AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782070299232
182 pages
Gallimard (05/06/1979)
4.01/5   79 notes
Résumé :
Voici un livre où se découvre à l'évidence ce qui fait de son auteur non seulement l'égal de Charles-Louis Philippe ou d'Eugène Dabit, par exemple, mais plus encore, je crois: par son humour laconique et glacé, l'acuité de sa vision, l'impudence dont à chaque coin de rues de sa prose il fait preuve en pratiquant un cynisme les tours de bonneteau du langage, un artiste, mieux qu'aucun autre capable d'atteindre à vif le lecteur d'aujourd'hui. Autre chose, plutôt "poét... >Voir plus
Que lire après La belle luretteVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
4,01

sur 79 notes
5
6 avis
4
6 avis
3
0 avis
2
0 avis
1
0 avis
Débuter sa carrière d'écrivain dans l'écurie Gallimard, pouvait laisser quelques espoirs légitimes à Henri Calet. En 1935, parution de cette belle lurette, figuraient au catalogue Gallimard plusieurs oeuvres d'Eugène Dabit, mais aussi Berlin Alexanderplatz d'Alfred Döblin, Hans Fallada, Panaït Istrati, George Orwell.
Il se trouvait en bonne compagnie.
D'autant qu'il était un parfait inconnu du milieu littéraire.
Après avoir dérobé une forte somme dans la caisse de son entreprise, contraint de fuir en Uruguay pour se faire oublier de la justice française, il revenait en France clandestinement avec bien peu de ressources.
La belle lurette c'est un récit autobiographique de toute la période avant son escroquerie.
Ses parents ouvriers avec la misère qui va avec. Son séjour dans un sana de Berck-plage pour améliorer sa santé. Puis viens la Première Guerre mondiale vue par les civils devenus des réfugiés.
Les combines pour survivre pendant et après. Choisir entre se faire exploiter dans des entreprises sordides pour engraisser le bourgeois, ou commettre de petits larcins qui ne rapportent jamais beaucoup mais qui entrainent des risques énormes.
Henri Calet n'écrit pas des bluettes. Il appelle un chat un chat et les choses du sexe n'échappent pas à son franc-parler.
Cela apparaît superbement moderne en 2015. Sans doute qu'à son époque les milieux conservateurs devaient l'abhorrer.
Découvrez cet auteur français anarchisant qui nous évite ce ronron littéraire consensuel.
Commenter  J’apprécie          472
Le narrateur (Henri) est né en 1900, il nous raconte son histoire, une histoire du XXème siècle, celui qui commence par la grande guerre.
Forcément, la grande guerre, ça marque. Ca vous imprime les choses différemment. Ca vous les fait sortir par tous les orifices.

La 4ème de couverture est rédigée par Francis Ponge, il voit chez Calet, l'influence de Charles-Louis Philippe ou d'Eugène Dabit, soit, mais in fine de Céline aussi, et c'est vrai, on y pense à longueur de lignes.
Peut-être à cause du contexte, de Paris, du décor, de l'histoire, des mêmes tromperies toujours répétées, peut-être les personnages à moitié fini, défaits par la vie avant même d'y entrer.
La différence, c'est que là où le héros célinien met les pieds dans le plat, vitupère et revendique, assassine, Henri, lui est simplement féroce, sans méchanceté, une férocité assumée, pas vindicative ni revancharde pour deux sous.
Et puis chez Calet, il y a une forme d'humour, comment dire dé-Calet (je n'ai pas pu résister), distante, l'humour de celui qui sait, qui subit sans rechigner, qui accepte.
Ce livre est attachant, d'une tristesse réaliste, sans optimisme, car on ne peut se permettre le luxe d'en avoir, sans pessimisme, car c'est un luxe hors de portée.
On peut pleurer ou rire, se moquer ou dédaigner, cela ne changera rien à la trajectoire de vie de ceux qui passent dans les pages de ce roman.

«Le chômage et les cris dans la crise, ce n'est plus la belle lurette»

Henri est le résultat de l'accouplement d'une fille Toubide et d'un rejeton Vertebranche.
Sophie Toubide, «fruit d'une union provinciale et bien pensante», «sortit scandaleusement de de ce monde, dans sa seizième année»
Abandonnée par l'anarchiste quadragénaire qui lui fait un première enfant, Césarine, elle se lance à corps perdu dans l'apostolat anarchiste. «Il fallait coucher beaucoup» conclut Henri.
Les parents de Sophie : «plongèrent dans la consternation», «et on les vit se laisser aller à leurs inclinations naturelles : pour elle, la broderie, pour lui le jeu de boules.»
Sophie connaitra la prison malgré le juge d'instruction «qui en la pelotant un peu, affirmait que tout s'arrangerait...»
Vertebranche, une queue de race qui a mal tourné, à vingt ans, «était alors clochard, vermineux et en état de désertion»

La grand-mère Vertebranche, reçue en son jeune temps à la cour de l'impératrice Eugénie, parle d'Henri en ces termes :
Ah ! c'est le petit scélérat.
Du gibier de potence comme son père.
Tout a dérapé avec la grande Tante Marguerite, devenue par nécessité, femme de ménage d'un chef de gare, puis avec Aurélien condamné à vingt ans de travaux forcés, enfin avec Félix l'instituteur indigne, et Théo le cocher d'omnibus.

Le père d'Henri a connu la Petite Roquette, encore prison pour enfants, a vécu chez Fradin aux Halles, :
«ou on passait la nuit pour trois sous».
«Plus on montait (dans les étages) plus ça puait.»
«Il fit des séjours trop brefs à l'hôpital, le temps de s'épouiller, et des séjours trop long à la Santé (prison).»
De cette famille dégénérée Henri hérite de son grand père :
« Il laissait en plus, grand-papa, une vérole, qui le plus naturellement du monde, devait plus tard me revenir. Ce n'est pas un reproche.»
«C'était dans mes os, la manifestation de la syphilis ancestrale.»
«le passé ne passait pas»

La petite enfance de Henri fut heureuse, du moins c'est ce qu'il croit :
Gardons-le ! dit mon père qui coutumièrement décrétait «à l'égout !»
Le lait blanc, en jet, du corps de ma mère t qui chatouille le gosier
Je rigolais ma vie.
Une gestation exceptionnellement tranquille dans les entrailles exubérantes de ma mère.

Mais le monde du dehors est moins tendre, il y rencontre dans l'impasse où habite ses parents, qu'il quittera « à la cloche de bois silencieuse» :
...des échoppes....où prospérait un bas commerce.
Des petits métiers désespérés.
Les putains pâles, en cheveux, qui répétaient des invites dans le courant d'air...
Les ivrognes qui venaient, en chantant, pisser sur la nuit...

Commence alors la vie avec son père, et les journées de galère, il n'a que trois ans :
«... il avait participé à l'agitation de rues dans les jours de «l'Affaire». du bon côté naturellement.»
«Avec moi, avec son allure intéressante de type qui ne fera pas de vieux os, il appâtait. »
La maman, elle, reste à la maison à fabriquer de la fausse monnaie.

Dieu :
Faites, Ô mon Dieu, que papa et maman vivent longtemps et n'aillent jamais en prison à cause de la fausse monnaie;.

Jusqu'à ce que ce fragile équilibre se rompe, lorsque le père les quitte avec Louise, sa belle-fille âgée de dix-sept-ans :
- Mais à cette vie agréable et réglée, mon père préféra la rigolade.
- Ma mère recevait des coups durs dans sa belle figure.
- J'étais devenu l'enfant-martyr du quartier.

La vie avec la mère s'organise, elle est tireuse de cartes :
- Elle pratiquait l'amour maternel sans illusions et puis, j'étais dans l'âge ingrat, moi.
Posez une question mentalement et pensez fortement disait ma mère à la Bretonne.
Oh ! ma pauvre, vous avez les trois sept !.....Les trois sept, c'est la grossesse immanquablement.
Elle est faiseuse d'anges, à l'occasion :
Ce sont des dames qui ont mal au ventre.
Maman mettait la main à la pâte de la chair rouge des ventres.
La vie était difficile ; nous ne décrochions un avortement que par ci par là.
«Mes belles histoires je les faisais moi-même, Maman n'avait pas le temps»

Elle rencontre un Antoine malgré ses quarante ans :
A quarante ans, elle avait faim de la vie. de potelée elle devenait pansue.
La verte lui dévorait l'intérieur. Encore un qui n'arrivait pas à digérer la merde de tous les jours et c'est ce qui lui donnait cet air écrasé. Il était des nôtres.
Il fabriquait son avenir jour après jour

La guerre les trouve en Belgique, la patrie d'Antoine, où ils se réfugient chez tante Adèle une tenancière de maison.
L'estaminet «A la Rose», plus communément dénommé, par les flandrins du lieu «La cage à putains»
On baisait dans la cuisine, on vomissait dans la courette et la tante aux grosses fesses planait sur tout cela.

Les gueules cassées :
-Ils tapaient dans le vide de leurs ablations en disant : «J'ai laissé ça à Verdun»
Au lycée Charlemagne :
J'avais des boutons et un grand dégout pour l'humanité toute entière.

Quand son père et sa mère se retrouvent :
Je me mis à sécréter de la haine, ce qui m'était facile, et essayais de les séparer, de mettre entre eux la zizanie.
Il joua des cheveux blancs et je me décidai à réviser les jugements sévères du tribunal de ma conscience.
A la maison, mon père est entré dans une colère si grande que je ne l'en vis pas ressortir.

Il retrouve Antoine, l'amant belge de sa mère :
Plus fort que la vérité : les quatre vérités.
L'échelle sociale : il la descendait.
Je suis entre parenthèses de cette génération de français qui a encore du Pernod dans les veines.

Il travaille, reste seul jusqu'à ce qu'il rencontre Juliette
L'onanisme est un plaisir vraiment gratuit. le vrai plaisir des solitaires et des pauvres.
Elle était rentré dans le monde au bout d'un forceps.
Je l'appelais pourtant mon bel ange blond car je n'avais pas la pauvreté dans la bouche.
Les jeunes gens, mes collègues en viande fraîche pour guerre prochaine, s'envoyaient les colonnes de performances sportives de leurs journaux multicolores.

Les odeurs qui accompagnent Henri :
Tout ce qui ne sentait pas bon, m'était bon.
A la longue nos émotions devenaient malodorantes. L'atmosphère se chargeait de senteurs ; fortes entre toutes étaient celles des mégots écrasés, des aisselles et des entre-jambes.
Une blague qui n'est pas merdeuse n'est pas une bonne blague.
Les pieds dans l'urine, je rendais la marchandise acidulée du père Jules et celle, de qualité inférieure, de madame Julot.
Moi j'avais fait cette double remarque que ça sentait mauvais et que c'était gluant entre les jambes de la petite Germaine.
Je suivais l'évolution tumultueuse des diarrhées, ou celle, soupirante, des constipations, jusqu'au froissement du papier de soie annonciateur du dénouement....

Les paysages :
Un pioupiou en sentinelle, l'arme au pied, laissait passer par dessus son képi les nuages gris ourlés de rose qui, en bandes, quittaient la terre pour s'en aller sur l'eau.
Soirs : une grosse lune montait très vite pour faire une clarté rousse. Signal. Et, toutes ensemble, les barques rentraient l'avant retroussé et les focs triangulaires d'ocre pâli pointés vers le phare massif du cap.
L'herbe, tout doucement, écartait les pavés des chaussées où ne circulait qu'un charroi rare de boeufs et de vaches au pis desséché, d'allure nonchalante et archaïque.

Les personnages :
Il roulait les r depuis un bourg sec, écrasé et noirâtre du Massif Central, jusqu'en cette banlieue parisienne.
On voyait qu'il se faisait mal à remuer ainsi le fer dans la plaie de l'argent.
Il parlait du faux col, car il n'avait pas du tout de menton.
Dans ce concierge, c'était un va et vient glaireux.
Monsieur Tocsin, l'unique professeur était un ténor léger.

Avant de nous quitter, Calet écrivait cette phrase, reprise par Raymond Devos dans son sketch «le vent de la révolte» et par Miossec dans sa chanson «La facture d'électricité» :

« C'est sur la peau de mon coeur que l'on trouverait des rides. Je suis déjà un peu parti, absent. Faites comme si je n'étais pas là. Ma voix ne porte plus très loin. Mourir sans savoir ce qu'est la mort, ni la vie. Il faut se quitter déjà ? Ne me secouez pas. Je suis plein de larmes. »
Commenter  J’apprécie          164
Premier livre que je lis de Henri Calet. Dans « La belle lurette », livre largement autobiographique, comme le souligne Francis Ponge en quatrième de couverture, l'auteur y dévoile sa vie de sa naissance à l'âge adulte. A part quelques moments agréables, sa vie ne fut pas ce que l'on peut qualifier de vraiment heureuse. Il côtoie très souvent la misère, sa mère très tôt maltraitée par son père alcoolique, la séparation, la vie avec sa mère, la guerre de 14-18, leur départ pour la Belgique, le retour à Paris, ses premiers amis et amies. Il lui a fallu une sacré dose de résilience pour surmonter tous les obstacles que la vie a dressé devant lui. Calet écrit dans une langue gouailleuse, imagée et très riche Les phrases sont percutantes, les chapitres sont courts. Toutes les turpitudes nous sont décrites. Rien n'est épargné au lecteur, pour son plus grand plaisir. Ce livre, écrit en 1935, est à redécouvrir de toute urgence.
Commenter  J’apprécie          320
Voila une belle écriture , moderne pour son époque ( début XXeme ) et pleine de rythme et de belles images...une histoire de cet époque, émaillée de guerre, de moments difficiles mais aussi d'apprentissage d'enfant, d'adolescent puis de jeune adulte....bien plaisant pour un achat d'intuition chez un bouquiniste!
Commenter  J’apprécie          183
Livre lu dans le cadre du café littéraire auquel je suis inscrite.
J'avoue humblement que je n'avais jamais entendu parler de cet auteur. A ma décharge je ne suis ni professeur de littérature, ni bibliothécaire, ni libraire, mais une simple lectrice dont l'un des loisirs préférés est la lecture.
L'avantage de participer à un café littéraire c'est que vous êtes amenés la plupart du temps à lire des ouvrages que vous ne connaissez pas ou que vous n'avez pas souhaité lire pour de multiples raisons.
Après avoir lu ce court ouvrage (168 pages) je remercie pour son choix notre jeune animatrice du café littéraire (doctorante en lettre)

Ce livre est le premier roman de l'auteur, il est pour une bonne part autobiographique couvrant sa vie de la naissance au début de l'âge adulte soit de 1900 aux années 1920. A sa naissance son père a 20 ans, sa mère une trentaine d'années "Ils pataugeaient dans le chemin des pauvres".
Même si ce roman est court, il est difficile de le résumer tellement il est foisonnant :
- d'aventures, ( l'exil en Belgique pendant la guerre de 14/18),
- de descriptions de lieux (dans les couloirs mi-obscurs la senteur lourde de la merde était partout et celle- plus insinuante - de l'urine.) ,
- de personnages (Juliette : Oui elle était moche. Moisie, grise. du gris dont on fait la boue....je l'appelais pourtant mon bel ange blond),
Ce roman nous plonge dans le monde de la misère, des logements véritables taudis, de l'absence de travail, de l'alcool, des pensions sinistres, des hôtels minables, du sexe, de la prostitution, des avortements, des paris sur les courses, du vol, de la prison...et même de religion.

Malgré ce sombre tableau et un fond de pessimisme, l'humour est présent, le vocabulaire riche, souvent scatologique, le style fluide.
En conclusion un livre qui ne laisse pas indifférent!

Commenter  J’apprécie          40

Citations et extraits (33) Voir plus Ajouter une citation
ORDRE FORMEL DU PROPRIETAIRE.
" Défense de laisser les enfants jouer dans les cours. Défense de mettre des oiseaux et des fleurs aux fenêtres. Défense de laisser circuler les chiens librement. Défense de laver le linge aux fontaines".
'sous peine de congés immédiat'

Chaque bâtiment de la cour de la Grâce de Dieu - je trouve l'appellation amusante - avait son panneau mural. Maman habitait une chambre du sixième étage. Le dernier. Escalier K.
Nous étions là des centaines entassés, grands et petits, dans nos puanteurs et sans fleurs, avec nos tares et sans oiseaux.
Dans les couloirs mi-obscurs, la senteur lourde de la merde était partout, et celle - plus insinuante - aigrelette de l'urine.
Le dégoût s'étalait sur les murs...Merde...Merde...en grandes lettres ou en arabesques, et surtout aux chiottes, écrit du bout du doigt...Merde...Merde...
C'est vrai, on en était pleins jusqu'à la gorge. Un enlisement et un étouffement lents.
Commenter  J’apprécie          30
Nous, les gosses, assistions, abrutis, aux soûleries des soirs de paie suivies d'assomades et de chutes dans les bruits de vaisselle brisée, aux accouplements sur les lits de fer criard. Nous vivions sur la défensive, toujours prêts à parer les coups, et avions des jeux attristants.

Notre carré était terrorisé par le grand terrassier. Quand il rentrait, le soir, plein de vin rouge, nous poussions le verrou car les différents du ménage se réglaient à coups de pied dans le ventre, sur le palier.
Il l'a traînait par les cheveux sa femme grosse-molle, la mère Marchand, et lui cognait la tête contre les murs peu épais. Ça résonnait.
Les cinq enfants morveux couraient en ronde dans la turne et hurlaient avec la mère jusqu'au moment où l'homme tombait près de sa vomissure violacée pour s'endormir en toute innocence retrouvée.
À la fin des fins, pour le repos de tout le monde, il l'a jetée par la fenêtre, sa femme, et puis il s'est pendu dans la cage de l'escalier, au moyen de sa ceinture rouge.
Commenter  J’apprécie          10
Il m'a mené par le bout du nez et surnommé son petit cochon. En un tour de main je fus initié aux mystères de la masturbation. Seul et à deux.
Cela devait me servir plus tard.
A la fin, il éjaculait dans ma bouche, le fils du directeur.
La connaissance entrait en moi.
J'allais de révélation en révélation. Parallèlement, je parfaisais mon éducation religieuse.
Un prêtre me faisait réciter des fragments du catéchisme. Il me fut permis de préparer ma première communion. J'allais me confesser.
Dans la boîte, le curé essayait de me tirer les vers du nez. Il voulait savoir si j'avais " des sales manières" - les Belges ont de ces formes - et précisait : " Est-ce que vous vous touchez la nuit ? "
Il perdait son temps.
J'ai fait ma première communion en état de péché mortel, avec les fillettes sous gaze et les garçonnets noirs, le cierge d'une main et le missel protégé par un mouchoir brodé dans l'autre main moite.
On nous avait dit : " Ouvrez la bouche et fermez les yeux ! "
J'ai fait un acte de contrition intérieure et ultime.
" Tirez la langue et ne mordez pas ! "
En prenant eau et pain bénits, j'entendais l'œil de Dieu me dire : "Ton compte est bon, mon petit cochon ! "
Commenter  J’apprécie          282
Je suis un produit d'avant-guerre. Je suis né dans un ventre corseté, un ventre 1900. Mauvais début.
Ils pataugeaient dans le chemin des pauvres, mon père de vingt ans et ma mère, qui devait avoir bien du charme avec sa trentaine ; j'en juge d'après les photographies que j'ai vues.

Ils se sont rencontrés. Mon père, sur l'instant, se fit tatouer un coeur allégorique, traversé d'une flèche, sous le biceps gauche, parce qu'il était amoureux. Ils se sont mis « à la colle », c'est l'expression de ce temps, je suis venu, et on est parti tous les trois.

Tas petit de chair molle, oublié au fond d'un tiroir de commode aménagé sommairement en berceau, j'ai fait ma collection d'images. J'ai empli mes yeux vides avec les fleurs du mur ; la flamme remuante et plusieurs fois pointue de la lampe à pétrole ; les lézardes sinueuses, sombres sur le plafond gris.

Bercé dans les grands bras solides, confiant, serré contre une poitrine chaude, j'ai eu les bons jours de la vie dans le vide.

Rien que du chaud. (...)
Commenter  J’apprécie          120
J'ai constitué, peu à peu, un répertoire sans bergères ni petits moutons. J'aimais " La grosse Mélie du faubourg Saint-Martin ", une chanson vécu et " Maria, la terreur des Batignoles", vécu aussi, mais amère...

Elle connut pas son père
Et quand mourut sa mère,
Elle resta seule sur la terre
Sans gîte et sans pain.
Dès sa plus tendre enfance,
Elle connut la souffrance,
Pour gagner son existence
Elle se fit catin.

Ça continuait... " en vendant le bonheur, elle sème le malheur "...,c'était prenant jusqu'à la fin.
Et ron, et ron, petit patapon.
Commenter  J’apprécie          220

Videos de Henri Calet (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Henri Calet

Chronique de Laurence Goullieux : Henri Calet
Laurence Goullieux, directrice de la Bibliothèque Municipale de Liévin, évoque la vie et l'oeuvre de l'écrivain Henri Calet. le site internet de la Bibiothèque Municipale de Liévin :...
autres livres classés : romanVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (218) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1725 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}