Y a-t-il une vie après la mort ? On n'en sait rien, mais ce n'est pas une raison pour ne pas écrire dessus. Comme d'autres avant lui, Eric Chevillard relève le défi avec la mort d'Albert Moindre, homme quelconque qui se voit propulsé dans ce qui ressemble au purgatoire après avoir été percuté par une fourgonnette de livraison.
Débarrassé de la sensation, du mouvement et du poids de la gravité, Albert n'a pas pour autant abandonné son moi intérieur, ce qu'on appelle l'esprit. Il observe, regarde ce qui s'offre à lui. Serait-ce l'occasion d'accéder aux vérités essentielles et aux mystères les plus impénétrables de la condition humaine ? Pas vraiment. Là où d'autres auteurs engageraient leur héros dans une série d'événements ou de questionnement métaphysiques de nature à guider sa conscience vers une paix de l'âme, E. Chevillard adopte une position différente.
Sous des abords méditatifs, ce roman ne raconte en fin de compte rien de plus que ce qu'il montre. Il y a bien en permanence une introspection immédiate du fait de sa condition nouvelle, l'idée d'atteindre le sens de sa propre vie pour qui sait l'entrevoir. Mais avec une plume tonique, l'auteur préfère déconstruire la dimension spirituelle ou métaphysique au profit d'une lecture légère et superficielle. C'est drôle, distractif le temps d'un voyage en train.
C'est en fait le genre de roman dont on ne sait pas quoi dire, ça se lit sans surprise, ni déplaisir non plus.
A force de se cogner aux limites du roman, Eric Chevillard s'aventure dans l'au-delà.
Albert Moindre, personnage conformiste, banal sans doute, velléitaire peut-être, ingénieur de maintenance des ponts transbordeurs depuis vingt-cinq ans et poète à ses heures perdues, est mort percuté et «dénoyauté» sur la chaussée par une camionnette de livraison de l'entreprise «Olives & dattes».
«La mort nous offre au moins cette satisfaction d'achever quelque chose, se dit Albert. Même les moins entreprenants, les hésitants, les nonchalants, les apathiques, les velléitaires ont suffisamment de suite dans les idées pour arriver jusque-là.»
Il se retrouve, mort mais néanmoins conscient et terriblement perplexe, dans une salle d'attente incongrue qui a tout du hall d'une gare de province ou d'un modeste cabinet médical. Conduit au bureau des élucidations, poste d'observation panoptique des vies humaines, rien ne lui sera épargné des détails de sa vie sur terre, dans une énumération hilarante où les événements vécus, les occasions manquées, les épisodes cruciaux ou anodins de sa vie se succèdent, déferlante de micro-récits d'une précision maniaque que rien ne semble pouvoir endiguer.
«-Jamais un ragot, tout est vérifié. Tu t'es promené toute la matinée du 2 avril 2007 avec une miette de croissant collée à ton pantalon. Neuf personnes l'ont remarquée. Elle est tombée comme tu traversais la place Wilson. Deux pigeons se la sont disputée. Une fourmi a emporté le dernier morceau. Ton ami Franck Surger, en diverses occasions, a affirmé dans ton dos que tu étais 1) un pleutre, 2) un faux frère, 3) un naze, 4) un prétentieux, 5) un vrai connard, 6) un frustré. Mais il éprouvait vraiment de la sympathie pour toi. Il a dit aussi un jour que tu étais 7) un brave type dans le fond. Repoussant, mal habillé, érotico-angoissant, ce sont là les mots de Juliette Escolier.»
Personnage éthéré, qui tente par moments de tester les limites de sa condition, en esquissant quelques mouvements, à l'insu de son créateur pense-t-il, Albert Moindre peut ensuite à son tour observer tous les événements de la terre tel un être omniscient : une musaraigne blottie au fond d'une anfractuosité au Macchu Picchu, sa fille Sidonie musardant aux puces de Saint-Ouen, une cigogne sans pattes, une otarie poreuse, un innocent qui creuse un tunnel pour se glisser dans la prison … À nouveau le texte ivre s'emballe, avalanche de paysages, caravane des animaux, actions et trahisons du moindre être humain, et puis déraille, nous faisant rire et douter de tout.
L'auteur tord le nez à son histoire, à son personnages et au langage, dans cette nouvelle et brillante tentative d'épuisement du roman, et réincarne le roman mort dans un corps à nouveau fringant, profond et ludique. Éric Chevillard nous prouve que le paradis existe, il est contenu dans ses livres.
Bof bof et re-bof. Un libraire me l'avait présenté comme L'Auteur français du moment. Je suis restée sur ma faim.
J'ai trouvé cet heureusement bref roman anecdotique, -l'auteur place son héros dans le purgatoire après qu'il ait été victime d'un accident de la route-. Mais l'histoire ne dépasse pas le fait divers et reste dans les détails secondaires. La sauce n'a pas pris en ce qui me concerne.
Qui ne s'est jamais demandé ce qui se passait une fois qu'on venait de mourir ? Éric Chevillard propose de nous le raconter à travers le personnage d'Albert Moindre. Il vient de succomber d'un accident de voiture et s'étonne d'avoir encore une conscience dans l'au-delà… Il se met à raconter ce qu'il voit et ce qu'il « vit »….
Une fois le livre refermé, un sentiment mitigé m'habite. Je suis déçue, je m'attendais à une fin différente (promis je ne vais rien spoiler), à une vraie plongée dans un « ailleurs ». Mais hélas, ma soif d'imagination est restée inassouvie. Je n'ai pas été assez embarquée dans l'histoire de l'auteur, même si au début c'est assez tentant et l'oeil est relativement neuf. Mais de fil en aiguille, c'est trop… comment dire… plat.
Malgré tout quelques surprises, un récit éloigné des clichés (paradis = anges blancs ; enfer = flammes avec des diablotins cornus à queue) qui tente de nous montrer qu'on existe dans l'au-delà débarrassé de son enveloppe charnelle (pour ne citer que ça). Des moments drôles, un style assez soutenu mais il a manqué l'étincelle.
Difficile d'être plus prolixe sur ce livre dans dévoiler l'intrigue et ses ficelles.
Lisez-le ! Après tout, tout le monde est concerné par la mort alors autant essayer d'imaginer ce qui pourrait advenir après le trépas !
Jamais peut-être l'expression «à mourir de rire» n'a mieux convenu que pour ce roman délicieux même s'il ne tient pas forcément ses promesses. Car en refermant le livre, on continue à ses perdre en conjectures sur « comment furent créés le monde, la vie, comment tout cela prendra-t-il fin, quelle est la fonction du Mal… »
En revanche, je peux vous promettre que vous passerez un très agréable moment à lire les réflexions post-mortem d'Albert Moindre, spécialiste des ponts transbordeurs (autre espèce en voie de disparition).
Il vous sera par la même occasion donné de réfléchir sur des notions telles que l'intuition, le destin (c'était écrit), le libre arbitre, voire même sur la vie après la mort. Autrement dit, derrière cette joyeuse fantaisie, on finit par toucher ces choses essentielles qui font de l'homme un roseau pensant.
Mais avant cela, il aura bien fallu comprendre par quel concours de circonstances on est passé de vie à trépas et en quoi consiste cette «nouvelle vie». Quiproquo, voire incompréhensions ne sont alors pas inhabituelles, surtout lorsqu'on ne trouve pas d'interlocuteur capable d'apporter les bonnes réponses aux questions légitimes qui se posent : « Albert ne s'attendait pas à toute cette bureaucratie. On se croirait au dernier étage du gratte-ciel, dans les locaux vitrés d'une administration tatillonne. »
Voilà qui change des représentations du paradis laissées par les écrits religieux ou par des peintres ne manquant pas d'imagination. Même si le narrateur se demande si en fait, nous aimerions vraiment passer l'éternité dans des « vallons herbus, entouré d'oiseaux blancs, d'agnelets et de buissons fleuris. »
N'oublions pas l'aspect inéluctable d'un décès. du moins, c'est ce que l'on peut penser avant d'atteindre la page 140. Là, suivant le point de vue, les choses se compliquent ou s'éclaircissent. On y apprend que notre héros est en fait déjà mort plusieurs fois, mais que son caractère et son savoir-faire allaient devoir encore servir.
« Rien ne sera jamais définitif tant que nous n'aurons pas aboli la dimension temporelle dans laquelle s'inscrivent toutes ces histoires. » Comme dans le meilleur des romans de H.G. Wells, « on » a choisi de remonter le temps avant la morsure de vipère fatale, voire même avant la cérémonie des obsèques.
Du coup, l'histoire n'est plus la même. Ni pour Albert, ni pour ses proches, ni pour Miss Colorado 1931, ni même pour le lecteur. Qui peut ainsi continuer à se régaler de ce roman tout simplement vertigineux !
![]() | Bibliobs 29 avril 2015
Avec un art brillant et urticant où il excelle, une désinvolture qui est le meilleur accès au séjour des âmes, et des informations de première main, Eric Chevillard (...) décrit la vie quotidienne des trépassés.
Lire la critique sur le site : Bibliobs |
![]() | Liberation 09 mars 2015
Vous l’apprendrez, comme tout le reste, en lisant Juste ciel et, comme son personnage, vous ne serez pas déçu du voyage.
Lire la critique sur le site : Liberation |
Orgueil et ..., de Jane Austen ?