Les littératures du crime et leurs déclinaisons (polars, thrillers, romans d'espionnage, romans noirs…) prennent parfois une dimension sociologique, ethnologique, historique… Ils contribuent alors à sensibiliser les lectrices et les lecteurs à certains travers de la société, voire à rappeler des événements marquants de notre passé. C'est ici le cas avec
La cage de
Hervé Gagnon, historien de formation, qui utilise comme prétexte le procès pour meurtre et la pendaison de Marie-Josephte Corriveau, dite La Corriveau, pour nous plonger dans la vie ouvrière montréalaise des années 1850. Après une brève incursion le 18 avril 1763, quelques années après la Conquête anglaise. Avec comme cible des « ados au coeur solide » de 14 ans et plus.
Ce roman de 300 pages se lit en quelques heures. L'écriture fluide, l'intrigue bien ficelée qui se déploie tout au long d'une quarantaine de courts chapitres, l'atmosphère angoissante et le rythme du récit en font un tourne page qui intéressera aussi une clientèle adulte. Et que dire de la finale tout à fait inattendue, ouverte sur une suite aux prémisses prometteuses. À la page 299, pour contrer les appréhensions d'aucuns qui pourraient critiquer l'écrivain d'avoir bâclé la conclusion de son récit, j'aurais remplacé le mot « Fin » par « À suivre ».
J'ai particulièrement apprécié la recette de l'auteur pour nous imprégner de la vie quotidienne d'une couche moins nantie de la société montréalaise. Dans une métropole d'à peine 60 000 habitants « en train de devenir la capitale économique du Canada-Uni », avec son « marché Bonsecours tout neuf » et son « magnifique dôme [trônant] au sommet de cet édifice en calcaire gris [faisant] la fierté de tout Montréal », son « église Notre-Dame et ses deux magnifiques tours toutes neuves », sa « rue Saint-Paul, parsemée de fabriques et de boutiques de toutes sortes », ses « trottoirs de bois »…
Sans oublier les conditions de travail des couturières d'une manufacture de chaussures : « onze heures ininterrompues par une courte pause pour manger, boire et faire les besoins pressants ». Et quelques détails de la vie quotidienne : les repas autour des « bines » (fèves au lard) et de « la soupe aux pois », le « bloc de glace enveloppé de sciure de bois dans la glacière », les « latrines » dans la cour arrière.
Avec comme résultat un roman très réaliste malgré une incursion dans le surnaturel où hallucinations et fantômes ont une influence, un pouvoir néfaste et occulte sur certains individus.
Hervé Gagnon a aussi mis en scène un personnage principal, Eugénie
Lachance, au caractère indépendant, féministe avant l'heure, souhaitant « plutôt continuer à travailler, qu'elle n'avait aucun besoin de se marier pour exister, qu'elle pouvait très bien mener sa vie sans porter le nom d'un autre ». En ravivant une figure légendaire de l'histoire québécoise, la Corriveau, l'exposition à Lévis en 1763 de son cadavre dans une cage de fer et l'exploitation de cet artéfact sinistre maintenant conservé à Québec, au Musée de la civilisation, l'auteur rappelle également cette époque des cabinets des curiosités qui a trouvé son équivalent avec l'exposition en novembre 2015 de la célèbre cage, à Québec, dans les voûtes de la Maison Chevalier de place Royale, qui a attiré de nombreux curieux. J'étais du nombre.
On ne sera pas surpris d'apprendre que
Hervé Gagnon, originaire de la Baie, est détenteur d'une maîtrise et d'un doctorat en histoire ainsi que d'une maîtrise en muséologie de l'Université de Montréal. Il a oeuvré pendant plus de 25 ans à la mise en valeur de la culture et du patrimoine et a enseigné dans plusieurs universités québécoises. Depuis 2010, il se consacre à l'écriture de thrillers et de polars ésotériques ayant le plus souvent l'histoire en toile de fond. Au rayon de la littérature jeunesse, il a publié 14 romans, dont la série le talisman de Nergal en six tomes.
Merci aux éditions Hugo Jeunesse pour le service de presse.
Originalité/Choix du sujet : *****
Qualité littéraire : *****
Intrigue : *****
Psychologie des personnages : *****
Intérêt/Émotion ressentie : *****
Appréciation générale : *****
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