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Georges-Arthur Goldschmidt (Autre)
EAN : 9782070294312
336 pages
Gallimard (21/02/1980)
4.7/5   10 notes
Résumé :
Le journal de Peter Handke couvre une période de deux ans ; il ne raconte pas d'événements mais fait part de toutes les impressions ressenties, à mi-chemin de l'âme et du corps. Leur succession établit l'histoire de l'auteur mais devenue comme anonyme à force d'intimité. Supposer que ces notations se succèdent au hasard et qu'on pourrait en modifier la disposition ou même en isoler des fragments, ce serait en négliger le « vécu », ce serait en détruire le déroulemen... >Voir plus
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Si seulement je pouvais me débarrasser de mon dégoût des bruits et de la fureur qu’ils me donnent ! Je pense au bruits de l’enfance qui me faisaient éclater la tête : les bruits de déglutition du chef de famille en train de boire, ce suçotement quand il écartait les lèvres des dents — ce qu’il avait coutume de faire ; le claquement de ses dents qui se heurtaient, même quand il mangeait sa soupe ; sa toux de fumeur aux cabinets dans le matin froid et humide ; ou bien la petite toux faible d’un voisin, sa vie durant, partout où on le rencontrait, et à qui ses fils promettaient de le rosser s’il n’arrêtait pas (il toussote toujours) - tous ces bruits, les éternuements sonores de ma mère à travers le village entier-, le petit éternuement félin et orné d’une tante (par rapport à elle ma mère était fière de sa façon d’éternuer) - les aspirations par le nez du grand-père en jouant aux cartes -, le grattage général, le cliquettement des ongles qu’on coupe à la salle de séjour, les rots sur tous les chemins, le hoquet de la mère (si fréquent qu’elle en pleurait), les vents de mon père devant tout le monde, son mélange de dialecte berlinois et carinthien (ma répugnance pour tout dialecte !), d’ailleurs sa voix même, sans intonation, sans conviction, une voix pour ainsi dire, lâche dans toutes les situations de la vie (elle me paraissait telle, en ce temps-là, à force de haine), et ceci même quand il criait, tempêtait, qu’il était saoul, le glougloutement de l’alcool puant dans les verres ou dans les gorges qui n’ont même plus besoin de déglutir, la respiration bruyante des vieilles femmes entrain de manger : l’histoire, je la connais, elle peut s’expliquer et malgré tout parfois, en pleine nuit, j’explose de fureur, de fureur à en crier, de fureur à m’enfoncer la tête dans les murs quand mon propre enfant, par exemple, ravale sa bave en dormant : détresse.
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Note préliminaire (avant-propos du livre)
Ces notations ne furent pas, dès l’abord, conçues sous la forme où elles paraissent ici,
mais afin d’être situées les unes par rapport aux autres, par ex. à l’intérieur d’une histoire
ou d’une pièce de théâtre (muette).
Il en résulta que les perceptions quotidiennes furent aussitôt converties, dans la tête, en
éléments du système en vue duquel elles devaient être utilisées. Qui plus est, les
perceptions nées par hasard se trouvèrent spontanément infléchies, adaptées à un but
possible. Les impressions, les expériences qui ne correspondaient pas à ce commun
dénominateur de la forme littéraire choisie d’avance furent laissées de côté, elle
« pouvaient être oubliées ».
Or, l’état de concentration attentive où je m’étais mis pour prendre ces notes me rendit
cet oubli quotidien particulièrement frappant. Bientôt, j’eus l’impression d’un manque et
je commençai à noter aussi les expériences de conscience qui ne cadraient pas avec mon
projet. Ainsi le plan d’ensemble s’en trouva peu à peu détruit et il ne resta plus que les
notations de ces perceptions gratuites.
Plus je continuais, plus je prolongeais cela et le faisais de manière intensive, plus il me
semblait me libérer des formes littéraires établies, et plus il me paraissait trouver la liberté
au sein d’une possibilité d’écriture à moi inconnue jusqu’alors.
Du coup, je m’exerçai à réagir par la langue à tout ce qui m’arrivait et je remarquai
alors que, pendant le laps de temps où je vivais les choses de la langue, elle aussi se
mettait à vivre, à devenir communicable ; un moment plus tard, cela n’aurait plus été de
nouveau que cette langue quotidienne, entendue jour après jour, cette langue insignifiante
à force d’être familière, cette langue du « tu-sais-bien-ce-que-je-veux-dire » de l’Ere de la
communication. Pendant un saut du temps, ce vocabulaire qui me traversait nuit et jour
devint palpable, objectif. - Quelles que pussent être les choses dont je faisais l’expérience,
elles paraissaient dans cet « instant de la langue » libérées de tout caractère privé et
devenues générales.
Avec un plaisir toujours plus grand, donc, je me concentrai sur de tels moments où la
langue se mettait à vivre ; ces moments devinrent de plus en plus fréquents, ils finirent par
perdre leur caractère momentané et par devenir un déroulement calme, parfois violent,
constant en tout cas.
Ce livre n’est pas le récit d’une conscience mais il en est le reportage simultané et
immédiat.
L’idée qu’un tel reportage d’une conscience individuelle publié sous forme de libvre
puisse paraître prétentieux est, espérons-le, réfutée par ma conviction que cette conscience
(moi) se propose un but ou, pour parler avec emphase, qu’elle veut sans cesse se pénétrer
elle-même.
Les événements extérieurs (la mort d’un ami, un séjour à l’hôpital, un déménagement)
ne sont jamais - à la différence peut-être d’autres journaux intimes - complètement
rapportés mais transparaissent en tout cas comme tels, à travers le reportage.
De l’indispensable quasi-concomitance des réflexes et des notations, résulta le fait
qu’elles furent prises dans toutes les situations de la vie mais non précisément à la table de
travail ; jusqu’au sein du sommeil, je me suis efforcé de réagir instantanément pour que ces notations prennent forme ; on pourrait raconter des histoires comme on en entend
raconter pour accompagner les images que quelqu’un a rapportées d’une expédition : mais
elles seraient seulement plus comiques.
En même temps, bien entendu, s’accomplissait l’autre travail littéraire, celui du récit «
La Femme gauchère », avec les notations appropriées, etc...
Le seul problème que pose le présent journal est qu’il ne saurait avoir de fin ; il faut
donc l’interrompre. Mais une fin par trop affirmée serait à son tour une manière d’accepter
sans trop regimber l’oubli de toute manière éternel.
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Il y en avait, il y a dix ans, de ces choses qui m'intimidaient! La poésie concrète, Andy Warhol, et puis Marx et freud et le structuralisme - et les voici envolés..., et rien ne doit plus oppresser quiconque si ce n'est le poids du monde.
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Mon existence faisait un bruit de chauve-souris dans ma tête fatiguée, au crépuscule ; tragique et lamentable
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Etre si fatigué que lorsqu'on se voit par hasard dans la glace, on s'étonne d'être encore là.
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Videos de Peter Handke (23) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Peter Handke
Découvrez l'entretien de Peter Handke, prix Nobel de littérature 2019, consacré au volume Quarto, "Les Cabanes du narrateur. Oeuvres choisies".
Depuis cinquante ans, Peter Handke bâtit une « oeuvre influente qui explore les périphéries et la spécificité de l'expérience humaine ». Embrassant toutes les formes de la littérature, elle présente comme constante une fidélité à ce qu'il est, c'est-à-dire un homme de lettres, un promeneur dont la création ne peut prendre forme que grâce à la distance propice, paradoxalement, à une plongée dans l'intériorité des personnages, à la description imagée et vivante de la nature, à l'attention au quotidien. Pierre angulaire du patrimoine littéraire d'Europe centrale, servie par un style tranchant et unique, cette écriture se définit par le besoin de raconter — faux départs, difficiles retours, voyages, etc. — la recherche d'une propre histoire, de la propre biographie de l'auteur qui se fond dans ses livres : « Longtemps, la littérature a été pour moi le moyen, si ce n'est d'y voir clair en moi, d'y voir tout de même plus clair. Elle m'a aidé à reconnaître que j'étais là, que j'étais au monde. » Cette édition Quarto propose au lecteur de suivre le cheminement de l'écrivain à travers un choix qui comprend des récits qui l'ont porté sur le devant de la scène littéraire dans les années 1970-1980 comme d'autres textes, plus contemporains, imprégnés des paysages d'Île-de-France, et reflets de son écriture aujourd'hui. Et, le temps d'une lecture, de trouver refuge dans l'une de ses cabanes.
En savoir plus sur l'ouvrage : http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Quarto/Les-Cabanes-du-narrateur
+ Lire la suite
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