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EAN : 9782072876226
256 pages
Gallimard (19/11/2020)
3.9/5   10 notes
Résumé :
Saint-Tropez l’hiver. Dans la mélancolie d’une villa inhabitée, Suzanna Andler hésite entre son mari et son amant. Transcendant les codes du théâtre de Boulevard, Marguerite Duras offre le portrait bouleversant d’une femme en quête d’une impossible émancipation. ' C’est une femme cachée, cachée derrière sa classe, cachée derrière sa fortune, derrière tout le convenu des sentiments et des idées reçues... Elle ne pense rien, Suzanna Andler. Mais j’ai essayé de la lâch... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Suzanna Andler, pièce publiée dans le même volume que Yes, peut-être et le Shaga (des pièces comiques que je n'ai pas lues) en 1968, a été très mal accueillie par la critique, ainsi qu'à sa création par Catherine Sellers - création sur la demande de Duras, notez bien -, et surtout complètement décriée par la même Marguerite Duras, qui avait eu le culot d'écrire un double article dans une revue dans laquelle elle disait "J'adore mon film Détruire dit-elle" et en parallèle "Je déteste ma pièce Suzanna Andler". Comme elle avait aussi déjà dit qu'elle réalisait ses films parce qu'elle était meilleure pour ça qu'Alain Resnais, on n'est plus vraiment à ça près, même si tout ça ressemble à une blague de très mauvais goût. Mais le fait est que, oui, Duras a osé. Ce qui est en soi-même risible, il faut bien l'avouer. Mais qui n'a guère fait rire Catherine Sellers et ses comédiens, et on les comprend...


Ça, c'était pour l'anecdote rigolote, mais venons-en au fait : est-ce que Suzanna Andler est une pièce aussi mauvaise que l'a dit Duras (mais seulement après la mise en scène de quelqu'un d'autre qu'elle-même, et non pas après la publication en livre), aussi creuse et dépourvue d'intérêt que l'ont dit certains critiques ? Eh ben non. Et, oui, je me permets de contredire et Duras, et la majorité des critiques de l'époque, car je ne vois pas pourquoi je devrais montrer plus d'humilité qu'eux tous, et que j'ai certainement la tête plus froide à cet instant précis.


Il est clair que les thèmes abordés dans Suzanna Andler étaient présents dans des œuvres antérieures de Duras et le furent dans d'autres œuvres ultérieures, mais ça, c'est une constante, non seulement chez Duras, mais aussi chez beaucoup d'auteurs (tenez, j'en prends un au hasard : Philip K. Dick). Ici, on a affaire à une femme de la haute bourgeoisie, parisienne, très riche, très oisive, qui trompe son mari depuis quelques mois, et qui est trompée - mais qui le sait très bien - depuis des années. Elle est à Saint-Tropez afin de louer une villa pour l'été, et en une journée, on la verra se révéler à elle-même.


Duras a prétendu avoir écrit un vaudeville, mais en réinventant les codes du vaudeville. Là aussi soyons clairs : ce n'est pas pas parce que Marguerite Duras, qui a toujours eu l'art d'embrouiller son monde avec ses explications brumeuses, a dit ça, qu'il faut le prendre au pied de la lettre, ou même le croire tout court. Les critiques se sont échinés à trouver un rapport qui tienne la route entre le genre du vaudeville et cette pièce. Tout ce qu'on peut en dire, c'est que, effectivement, il y a adultère(s) et mensonges tout au long de la pièce. Enfin, si je ne m'abuse, le vaudeville n'a pas le monopole des histoires de mensonges et de tromperies, y compris au théâtre, donc bon, voilà. Je tiens notamment à préciser qu'il n'y a absolument rien de léger ni de comique dans Suzanna Andler. C'est même tout le contraire.


S'il y a adultère de la part du personnage féminin principal, c'est que c'est sa façon se libérer du poids de l'amour qu'elle porte à son mari, du poids du mariage, du poids de sa classe sociale, qui l'emprisonnent. C'est là qu'on fera le lien avec Anne Desbaresdes de Moderato Cantabile, qui est l'histoire de la libération d'une femme, ou encore avec La Musica, où le couple divorcé pense que leur amour a capoté à cause des conventions sociales. Suzanna Andler se voit comme une femme enfermée dans le mariage, elle dit régulièrement qu'on ne la voit que comme une femme mariée, elle n'a pas l'air de vivre pour elle-même, voire de vivre tout court. D'où les allusions à une envie de suicide, à un fantasme de meurtre. Duras utilise les mêmes moyens que d'habitude : phrases inachevées, silences, décalages. La spécificité de cette pièce tient sans doute à ce que Suzanna Andler - on s'en rend compte très vite, mais encore mieux à partir de l'acte II - ment tout le temps, mais non pas pour masquer le fait qu'elle trompe son mari. Duras, dans une didascalie, parle de "mensonge formel" : l'idée est bien que Suzanna atteigne une certaine vérité (une vérité des sentiments, peut-être, en tout cas c'est ce que laisse entendre la fin) à travers ses mensonges.


On baigne donc bien dans une atmosphère à la fois langoureuse et un peu morbide, et je trouve que Duras a réussi à construire un personnage et une pièce qui atteignent le but assigné. Cependant, si je compare Suzanna Andler à Moderato Cantabile, ce dont je peux difficilement m'empêcher, je trouve que la pièce va moins loin que le roman ; l'aspect mortifère est par exemple moins pesant, ainsi que tout ce qui a trait à la brutalité du personnage masculin (c'est le côté un peu raté de la pièce, à mon sens) ou ce qui a trait à l'alcool. Donc, Moderato Cantabile et Suzanna Andler relevant d'un sujet presque semblable, je conseillerais pour ceux qui veulent choisir entre les deux, la lecture du roman.




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Publiée en mai 1968 dans le deuxième tome II du théâtre de l'auteur, la pièce est montée à Paris à la fin de l'année 1969, semble-t-il à la demande de Duras elle-même. Ce qui ne l'empêchera pas pas dire qu'elle détestait sa pièce, qu'elle qualifie de « gageure boulevardière » .

La pièce commence par la visite d'une villa à Saint-Tropez, que Suzanna Andler veut louer pour le moins d'août pour y venir avec sa famille. Mais elle est venue avec son amant, qu'elle a laissé à l'hôtel pour la visite. Son mari Jean est censé être à Paris, en réalité il est parti en week-end avec une de ses maîtresses. Il est infidèle depuis des années, elle le sait, et vient de prendre depuis quelques mois son premier amant, en partie incitée par Jean. Elle attend dans la villa un coup de fil de Jean, pour avoir son accord pour la location, Michel son amant la rejoint, et elle rencontre également une des anciennes maîtresses de Jean, Monique. Cela permet de faire l'état des lieux, des sentiments, des aspirations. Jean semble penser que la malédiction de leur union vient du mariage, que cette institution rend le véritable amour impossible. Suzanna joue avec l'idée de la mort, du suicide, elle ment en permanence à tous, et peut-être encore plus à elle-même. Michel annonce la fin prochaine de leur liaison, tout en arrivant pas à s'en arracher.

La détestation exprimée pour sa pièce par Duras semble exagérée : même si ce n'est sans doute sa plus grande oeuvre, c'est une pièce bien construite, complexe et sans aucun doute efficace. Les personnages se révèlent peu à peu, définissent les barreaux de leurs cages dorées. Suzanna, entre mensonges, jeu, se montre progressivement dans toute sa complexité. La violence du sentiment amoureux, sa quête sans fin, au-delà des convenances et normes, semble être le moteur qui pousse tous les personnages. Une ambiance morbide et languide s'installe, qui est plutôt prenante dans l'ensemble. Si Duras a vraiment été inspirée par le vaudeville, elle en tellement détourné les codes et la signification, que sans ses déclarations, peu de gens y auraient vu une source d'inspiration de sa pièce.
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On en a jamais fini avec Marguerite Duras. Éternellement. Elle traverse, revient, déplace, change l'angle. le couple. la femme; l'amant. la mer. le lieu. Une maison. Une heure. Une lumière précise. L'écriture est une marée. le même sable, le même ciel, la même femme, et tout est toujours bouleversé. Elle est précise, l'écriture de Duras. Dans l'image sur le silence, du regard sur l'absence. Théâtre, roman, cinéma, et puis cinéma, roman, théâtre. Un autre lieu, d'autres lumières, mais ce n'est jamais terminé avec Duras, jamais. Suzanna Andler c'est dèjà Vera Baxter. Il y a toujours une question d'origine chez Duras. La musique duras-sienne on l'a ou pas. Je ne discute même pas avec celles et ceux qui ne l'entendent pas. Duras c'est un poème universel et à la fois un dialogue très personnel. Et cette voix, quelque soit le lieu, quelque soit l'interprète, cette voix là ça ne s'oublie pas.
Je ne sais plus qui a écrit que la musique est la nostalgie d'un bonheur. Cette musique là non plus ne s'oublie pas.
Le bonheur de retrouver M.D. La curiosité de découvrir prochainement le prochain film de Benoît Jacquot.
Astrid Shriqui Garain
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C'est parce que Benoît Jacquot a adapté cette pièce en quatre actes de Marguerite Duras que j'ai souhaité la lire. Il faut dire qu'il a été son assistant et ce n'est pas rien. Je n'ai pas vu le film puisqu'il est malheureusement sorti dans très peu de salles et trop peu de temps.
En attendant de regarder le DVD, la lecture de "Suzanna Andler" s'impose d'autant plus que c'est un des rares textes de Duras que je n'ai pas lu.
J'y ai retrouvé l'histoire de Véra Baxter, version réécrite pour le cinéma, film qu'elle a tourné en 1976.
Dans une unité de lieux, la villa à louer pour les prochaines vacances, une femme retrouve son amant. Elle hésite à accepter cette location et attend l'appel téléphonique de son riche mari pour avoir son accord. Il la trompe depuis six ans alors qu'elle connait l'adultère pour la première fois.
Suzanna est dans la solitude du mariage, elle boit avec son amant pour cela. Pourtant, son amour pour Michel Cayre semble invivable, entre mensonge et vérité.
Cette pièce sur l'amour permet à Marguerite Duras de faire un très beau portrait de femme. Il y a des incontournables durassiens que j'apprécie comme sa façon de jouer avec les voix off, le bord de mer, l'été, l'amant, une villa à louer et un mari absent mais aussi sa référence aux Sorcières de Michelet.
Elle sait jouer avec les silences et j'ai préféré ce texte au scénario de Véra Baxter que j'ai trouvé plus ambigu. Alors, peu importe les critiques de Duras sur sa pièce, elle permet d'apprécier sa façon de bousculer les conventions théâtrales.


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Après avoir écouté une émission de radio sur l'adaptation de cette pièce par Benoit Jacquot et dont le film devrait sortir prochainement, j'ai eu envie de découvrir cette pièce de théâtre de Marguerite Duras.
Je n'ai pas l'habitude de lire des pièces de théâtre mais j'ai apprécié cette lecture et ai retrouvé entre les dialogues des différents personnages, les thèmes que j'aime retrouver dans les textes de Marguerite Duras.
Une femme recherche une villa pour son été au bord de la mer. Elle est sur la Côte, avec son amant, téléphone à son mari (à l'époque pas de portable). elle rencontre une amie.
A travers les différents dialogues, nous allons apprendre à connaître les sentiments de Suzanna Andler.
Marguerite Duras sous la trame d'un vaudeville va parler du mensonge, des jeux de rôle que ce soit dans la société ou dans le couple, dans la famille. Une douce musique dans ces dialogues entre les différents personnages.
La maison, cette villa d'été, qui semble perdu pendant l'hiver, une hibernation, une vie en suspens, avec des fenêtres qui plaquent.
Des références intéressantes comme celle de Michelet et des sorcières.


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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
SUZANNA : Quand j'étais jeune ils me demandaient tout de suite en mariage. (Temps.) Jean aussi.
Elle sourit.
MONIQUE, temps : Il dit que tu inspires des sentiments raisonnables. (Temps.) Au début. (Temps.) Et que ça change ensuite... tout à fait.
SUZANNA, hypocrite : Tiens.
MONIQUE : Je n'ai pas très bien compris ce qu'il a voulu dire ce jour-là. Il a dit que tu étais... attends... il a employé un grand mot... inconnaissable, oui, c'est ça... (temps) sauf par le désir.

Acte II
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Michel, très doux : Si je reste je te poserais des questions que je ne veux pas te poser. (Temps.) Tu ne poses pas de questions. Jamais. Je ne veux pas que cette différence s'installe. (Temps.) Je suis quelqu'un qui ne veut pas souffrir Suzanna.
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Je ne savais pas que ça pouvait être aussi effrayant de ne pas s'aimer.
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Michel, temps : On pourrait croire votre situation difficile, même... infernale. Mais on se trompe. Il te manquait un amant. C'est tout.
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