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EAN : 9782228907156
320 pages
Payot et Rivages (04/01/2012)
3.77/5   20 notes
Résumé :

Un texte majeur de Freud, inédit en « Quadrige », d'après la nouvelle traduction publiée dans le cadre des OCF-P (vol. XVI).

Qu’est-ce qu’une foule ? Pourquoi l’individu plongée dedans devient-il différent ? Comment ce changement se manifeste-t-il ? Qu’est-ce qu’un meneur ? Psychologie des foules et analyse du moi (1921) est un texte fondamental de Freud. Central d’un point de vue théorique (il est à l’origine, avec Au-delà du principe du ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Un des premiers types qui a voulu analyser la psychologie de la foule c'est Gustave le Bon, avec sa « Psychologie des foules », ça date de 1895. le père Freud lui succède peu de temps après avec un essai qui date de 1921. Autant dire que s'ils voyaient ce que sont devenues les foules aujourd'hui, ça les ferait flipper : il y a plus de monde au domac le samedi midi qu'il n'y avait d'habitant dans une ville de province moyenne au siècle dernier. Ça reste quand même intéressant.


Déjà, ces études montrent qu'un changement s'opère dans les mentalités. Pour qu'on prenne conscience de l'existence de l'individu, pas mal de paradigmes avaient dû être renversés. le monothéisme, en instaurant une relation personnelle entre le fidèle et son dieu le père, n'avait pas peu oeuvré pour opérer la distinction radicale qui sera à la base de l'individualisme. Avant, on se posait pas trop de questions paraît-il, on vivait dans la communauté, enfin, ça, c'est ce qu'on raconte. Avec la publication de ces deux essais spéculateurs de la foule, on matérialise le passage du phénomène communauté > individu > foule (regroupement d'individus). Un siècle plus tard, on pourrait ajouter un 4e terme, celui de masse, c'est-à-dire regroupement de non-individus. Mais c'est une autre histoire.


Ce bouquin s'inscrit à la suite de Totem et tabou. Ici, Freud nous fait entrer dans la vie des institutions, notamment à travers ces deux figures périmées que sont l'Eglise et l'Armée. Il fonde une psychologie sociale en prenant en compte les comportements réels et la réalité fantasmatique et en trouvant le lien qui les unit. Celui-ci passe forcément par autrui. Nous assistons donc à une mise en question de l'opposition entre psychologie individuelle et sociale qui passe par deux interrogations centrales : quelle est la nature de la foule ? et quel est son pouvoir d'influence sur l'individu ? C'est à comprendre les mécanismes de l'identification qu'on sera conviés.


Y a nécessité d'aimer son chef. Pas comme vous en avez l'habitude, non, mais de cet amour plein de mana, fascinant, qui prend la place de l'idéal du Moi. le chef crée le groupe en utilisant l'hypnose. Faisant croire qu'il aime tous les membres d'un amour égal (EGALITE !), il devient l'objet commun du groupe, placé par chacun à la place de son idéal du moi et permettant ensuite l'identification des membres les uns aux autres. Les groupes constitueraient ainsi des formations homosexuelles n'acceptant pas un amour qui tient compte de la différence des sexes, de la confrontation et de la possibilité de rupture. le groupe a également besoin de se constituer un idéal commun qui servira de prétexte pour faire de grandes teufs populaires. C'est l'axiome de base de la communauté. Ainsi donc, la formation collective découle de l'illusion produite par l'hypnose et fonctionne comme une névrose commune, tendant à détourner chacun de la réalisation de ses buts sexuels directs. C'est triste, dit comme ça, mais ça peut éviter bien des situations plus dramatiques comme on en retrouve, maintenant que la collectivité ne nous donne plus rien à aimer.


« Celui-là même qui ne regrette pas la disparition des illusions religieuses dans le monde civilisé moderne conviendra que tant que ces illusions étaient assez fortes, elles constituaient pour ceux qui vivaient sous leur domination la meilleure protection contre les névroses. Il n'est de même pas difficile de reconnaître dans toutes les adhésions à des sectes ou communautés mystico-religieuses ou philosophico-mystiques l'expression d'une recherche de remède indirect contre toutes sortes de névroses. »


Alors, quand on nous dit que Dieu est mort et qu'on va enfin pouvoir s'en payer une bonne tranche de liberté dans la société civile laïque, faut se demander quand même de quel pain moisi on nous donne à bouffer à la place –car il est sûr que la communauté tiendrait pas longtemps et sainement en place si nous n'étions pas tirés par une illusion commune. Mais peut-être, effectivement parce qu'il n'y a rien à la place, allons-nous exploser bientôt pour le plus grand bonheur de l'univers.


Prenons une autre petite phrase anodine : « Dans la vie psychique de l'individu pris isolément, l'Autre intervient très régulièrement en tant que modèle, objet, soutien et adversaire, et de ce fait la psychologie individuelle est aussi d'emblée et simultanément une psychologie sociale, en ce sens élargi, mais parfaitement justifié ».
Avec ça, Freud ruine les prétentions des caractérologues de foutre les individus dans des catégories. Il propose plutôt d'examiner les événements réels ou imaginaires qui ont développé le sujet dans son histoire personnelle. On se pose alors la question de savoir si un autre environnement aurait pu changer la conduite de l'individu. On peut concevoir la possibilité de maladies ou de types de comportements dérivés de l'état de la civilisation. Dis-moi de quelle maladie mentale tu souffres et je te dirai quelle société t'a façonné…


On voit donc que malgré le titre de cet essai, plutôt bon enfant, Freud nous a pondu là quelque chose de subversif pour son époque. Avec ça, il mine les rapports sociaux factices, il démystifie les idéologies et il rend au rapport sexuel sa charge dramatique originaire. Pour ce qui est des limites de l'ouvrage, on pourra évoquer la restriction de la définition de la foule aux grandes messes laïques, genre manifestations populaires, ce qui écarte du même coup le fonctionnement des foules de plus petites dimensions comme on les retrouve dans les entreprises par exemple. Freud ne parle pas trop non plus de la nécessité pour la foule de désigner un ennemi externe genre bouc-émissaire. En évoquant seulement le lien d'amour qui réunit les individus, Freud fait l'impasse sur la pulsion de mort qui sous-tend tragiquement le lien social. Sans doute avait-il envie de changer un peu de style littéraire après nous avoir causé du meurtre du père dans le Totem et tabou.


Lors de sa sortie, ce livre ne provoqua qu'un intérêt poli. On ne lui découvrit un réel intérêt qu'à partir des années 70 et de nombreux types intitulés psychosociologues trouvèrent à lui faire dire une quantité de choses affolantes sur notre époque et ses phénomènes incontrôlables. C'est'y pas bien la preuve que si on veut causer de foule, faut-il encore savoir lui donner le bon grain à l'heure où elle commence à avoir faim, et ne pas avoir l'outrecuidance de lui poser la gamelle alors que le précédent contenu stomacal n'est pas vidé ?
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Mollement convaincu par les explications antérieures sur la définition - vague -, la description du comportement - souvent péjorative -, et la motion de la foule - limitée au recours à la suggestion dont il rappelle que personne ne sait bien ce que c'est -, Freud entreprend de donner son point de vue. Et comme la suggestion - qui l'a mené à développer la psychanalyse à partir de l'observation des transferts - est un phénomène qu'il rapproche de l'amour, il en réexplique les principes différenciés avant de les appliquer à deux exemples de foules, qu'il choisit "permanentes", où les femmes auront donc (?) un rôle réduit : l'Église et l'armée.

A noter que les réserves éventuelles à désigner par le terme de "foule" la chrétienté - dont les membres ne sont pas réunis en un même endroit - et l'armée - dont on conviendra qu'elle se caractérise plutôt par l'ordre cohésif que par l'agitation incontrôlable - s'évanouissent si l'on reprend le texte original allemand, qui lui parle de manière plus pesante et moins située de "masse" (Massenpsychologie). Il n'est donc pas tout à fait certain d'emblée que la "folie révolutionnaire" que Lebon voyait peut-être dans ce qu'il qualifie de "foule" soit exactement l'expérience que Freud a faite du "groupe animé d'un même élan" auquel il s'intéresse (d'ailleurs le titre en allemand de l'essai de Lebon est "Psychologie der Massen" - comme quoi on change un mot et on ne parle plus de la même chose). Donc Lebon voulait parler des foules et Freud de la masse. Les deux points de vue pourraient se rejoindre dans le terme générique et plus neutre de "collectif". Néanmoins, la présente critique parlera de "masse" puisque c'est ce dont veut nous parler Freud.

Après moult tergiversations qui nous ont menés au mythe d'un chef primitif ultra autoritaire et avant lui d'une déesse mère qui a fait de son fils préféré un héros mythique, les explications sont que la "masse" réagit comme l'hypnotisé : l'idéal du moi est remplacé par l'objet du chef (Jésus-Christ ou commandant en chef), mais qu'en plus, les membres de la "masse" s'identifient entre eux, ce qui limite somme toute l'effet hypnotique. C'est que la position autoritaire du chef, qui se distingue par sa liberté, engage les membres de la "masse" à rationaliser leur jalousie - que l'un d'entre eux soit préféré aux autres - en une exigence d'égalité, créant un sentiment de "camaraderie" (ou solidarité).

Amour donc, mais aussi liberté, égalité et solidarité (fraternelle puisque développée sous forme de camaraderie dans l'armée et entre frères chrétiens) organisent la "masse" autour de ce qui ressemble à un véritable programme politique... Mais si la nation est une "masse", que la chrétienté est une "masse" et que l'armée au service de la nation en est une autre, il se pourrait qu'on perde le sujet en le généralisant peut-être un peu trop... Dommage cependant que la "suggestion" rapidement enterrée que le "chef" puisse être un idéal abstrait, une simple "idée directrice" (p. 30), n'ait pas été approfondie : on aurait eu, avec un peu de philosophie de l'Histoire, une véritable théorie sociale de tout regroupement humain... une théorie sociale "en somme".
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Ce livre est, en quelque sorte, la suite de celui de Gustave le Bon (voir ma critique).

Freud, dans les deux premiers chapitres, fait une lecture commentée du livre de Gustave le Bon, avec mention surtout Quelques mentions sont faites aux livres "The group Mind", écrit par William McDowgall (1920) et "Instincts of Nerds in Peace and War" écrit par Wilfred Trotter (1916).

Il considère ces écrits plutôt comme une étude descriptive des foules. Il s'agit d'un regroupement d'individus avec un objectif commun. On retient trois points essentiels des foules : une sorte d'âme collective qui se crée et, pour chaque individu, une affectivité extraordinaire exaltée et un rendement intellectuel notablement limitée. Ces deux processus sont orientés vers l'assimilation des individus entre eux.

Freud, dans la deuxième partie de ce livre, nous propose une étude explicative du phénomène des foules, du point de vue de sa théorie psychanalytique.

Sur chaque aspect il montre comment des concepts de la psychanalyse seraient applicables à la psychologie des foules : l'identification, état amoureux, hypnose, pulsions sexuelle et grégaire, une comparaison entre les foules et les hordes et, finalement, une analyse du "moi" dans une foule. Quelques points intéressants, mais non exhaustifs, sont présentés dans les "Citations".

Deux exemples sont traités en début de son exposé sur deux foules simples : l'Église et l'Armée. Dans l'Église on a l'amour au prochain et l'amour de Christ, le meneur. Dans l'Armée, on a une structure hiérarchique où, à chaque niveau on a un meneur et un groupement d'individus qui ont un objectif commun.

Comme tout livre écrit par Freud, celui-ci contient des termes spécifiques de la psychanalyse. Pour une bon compréhension du texte, une connaissance même superficielle de la psychanalyse est suffisante. Deux livres sont souvent mentionnés (mais pas que ces deux) : "Le moi et le ça" et "Totem et tabou".

Le livre "Psychologie des foules" de Gustave le Bon mérite quelques mots ici. Dans la critique que j'ai fait de ce livre, j'ai fait mention à l'existence d'une polémique. Certains auteurs suggèrent que le livre écrit par Gustave le Bon serait un plagiat de livres écrits 4 années auparavant. le livre pris comme référence par Freud dans son étude était bien celui de Gustave le Bon et pas les autres. Freud mentionne très rapidement quelques lignes des autres livres, ce qui montre bien qu'il les a connus tous, mais que la référence pour lui est bien celui de Gustave le Bon, livre dont il ne se prive pas de faire l'éloge.


Lien : http://lecture.jose-marcio.o..
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Freud s'interroge dans ce livre sur les causes de la mutation entre l'homme isolé et l'homme en foule.

Selon lui, il s'agit d'un processus ethnique naturel où toutes les personnalités s'estompent et se fondent dans la masse. de nouvelles caractéristiques automatiques émergent face à ce constat.
En effet, l'homme, qu'il soit érudit ou non, ne dissimule plus ses instincts pulsionnels dès qu'il est dans une foule. Inconnu du groupe, il s'y sent invincible, encensé, et dépourvu d'obligations vertueuses.
Il devient un sauvage impitoyable prêt à braver avec fougue tous les dangers.
Dans la foule, les émotions se propagent de l'un à l'autre au point que la préoccupation de l'un devient la préoccupation de tous.
D'après la science, il s'y opère un magnétisme collectif, où chacun se laisse endoctriner au point d'en perdre toute lucidité.
Pour conclure, la foule ne cherche pas à reconnaître l'évidence de la réalité. Elle s'exprime surtout à travers le prisme d'un désir imaginaire. Ce qui peut signifier, selon les psychologues, de l'existence de troubles psychiques.

Lien : https://passionfrancaisblog...
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publié en 1921, 3 ans après "L'homme aux loups".
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Citations et extraits (81) Voir plus Ajouter une citation
La névrose se détache de cette série. Elle repose, elle aussi, sur une particularité de l'évolution de la libido humaine, sur ce qu'on peut appeler la double articulation de la fonction sexuelle directe, caractère que la période de latence vient interrompre. Elle partage, pour autant, avec l'hypnose et la formation collective, le caractère régressif qui est absent dans l'état amoureux. Elle se produit toutes les fois que le passage de buts sexuels directs à des buts sexuels entravés n'a pas pu s'effectuer complètement, et elle correspond à un conflit entre les tendances qui, absorbées, assimilées par le moi, ont effectué cette évolution, et des fractions ou fragments de ces mêmes tendances qui, faisant partie de l'inconscient refoulé, exigent, tout comme des sentiments et des désirs complètement refoulés, leur satisfaction directe. La névrose possède un contenu extrêmement riche, puisqu'elle embrasse, d'une part, tous les rapports possibles entre le moi et l'objet, aussi bien ceux dans lesquels l'objet est maintenu que ceux dans lesquels il est abandonné ou érigé dans le moi lui-même et, d'autre part, les rapports naissant des conflits entre le moi et l'idéal du moi.
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En premier lieu, pour que la foule garde sa consistance, il faut bien qu'elle soit maintenue par une force quelconque. Et quelle peut être cette force, si ce n'est Éros qui assure l'unité et la cohésion de tout ce qui existe dans le monde? En deuxième lieu, lorsque l'individu, englobé par la foule, renonce à ce qui lui est personnel et particulier et se laisse suggestionner par les autres, nous avons l'impression qu'il le fait, parce qu'il éprouve le besoin d'être d'accord avec les autres membres de la foule, plutôt qu'en opposition avec eux; donc il le fait peut-être « pour l'amour des autres ».
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Chez les individus réunis en foule toutes les inhibitions individuelles ont disparu, alors que les instincts cruels, brutaux, destructeurs, survivances des époques primitives, qui dorment au fond de chacun, sont éveillés et cherchent à se satisfaire. Mais sous l'influence de la suggestion, les foules sont également capables de résignation, de désintéressement, de dévouement à un idéal. Alors que l'avantage personnel constitue chez l'individu isolé à peu près le seul mobile d'action, il ne détermine que rarement la conduite des foules. On peut même parler d'une moralisation de l'individu par la foule. Alors que le niveau intellectuel de la foule est toujours inférieur à celui de l'individu, son comportement moral peut aussi bien dépasser le niveau moral de l'individu que descendre bien au-dessous de ce niveau.
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[…] Autrui joue toujours dans la vie de l'individu le rôle d'un modèle, d'un objet, d'un associé ou d'un adversaire, et la psychologie individuelle se présente dès le début comme étant en même temps, par un certain côté, une psychologie sociale, dans le sens élargi, mais pleinement justifié, du mot.
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[Définition de l'intensification affective] :

En partageant l'excitation de ceux dont [l’individu] a subi l'action, il augmente leur propre excitation, et c'est ainsi que la charge affective des individus s'intensifie par induction réciproque.
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