Morts pour Vichy : Pétain, Darlan, Pucheu, LavalAlain Decaux
Morts pour Vichy/
Alain Decaux
C'est à une période sombre de l'histoire, celle du régime de Vichy, que fait référence cet ouvrage très complet, passionnant et admirable d'
Alain Decaux, en évoquant des personnages politiques ou militaires aux actions souvent troubles, antirépublicaines et criminelles.
A l'opposé, on découvre des figures héroïques comme celle du colonel Sylvestre van Hecke qui à la suite de la capitulation et de l'armistice signée par Pétain en 1940 estime qu'il faut réagir et reprendre la guerre contre l'Allemagne. Ou encore des personnages charismatiques tels que Henri d'Astier de la Vigerie, qui crée le premier réseau de résistance dans l'Oranais en Algérie. Au total ils seront cinq au départ de ce réseau qui va préparer le débarquement allié en Afrique du Nord : aux deux cités viendront se joindre Lemaigre –Dubreuil, Rigault et Saint-Hardouin.
L'homme qu'ils haïssent plus que tout : l'amiral Darlan, ministre de la Marine de Pétain puis chef du gouvernement de Vichy qui collabore avec l'Allemagne nazie. Remplacé au gouvernement par Laval en 1942, il reste chef d'état-major de Pétain avant de se rallier avec réticence fin 1942 aux forces alliées débarquées en Afrique du Nord. Un mois plus tard, il sera assassiné par Fernand Bonnier de la Chapelle. C'est la naissance de la conjuration aboutissant à l'assassinat que retrace la première partie de cet ouvrage.
La fin de Darlan laissera la place très brièvement au général Giraud comme régent sur Alger, avant que le général
De Gaulle ne l'évince au nom de la France libre.
Le second personnage dont il est question ensuite est
Pierre Pucheu. Il fut ministre de l'intérieur du gouvernement Darlan, démissionna en 1942 à l'arrivée de Laval, puis voulut rejoindre l'armée de libération.
C'est sous l'impulsion de Pucheu qui considère comme inéluctable la victoire allemande qu'en 1941 la France se lance dans la fabrication de matériel de guerre pour l'Allemagne. Pucheu est persuadé que toute l'Europe va tomber sous la botte de l'Allemagne et il veut ainsi que la France, en collaborant, trouve la meilleure place.
Pucheu par ailleurs se lance dans la chasse aux communistes et aux anarchistes qui grossissent souvent les rangs de la Résistance et fait promulguer une loi avec effet rétroactif qui les considère comme des traitres à la France. Pour ce faire, il va créer les « Brigades spéciales » qui s'avèrent être d'une efficacité redoutable, puis le Service d'Ordre Légionnaire (SOL) dont naîtra la terrible Milice. Des milliers de communistes, de républicains espagnols, de juifs étrangers sont ainsi internés dans des camps dont celui du Vernet, tristement célèbre.
Des milliers de captifs seront ainsi livrés aux Allemands pour être exécutés en représailles des attentats commis par la Résistance.
Par la suite voyant le vent tourner fin 1942, Pucheu parie sur la victoire alliée et souhaite rejoindre les troupes combattantes avec l'appui du
Général Giraud qui acceptera puis le fera mettre discrètement en résidence surveillée.
Il sera finalement capturé au Maroc et emprisonné à Meknès.
Après le procès, il est condamné à mort le 11 mars
1944.
Le Général de Gaulle alors chef de la France Libre, au nom de la raison d'État refusera son recours en grâce.
Il sera fusillé au polygone d'Alger le 20 mars
1944.
Le cas du troisième personnage, le Maréchal
Philippe Pétain, est beaucoup plus complexe. On pourrait comprendre à la limite, contrairement au Général de Gaulle pour qui la signature de l'armistice de 1940 était la plus grosse faute, qu'il ait voulu abréger la déroute de l'armée française en 1940 en signant cet armistice avec le IIIé Reich. Mais on ne peut pardonner qu'il se soit entouré d'hommes tel de Darlan, Laval ou Pecheu. Lesquels ont commis des actes allant à l'encontre du patriotisme le plus élémentaire et du respect de l'être humain. Les rafles, les déportations massives, les arrestations arbitraires, les exécutions sommaires de tout ceux qui ne collaboraient pas avec l'Allemagne sont à mettre au compte de Pucheu et Laval, couverts par Pétain.
Chef du gouvernement dès mai 1940 suite à l'invasion allemande en remplacement de Paul Reynaud il signe l'armistice le 22 juin. Pendant les quatre années de l'Occupation, installé à Vichy, il collabore avec les nazis en abolissant les institutions républicaines.
Au moment de la Libération de Paris, il est emmené de force en Allemagne tandis que les Alliés poursuivent leur offensive vers l'est. le Reich partant en déliquescence, Pétain est conduit en Suisse d'où il demandera son retour en France ce qui sera chose faire en avril 1945.
De Gaulle aurait souhaité que le Maréchal demeurât en Suisse pour n'avoir point à l'emprisonner et le juger. Il avait encore en mémoire les hauts faits d'armes de Verdun qui avaient apporté la gloire à Pétain.
Né en 1856, Pétain a alors 89 ans.
Il sera finalement jugé et condamné à mort pour haute trahison. Sa peine sera commuée en détention à l ‘île d'Yeu où il mourra en 1951.
Vient enfin le cas de
Pierre Laval. Plusieurs fois président du conseil sous la Troisième République, il deviendra très vite le bras droit de Pétain, véritable maître d'oeuvre de la politique de collaboration avec les nazis. En août
1944, il est emmené en Allemagne comme Pétain alors que les Alliés avancent vers Paris. Il finira par fuir en Espagne à Barcelone, puis en Autriche où il sera arrêté et emmené en France. le procès mouvementé qui s'en suivra se conclura par un verdict de mort. La sentence sera exécutée quelques jours après, le 15 octobre 1945 après une tentative de suicide au cyanure quelques minutes avant de quitter la cellule.
Alain Decaux dans cet ouvrage fait véritablement oeuvre d'historien et son souci du détail qui compte ainsi que la multitude de témoignages auxquels il a fait appel apportent un nouvel éclairage sur cette période longtemps passée sous silence comme taboue.
Un ouvrage de référence.