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EAN : 9782748800333
128 pages
N. Philippe (02/10/2002)
5/5   1 notes
Résumé :
"Ce n'est pas la révolte ni sa noblesse qui rayonnent aujourd'hui sur le monde, mais le nihilisme." Dans ces textes d'une troublante actualité, réunis dans Réflexion sur le terrorisme, Albert Camus, écrivain, penseur et combattant aborde avec une fulgurante lucidité les questions posés par l'exercice de cette violence totale, tout en prenant parti : "Quelle que soit la cause que l'on défend, elle restera toujours déshonorée par le massacre aveugle d'une foule innoce... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Dans son billet du 19 mai dernier, Oran/Michèle, la grande spécialiste du Nobel français Albert Camus, a bien sûr entièrement raison lorsqu'elle note qu'il est : "difficile de commenter cette lecture composée de textes différents...." Je profite de cette occasion pour louer les efforts impressionnants de cette dame d'Avignon, faisant partie de l'Association Rencontres Méditerranée Albert Camus, basée à Lourmarin où il repose. Cette Association a pour vocation d'évoquer, informer, promouvoir et faire connaître les contributions de Camus au patrimoine local, régional, national et international, ainsi que la culture méditerranéenne.

Cependant, j'estime que le sujet du terrorisme est, malheureusement, d'une telle actualité et d'une telle complexité que pour approfondir ses propres "réflexions" à ce sujet, il convient de lire comment ce grand maître à penser et cet esprit d'une lucidité rare analyse ce phénomène.

Et comme s'il était encore nécessaire de prouver que le terrorisme est d'actualité, un fou criminel vient de tuer, le 29 mai à Liège, 2 agents-femmes de police et un étudiant de 22 ans, de blesser 2 autres policiers à la jambe et 2 aux bras, avant d'être abattu par les forces de l'ordre. L'homme, un certain Benjamin Herman, 34 ans a été depuis 2003 quasi de façon ininterrompue en taule pour toutes sortes de délits. Apparemment, il s'agit d'un criminel de droit commun, bien que selon le procureur fédéral la piste du terrorisme ne soit pas à exclure. Il est vrai, que selon un témoin, ses dernières paroles furent "Allahou akbar" (Dieu est le plus grand, en arabe), qu'il est fort possible qu'il se soit radicalisé pendant son séjour (prolongé) à la prison de Lantin, en Wallonie, et que la Sécurité de l'État l'avait fiché comme "radical". À ne pas confondre, néanmoins, avec son homonyme, le virtuose néerlandais du saxophone.

Ce livre se présente comme une compilation de textes variés de Camus relatifs au terrorisme, sélectionnés et introduits par Jacqueline Levi-Valensi (1932-2004), ex-présidente de la Société des Études Camusiennes et auteure de nombreuses études sur l'oeuvre camusienne, tels "La chute d'Albert Camus", "La peste d'Albert Camus" et "Albert Camus ou La naissance d'un romancier (1930-1942)". Antoine Garapon (°1952), auteur de "Démocraties sous stress - Les défis du terrorisme global" et "Bien juger" et Denis Salas, magistrat et auteur de "Albert Camus. La juste révolte" les ont commentés.

Comme il s'avère évidemment exclu de résumer cet ouvrage, il appartient à chaque lectrice et lecteur de choisir les passages ou aspects de cette vaste question qui les intéresse tout particulièrement. L'embarras du choix comporte évidemment un élément d'arbitraire. Mon approche s'inscrit fatalement dans cette logique.

Ce qui m'a frappé, personnellement, c'est le titre de l'ouvrage : réflexions sur le terrorisme, or la terreur "justement n'est pas un climat favorable à la réflexion", comme le notent les auteurs. La terreur le plus souvent trouve son origine dans des idées absolues, loin du dialogue constructif, entraînant une riposte aussi violente, tandis que lel but devrait être de faire cesser - comme Camus l'a si bien formulé - "les noces sanglantes du terrorisme et de la répression".

Camus ne s'est jamais considéré comme un philosophe, mais a estimé qu'il incombait à un écrivain de défendre la vérité et la liberté, comme il a déclaré à Stockholm en 1957 en recevant son Prix Nobel. Tout au long de sa carrière, il ne s'y est jamais dérobé. Au contraire, il a multiplié ses appels et initiatives pour arrêter terreur et violence. Il était assez réaliste pour savoir que "la non-violence serait souhaitable, mais totalement irréaliste". Toutefois, il est conséquent et ferme lorsqu'il affirme qu'il faut "refuser toute légitimation de la violence".

Les auteurs pointent, sur la base des nombreux écrits de Camus, articles de journaux, lettres, prises de position et ouvrages, comme notamment son "Le Mythe de Sisyphe" de 1942 et son très important "L'homme révolté" de 9 ans plus tard, l'évolution de la pensée de l'auteur au sujet de la terreur, le terrorisme et la violence. C'est logique qu'il y ait eu une évolution dans sa pensée, alimentée par le contexte environnant (2e guerre mondiale, les déboires du stalinisme, la guerre d'Algérie, etc.) mais ce qui est absolument impressionnant, à mon avis du moins, c'est que son attitude fondamentale n'a pas fluctué. du peaufinage certes, mais une attitude plein de bon sens et d'une clairvoyance exceptionnelle, qui, en substance, n'a souffert aucune modification notoire : la violence doit être exceptionnelle et limitée (entre autres dans le temps).

Ces 3 spécialistes camusiens ont mis en exergue les différences dans la pensée de Camus, une entreprise méritoire, mais qui n'empêche nullement que le plus remarquable chez cet auteur est son esprit de suite dans les idées, conformes à ses principes de base et convictions profondes. C'est exactement là que se situe toute la grandeur de ce penseur profond et original, que pour cette raison et sa foncière honnêteté, je n'ai aucune hésitation à qualifier de "génie".
Comparé à Jean-Paul Sartre, un virtuose de la parole, mais où très souvent la logique fait défaut dans ses théories et qui était imbu de lui-même, c'est la simplicité, la clarté et la consistance de ses conceptions qui le distinguent de son compatriote et contemporain.

Jacqueline Levi-Valensi, Antoine Garapon et Denis Salas ont mille fois raison lorsqu'ils prônent qu'il convient de lire et relire l'oeuvre d'Albert Camus. Je suis personnellement persuadé qu'il n'y ait pas de meilleur guide que lui, lorsque l'on a des doutes sur la meilleure manière d'interpréter la violence et la riposte qui se manifestent dans le monde d'aujourd'hui, que cet homme décédé trop tôt, il y a plus d'un demi-siècle, âgé seulement de 46 ans. Ce livre restera sur ma table de chevet, prêt à être consulté en cas de doute sur l'actualité !

Et pour conclure, je note que les Rencontres Méditerranéennes ont programmé, actualité oblige, 2 événements mettant en relief la position de Camus face à la violence. Pour plus de précisions, je vous invite à consulter le site de cette association : http://www.rencontres-camus.com/ Journées de Lourmarin 2018 - 5 & 6 octobre : "De l'ombre vers le soleil, Albert Camus face à la violence" ; Exposition d'été : Albert Camus : Violences du monde, 10 juillet-19 août (Bibliothèque de Lourmarin).
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Difficile de commenter cette lecture composée de textes différents (articles de journaux, éditoriaux, extraits de romans, lettre personnelle, préface.. , Il faut juste lire et relire ces textes d'une brûlante actualité, ils nous livrent l'essentiel de la lucidité exacerbée de Camus sur le terrorisme, sans illusion, mais sans désespérance .
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Camus, lettre à Jean Sénac
(...) Je vous rappelle votre note : « Celui qui écrit ne sera jamais à la hauteur de ceux qui meurent, déclarait naguère Camus, à une époque où il ne reniait pas encore l’injustice des Justes. » Ce « pas encore » est de trop. Le sujet des Justes est précisément celui qui nous occupe aujourd’hui et je pense toujours ce que je pensais alors. Le héros des Justes refuse de lancer sa bombe lorsqu’il voit qu’en plus du grand-duc qu’il a accepté d’abattre, il risque de tuer deux enfants. Ce refus, cette certitude passionnée qu’il y a dans le meurtre et dans l’injustice une limite à ne pas dépasser, je les ai donnés en exemple, dans ma pièce et dans L’Homme révolté parce qu’ils sont les seuls selon moi à garder à la révolte sa vérité et sa grandeur. Ma position n’a pas varié sur ce point, et si je peux comprendre et admirer le combattant d’une libération, je n’ai que du dégoût devant le tueur de femmes et d’enfants
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Je sais que les grandes tragédies de l’histoire fascinent souvent les hommes par leurs visages horribles ; Ils restent alors immobiles devant elles sans pouvoir se décider à rien, qu’à attendre. Ils attendent, et la Gorgone un jour les dévore. Je voudrais, au contraire, vous faire partager ma conviction que cet enchantement peut être rompu, que cette impuissance est une illusion, que la force du cœur, l’intelligence, le courage, suffisent pour faire échec au destin et le renverser parfois. Il faut seulement vouloir, non pas aveuglément, mais d’une volonté ferme et réfléchie (…) La tâche des hommes de culture et de foi n’est, en tout cas, ni de déserter les luttes historiques, ni de servir ce qu’elles ont de cruel et d’inhumain. Elle est de s’y maintenir, d’y aider l’homme contre ce qui l’opprime, de favoriser sa liberté contre les fatalités qui le cernent. (Appel pour une trêve civile en Algérie)
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Vidéo de Albert Camus
Rencontre avec Denis Salas autour de le déni du viol. Essai de justice narrative paru aux éditions Michalon.
-- avec l'Université Toulouse Capitole


Denis Salas, ancien juge, enseigne à l'École nationale de la magistrature et dirige la revue Les Cahiers de la Justice. Il préside l'Association française pour l'histoire de la justice. Il a publié aux éditions Michalon Albert Camus. La justice révolte, Kafka. le combat avec la loi et, avec Antoine Garapon, Imaginer la loi. le droit dans la littérature.


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02/02/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER
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