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EAN : 9782070344765
128 pages
Gallimard (07/06/2007)
3.11/5   76 notes
Résumé :
Toute une foule, vue de dos ou de profil, assistant à un spectacle invisible.
Au loin, la mer. Une facture surprenante. Des personnages saisis dans des attitudes familières au cours d'une scène publique. Mais le vrai secret, c'était le personnage grimpé sur un tabouret et qui tient à la main une longue badine, ou une espèce de perche, dont l'extrémité atteint le centre de la scène. Quel sens donner à son geste ?
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N°953– Août 2015

LA BULLE DE TIEPOLOPhilippe Delerm – Gallimard.

Au départ, il y a une visite d'Antoine Stalin, critique d'art, chez un brocanteur parisien et un tableau d'un peintre inconnu qui lui évoque le style d'Edouard Vuillard qu'il est en train d'étudier. L'oeuvre lui échappe cependant au profit d'Ornella Malese, une jeune romancière italienne promise au succès pour un petit roman « Granité café » dont l'action(ou l'inaction) se passe à Venise et qui chante les plaisirs simples de la vie. La romancière a acheté ce tableau parce qu'il est signé par son grand-père, Sandro Rossini, un homme environné de mystères et de tabous. Dans sa famille puritaine on ne parle pas à de lui à cause d'une improbable aventure féminine de ce dernier dont cependant l'histoire personnelle s'est mêlée à celle de la dictature de Mussolini. Ces deux personnages que tout oppose et qui ne se connaissaient pas auparavant vont cependant faire un bout de chemin ensemble. Lui vient de perdre sa femme et sa fille et elle va connaître, un peu malgré elle, le succès grâce à son livre. Ils se rencontrent autour de ce premier tableau. Pour autant, ils vont se retrouver ensemble à Venise où Antoine doit étudier une fresque de Giadomenico Tiepolo, moins connu que son père Giambattista, « Il mondo Nuovo » (Le nouveau monde), conservée dans une villa palladienne. Ce tableau s'avère un mystère puisqu'il représente des personnages de dos, en train de regarder une scène que nous ne voyons pas mais dont un homme désigne quelque chose au moyen d'une longue baguette qui se termine par une sorte de bulle (là non plus on n'est sûr de rien d'autant que Delerm se demande s'il ne s'agit pas là d'une imperfection, une altération de l'enduis, une tache ou une éraflure). L'auteur décrit ce tableau en s'interrogeant sur le sens du geste du personnage à la baguette. Or ce tableau en évoque deux autres à peu près semblables, conservés dans un musée parisien et dans une villa italienne, mais aucun des deux ne présente cette fameuse bulle. Y a-t-il une symbolique forte de cette bulle qui isole Antoine et Ornella de cette vie faite de deuils pour lui et de succès pour elle ? Ces deux situations sont fragilisantes puisqu'elles affectent leurs deux solitudes nées d'un vide. Ce sont là deux formes d'événements extraordinaires qui interviennent dans leur vie et qui l'affaiblissent, soit dans le malheur pour lui soit dans une forme de bonheur née de la consécration longtemps attendue pour elle. Antoine se coupe du monde à cause de son deuil que son travail exorcise et Ornella se recroqueville sur ses livres qui évoquent son enfance, deux façons de se couper du monde extérieur, de s'abstraire du temps qui passe... Ornella se considère comme l'héritière d'une volonté de « vivre dans la création... vivre pour la création ». Sous son couvert, Delerm évoque l'écriture mais aussi le monde impitoyable de l'édition qui rejette d'emblée un auteur inconnu, ce même monde qui, la notoriété venue, lui fera la cour. C'est sans doute une réflexion sur l'écriture, sur le succès, sur la notoriété, sur le silence des médias à la sortie d'un livre, période difficile à vivre pour un auteur qui a mis beaucoup de lui même dans son livre qui est avant tout un univers douloureux. Il n'oublie pas non plus de placer la jeune femme dans son milieu professionnel (elle est enseignante dans un collège à Ferrare) où la notoriété soudaine lui fait prendre une importance que ses collègues de travail ne lui accordaient auparavant.

Certes, il y a cette déambulation dans Venise à laquelle nous convie l'auteur et c'est toujours un plaisir de visiter la Sérénissime d'autant plus qu'il évoque des lieux labyrinthiques désertés par les touristes. Il y a ces instants de farniente, ces visions de la cité des Doges au quotidien, « vaporetti », « traghetti », ces conversations chantantes et insaisissables des Vénitiens, ces couleurs et ces bruits d'eau sur les canaux, cette lumière sur les églises et les palais... Ce court roman se déroule en Italie et à Venise, écrin de l'enfance d'Ornella. Il y a une histoire d'amour, incontournable dans ce contexte, entre Antoine et Ornella mais cette passade, qui n'est pas vraiment passionnée, est présentée comme un échec au temps avec une évocation de Marcel Proust, forcément (« C'est le temps qui nous tue et quand on fait l'amour on arrive à le tuer à son tour ».  « Le personnage principal des romans, c'est toujours le temps, et le temps de l'amour physique n'existe pas ») ). C'est un peu un passage obligé dans ces deux vies déboussolées, quelque chose qui ressemble à une sorte d'amitié naissante, libre et complice à la fois, un lien fragile en tout cas. Dans cette bulle, les souvenirs vénitiens se conserveront mais chacun vivra sa vie sans l'autre. C'est une réflexion sur la peinture, quelque chose de culturel ou peut-être du sens de la vie, sur la fuite du temps qui nous affecte tous mais qui pèse surtout sur la notoriété des artistes, les consacrant ou les oubliant. En fait tout est lié dans cette rencontre hasardeuse entre Antoine et Ornella, depuis l'univers de Vuillard jusqu'à la lecture de « Granité Café » , en n'oubliant pas le destin de Sandro Rossini et cette étrange histoire de bulle dans le tableau de Tiepolo. Delerm s'interroge sur les motivations de la création « l'équilibre entre le pouvoir et une insuffisance » et cette volonté de fixer l'instant est peut-être pour le créateur la marque d'une impossibilité à le vivre.
.
Tout cela m'a paru un peu confus et je ne suis même pas sûr d'avoir compris la véritable motivation de l'auteur tant les thèmes sont nombreux, a moins bien sûr qu'il ne s'agisse d'une énième forme de solipsisme toujours un peu énervante chez les écrivains à succès (il y a sans doute des connotations précises et nombreuses entre le personnage d'Ornella et l'auteur lui-même. Il prête d'ailleurs à la jeune femme la volonté de dire le monde selon elle, un peu sans doute comme l'auteur lui-même). Il y a peut-être une volonté chez lui de régler des comptes personnels sur la manière dont a pu être reçue son écriture dans le passé, au début de sa carrière d'écrivain ou sur la nécessaire promotion de ses livres par l'auteur lui-même, d'émettre des craintes sur la pérennité de son oeuvre mais l'ensemble reste quand même fort bien écrit, poétique et c'est un plaisir de le lire.

Hervé GAUTIER – Août 2015 - http://hervegautier.e-monsite.com
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Un critique d'art, une jeune romancière, un tableau déniché dans une brocante, Paris, Venise, Vuillard, une fresque de Giandomenico Tiepolo, Ettorre Scola, Marcel Proust, du soleil, deux personnages qui ont du mal à communiquer, du silence, de la torpeur, une belle écriture tout en souplesse, et un lourd secret... pour un beau moment de lecture, reposante, sereine et mélancolique...
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Un tout petit livre pour le métro. J'avais déjà lu de cet auteur « Sundborn ou les jours de lumière » que j'avais bien aimé. Comme la bulle du titre, ce livre est léger, léger et il disparaitra de ma mémoire aussi vite qu'une bulle de savon. Pour autant, la lecture fut agréable mais réellement, il ne m'en reste quasi rien. A se demander si je l'ai vraiment lu, comme un des deux personnages se demande s'il y a bien une bulle sur la fresque qu'il admire dans un palais de Vicence près de Venise.
Dans ce livre, il est question d'un tableau d'un certain Rossini que se disputent Ornella, sa petite-fille, et Antoine. Ornella est autrice et a connu un immense succès avec un petit bouquin. Lui est critique d'art, spécialiste de Vuilliard. Ce tableau vendu sur un stand d'un marché aux puces à Paris, il regrette de ne pas l'avoir acheté. C'est elle qui l'a emportée avec elle à Venise. Une amitié vaguement amoureuse va les lier, elle le guidera vers une fresque de Giandomenico Tiepolo, dont la composition mystérieuse montre une foule de personnages de dos qui regardent quelque chose d'indéterminée en contrebas sur fond de mer et d'oriflammes.
Tout ceci ne présente guère d'intérêt en dehors de l'écriture délicieuse de Philippe Delerm.
Un fort agréable moment qui passe fugacement.
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Bien sur que Delerm se dédouble et ouvre large la porte à sa propre conception de l'écriture. Mais en même temps, il relève le défi qu'il met dans la bouche d'Ornella, son personnage féminin "Le personnage principal des romans, c'est toujours le temps" ; dans ce roman, le temps est omniprésent, temps ancien des souvenirs, temps de l'action, temps savouré, temps du passé et du mauvais oubli, temps enfui avec ses secrets.
Il faut prendre ce roman comme une ouverture sur Venise et la Vénétie, Vuillard et Tiepolo avec même une référence littéraire à Régis Debray.
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Un tableau, une rencontre, un amour...
Antoine, critique d'art et Ornella, romancière se rencontrent à une brocante.
Leur point commun : ils veulent le même tableau de Rossini.
Un voyage à Venise, une romance imprévue et la poésie de Philippe Delerm qui fait tout le charme de ce livre.
Cependant tout cela m'a un peu ennuyé.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Elle ne pouvait s'empêcher de penser que c'était l'accumulation de ces tensions, de ces réticences, de ces drames sous-entendus qui l'avaient conduite vers l'écriture d'abord, puis vers l'écriture de "Granité café", la création d'un monde encerclé dans le présent. Cette intensité des sensations qu'on reconnaissait à son livre était moins celle de son enfance que d'un pouvoir d'enfance recréé, libéré sous l'étreinte du passé. Le besoin sourd venait de loin. La paix conquise avait son poids de nostalgie.
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Celui qui veut garder les instants n’est-il pas toujours aussi celui qui ne sait pas les vivre ?
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(à propos de Vuillard)
Il savait seulement peindre, c’est-à-dire se détacher des choses au moment précis où on les fait exister.
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...le principe même de la promotion d'un livre. Aller vendre sa soupe. ... Ne plus écrire, mais devenir une espèce de commis voyageur de son écriture. Justifier un texte déjà ancien, au lieu de s'immerger dans un nouveau projet.
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Cerner les métaphores secètes d'une oeuvre, non pour l'expliquer, mais pour ouvrir des pistes de lecture, des rencontres possibles avec les questionnements les plus intimes des spectateurs, qu'on voit toujours de dos.
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« Ce n'est pas un éblouissement, pas une surprise. On est tout à coup dans cette lumière-là, comme si on l'avait toujours habitée. On vient de sortir du tunnel. le train n'a pas changé de cadence, il y a juste eu un petit crescendo dans la musique, moins un bruit de moteur qu'une tonalité nouvelle, offerte au vent. Une infime parenthèse entre deux talus, et d'un seul coup : le paysage. Montagne, lac ou forêt, château en ruine ou autoroute, on sait tout absorber, tout devenir. »
Comme on les chérit, ces instants suspendus dans nos vies. Passer le doigt sur une vitre embuée. La mouche de l'été dans la chaleur de la chambre. le jaillissement du paysage à la sortie du tunnel ferroviaire…
Philippe Delerm n'invente pas ces moments, il les réveille en nous. Il leur donne une dimension d'horizon infini. On ne savait pas qu'on abritait tous ces trésors, Delerm les met en écrin. Entre humour subtil et nostalgie, un recueil dans la droite ligne de ses grands succès, La Première Gorgée de bière, La Sieste assassinée ou Les Eaux troubles du mojito.
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