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EAN : 9782330014230
224 pages
Actes Sud (06/02/2013)
2.57/5   14 notes
Résumé :
Dans un deux-pièces de la banlieue parisienne ignoré du GPS et de Google Earth, Jason, devenu traducteur professionnel après avoir vécu plusieurs vies, entretient un secret et obsédant dialogue avec son ordinateur dont l’écran liquide semble receler de vivantes images de son passé refoulé dans une forêt nordique d’Estonie, vingt ans avant la chute du mur de Berlin. Et sur fond de divorce, de paternité diffi cile, de drame des sans-papiers, de rafle des camps “roms”,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Costaud ! Anne-Marie Garat a une logorrhée d'enfer qui m'a rendu la lecture de ce livre particulièrement ardue. Mais je ne regrette pas d'avoir persévéré : passées les trente premières pages et une fois prise par l'histoire, j'ai été fascinée par ce récit où l'ordinateur fait office de machine à remonter le temps et où le fonctionnement de la mémoire est décrit en termes de pixels et autres techniques virtuelles.
Un estonien qui vient de divorcer et se retrouve dans un petit appartement entouré de sans-papiers, tente de se remémorer son passé, les souvenirs du drame qu'il a vécu lui revenant par flashs avec des "bugs". Entremêlant le passé au présent avec une habileté diabolique, Garat juxtapose les descriptions poétiques aux démonstrations informatiques dans un style percutant, martelé, où elle fait voler la réalité en éclats comme on sculpte un marbre pour en dégager la forme.
Comme diraient les Tontons Flingueurs : c'est du brutal !
Et ça réveille, ça nettoie, ça secoue, ça dépote, c'est précis, efficace -à défaut d'être concis- et la richesse du vocabulaire de la dame époustoufle et hypnotise.
Cela dit, l'abus de procédés d'accumulation et autres figures de rhétorique finit par être lassant, laborieux, voire sec et artificiel et je n'ai pas retrouvé dans ce livre le charme qui se dégageait de sa trilogie précédente.
Je garderai de ce livre une impression très mitigée, entre sidération et agacement.
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« Soudain, nous nous sommes tous mis à nous quitter les uns les autres »… Une épidémie de séparations, en ouverture de récit, semble nous guider vers un roman psychologie (l'air du temps…) ou fantastique (une malédiction inéluctable…). En fait, nous sommes un peu entre les deux, dans un récit mouvant, où se mêlent plusieurs thématiques : la crise du couple, les rapports entre un père et sa fille, la menace écologique, la mémoire du passé, l'entrée dans l'ère informatique… L'originalité de ce roman est d'avoir traité ce dernier, le plus important, dans le registre du fantastique et du mythique, conservant aux autres thèmes leur logique réaliste, avec le recul de l'humour qui laisse en permanence le lecteur dans l'indécision. En fait, les rapports entre le narrateur, traducteur professionnel, et son ordinateur, à la fois outil de travail et lieu d'ouverture sur le monde, sont presque du ressort de la psychologie de couple. Il décrit de la même manière ses rapports avec le monde réel et avec le monde virtuel. « J'investis dans a relation interactive haut débit au lieu d'intervenir dans le réseau associatif du quartier », reconnaît-il, mais les « bandes de jeunes en embuscade » renvoient à la fois à la réalité de son quartier et à celle de la jungle informatique. Quant à son ordinateur, il hésite entre la relation d'homme à objet (« Je m'en sers comme d'un grille-pain, réglé sur thermostat modéré, une fois pour toutes, question de diplomatie ») et la relation d'homme à homme (« Il m'observe, me devine »).
La découverte de « Google Earth » donne soudain une dimension mythique à ce qui aurait pu n'être qu'un récit plaisant. Découvrir le monde dans un minuscule appartement de la banlieue parisienne tient de l'expérience mystique : « l'ascension virtuelle m'élève impunément d'ici-bas, m'arrache loin de mon deux-pièces, de ma banlieue, de la mégapole et de l'hexagone. » La prodigieuse expansion spatiale, quoique virtuelle, a son correspondant dans le temps, lorsqu'apparaît dans l'ordinateur une image venue de son enfance, en Estonie, dans un passé douloureux qu'il a toujours voulu refouler. Dans la maison où il a grandi, une visite virtuelle met au jour des souvenirs enfouis. Que s'est-il passé ? Avons-nous basculé dans le fantastique ou, à force de trafiquer inconsciemment les programmes, a-t-il créé des liens insoupçonnés entre des banques d'images, des caméras focalisées sur les photos accrochées au mur, et des logiciels d'exploration virtuelle ? Ne nous posons pas la question : plongeons à sa suite dans cet univers où se mêlent souvenirs d'enfance et vécu actuel, images virtuelles et sursauts linguistiques de l'enfance estonienne. « Je saute sans parapluie ni parachute de sécurité dans les langues mortes de ma vie antérieure, mes langues rares ataviques irréductibles à toute autre, tellement plurivoques, baroques, qu'aucun moteur ne traduit leur lointain brumeux de paysages nordiques… » Ces passages où la romancière lâche la bride à son lyrisme sont les meilleurs du roman, car ils parviennent à concentrer tous les thèmes dans un style ample qui correspond à la personnalité du narrateur, traducteur, et donc attentif comme la romancière à la musique des mots, qui a grandi dans des langues rares à travers lesquelles il retrouve son propre passé.
Des rapports singuliers se tissent alors entre réalité et fiction. L'odeur de mazout qui envahit l'appartement vient-elle d'une fuite de chauffage ou de l'odeur bien identifiée de la maison familiale ? « Parfois, je me demande si je suis vivant. Si Alix est vivante, et Cathy, si le monde est vivant. » Car la maison d'enfance est un théâtre, « une énorme cachette gigogne » où, comme dans un jeu vidéo, il doit retrouver les indices qui lui permettront de reconstituer sa propre histoire. Les zones explorées par Google Earth, qui ne sont pas répertoriées par satellites, n'existent pas réellement, « ou pas encore », ou reconstituent un lieu antérieur à la naissance du narrateur… N'est-ce pas cela, l'innocence, ce rêve d'un pays qui échappe à Big Brother pour que nous puissions y projeter ce temps qui n'est ni passé, ni présent, ni futur, « durable autant qu'un instant ou qu'une éternité » — un paradis originel ?
Mais ce qui se passe dans la mémoire reconstituée est bel et bien réel, et la violence qui remonte à la surface envahit le monde autour de lui comme l'odeur de mazout. C'est à un crime virtuel, mais bien réel, que nous assistons à la fin du récit. Et il n'est plus question d'innocence.
Peut-être avons-nous un des premières tentatives, avec ce roman, d'utiliser l'informatique pour engendrer de nouveaux mystes et faire mentir le jeu de mots de Prévert : « Cybernétique — Cythère bernique ». On y voit renouveler de vieux mythes, correspondant à des aspirations ou des curiosités éternelles : savoir ce qui se passe chez le voisin comme si on soulevait le toit de sa maison, se traduisait au XVIIIe siècle par le mythe du diable boiteux, au XXe par Big Brother, au XXIe par Google Earth…
L'écriture soignée d'Anne-Marie Garat convient bien au personnage d'un traducteur attentif au travail de la langue, et à cete hésitation entre tradition et modernité. le vocabulaire couvre un large registre : on peut dans la même page rompre une « phase hypnagogique » en préparant un « caoua ». Anne-Marie Garat aime les mots précis, mais aussi les mots à peine désuets, qui se comprennent encore mais qui ne s'emploient plus que dans le langage soutenu (« stagner », « miasmes »…), les allitérations suggestives (« frisson de feuilles frileuses froissées », « agrégats de grains »), les substantivations d'adjectifs (« vastitude sombre des arbres »), les rimes intérieures (« Je suis encore cet enfant leste, subreptice, qui se faufile dans l'interstice »)… Mais elle a le tact d'arrêter au moment où on l'accuserait de préciosité ou de style artiste.
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J'avais très envie de découvrir cette auteure et son dernier roman publié chez Actes Sud m'en donne l'occasion. Je ne regrette pas de l'avoir inscrite dans mon challenge
"13 Auteurs " car Anne-Marie Garat a un style assez particulier. Si, de prime abord, il m'a un peu déstabilisée, j'ai fini par le maîtriser et y prendre goût.
C'est un style ample avec de très longues phrases qui peuvent faire plus d'une page. L'auteur joue avec les mots et une simple allusion peut embarquer le narrateur dans un flot ininterrompu sur le champ lexical donné. Ce qui ne facilite pas la lecture car Jason, récemment divorcé et reclus dans un quartier d'immigrés, tente de reconstruire sa mémoire d'enfance. Né dans un kolkhoze en Estonie, il se souvient surtout des forêts sombres et d'une vieille femme près d'une carriole, d'un frère plus âgé, d'une famille étrange. C'est surtout Tante Dee, la demi-soeur de son père qui l'a accompagné en France et qui finit sa vie en démente dans une institution, qui lui livre des bribes du passé.
" J'ai le sentiment d'un doute. Au sujet de cette famille, du temps reculé où a pu se passer mon enfance, de cet endroit peuplé d'ombres convulsives auxquels la cogitation, la pensée, la spéculation ni même le rêve ne me donnent accès, sauf en ces instants subits où, face à la trouée de mon écran, j'entrevois des séquences de temps long qui se succèdent et se raccordent, pleines de grésillements, d'étincelles, de crépitements proches, des poches d'effroi s'ouvrent une à une sur des noirs plus profonds."
C'est un passé qu'il recherche sur son ordinateur en consultant Google Earth, un lien moderne qui lui permet aussi d'avoir l'aide de sa fille et qu'il utilise pour son métier de traducteur. L'auteur a utilisé ce domaine informatique pour définir le champ lexical de son roman et son titre par la même occasion. Tout au long du récit, le programme de recherche dans le passé du narrateur se mêle au langage informatique.
" Son téléchargement est pénible, bas débit du flux de mémoire."
Mais ceci n'est qu'un subterfuge pour guider une enquête sur un passé oublié et incertain et pour définir le narrateur dans son présent face aux manifestations des Indignés, à son divorce, au problème de l'immigration, à l'émancipation de sa fille, à sa crainte des catastrophes mondiales. Passé et modernité se rejoignent donc dans ce travail de mémoire.
Ce roman n'est pas une lecture facile car il est aisé de se perdre dans les mots et les errements du narrateur. Même si la fin dévoile le passé obscur de Jason, mon impression est restée floue comme perdue dans cette sombre forêt de l'enfance.
Toutefois, j'ai découvert un style particulier et différent de mes lectures habituelles. L'auteur a parfaitement réussi à jouer jusqu'au bout son parrallèle informatique. Mais je tiens à rassurer les lecteurs, c'est  juste un jeu, un fil conducteur subtil qui donne une ossature à un récit humain.
Lien : http://surlaroutedejostein.o..
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être sans abri, ce fait de société effrayant pour une part de plus en plus importante de la population, est ici traité du côté de sa résolution. Les personnages se débattent avec des blessures enfouies mais encore béantes et agissantes.
Le lecteur est emporté par un récit ni triste, ni larmoyant, à trois voix. Ce roman nous montre que les associations caritatives accueillent les gens perdus mais sont aussi dirigées par des personnes en quête de rédemption.
Les personnages redressent la tête. Cela donne donc une lecture revigorante.
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Je me suis arrêté à la page 20.J'ai lu la page 100 et après Nutella et supérette je suis tombé sur les Twin Towers. Un roman moderne...qui sent le formica...dsl.
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critiques presse (2)
Telerama
27 mars 2013
Sur une musique de Philip Glass, la romancière nous fait entendre le chahut de la rue et les paysages de Google Earth, la mémoire naturelle et celle qu'on sauvegarde sur un disque dur. Programme sensible est un conte de fées avec quiproquo sensoriel et visite guidée insolite.
Lire la critique sur le site : Telerama
Lhumanite
18 mars 2013
Un traducteur professionnel voit apparaître sur son ordinateur d’inquiétants fantômes venus d’un passé qu’il préfère oublier. Un nouveau et brillant roman d’Anne-Marie Garat.
Lire la critique sur le site : Lhumanite
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Quand on quitte un endroit, pour toujours croit-on, on se détourne d'un état des choses et des gens en les vouant à leur perte, à leur finitude ou leur disparition, alors qu'ils demeurent en nous, dans une constance et une fidélité d'être solidaire de la nôtre, plus solides et durables que la brume de neige ou de pixels où nous les avons perdus.
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J'ai le sentiment d'un doute. Au sujet de cette famille, du temps reculé où a pu se passer mon enfance, de cet endroit peuplé d'ombres convulsives auxquels la cogitation, la pensée, la spéculation ni même le rêve ne me donnent accès, sauf en ces instants subits où, face à la trouée de mon écran, j'entrevois des séquences de temps long qui se succèdent et se raccordent, pleines de grésillements, d'étincelles, de crépitements proches, des poches d'effroi s'ouvrent une à une sur des noirs plus profonds.
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A force de trafiquer mon ordinateur, de circuler à tout va dans ses arborescences, ses couloirs occultes, d'y stationner des heures durant, j'ai dû détraquer le programme, l'infecter d'un virus personnel. A force, j'ai dû archiver ces images-là. Elles me sont propres. Elles me reviennent, modélisées par le système expert de ma mémoire lente.
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