AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782490251681
160 pages
Editions du Canoë (04/10/2022)
4.12/5   4 notes
Résumé :
"La vie de Lucia Joyce, danseuse avant d’être considérée comme schizophrène, est étroitement liée à celle de son père, qui se refuse à considérer la maladie de sa fille. Tandis que Joyce termine ""Finnegans Wake"", avant de mourir en 1941 en Suisse, Lucia, elle, se fige à jamais dans ces chambres d’hôpitaux où elle demeurera jusqu’à sa mort. Écrit avec une simplicité, une intensité poignantes, ce très beau livre nous permet d’approcher le milieu intime d’un immense ... >Voir plus
Que lire après Lucia Joyce, folle fille de son pèreVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique

Une lecture est une porte ouvrant souvent certains chemins de divers horizons, qui s'éparpillent entre détours, contours, bifurcations, raccourcis et plus direct telle à lisière d'un précipice, une chute se perdant dans l'abime de la lecture, comme le récit d'Eugène Durif, Lucia Joyce, folle fille de son père, où je me suis noyé dans des recherches salvatrices sur l'ombre de la vie du célèbre écrivain Irlandais James Joyce, auteur d'Ulysse et Finnegans Wake, Samuel Beckett était son grand amour, Lucia, danseuse étoile sublime de l'opéra de Paris aura sa lumière, sous les mots de Carol Loeb Shloss, Lucia Joyce : The Poignant and Dramatic Story of Joyce's Only Daughter, ce roman biographique n'a toujours pas encore eu de traduction en France, par contre celle plus romancée d'Annabel Abbs dans sa biographie La fille de Joyce, l'est ! Je m'aventure dans cette magie littéraire d'Eugène Durif, Lucia Joyce danse de mots en mots sous sa plume poétique pour faire vivre son père à travers ce regard brillant, exaltant, fougueux et fou, ce roman résonne à la première personne, ce « je » catalysant l'appropriation du récit au lecteur, un écoulement communiant, nous liant à cette jeune femme héroïne oubliée, emprisonnée dans un asile psychiatrique pour Schizophrénie pendant plus de 45 ans de sa vie, abandonnée de tous, d'un père nobélisé et d'une carrière de danseuse étoile trop filante pour être oubliée.



Sous le prisme de Lucia Joyce, Eugène Durif nous emporte dans la vie de la famille de James Joyce, sous le regard affectueux de cette jeune fille aimant son père, à le vénérer au-delà de la raison, on découvre une Lucia Joyce d'une sensibilité attachante. L'ouvrage périlleux où s'aventure Eugène Durif est un exercice de style déstabilisant, cette vie cachée de la fille de James Joyce, oubliée pour beaucoup, ignorée pour d'autres, s'articule dans l'imaginaire dans son l'écriture, laissant vagabonder son esprit dans celui de Lucia qui se perd dans des méandres du sien, folle pour beaucoup, incomprise pour son père, des vagues successives se fracassent dans l'incompréhension de son entourage, dans l'agitation émotive d'une fille abandonnée par la grâce d'être reconnue comme une artiste, danseuse déchue par sa famille, amoureuse éconduite par Samuel Beckett, la chair à fleur de peau, Eugène Durif traverse cette agitation d'une grâce poétique et d'une émotion chorale.

De page en page, la folie s'agglomère de plus en plus dans le récit narratif de l'auteur, la pluralité des voix qui habitent la jeune Lucia dans la deuxième et troisième partie du livre, sont la chorale du refrain de la vie d'internement de Lucia, la psalmodie légère de cet emprisonnement chantonne des leitmotivs propres à une vie de recluse, sa pensée ricoche dans les murs de ces asiles, Eugène Durif caresse du bout des lèvres, ce murmure intérieur planant dans l'esprit de Lucia, la rédaction d'un livre sur son père est présent, comme cette mélodie, You're the cream in my coffee, cette chanson est l'ombre de Lucia pour son père, ce roman est une obsession pour Lucia, une promesse, un lien qui la lie avec James Joyce le romancier, l'auteur littéraire qui empoisonne tout son entourage, elle désire un roman ‘fait de toi, un roman pour toi », au titre protecteur « La vraie vie de James Joyce », « parlera que de toi », Lucia se meurt du succès de James Joyce, une jalousie se glisse dans sa chair, coupant dans sa jeunesse, les fils du téléphone, pour ne plus entendre les admirateurs de son papa, désirant avoir la primauté de cette gloire ! Son échec dans la danse, la lithographie pour les livres de son papa, Lucie s'enferme sur elle-même, son échappatoire de la danse la cloitre dans ce milieu familiale qui l'oppresse dans sa psychose, cette névrose d'un père écrivain qui attire toute la lumière sur lui, Lucia, cette petite fleur sensible désire être aimée, l'amour pour Samuel Beckett est une attraction vitale pour Lucia, sa chair désire éprouver l'amour d'un corps, le trouble physique et émotionnelle de cette jeune femme sont cette oeuvre d'art d'une architecture fragile et complexe, proche du vertige sensoriel de la folie.

Eugène Durif, à la fin de son roman, dans la note de l'auteur, donne les différentes références qui lui ont permis d'imaginer cette belle histoire de Lucia Joyce, où l'émotion nous emporte vers des chimères perdues, beaucoup sont anglophiles, comme celle de Brenda Maddox, Nora - La vérité sur les rapports de Nora et James Joyce traduite par Marianne Véron, celle-ci travailla aussi sur différents articles pour des revues littéraires spécialisées étasuniennes, sur Lucia, dont un intitulé « A Mania for Insects », publié pour le « Time Literary Supplement » en 2004, le titre est une référence au roman Finnegans Wake, du jeu mot entre « insect » et « incest », et du texte que j'ai cherché à lire consacré à Chaplin « Charlie et les gosses » de Lucia. La force de cette lecture est la curiosité qu'elle éveille, l'émotion légère qui vient en vous pour troubler l'instant, cette sensation de vouloir découvrir cette femme qui se perd dans les pages de ce livre, qui, enfermée pendant presque toute sa vie, fût un fantôme venant errer dans mes nuits, habitant mes rêves, mes pensées, ces instants chronophages sur internet pour connaitre cette femme oubliée.

Eugène Durif nous emporte dans les errements de sa folie poétique et de la vie de cette Lucia Joyce comme une tresse, entremêlant par l'écriture la folie émotive de Lucia, un roman sensible qui happe les émotions.
Commenter  J’apprécie          20
Voici un texte d'une éblouissante poéticité. Plaisir de lecture qui se conjugue sur divers modes : celui du redoublement, de la répétition, de la coïncidence ; débordement lyrique ; rire, parfois, grotesque, carnavalesque, rendant les créatures en présence à leur bouffonnerie, d'autres, à leur sainteté…
L'auteur, Eugène Durif, dont la moindre ligne évoque une perception frémissante et paradoxale du « réel », projette dans l'inouï une beauté ignée, l'esquive à jamais du sens. Ce miroir fêlé ne fabrique pas tant des leurres que des figures arrachées à leur environnement vampirique ; il cueille Lucia (« frêle fleur ») et nous invite à la voir comme pour la première fois. Lucia brûle vivante (« un feu dans sa tête »). Sa grâce, dès lors, est l'intériorisation de cet incendie, l'éclatant et douloureux palimpseste de ces archives brûlées. Durif cisèle la braise et la cendre ; l'ordalie est sa loi : la transmutation du matériau brut par la grâce d'écriture. Lucia ? Phénix, dévorée par le feu. « Danseuse de l'âme », eût dit Tsvétaïeva. Diablesse, aussi bien, renvoyée à sa boîte, davantage qu'à cet enfer où l'artiste peut trouver voie d'accès à l'éternité. En découle une écriture de l'ailleurs, toujours décentrée par rapport aux discours interprétatifs qui chercheraient à la circonscrire. Techniquement, la multiplication des récits opère à l'infini ce décentrement, donne au livre son unité profonde, sa tragédie. Écriture amoureuse, irisée, syncopale, aux confins du non-sens ; sans jouer la vérité de la fiction contre la rigueur biographique, elle obéit avant tout à l'esthétique du discontinu, du contraste, de l'oxymore, voisinant l'allégorie pour la réfuter. Roman proche de Joyce père, à cet égard : il brouille les voix qui le soutiennent et le colorent, en faveur d'une soyeuse apesanteur poétique. Mais assez ! Enclore ce texte enchanteur dans quelque grille d'analyse, c'est se voir frappé de cécité poétique.
Commenter  J’apprécie          20

Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Un jour, nous serons tous contraints d'aller déballer nos petits secrets honteux chez ces professionnels de l'âme, à nous faire regretter les confessionnaux… Les temps sont proches, l'inquisition avec ses bonnes vieilles méthodes, ce n'était pas grand-chose à côté ! De quoi avoir la nostalgie de ce cher vieux catholicisme, sa confession et ses secrets feutrés. Ah ! les bûchers de l'âme qu'ils nous préparent ces Diafoirus aux petits pieds, ces médicastres de l'égo et du nego, avec leurs injonctions sourdes à la bonne santé de l'esprit, le mental essoré comme il faut, je les vois venir de loin, eux et cet impératif catégorique auquel ils veulent nous soumettre tous.
Commenter  J’apprécie          00
Un jour, je raconterai tout ça ; maintenant je ne crie plus jamais, je ne suis plus dans la fureur, j'aimerais que tout me vienne en mots presque paisibles, ma main est restée prise dans celle de mon père, un jour à Trieste, Babbo serre fort ma main, je guiderai tes pas, je t'ai promis un jour j'écrirai un roman qui s'appellerait La vraie vie de James Joyce, je tiendrai ma promesse, il ne parlera que de toi, et ceux qui veulent savoir qui tu es vraiment devront le lire du début à la fin.
Commenter  J’apprécie          00
Le jeu en valait la chandelle : quel bel enfant cela donne ! 732 pages d'un texte intégral, 1 kilo 550, couverture d'un bleu grec très difficile à trouver... Un bel enfant dont on reconnaîtra pleinement un jour toutes les qualités...
Commenter  J’apprécie          13
J'ai toujours aimé cette musique heurtée de la langue, une musique qui n'est pas celle que peuvent entendre toutes les oreilles, tous ces gens sourds à ce qui ne leur est pas familier, à ce qui ne leur ressemble pas immédiatement…
Commenter  J’apprécie          10
Parfois, on peut se satisfaire de peu en qui concerne la communication entre les êtres. Et aller jusqu'à se dire que ce peu est encore de trop ! Décidément, en cette vallée de larmes, la parole est un fardeau dont on peut éviter totalement le poids, et l'envahissement sourd.
Commenter  J’apprécie          00

Videos de Eugène Durif (14) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Eugène Durif
Lecture de Muriel Pic : une création originale sur la lecture, les gestes et les traces de lecture. Muriel Pic nous confie un montage vidéo autour du texte qu'elle devait lire le 19 mai à la BIS. (Cette séance en public n'a pas pu avoir lieu en raison de la crise sanitaire liée à la pandémie de coronavirus.)
Le Livre en question est une série de créations littéraires originales inspirées par les collections de la BIS. Ce cycle est proposé par la Maison des écrivains et de la littérature (Mel) en partenariat avec la BIS. Quelques mois avant la restitution, l'auteur·trice est invité·e à choisir un élément dans les fonds de la BIS. Lors de la rencontre publique, « le livre en question » est dévoilé.
Saison 4 / 2020 : Linda Lê, Arno Bertina, Muriel Pic, Jean-Marie Gleize, Jean-Christophe Bailly. Chaque saison donne lieu à la publication d'un livre aux éditions de la Sorbonne "Des écrivains à la bibliothèque de la Sorbonne", saison 1 : Pierre Bergounioux, Marianne Alphant, Arlette Farge et Eugène Durif paru en septembre 2018. Saison 2 : Jacques Rebotier, Marie Cosnay, Claudine Galea et Fanny Taillandier, septembre 2019. Saison 3 Hubert Haddad, Line Amselem, Christian Prigent, Mona Ozouf, Laure Murat, septembre 2020.
+ Lire la suite
autres livres classés : roman biographiqueVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (10) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1710 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}