Fausse-Rivière est le deuxième tome de la saga Louisiane. Il s'étend de 1865 à 1892.
La guerre de Sécession s'est achevée par la reddition du Sud à Appomatox. Les Noirs doivent apprendre à être libres et les Blancs à être plus justes. L'émancipation porte sur quatre millions de personnes qui vont devoir se loger, se nourrir, se vêtir, se prendre en charge alors qu'elles n'y sont pas préparées. Il ne suffit pas de croire que parce que le Nord est abolitionniste, il va accueillir les Noirs à bras ouverts et partager ses ressources et le travail avec eux.
La Reconstruction est longue à venir.
A Bagatelle, la population noire est passée de quatre cents à cent personnes par intermittence, les champs de coton, ravagés par la guerre, sont réduits en raison de la pénurie de main-d'oeuvre mais aussi par le manque d'argent pour acheter machines, plants et graines.
A la Nouvelle-Orléans, occupée militairement, la vie mondaine a repris ses droits mais ce sont surtout les vainqueurs et les carpetbaggers, méprisants et avides, qui profitent des dépouilles du Sud. Car, pour subsister, beaucoup de Sudistes doivent vendre leurs biens, meubles et immeubles, quand ils n'ont pas été dévastés par les troupes de l'Union. Dès 1864, l'usage de l'anglais est rendu obligatoire dans les écoles, dans les administrations et dans les procédures judiciaires, ce qui laisse beaucoup de Français et d'Acadiens encore plus démunis.
Des Sudistes blancs, par intérêt politique et économique, ainsi que beaucoup d'affranchis, se plient aux lois des Républicains nordistes sans toutefois reconnaître des droits civiques aux Noirs. C'est ainsi que naquit le Ku-Klux-Klan de sinistre mémoire.
En avril 1877, New Orleans est libérée de l'occupation militaire suite aux élections remportées par les Démocrates. Une réforme agraire fut entreprise et commença par la redistribution des terres ("40 acres et une mule") mais elle fut rapidement abandonnée, les Noirs se révélant le plus souvent incapables de gérer leur nouveau territoire, d'échapper aux pillards et aux ségrégationnistes. Ils retournèrent souvent dans les plantations où des contrats de métairie leur étaient proposés.
Si le livre de
Maurice Denuzière est construit sur la réalité historique de la Louisiane, il n'en reste pas moins un roman à l'intrigue fort bien construite. Virginie Trégan, deux fois veuve et maîtresse du domaine cotonnier, voue un amour impossible, se muant en profonde amitié amoureuse réciproque, à Clarence Dandrige, le fidèle intendant du domaine au secret douloureux. Tout un petit monde de personnages croqués avec un sens très fin de l'observation et de la psychologie, gravite autour de Bagatelle, de Paris et de Londres.
Voilà une brique de 775 pages qui se lit avec délice et qui s'achève dans la tristesse de la disparition des deux acteurs principaux. La relève est assurée mais Bagatelle trouvera-t-elle un digne successeur à Virginie ?