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EAN : 9782919067190
136 pages
Vagabonde Editions (14/10/2016)
3.88/5   4 notes
Résumé :
Dans ce roman mêlant de manière indissociable l'autobiographie et la fiction - deux fils de narration s'y entremêlent, interrompus par des visions et des citations ouvrant le texte à de multiples interprétations -, et qui fut salué comme l'une des oeuvres les plus marquantes d'après-guerre en Hongrie, l'auteur expose sa dépendance à l'alcool et sa difficulté à trouver une place dans la société. Cette fiction retrace le voyage dans la conscience d'un écrivain, la viv... >Voir plus
Que lire après La mort a chevauché hors de PerseVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
« La mort a chevauché hors de Perse » de Péter Hajnóczy traduit par Charlotte Karady (2019, Vagabonde, 144 p) est relativement atypique, entre un roman court et une nouvelle longue. Tout d'abord le titre, il est en fait tiré d'un poème de Sadegh Hedayat, poète et écrivain iranien, auteur notamment de « La Chouette Aveugle » traduit par Roger Lescot (2000, José Corti, 195 p) et de « Enterré Vivant » traduit par Derayeh Derakhshesh, également paru chez Corti (2016, José Corti, 93 p), excusez du peu. Une de ses premières oeuvres concerne « La magie en Perse » en 1926 dans lequel il a étudié les origines de la magie dans l'Iran ancien, c'est-à-dire la Perse.
Le style de ce petit livre est aussi peu banal. Rien que de considérer le premier paragraphe. Cela tombe bien il est court, deux lignes et demi. « La voici la terrible page blanche, vierge, sur laquelle je dois écrire, pensa-t'il. Il allait déjà un peu mieux, il essaya de se mettre au travail ». Qui parle ou qui écrit ?, délicieux mélange de la première et troisième personne. le reste sera à l'avenant, avec en prime un mélange savant entre présent et passé. Il y a de quoi dérouter le lecteur.
Le fait que le narrateur sorte d'une interminable beuverie n'explique rien. « A présent, il feuilletait les notes qu'il avait écrites durant la période où il se saoulait et les deux cent soixante-dix pages dactylographiées qu'il savait devoir jeter. Tout au plus, pourrait-il en conserver un ou deux paragraphes ou quelques phrases ». Cela rappelle évidemment ce que fera Malcolm Lowry plus tard. On comprend aussi l'intérêt de Laszlo Krasznahorkai, du moins dans sa jeunesse.il faut ajouter que, tout comme Malcolm Lowry, Péter Hajnóczy était un grand buveur. Krasznahorkai en parle dans « The Manhattan Project » (2017, Sylph Ed., London, 96 p), après avoir vu les oeuvres de l'architecte Lebbeus Woods lors d'une visite à l'exposition du Moma PS1 à laquelle il est convié par hasard. Il est alors sur la piste de Herman Melville et de Malcolm Lo. Ce dernier a suivi une cure de Désintoxication au New York's Bellevue Hospital, qu'il décrit dans « Lunar Caustic » traduit par Clarisse Francillon (1977, Maurice Nadeau, 216 p). Dans ce livre, il y a une scène de rêve assez fantastique dans laquelle un bateau qui transporte toute une ménagerie est pris dans une tempête. Et László Krasznahorkai de conclure « Eh bien, je réfléchis, j'ai maintenant trois ivrognes de génie, chacun ayant sa propre route à Manhattan. Woods, Melville, Lowry. / Mon Dieu, je suis sur la bonne voie ». Et il ajoute en parlant de Péter Hajnóczy « C'était une légende vivante et un alcoolique total et profond ».

Donc retour à la réalité tempérée de « La mort a chevauché hors de Perse ». le narrateur est sous « Anticol », que sa femme le force à prendre « avec lequel il est déconseillé de prendre de l'alcool ». Sa nouvelle copine, Krisztina, une fille rencontrée à la piscine, ne boit ni ne fume. Elle lui fait d'ailleurs sentir son haleine chaque fois qu'il va en douce à la buvette, mais il ne le quitte pas pour autant. On constate donc que l'histoire est extrêmement compliquée, entre présent et passé, femme légitime ou non, narrateur ou souvenirs…. Et ce n'est que le premier tiers de ce court livre. Suit une visite à la mère de Krisztina à « l'hôpital des Israélites Hongrois ». C'est après que le narrateur rentre chez lui et a des visions. « D'abord il vit un chacal crevé gisant sur une voiture qui avait percuté un arbre ; le sang s'égouttait lentement de sa gueule entr'ouverte ; sa tête pendait du capot de la voiture ». Puis des réclames pour des fusils de compétition et dans l'arrière plan, « se tenait une putain serrant dans son poing droit un objet ressemblant à un poignard ». Puis « il vit un Noir barbu en uniforme de grand apparat, portant fourragère et bardé de décorations ». Cela n'est pas sans rappeler l'épisode de la tempête sur un bateau qui transporte un cirque et sa ménagerie dans « Lunar Caustic » de Malcolm Lowry. Bill Plantagenet, alors au Bellevue Hospital se rappelle sa traversée sur le « Providence » qui transporte « son chargement de bêtes sauvages. Il n'y avait pas que des lions, mais aussi des éléphants, des tigres, des jaguars, tous destinés à un zoo ».
Mais ce ne sont pas que des délires d'ivrogne. Il se soigne par ailleurs. « Il lui vint à l'esprit que ce serait bon de boire encore une bouteille de vin, bien entendu avec de l'eau gazeuse riche en substances minérales et à effet thérapeutique, comparé à laquelle le vin n'est qu'une sorte de liquide d'accompagnement […] il acheta deux litres de pinot gris, puis au supermarché du coin deux bouteilles d'eau gazeuse. Évidemment, je ne vais pas boire les deux bouteilles de vin, pensa-t-il, j'ai juste besoin de savoir qu'elles sont là et, de toute façon, le pinot gris, c'est avec de l'eau gazeuse bénéfique pour la santé et riche en sels minéraux que je vais le boire. Il essaya de temporiser, de retarder le moment ; il ne voulait pas déboucher une des bouteilles immédiatement ».
Par la suite, le narrateur va citer ses auteurs favoris. On retrouve bien entendu les classiques Edgar Allan Poe et E.T.A. Hoffmann, Ambrose Bierce et Malcolm Lowry, mais aussi Jack London et Ken Kesey. Surprenant de trouver là l'auteur de « Et quelquefois j'ai comme une grande idée » (2015, Monsieur Toussaint Louverture, 900 p). Ou même celui d'Ambrose Bierce, plus connu pour son regard très caustique de la guerre de Sécession. Il faut cependant lire le petit opuscule « La Vague de l'Océan », traduit par Anne Deschanet (1995, Editions Interférences, 73 p), qui décrit 4 situations de naufrage. Dont une d'un bateau rempli de « Une cargaison de chats ». « Au lieu de les emballer, on les avait chargés directement dans la cale. […] Lorsque la cale fut remplie à ras bord, on rabattit les écoutilles et tout le monde parut soulagé ». On devine la suite de cette histoire de naufrages. Mais il cite également les auteurs hongrois Gyula Krudy et Géza Csáth et Laszlo Cholnoky.
Alors que vient faire la Perse ? Dès le début du livre, on parle de Rákoscsaba. C'est un ancien quartier à l'Est de Budapest où Attila, fils du roi Hun le prince Csaba, aurait fondé lors des grandes migrations. On parle également « d'une ville inconnue habitée autrefois par des Perses et qu'elle avait été détruite par une guerre cent trente ans auparavant ». Mais en fin de livre il a cette vision « Devant ses yeux clos dansaient des cercles jaunes, puis, à partir de ces cercles, une ville jaune, morte, habitée autrefois par des Perses, prit forme. Au-delà de la ville, il le savait, coulait un ruisseau d'eau douce, et le vent d'ouest faisait trembler les feuilles vertes d'arbres aux noms inconnus ».

De Géza Csáth, qui en fait s'appelait Joszef Brenner (1887-1919), et qui était, de fait le cousin de Il était le cousin de Dezső Kosztolányi, on trouve traduits plusieurs recueils de nouvelles dont les 22 qui composent « le Jardin du Mage » traduit par Éva Brabant Gerő et Emmanuel Danjoy (2006, L'Arbre Vengeur, 272 p). Nouvelles souvent très brèves, morbides, dans lesquelles la mort et la drogue sont omniprésentes. « L'essence de l'existence est une denrée si précieuse que des générations entières n'en jouissent qu'une heure par siècle ». D'ailleurs, le livre s'ouvre sur « le Jardin du Mage » et se clot sur « La Mort du Mage ». Un peu trop d'opium. On pourra lire traduit par Thierry Loisel, chez le même éditeur « Dépendances » (2009, L'Arbre Vengeur, 272 p) son journal, celui d'un « Érotomane / Graphomane / Morphinomane ». Ou encore ‘Opium » (2019, L'Arbre Vengeur, 240 p), qui est du même tonneau, voire de la même pipe en terre, autre recueil de nouvelles tantôt oniriques, tantôt réalistes. La folie n'est jamais bien loin, qui annonce un siècle tout entier placé sous ce signe. Ces courts textes osent dire, avec une précision souvent cruelle, ce que nos fantasmes les plus cachés expriment de nos terreurs ou de nos tourments. Il faut dire que Géza Csáth a bien commencé. Après avoir obtenu son diplôme de médecin, il travaille tout d'abord pendant une courte période dans la Clinique psychiatrique et nerveuse de Moravcsik, station thermale slovaque (on devrait pouvoir lire hôpital psychiatrique). C'est à partir de cette expérience qu'il écrit son grand roman « Journal » sur la base de cas réels. le journal commence par une représentation cliniquement graphique de Csath à la conquête de dizaines de femmes. Celles-ci vont des femmes de chambre aux aristocrates, pendant son mandat de médecin. Il terminera sa vie, opiomane distingué, ayant abattu sa femme avant de se suicider.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Il lui vint à l’esprit que ce serait bon de boire encore une bouteille de vin, bien entendu avec de l’eau gazeuse riche en substances minérales et à effet thérapeutique, comparé à laquelle le vin n’est qu’une sorte de liquide d’accompagnement
[…]
il acheta deux litres de pinot gris, puis au supermarché du coin deux bouteilles d’eau gazeuse. Évidemment, je ne vais pas boire les deux bouteilles de vin, pensa-t-il, j’ai juste besoin de savoir qu’elles sont là et, de toute façon, le pinot gris, c’est avec de l’eau gazeuse bénéfique pour la santé et riche en sels minéraux que je vais le boire. Il essaya de temporiser, de retarder le moment ; il ne voulait pas déboucher une des bouteilles immédiatement
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Devant ses yeux clos dansaient des cercles jaunes, puis, à partir de ces cercles, une ville jaune, morte, habitée autrefois par des Perses, prit forme. Au-delà de la ville, il le savait, coulait un ruisseau d’eau douce, et le vent d’ouest faisait trembler les feuilles vertes d’arbres aux noms inconnus
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Tu aurais dû sentir à quel point je souffrais car peut-être le but même de ma souffrance était justement que tu me comprennes et que je ne me sente plus seul ; c’est ta compassion qui me manquait et aussi que tu reconnaisses ma douleur, que tu en sois le témoin
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A présent, il feuilletait les notes qu’il avait écrites durant la période où il se saoulait et les deux cent soixante-dix pages dactylographiées qu’il savait devoir jeter. Tout au plus, pourrait-il en conserver un ou deux paragraphes ou quelques phrases
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D’abord il vit un chacal crevé gisant sur une voiture qui avait percuté un arbre ; le sang s’égouttait lentement de sa gueule entr’ouverte ; sa tête pendait du capot de la voiture
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