Retracer les thèses fécondes de
Marcel Gauchet n'est pas une tâche facile, tant son discours, auquel on finit par adhérer, se dérobe sous un style savant. Très compliqué et peut-être très simple. Une histoire politique de la religion, donc, mais aussi, une histoire religieuse de la politique.
Au commencement était la religion, le monde était coupé radicalement de son origine tout en en conservant les marques partout. Tout faisait sens, tout était magie. le religieux était partout. Chacun était à sa place, à son rang. C'était comme ça. Dieu avait institué le monde à son idée, les hommes n'avaient qu'à suivre. (Ce que je raconte est d'une platitude invraisemblable, je résume et j'aplatis des idées bien plus élaborées, mais voilà, je fais ce que je peux, je traduis mal mais de manière à ce que peut-être j'en retienne quelque chose). Tout aurait très bien pu rester comme ça. Sauf que s'est développée une religion pas comme les autres, la religion qui a permis la sortie de la religion, qui la contenait structurellement en elle, le christianisme.
Gauchet insiste sur les effets de structure, sur une certaine logique du changement, sur ce qui rend possible une évolution que
L Histoire, dans son indétermination, effectuera ou pas. Tout aurait très bien pu se passer autrement, mais pas n'importe comment. Qu'est-ce qui se passe avec le christianisme ? Encore une fois, simplifions à outrance en espérant ne pas déformer. Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, s'est fait chair pour nous sauver. Qu'est-ce que ça veut dire ? Que le tout autre, le Dieu qui, dans les religions d'avant, avait créé un monde au commencement pour nous l'avait laissé avec ses signifiances établies, devient le même, l'humain ici et maintenant. Dieu se rapproche. Il devient un autre en nous. Nous sommes Jésus, homme et Dieu, quand nous sommes chrétiens. Ce qui était extérieur devient intérieur. le transcendant devient immanent. (Gauchet est beaucoup plus logique, cohérent que moi, il me semble que je résume en sautant des étapes et qu'il me manque quelque chose pour comprendre vraiment le processus de désenchantement du monde).
Bref, où en sommes-nous aujourd'hui ? Dans un monde qui n'a plus la religion comme fondement, dans un monde où tout est dans l'homme, le même et l'autre, dans un monde dynamique alors que le monde religieux était posé comme établi une fois pour toute. Nous vivions avant dans le passé qui se réitérait dans le présent, nous vivons désormais dans la construction d'un futur qui nous échappe, tendus vers ce qu'il est possible que demain soit mais à jamais dans l'ignorance de ce futur. Nous sommes condamnés sans fin à agir plutôt qu'à être, à ne plus savoir qui nous sommes mais à nous créer hommes, sujets libres, sans Dieu ni maîtres autre que nous-mêmes et donc d'autant plus soumis à des forces qui ont le défaut d'être cachées alors qu'elle sont nous. Bref,
Rimbaud a dit en quatre mots ce que Gauchet dit en quatre-cent pages, je est un autre.