AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Vers l'autre flamme tome 1 sur 3

Christian Golfetto (Préfacier, etc.)Alexandru Talex (Préfacier, etc.)
EAN : 9782070324125
320 pages
Gallimard (10/04/1987)
4.37/5   19 notes
Résumé :
Vers l'autre flamme s'inscrit bien au coeur d'une actualité dont les débats idéologiques et culturels confirment la pertinence du regard que portait Istrati sur l'Occident et "Octobre rouge".
Un regard contemporain dont l'acuité est révélée par un présent qui n'en finit pas de reproduire son passé... De prisons en ghettos, d'asiles psychiatriques en lois martiales, la gangrène totalitaire exerce ses ravages sans distinctions idéologiques. A de rares exception... >Voir plus
Que lire après Vers l'autre flamme, tome 1 : Après seize mois dans l'U.R.S.S. Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
« Vers l'autre flamme » est LE livre à la suite duquel la vie d'ISTRATI va basculer. C'est d'abord sur une invitation officielle qu'il se rend en U.R.S.S. en octobre 1927 pour assister à la commémoration des 10 ans de la révolution d'octobre. Censé rester seulement quelques semaines, il en repartira de fait en février 1929. Durant ces seize mois, il va pouvoir se frotter à la vie quotidienne du peuple russe, et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il va aller de surprises en surprises.

ISTRATI se considère comme un vaincu. Il avait cru, comme il l'écrit, au bolchevisme. Il a cru en la révolution de février 1917, peut-être un peu moins à celle d'octobre, mais il ne demandait qu'à voir. Et il a vu.

Dans cet essai offensif et sans langue de bois, ISTRATI ne sait pas encore qu'il est en train de se mettre en danger. Il veut partager ses ressentis. Au-delà d'une simple déception, c'est bien tout un système de corruption et de mascarade qu'il voit évoluer sous ses yeux. le bolchevisme était né pour combattre la bureaucratie, or ce sont précisément des bureaucrates qu'il a mis à sa tête, cette bureaucratie « racaille » selon les mots de l'auteur a détruit l'essence même du communisme.

Il fallait être sacrément courageux pour écrire pareil livre, déconstruisant les images d'Epinal d'un régime égalitaire et quasi parfait. ISTRATI a trempé sa plume dans le vitriol. À son arrivée il a assisté aux grandes parades de la célébration d'octobre, il a profité lui-même du gâteau, « aux frais de la princesse en guenilles ». C'est là qu'il aurait dû repartir pour toujours. Il se rend en Grèce fasciste fin 1927, bref crochet empli de désillusion. Mais il veut à tout prix connaître l'U.R.S.S. de tous les jours, alors il revient.

Victor SERGE est arrêté, emprisonné. Il est le gendre d'un certain ROUSSAKOV, ce ROUSSAKOV que la dictature du prolétariat ne va pas tarder à anéantir psychologiquement. ISTRATI revient longuement sur cette « affaire », elle est selon lui emblématique du système mis en place. Un brave père de famille bientôt considéré sur de fausses rumeurs comme ennemi du prolétariat par la presse d'Etat. ISTRATI défend ROUSSAKOV, il en laisse quelques plumes, confronté à la censure du régime soviétique, à la manipulation de masse, à la réécriture de l'Histoire et aux menaces et autres intimidations.

Dans ce livre écrit neuf mois après son retour d'U.R.S.S. (soit fin 1929), il ne se prive pas de conter certaines anecdotes locales : « En province : un soviet de village couche à terre toute la population locale et lui passe une fessée soviétique. Dans une ville de la Caspienne, deux communistes importants ramassent une femme dans leur auto, la conduisent chez eux et la violent. La femme est malheureusement l'épouse d'un membre du parti, lequel fait du tapage. C'est lui qui est exclu ». ISTRATI piétine une politique nouvelle mais déjà à l'agonie.

ISTRATI dénonce aussi les syndicats, à la botte du pouvoir. « Justice communiste, que l'histoire jugera », phrase visionnaire. ISTRATI n'aurait pas dû raconter, du moins selon ses amis. Ils vont tout lui reprocher : d'avoir exagéré les traits, et même d'avoir inventé ce qu'il a soi-disant vu. Accusé de pratiquer une propagande bourgeoise, il va être abandonné par ses amis, mais aussi par le monde de la littérature, il ne s'en relèvera jamais, sera ostracisé, même par ses relations les plus proches, à une époque ou les exactions communistes sont sujet tabou.

Ce témoignage sur l'U.R.S.S. est capital car écrit par un non russe, de surcroît à l'origine pas tellement réticent au régime en place. Il peut être rapproché, en plus virulent toutefois, du « Retour de l'U.R.S.S. » de GIDE, écrit en 1936, et pointant du doigt les abus du pouvoir en place et sa volonté de proposer aux touristes artistes considérés comme influents une image idéalisée d'un pays. « Vers l'autre flamme » est l'un de ces pamphlets qui allument une mèche, quitte à en brûler son auteur.

https://deslivresrances.blogspot.fr/

Lien : https://deslivresrances.blog..
Commenter  J’apprécie          40
J'ai lu ce livre après celui de Wells ("La Russie telle que je viens de la voir", 1921) sur le même thème, un peu plus tôt, et dans un contexte où je me faisais une culture critique sur les années 20 en URSS (guerre civile, cronstadt, bolchéviks en lutte intérieure et extérieure,etc). Passionnant et illuminant d'un jour nouveau et limpide les écrits "romantico-libertaires" d'Adrien Zograffi. le constat est net, sans ambiguité et Gorki en prend pour son grade de social-traitre. On lira avec intéret le récit de la femme de Kazantzaki sur cette même découverte de la russie léniniste puisqu'ils avaient fait le voyage ensemble ("La véritable tragédie de Panait Istrati", 2013), récit un peu moins radical...
Commenter  J’apprécie          31
Un texte sans compromission, ce qui n'était pas fréquent malheureusement à l'époque où il fut écrit (1929). Istrati raconte son voyage en URSS, où il vient de passer seize mois. Non pas pour dénoncer le communisme, mais pour dénoncer ce qui se met en place et qui ne ressemble déjà plus à son idéal. "Allons vers l'autre flamme" : un message de révolte et d'avenir.
Commenter  J’apprécie          30

Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Dans tout pays bourgeois, un manuel qui ne demande qu'à gagner son pain, pourvu qu'on lui fiche la paix, ce n'est pas une "affaire". C'en est une, une grosse, dans la "patrie du prolétariat". D'abord, la paix n'existe pour personne, en Russie, pas même pour le bureaucrate, qui passe jour et nuit à se demander s'il est bien "dans la ligne", ou s'il ne s'est pas, par hasard, déplacé d'un millimètre en se mouchant ou pendant son sommeil. Quand au pain, c'est la grosse affaire.
Le pain , c'est toute la vie, quand la vie n'est plus qu'un enfer. Quand le droit de penser et de bouger n'est plus qu'un souvenir, avoir le pain assuré, c'est énorme, c'est tout. Le dictateur sait cela et en fait son profit. Il enfonce sa main noire ou rouge, dans le ventre de l'homme et lui fait comprendre ceci : Mourir, c'est peu de chose. N'importe qui en est capable, cela se voit pendant les guerres et les révolutions. Vivre affamé et sans abri, c'est bien pire. Aussi, comme j'ai besoin de gouverner, je te demande ce que tu penses. Et selon ce que tu penses, tu auras ou tu n'auras pas le pain et l'abri.
Commenter  J’apprécie          201
Tiflis est la plus belle ville de l'union et celle où l'on fait le plus longtemps la queue pour avoir du pain. Ces queues commencent à trois heures du matin. D'elles et de bien d'autres choses encore, les écrivains français, communistes "dans la ligne", ne parlent pas.
Aussi, pourrais-je, à mon tour, écrire un livre, voire deux, uniquement consacré à la Géorgie et rien que pour remplir les immenses vides qui gonflent à crever les pages de ces livres bien sages, bien stupides, absolument faux et totalement incompréhensible, nés de la plume de tel écrivain qui a été une fois un homme et eût gagné de le rester.
Pauvre monde...Pauvre art...Pauvre conscience humaine...Que vous êtes pitoyables, méprisables ! Un petit os pour votre ventre et une miette de vanité pour votre cœur sec vous suffisent, vous comblent de bonheur et de quiétude, vous rendent aveugles, sourds et muets, vous transforment en une limace et vous font oublier l'étendue de la souffrance que déversent sur toute la terre les tyrans qui vous asservissent.
Tiflis, Géorgie, Transcaucasie, Union soviétique tout entière : ce n'est pas ici, ni aujourd'hui, que je pourrai dire ce que vous êtes. Mais je vomirai, tout à l'heure, le symbole de ce qu'on a fait de vous. Et c'est seulement ainsi que je n'aurai pas inutilement mangé votre pain.
Commenter  J’apprécie          80
Kem.
[........................]
En attendant la réponse , nous allons déjeuner , et nous nous trouvons soudain dans le plus beau et le meilleur restaurant de toute l'Union soviétique. Il appartient au Guépéou et marche, comme doit marcher tout ce qui appartient au Guépéou : militairement.
Personne n'est rétribué. Du directeur au plongeur et jusqu'à l'orchestre, tout le monde est prisonnier et libre. Libre de bouger dans Kem. C'est une situation préférable à celle dont on a goûté à Solovki. Aussi chacun y met-il du sien et tout va comme sur des roulettes.
Commenter  J’apprécie          140
Certes, mon histoire n'a pas grand-chose de commun avec la Russie, mais, de toute façon, on m'accusera de n'avoir fait ici que battre la campagne. Eh oui - bonshommes armés d'un crayon rouge et à la cervelle de yoghourt - oui : j'aime battre la campagne ! Tentez-le, vous aussi, avec votre cœur flasque comme une bouse molle : au premier contact avec l'herbe en flammes de cette terre-là, vous vous brûlerez le cul. Car les champs que ma fantaisie aime, le diable les a labourés avec sa rude queue et Dieu les a fécondés de son ardente semence. Tout y vient à profusion, sauf la fleur morte de vos pensées d'eunuques.
Commenter  J’apprécie          90
Je sais une chose : je sais qu'une écrasante majorité d'hommes de ma classe est arrivée au pouvoir ; qu'en y arrivant, elle s'est tout de suite mise à bouffer et que, la bouche pleine, elle écarte de sa table et laisse mourir de faim tous les frérots qui ne sont pas de son avis.
Commenter  J’apprécie          210

Videos de Panaït Istrati (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Panaït Istrati
Vidéo de Panaït Istrati
Dans la catégorie : URSSVoir plus
>Géographie générale>Géographie de l'Europe>URSS (45)
autres livres classés : urssVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (59) Voir plus




{* *}