeurs et des «activistes» à partir des années 1970, évoqués dans la chronique «Théâtre Universel», les caprices gastronomiques récents de la cuisine dite "moléculaire", suggérés dans « Un Art Abstrait », ou bien le stylisme vestimentaire loufoque proposé dans «Vêtements I et II», dont, entre autres, la collection automne-hiver 2005 de Viktor & Rolf, transformant couettes et oreillers en robes de soirée, aurait tout à fait trouvé sa place, à côté du «costume archive» qui y est décrit, dans lequel «les poches sont remplacées par des tiroirs» (!)

Simple rigolade -à ne prendre surtout pas au sérieux- entre deux comparses géniaux et désoeuvrés, probablement concoctée pour faire passer le temps durant les longues soirées froides de la pampa battues par le minuano, prônant parmi d'autres extravagances l'avènement d'une «machine-à-ne-rien-faire» comme solution à la plupart des problèmes posés par la modernité(!) ? ?

Pas que, il me semble…

La création artistique au XXe siècle, cherchant à rompre définitivement avec les canons hérités de l'art classique, notamment ses notions hiérarchisées de «beau», de «figuration», de «supports» ou de «matériaux» nobles, finirait par abolir toute antinomie simple en art, entre «bon» et «mauvais», «vrai» et «faux», «beau» et «laid» (à ce propos, qu'avez-vous pensé de la robe en viande de Lady Gaga aux MTV Music Awards de 2010?). Ces dernières céderont progessivement la place à de nouveaux critères d'appréciation, situés plutôt entre «absence de sens» et «non-sens» deleuzien, fondamentalement arbitraire et «donateur de sens» nouveau . Ne serait-ce là l'un des socles sur lequel fonder une critique possible de la modernité?

Art contemporain : vrai Art ou grande Imposture ? Cette question, que je trouve personnellement totalement aberrante, mais que, hélas, beaucoup de gens intelligents continuent de nos jours à se poser, ne trouvera bien évidemment aucune réponse simpliste de la part des auteurs.
Bustos Domecq préfère vraisemblablement réserver son ironie à l'engouement du public, à ses réactions parfois excessives et paradoxales, ou encore au parti pris des certains critiques, que de s'attaquer ouvertement à la démarche propre à chaque artiste, en leur consacrant une notice rédigée à chaque fois sur un ton absolument neutre.
Conscient certainement qu'il était du fait que, quoi qu'il en soit, l'art continuera à jouer le même rôle qu'il a tenu depuis toujours : celui d'être le miroir de son époque et de la société qui le produit.

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Le lecteur est balloté, avec humour, dans des récits satyriques dont il est parfois difficile de distinguer le réel de l'imaginaire. Borges et Bioy Casares, sous la plume de Bustos Domecq, démontrent que l'ironie et la parodie sont des formes cruelles de l'art de la critique.
Plus parlantes qu'une longue critique, les diverses citations que j'ai transcrites renseignent sur le contenu du "carnet" de même que cet extrait de l'avant-dernière histoire :
Bustos Domecq est reçu par le Président du Club junior des Halles et assiste à une conversation avec Ferrabas, le speaker à la voix d'or.
— Ferrabas, j'ai parlé avec de Filipo et Camargo. La prochaine fois c'est les Halles qui perdront, par deux buts à un. La lutte sera dure, mais, attention, ne recommence pas le coup de la passe de Musante à Renovales, car les gens la connaissent par coeur. Je veux de l'imagination, de l'imagination. Compris ? Vous pouvez vous retirer.
Bravement, je risquai une question :
— Dois-je en conclure que le score est fixé d'avance ?
Savastrano me fit littéralement rentrer sous terre.
— Il n'y a pas plus de score que d'équipes ni de parties. Les stades ne sont plus que des chantiers de démolition. Aujourd'hui tout se passe dans les studios de radio et de télévision.

À lire si vous appréciez Borges.
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Un recueil à 4 mains à vocation humoristique (Jorge Luis Borges et Adolfo Bioy Casares) composé d'une vingtaine de nouvelles. Je suis admiratif des deux auteurs dont j'ai énormément apprécié les autres textes mais est-il aussi simple d'additionner les talents que les nombres ? Pas forcément…

Dans ce recueil, de même que Lichtenberg imaginait "un couteau sans manche auquel il manque la lame", les deux auteurs argentins, par le biais d'un narrateur fictif inventé pour l'occasion (Bustos Domecq) s'amusent à imaginer des artistes, des courants qui « révolutionnent » leur domaine via des créations prétentieuses aussi baroques qu'inutiles : des historiens qui font délibérément fi des évènements historiques réels, des écrivains qui réécrivent mot pour mot une oeuvre déjà existante ou encore des architectes qui construisent des bâtiments absolument inhabitables etc.

Le ton se veut faussement élogieux et c'est avec une ironie mordante que les deux auteurs épinglent dans cet ouvrage de 1977 tout un pan de l'art moderne et nombre d'oeuvres bien réelles et renommés (on pense à Marcel Duchamp et à beaucoup d'autres d'artistes abstraits) pourraient effectivement trouver leurs places dans ces chroniques.

Si on retrouve dans ce recueil le style plaisant, l'humour et le gout des paradoxes de Borges (le connaissant sous un autre registre, j'ai eu plus de mal à retrouver l'apport d'Adolpho Bioy Casares).

Le livre bien qu'écrit avec style et bien traduit, est forcément un peu redondant sur sa thématique. J'avoue avoir ressenti une pointe de déception après la lecture du recueil pas tant du fait de sa qualité intrinsèque (objectivement ça reste très bon et assez savoureux) mais parce que j'en attendais énormément et qu'on est à mon avis un peu en deçà du potentiel des deux auteurs.

Pour cette raison, sans être une oeuvre majeure, elle sera sans doute appréciée des adeptes de Jorge Luis Borges mais ne me semble pas idéal pour aborder l'écrivain : je privilégie sans hésitation L'Aleph, Fictions ou encore le livre de sable.
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Voici un succulent petit livre publié en 1967 sous le pseudonyme de Bustos Domecq, en réalité personnage fictif créé par deux grands écrivains argentins : Jorge Luis Borges (auteur du génial recueil de nouvelles "Fictions") et Adolfo Bioy Casares (auteur du très beau roman "L'invention de Morel").
Le livre se présente comme une succession de chroniques d'un certain Bustos Domecq qui se met en scène de façon très prétentieuse, éclipsant ainsi les artistes, peintres, écrivains, architectes dont il critique les oeuvres.

La suite sur le blog : http://lepandemoniumlitteraire.blogspot.com/2012/01/chroniques-de-bustos-domecq-de-jorge.html
Lien : http://lepandemoniumlitterai..
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Ce recueil de courtes nouvelles de J.-L. Borges, écrites en collaboration avec A. Bioy Casares, avait jusqu'ici échappé à mon attention. Je viens de le lire et… il ne passera certainement pas à la postérité dans ma mémoire !
Il s'agit en quelque sorte de plaisanteries littéraires, toutes semblables les unes aux autres, bâties sur le modèle de la nouvelle intitulée "Pierre Ménard auteur du Quichotte" et incluse dans "Fictions". le paradoxe élevé au rang d'amusement littéraire n'est pas ma tasse de thé. Par certains côtés, ces textes me feraient presque penser à un mauvais Georges Pérec. Je vais vite oublier ce livre et garder mon admiration pour d'autres nouvelles de Borges.
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Il est indéniable, d'autre part, que Loomis ne crut jamais à la vertu expressive de la métaphore(...) N'y a-t-il pas plus de force dans le mot "lune" -aimait-il à demander- que dans le "thé des rossignols" dont le déguise Maïakovsky?
Plus porté à poser des questions qu'à écouter les réponses, il demandait également si un passage de Sapho ou une profonde sentence d'Héraclite ne tenaient pas plus de place dans la suite des temps que les nombreux volumes de Trollope, des Goncourt et de Madrigal, que la mémoire ne peut retenir.
(...)
Nous avons la chance aujourd'hui de contempler la poésie (de Loomis) dans sa complète nudité. On dirait que Gracian la prévoyait quand il émit ce jugement, qui n'a rien perdu de sa justesse bien qu'il ait été galvaudé, que "ce qui est bon, si c'est bref, c'est doublement bon", ou, selon la leçon qu'en a donné don Julio Cejador y Franca, "ce qui est bref, si c'est bref, est doublement bref".
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Notre grand peintre : Tafas
Il me dit que le "Coran de Mahomet", ... , interdit formellement de peindre des visages, des silhouettes, des attitudes, des oiseaux, des taureaux ou tout autre être vivant. Comment manier brosses et pinceaux sans enfreindre la loi d'Allah ? Il finit pourtant par trouver le moyen de s'en sortir.
... Il peignit d'abord avec une fidélité photographique des vues de Buenos Aires ... Il ne les montra à personne... Il les effaça ensuite avec de la mie de pain et de l'eau du robinet. Il les recouvrit enfin d'une couche de cirage jusqu'à ce qu'ils devinssent complètement noirs. Mais il eut le scrupule de conserver à chacune de ses toiles, qui étaient devenues toutes semblables et d'une noirceur identique, son nom exact, et vous pouvez lire dans la salle d'exposition, Café Tortoni ou Kiosque aux cartes postales...
... le musée des Beaux-Arts fit un coup de maître en achetant trois toiles parmi les onze exposées, pour une somme globale qui laissa sans voix le contribuable. La critique officielle fut dans l'ensemble élogieuse, ce qui n'empêchait pas les uns de préférer une toile, et les autres celle d'à côté. Tout cela, dans une ambiance de respectueuse considération.
Telle est l'œuvre de Tafas. Nous savons qu'il préparait un grand panneau mural sur un motif folklorique qu'il avait l'intention d'aller croquer dans le nord du pays et qu'il aurait, une fois peint, passé au cirage. Quel dommage que sa mort par noyade ait privé les Argentins de cette œuvre magistrale !
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Un point de vue tout à fait nouveau
Paradoxalement, la thèse de l'histoire engagée, qui devait triompher au dernier Congrès des historiens, récemment tenu à Pau, constitue un obstacle de taille qui empêche de parfaitement comprendre la leçon de ce Congrès.
...
Mais revenons à la thèse de Zevasco et citons ses propres termes : "L'Histoire est un acte de foi. Peu importent les archives, les témoignages, l'archéologie, la statistique, l'herméneutique, les faits eux-mêmes ; l'Histoire doit rendre compte de l'Histoire, dégagée de toute hésitation et de tout scrupule ; le numismate peut garder ses monnaies et l'archiviste ses archives. L'Histoire est une transfusion d'énergie, c'est un souffle vivifiant. Levier puissant, l'historien grossit les faits ; il enivre, exalte, encourage, enhardit ; son rôle n'est pas de calmer, d'apaiser; notre consigne est de rejeter dès le départ tout ce qui ne trempe pas l'âme, tout ce qui n'est pas positif, tout ce qui n'est point glorieux."
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Vêtements !
De 1923 à 1931, Bradford, le gentleman des planches, avait circulé nu dans Necochea. Chapeau, lunettes d'écaille, moustache, col, cravate, chaîne de montre, costume, canne, gants, mouchoir, bottines n'étaient que des dessins peints à même son épiderme... N'ayant pas eu de quoi s'acheter des lunettes, il avait été obligé de s'en peindre une paire, et tout le reste à l'avenant, canne incluse. Le juge traita le délinquant avec toute la sévérité de la loi. Bradford nous montra par la suite la valeur de son tempérament qui le mena jusqu'au martyre dans la Sierra Chica. C'est là qu'il mourut d'une broncho-pneumonie, n'ayant sur lui d'autre vêtement qu'un costume rayé dessiné sur ses chairs amaigries.
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Un art abstrait
En 1932, c'est le miracle ! Il est dû à un cuisinier inconnu jusque-là. Le lecteur n'ignore plus son nom : Jean-François Darracq. J. F. D. ouvre à Genève un restaurant semblable à tous les autres ; il sert des plats qui ne diffèrent en rien des anciens plats : la mayonnaise est jaune, les légumes sont verts, la cassata est un arc-en-ciel, le rosbif est rouge. Déjà on l'accuse d'être réactionnaire. Darracq, alors, trouve son œuf de Colomb. Le sourire à fleur de lèvre, serein, avec l'assurance qu'octroie le génie, il exécute l'acte simple qui le placera pour toujours au sommet le plus abrupt et le plus haut de l'histoire de la gastronomie. Il éteint les lumières. Ainsi est né, à cet instant même, le premier tenebrarium.
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Videos de Jorge Luis Borges (46) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jorge Luis Borges
INTRODUCTION : « Le siècle qui commence trouve une Argentine confiante en l'avenir. le positivisme à la mode met une foi illimitée dans les avancées du progrès et de la science, et la croissance de la jeune république autorise une vision optimiste du destin national. La classe dirigeante a bâti son programme sur la base d'une instruction publique et gratuite pour tous, destinée à réaliser l'intégration culturelle de la deuxième génération d'une masse énorme et hétérogène d'immigrants à peine débarqués d'Europe. Cette Argentine, qui est à l'époque une toute jeune nation - sa guerre contre les Indiens n'est terminée que depuis vingt ans -, dépend économiquement de l'Angleterre, est fascinée par la culture française et admire autant l'opéra italien que la technologie allemande. Ce qui ne l'empêchera pas de tâtonner à la recherche de sa propre identité, à la faveur d'un sentiment nationaliste exacerbé dès 1910 […]. L'avant-garde poétique porte le sceau du modernisme, largement diffusé à Buenos Aires par Rubén Darío qui […] marquera d'une empreinte durable la vie culturelle du pays. […] La quête de la modernité inscrite dans le nouveau courant anime déjà ce pays avide de rallier un monde qui ne jure que par Le Louvre, la Sorbonne et Montparnasse. […].  […]  La seconde décennie du siècle […] marque un tournant décisif dans la réalité argentine. […] Hipólito Yrigoyen accède au pouvoir. Avec lui surgit une nouvelle classe sociale, issue de l'immigration et amenée, pour un temps, à prendre la place de la vieille oligarchie qui a dirigé le pays depuis les premiers jours de l'indépendance. […] Cette modernité, qui relie les poètes argentins à l'avant-garde européenne, se concrétise avec le retour au pays de Jorge Luis Borges, en 1921. […] Dans un article polémique paru dans la revue Nosotros (XII, 1921), Borges explique : « Schématiquement, l'ultraïsme aujourd'hui se résume aux principes suivants : 1°) Réduction de la lyrique à son élément fondamental : la métaphore. 2°) Suppression des transitions, des liaisons et des adjectifs inutiles. 3°) Abolition des motifs ornementaux, du confessionnalisme, de la circonstanciation, de l'endoctrinement et d'une recherche d'obscurité. 4°) Synthèse de deux ou plusieurs images en une seule, de façon à en élargir le pouvoir de suggestion. » […] […] les jeunes poètes des années 20 se reconnaissent au besoin qu'ils éprouvent de revendiquer une appartenance et de se trouver des racines. […] Il faut attendre une dizaine d'années encore pour que, dans le calme de l'époque, de jeunes créateurs, avec l'enthousiasme de leurs vingt ans, apportent un élan nouveau et de nouvelles valeurs poétiques. Prenant leurs distances par rapport à l'actualité, ils remettent à l'honneur le paysage et l'abstraction, ainsi qu'un ton empreint de nostalgie et de mélancolie. […] Les années 60 correspondent en Argentine à une période d'apogée culturel. le secteur du livre est en plein essor ; de nouvelles maisons d'édition voient le jour et, conséquence du boom de la littérature sud-américaine, la demande d'auteurs autochtones augmente, ce qui facilite l'émergence de noms nouveaux. […] La génération des années 70, à l'inverse, est marquée au coin de la violence. Plus se multiplient les groupes de combat qui luttent pour l'instauration d'un régime de gauche, plus la riposte des dictatures militaires successives donne lieu à une répression sanglante et sans discrimination qui impose au pays un régime de terreur, torture à l'appui, avec pour résultat quelque trente mille disparus. […] » (Horacio Salas.)
CHAPITRES : 0:00 - Titre
0:06 - Alejandra Pizarnik 2:30 - Santiago Kovadloff 3:26 - Daniel Freidemberg 4:52 - Jorge Boccanera
5:51 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : Horacio Salas, Poésie argentine du XXe siècle, traduction de Nicole Priollaud, Genève, Patiño, 1996.
IMAGES D'ILLUSTRATION : Alejandra Pizarnik : https://universoabierto.org/2021/09/27/alejandra-pizarnik/ Santiago Kovadloff : https://www.lagaceta.com.ar/nota/936394/actualidad/santiago-kovadloff-argentina-pais-donde-fragmentacion-ha-perdurado-desde-siempre.html Daniel Freidemberg : https://sites.google.com/site/10preguntaspara1poeta
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