AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782369145202
192 pages
Libretto (05/09/2019)
3.8/5   28 notes
Résumé :
Imperium est l'histoire vraie d'August Engelhardt, qui s'exila au début du XX e siècle en Nouvelle-Guinée allemande pour fonder une colonie d'un genre nouveau - reposant entièrement sur la culture de la noix de coco. Cependant, ce qui commence comme la biographie romancée de l'un des pionniers allemands du nudisme et du végétarisme devient rapidement le rêve éveillé d'une époque et d'une géographie proche et lointaine à la fois.
Avec une ironie déconcertante... >Voir plus
Que lire après ImperiumVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
3,8

sur 28 notes
5
3 avis
4
6 avis
3
2 avis
2
0 avis
1
0 avis
L'auteur serait connu pour écrire des oeuvres singulières comme l'annonce la quatrième de couverture. Je le découvre avec ce livre et oui, je confirme qu'il est singulier.

Pour la forme d'abord. de longues, longues phrases entrecoupées de virgules (heureusement, sinon on en perdrait le sens), développant tout un tas de détails autour du sujet principal. Beaucoup se demanderaient à quoi servent-ils. Il est vrai que l'on pourrait supprimer les deux tiers. Et pourtant, on ne retrouverait pas cette mélodie que l'on perçoit à la lecture au point que l'on a envie de lire à haute voix. L'écriture est en effet très fine, riche et subtile, un peu comme les classique du dix-neuvième siècle.

Pour le fond ensuite. Il est en effet surprenant de découvrir l'histoire vraie de August Engelhardt (1875-1919). Engelhardt. Vraiment, vous ne connaissez pas ? Moi non plus, je ne savais rien de cet homme. Jeune allemand, il ne supportait plus ni ses congénères ni le monde évoluant trop vite et trop mal. Végétarien, il s'exila en Nouvelle-Guinée, fit l'acquisition d'une île destinée à la culture de la noix de coco, se fit aider des autochtones pour ce travail de récolte.

La noix de coco devint pour lui "le couronnement légendaire de la création", offrant à l'homme l'eau, le lait, le beurre, la chair mais aussi le matériau pour les maisons, les meubles, les accessoires, le bois de chauffage. Persuadé qu'en se nourrissant de ce fruit à l'exclusion de tout autre aliment, on deviendrait l'égal des dieux, Engelhardt n'hésita plus. Adepte du naturisme, se nourrissant uniquement de noix de coco, il pensa créer un monde exemplaire, en communion avec la nature, loin du vice, du pouvoir et de l'hypocrisie. Il ira au bout de ses convictions mais ne parviendra pas à faire adopter son mode de vie, malgré l'amitié d'un pianiste et quelques illuminés vite renvoyés chez eux par le gouvernement.

Beaucoup d'humour (justement grâce à ces longues phrases; voir ma citation) pour décrire la vie tragique de cet homme. Quelle vie ! Et quelle fin de vie surprenante.

Alors, j'ai aimé ? oui et non. Oui pour l'écriture plus que belle qui me donne vraiment envie de découvrir une autre oeuvre de Christian Kracht. Non, pour avoir accompagné cet homme, pour ne pas dire cet illuminé, sur son île avec ses noix de coco et ses noix de coco et ses noix de coco...
Commenter  J’apprécie          270
« Imperium » de Christian Kracht, traduit par Corinna Gepner (2017, Phébus, 192 p.) peut surprendre, c'est le moins que l'on puisse dire. Tout d'abord c'est un roman d'un écrivain suisse de langue allemande. Il est vrai qu'il né à Saanen, là où se trouve la station de Gstaad, dans une famille dont le père est directeur du groupe Axel Springer. Il y a pire comme début dans la vie. Etudes en Allemagne, puis à New York, et voyages dans le monde, dont il tire « Gebrauchsanweisung für Kathmandu und Nepal » (Portrait de Katmandou et du Népal). D'autres ouvrages dont « Faserland » et « New Wave : Ein Compendium », tous traduits dans d'autres langues parfois surprenantes (letton, estonien, hébreu, russe, croate). Certes la proximité des milieux de presse doit aider. A noter aussi qu'il fonde un magazine culturel, un peu décalé « der Freund » alors qu'il était à Katmandou. Huit numéros ont ainsi été produits pendant deux ans, qui sont maintenant introuvables car très recherchés.
Des suisses allemands, on connaissait Martin Suter et ses romans plus ou moins policiers « le Dernier des Weyenfeldt », « le Cuisinier » ou « La face cachée de la Lune », tous chez Christian Bourgois. Ce dernier titre est plus apprécié pour ses recettes de champignons par certains. Une description assez juste des milieux, protestants, de la finance de Zurich, mais avec un humour certain. On connait aussi Jonas Lüscher, lui aussi de Zurich et ses romans « le Printemps des Barbares » et « Monsieur Kraft ou la Théorie du Pire ». A nouveau un certain milieu de traders et de financiers, de la City pour le premier livre, un professeur de rhétorique pour le second. On connait aussi les « Ponk et Replonk », qui sont eux du Jura, puisque situés à La Chaux de Fonds. Ils ont traduit leurs cartes postales en allemand. C'est une façon d'exporter l'humour. D'eux j'adore « le Percement de l'Arc de Triomphe » et l'album de la cavalerie de montagne suisse, avec des chevaux à pattes inégales. Un faible aussi pour l'album de « La Face Cachée du Léman » avec en particulier, une vue de son point le plus haut. de plus, je ne manque pas de m'offrir leur calendrier, qui m'octroie chaque année un 13ème mois supplémentaire. A propos de la ville suisse, je ne résiste pas à citer Francis Blanche « Ami qui visite la Suisse / Malheur à toi si tu confonds / Pour éviter La Chaux-de-Fonds / Il faut passer par Saint-Sulpice ».
Pour en revenir à « Imperium » et tout de suite partir dans une autre digression. Lire ce petit livre de moins de 200 pages m'a tout de suite fait penser à Joseph Conrad et son « Coeur des Ténèbres ». Il faut dire que l'action se passe aux alentours de 1900, tout d'abord en Allemagne, puis en Indonésie. Et là, c'est le dépaysement. On voyage en Nouvelle Poméranie « Neu-Pomern » et en Nouveau Mecklenbourg « Neu-Mecklenburg », d'où l'origine de la Mer de Bismarck au Nord-Est de la Nouvelle Guinée. Tout comme Léopold II a annexé le Congo, Bismarck crée la « Schutzgebiet der Neu-Guinea Kompanie » avec le slogan « le marchand doit précéder le soldat ». On reconnait bien là l'esprit pratique allemand. A la différence du Kurtz de Joseph Conrad, August Engelhardt est naturiste et cocovore. Il est aussi originaire de Nuremberg, ce qui n'explique rien. On imagine Kurtz décorant l'allée qui mène chez lui avec des pots dans lesquels il aurait planté des noix de coco sculptées, leur donnant un visage humain. de même, je vois très bien le capitaine B.J. Willard, de la 1st Cavalry Division, bombarder le village avec des noix de coco dans « Apocalypse Now », comme les anglais l'ont fait sur des terrains d'aviation allemands factices avec des bombes en bois. le tout sur un air de Chevauchée des Walkyries par Spike Jones, à moins que cela ne soit par P.D.Q. Bach.
On suit donc le projet d'August Engelhardt. Il est sur le « Prinz Waldemar » en route pour Herbertshöhe, maintenant rebaptisée Kokopo, en Nouvelle Bretagne. Décidément, on ne peut plus faire confiance aux cartes. En tout cas, la ville, nouvelle capitale de l'ile, « est située dans la Baie Blanche, près de la Baie des Gazelles ». On y trouve même deux hôtels, le « Fürst Bismarck » et le concurrent « Deutscher Hof ». Ach, le bon temps des Kolonies. Cela me rappelle un authentique BierKeller à Swakopmund, en Namibie, décoré avec les fanions de la coupe du monde de football. Bref le « jeune August Engelhardt de Nuremberg, barbu, végétarien, nudiste » voyage. Non pas pour son plaisir, mais pour acheter une terre, devenir planteur et vanter les bienfaits de « cocos nucifera ». Sur le même bateau se trouve Hartmutt Otto, également planteur et « grossier marchand d'oiseaux », mais qui est dans une chaise longue au doux nom de « Bombay fornicator », « en raison de son repose-jambes en bois, que l'on pouvait faire pivoter vers l'avant ». Pour toute commande, voyez votre marchand de meubles suédois préféré. Il est vrai que le jeune August a des antécédents. Son oncle Kuno n'a-t-il pas essayé de lui faire fumer du jambon, « en roulant un mince lambeau de chair pour en confectionner un cigare rose » avant de l'allumer. Ces teutons sont véritablement des grands enfants.
Donc August arrive sur ses terres. « En compagnie du jeune Makeli, il parcourait l'ile tout nu, avec un simple sac sur l'épaule ». Il vient de publier « Un avenir sans souci » et il va fonder une secte « L'Ordre du Soleil ». Il expose dans son livre les principes d'une vie libre de toute contrainte, près de la nature et dont le régime alimentaire est basé sur la noix de coco. « le cocovorisme nudiste est la volonté de Dieu. La pure diète de coco rend immortel et unit à Dieu ». le but de ces efforts est l'instauration d'un « Empire international et tropical du fructivorisme ».
Et puis, comme cela était prévu dans le scénario original, tout se complique, sinon on aurait eu une nouvelle d'une vingtaine de pages. Il y a l'apparition d'autres personnages. le gouverneur Hahl, qui essaye de justifier sa position en faisant régner un semblant d'ordre. Mais, il y a plus important. L'ensablement de la Baie Blanche qui oblige de transférer la capitale Herbertshöhe à Rabaul. Cela se fera en reconstruisant tout pareil, y compris les deux hôtels « Fürst Bismarck » et son concurrent « Deutscher Hof » à l'identique. Il y a des personnages nouveaux, comme Max Lützow, qui débarque sur l'île avec un piano. Il emménagera chez August, mais les relations vont vite s'envenimer. Tout comme il y eut Aueckens, fervent adepte des théories cocovores, mais dont les tendances homosexuelles le poussent à s'intéresser de près et de dos au jeune Makeli. « Lorsque nous revoyons Aueckens, il est mort […] le crâne fracassé laissant échapper un peu de masse cervicale. Les mouches se délectent ». le représentant du gouverneur conclut à la chute d'une noix, le tout sans même se déplacer. Il y a aussi le capitaine Christian Slütter, tout droit sorti de « Corto Maltese », avec son cargo le « S.S. Jeddah ». Possible allusion à «La Ballade de la Mer Salée » de Hugo Pratt. Il affronte une tempête digne du « Typhon » de Conrad. Mais je lui préfère la tempête de Malcolm Lowry dans « Lunar Caustic », avec son bateau qui transporte des pensionnaires spéciaux. « Il n'y avait pas que des lions, mais aussi des éléphants, des tigres, des jaguars, tous destinés à un zoo ». Lors d'un de ses ultimes voyages, Slütter ramènera Pandora, « la fille unique de Frédéric Thesiger Viscount Chelmsford, le gouverneur de New South Wales, qui s'est échappée d'un internat à Sydney ». Cette jeune rouquine se fera tatouer sur le dos, la scène de tempête vécue sur le « Jeddah » par Apirana, « le Maori au visage orné de tatouages impressionnants ». C'est le « Queegeg » de Melville qui revient hanter les mers du Sud. Enfin, on découvre les peintres Emil Nolde et Max Pechstein, qui profitent d'une tournée pour revoir leur choix des couleurs et fixer des paysages tropicaux sur leurs toiles. On assiste aussi à quelques scènes de cannibalisme, mais c'était au détriment du missionnaire. le chef local « tint absolument à consommer en dessert l'oreille bien croustillante du missionnaire, rôtie sur une pique en bois ». Comme quoi ces livres d'aventures sont aussi des sources de recettes culinaires.
On ne peut passer sous silence le scandale que ce texte a provoqué à sa sortie. Il reçoit le prix Wilhelm Raabe « Wilhelm-Raabe-Literaturpreis » en novembre 2012. Mais un violent article de Georg Diez dans « der Spiegel » l'accuse de proximité avec la « nouvelle droite ». On traite l'auteur de « Céline de sa génération », « Valet de la Bonne Pensée », « très consciemment en dehors de la démocratie ». Bref, il dérange car il rappelle le passé colonialiste allemand. Et pourtant l'auteur est clair sur ses intentions. «Si, par moments, on ne peut s'empêcher d'établir des parallèles avec un compatriote plus tardif, lui aussi romantique et végétarien, qui aurait peut-être préféré rester devant son chevalet, ceci est tout à fait voulu et d'une judicieuse cohérence». A priori, cette référence a dû titiller certains allemands, nostalgiques d'un colonialisme passé et révolu. Il est vrai qu'il y a quelques passages où l'on parle d'un juif, « un émissaire poilu, blême malpropre et levantin de l'antigermanité ». Mais une demi page plus loin, Kracht écrit « Engelhardt n'adhérait pas à cette mode naissante de la diabolisation du Sémite que l'épouvantable Richard Wagner avait sinon inventée, du moins rendue présentable par ses écrits et sa drôle de musique ampoulée ».
le scandale prend du volume et se termine par un recueil de textes édités par Hubert Winkels « Christian Kracht trifft Wilhelm Raabe » (2013, Suhrkamp, 157 p.). Cet ouvrage reprend une vingtaine d'articles, dont celui original de Georg Diez dans « der Spiegel », ainsi qu'une réponse de Christian Kracht. Les détracteurs font état d'échanges entre Kracht et David Woodard à propos d'une colonie aryenne « Nueva Germania » au Paraguay suggérée par Elizabeth Förster-Nietzsche, la soeur de Nietzsche. Il est exact que Woodard s'est intéressé à cette ancienne colonie, utopique, végétarienne et féministe. Après une première visite, il ne poursuit pas les relations, mais s'en sert pour des écrits futurs. La réponse de Christian Kracht est brève « Même avec la meilleure volonté du monde, je ne peux y trouver aucune croix gammée ». D'ailleurs la seule allusion est celle d'un « éclat d'obus […] qui s'enfonce, tel un ver blanc, dans le mollet du jeune caporal de la 6e division de réserve bavaroise ». Ce passage évoque, brièvement, il est vrai, la première guerre mondiale, avant que Engelhardt ne soit recueilli à Guadalcanal par les américains où « on lui donne à boire un liquide brun sombre, sucré, absolument délicieux dans une jolie bouteille légèrement resserrée en son milieu ». C'est la déchéance du cocovore.
Commenter  J’apprécie          00
L'histoire d'un utopiste allemand du début du XX ième siècle , August Engelhardt qui part en Nouvelle Guinée allemande pour réaliser un rêve fou : vivre uniquement de noix de coco .
Rêve fou , le mot est dit , personnage au regard halluciné sur les photos trouvées sur Google , un aventurier jusqu'au boutiste car il a vécu nu sur son île , loin de tout confort .
Un roman qui m'a beaucoup plu , l'écriture est très belle , maîtrisée , un vrai bonheur de lecture . On y rencontre l'inventeur du Vegemite , ami des frères Kellogg's .
Commenter  J’apprécie          240
« T'as le look, coco ! »
Comment associer le nudisme et le végétarisme pour un « avenir sans souci », loin du monde civilisé du début du vingtième siècle ? Se rendre dans une colonie de Nouvelle Guinée pour y fonder « l'ordre du soleil » dédié à la culture de la noix de coco !
Telle est l'histoire d'August Engelhardt, aventurier allemand à la recherche du « pouvoir suprême » - Imperium – dont le Suisse Christian Kracht nous narre la biographie (très romancée) dans un style mettant en évidence l'étendue de l'espace et la longueur du temps.
En effet, un « look » inédit, style et regard confondus, pour mettre en exergue la  Cocos nucifera , « couronnement légendaire de la création, fruit de l'arbre cosmique Yggdrasil ! ». Impossible donc, d'adopter une écriture simple, un style passe-partout, pour raconter les bienfaits d'une plante salvatrice portée aux nues.
Je devrais dire « nus », car c'est l'association d'une végétation luxuriante (luxe et riante) vénérée dans le plus simple appareil qui permet d'atteindre la plénitude d'un ascétisme exacerbé. le style employé par l'auteur est par là-même inversement proportionnel à la façon de vivre du héros de l'histoire, qui végète après s'être planté.
Des phrases interminables, utilisant toute la panoplie des signes graphiques à disposition - virgules, tirets, parenthèses – pour exprimer l'emphase d'un monde idéalisé à construire. En somme, se mettre à nu en empilant des couches successives, de façon à passer inaperçu dans un monde qui ne comprend pas les extravagances des illuminés solitaires.
En voici un exemple.
« Et comme celui-ci lui répondait par la négative, il sortit de son sac quelques pamphlets qu'il posa timidement à côté de lui, sur le banc – les écrits de ce swami indien dont les idées originales et le talent rhétorique venaient de faire sensation dans le Nouveau Monde - , ainsi que, miméographié et attaché avec un ruban (la reliure franconienne s'était décollée dès l'arrivée en mer Rouge, à Aden, sous l'effet de la chaleur), le traité qu'il avait lui-même rédigé et qui parlait de la puissance curative du cocovorisme, malheureusement en allemand, de sorte qu'Engelhardt pouvait certes faire état de l'objet, mais non familiariser son nouvel ami avec ses réflexions, formulées par écrit avec un savoir-faire nettement supérieur ».
Il va sans dire que si le livre avait dépassé les 180 pages j'aurais sans doute capitulé avant la fin de l'histoire. J'ai en effet passé la moitié du temps de lecture à revenir sur chaque phrase, au demeurant très bien écrites et sans fausse note, pour m'imprégner de l'ambiance décrite. Une mention particulière à la traductrice Corinna Gepner, qui a dû jongler avec ce style si particulier.
Aussi, je ne saurai dire si j'ai passé un bon moment avec ce roman d'aventures singulier, pétri de grandiloquence et de démesure, qui décrit l'impérialisme décadent d'un occident qui sombra quelques années plus tard dans un fascisme dévastateur. Ce livre fourmille de références et de rencontres, toutes aussi indispensables qu'anecdotiques. Je n'ai pas envie de vous révéler le déroulement de cette histoire véridique, faite de petits riens étirés à l'extrême, sorte d'exil onirique. Il y a du Conrad et du Rabelais dans le procédé narratif, agrémenté de sauce proustienne. Un cocktail à la noix.
« T'as le look, coco ! »

Commenter  J’apprécie          90
Découvert via un article de Mediapart sur la polémique que le livre a suscitée en Allemagne - où Kracht est taxé de complaisance vis-à-vis du colonialisme, voire de racisme -, cet 'Imperium' est une excellente découverte.

Cynique, souvent ironique, et terriblement bien écrit, ce récit de la vie d'un idéaliste allemand exilé en Nouvelle-Poméranie, alors allemande, pour fonder une communauté cocovore (dont les membres se nourrissent exclusivement de noix de coco) se révèle une lecture savoureuse, aussi drôle qu'édifiante. J'ai souvent pensé à Thomas Pynchon durant cette lecture, à ce mélange caractéristique d'érudition, d'humour et de digressions.

Voilà un texte très maîtrisé (glissements temporels, style impeccable, références culturelles) où l'on ne s'ennuie pas une seconde, et qui paraît au final un peu court, tant il y a à dire sur cet August Englehardt et la pléthore de personnages ridicules et/ou fascinants qu'il croise. A lire absolument.

Pour ce qui est de la polémique, elle ne semble avoir agité que l'Allemagne, et pas les pays qui ont accueilli une traduction ; d'ailleurs tout le monde en prend pour son grade, que ce soient les colons, les indigènes ou le personnage principal. de mon point de vue, aucune trace d'un quelconque message idéologique malsain ici, simplement un excellent texte. Je vais de ce pas poursuivre la découverte de cet auteur avec deux autres de ses livres : 'Fin de party' et 'Je serai alors au soleil et à l'ombre'.
Commenter  J’apprécie          120


critiques presse (2)
Bibliobs
14 décembre 2017
L'écrivain suisse publie “Imperium”. C'est “Au coeur des ténèbres” revu par les Marx Brothers.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LeMonde
01 décembre 2017
Déchéance d’un illuminé dans l’empire colonial allemand à l’aube du XXe siècle. Christian Kracht, railleur dans « Imperium ».
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Le terme "planteur" n'était pas approprié, il supposait de la dignité, un commerce expert avec la nature et les nobles prodiges de la croissance, non, il fallait plutôt parler d'administrateur, car c'était exactement ce qu'ils étaient, des administrateurs du progrès, ces philistins avec leurs moustaches taillées à la mode berlinoise ou munichoise d'il y a trois ans, sous des nez aux ailes couperosées qui tremblaient violemment à chaque expiration, et, en dessous, leurs lèvres palpitantes, bouffies, auxquelles pendaient des bulles de salive comme s'il ne manquait à ces dernières que de pouvoir se libérer de leur adhérence labiale pour s'envoler dans les airs, telles les bulles de savon en suspension soufflées par un enfant.
Commenter  J’apprécie          40
Cependant le bruit s'était vite répandu que Lützow comptait s'établir à Kabakon, chez August Engelhardt, ce qui eut pour effet simultané une revalorisation d'Engelhardt et une dépréciation de Lützow ; on essaya par tous les moyens de l'en dissuader, le Nurembourgeois, là-bas sur son île, n'avait plus toute sa tête, il se nourrissait, c'était à peine croyable, lui racontèrent-ils, tour à tour de noix de coco et de fleurs, et était nu toute la journée. La mention de ce fait provoqua chez les dames un léger échauffement, qu'en mauvaises comédiennes elles essayèrent masquer en jouant de l'éventail. De leurs décolletés s'élevaient des exhalaisons de tubéreuse, de verveine et de musc qui se répandaient comme une brume de sol invisible avant de se dissiper, odorantes et lourdes de sous-entendus, dans les salons du club.
Commenter  J’apprécie          30
Pour illustrer cette période, on racontera l'histoire d'un Allemand, un romantique qui, comme tant d'autres de son espèce, était un artiste contrarié et si, par moments, on ne peut s'empêcher d'établir des parallèles avec un compatriote plus tardif, lui aussi romantique et végétarien, qui aurait peut-être préféré rester devant son chevalet, ceci est tout à fait voulu et d'une judicieuse cohérence "in nuce". Pour le moment, toutefois, celui-ci est encore un gamin boutonneux, bizarre, qui se prend d'innombrables baffes de son père. Mais patience : il grandit, il grandit.
Commenter  J’apprécie          00
Il fallait prendre patience, l'idée de vivre nu et libre en se nourrissant exclusivement de noix de coco, quoique relevant de l'évidence, devait d'abord infuser dans un monde civilisé.
p.89
Commenter  J’apprécie          20
Il a soudain le sentiment d'avoir gagné en profondeur, il ne voit plus simplement la mer comme un élément purificateur, qui efface tout, il commence à saisir la peur que les profondeurs inspirent à Pandora, il comprend pourquoi en tant qu'individu il est une partie du tout mais, dans la totalité, rien d'autre qu'un infime fragment de corail qui, au fil des millions d'années, se fait broyer et transformer en sable éphémère à la périphérie la plus extrême de la perception du monde.
Commenter  J’apprécie          00

Video de Christian Kracht (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Christian Kracht
Le narrateur, un homme d'âge moyen nommé Christian Kracht, se rend à contrecoeur à Zurich pour retrouver sa mère malade et sénile. Lorsqu'il arrive à son luxueux domicile, la vieille femme à moitié ivre l'accueille avec des reproches et Christian décide, à son propre étonnement, d'embarquer sa mère pour un road trip à travers la Suisse. Frau Kracht s'arrête pour retirer à la banque une grosse somme d'argent, principalement acquis grâce à l'industrie de l'armement dans laquelle la famille richissime a investi, afi n de dilapider sa fortune au cours du voyage.
Entre virée dans un hôtel d'extrême-droite, tentative de braquage, crainte d'overdose et appel du grand large, le duo mère-fils revient sur le passé trouble de la famille, en lien avec le nazisme, et sur leur incapacité profonde à communiquer.
" Eurotrash " est l'histoire tragi-comique et spectaculaire d'une famille et de ses démons. le roman s'attaque aux questions de la culpabilité et de la honte héritées, et dresse un portrait touchant et complexe d'une mère toxique. Avec un art consommé du divertissement, l'auteur fait converger les fils de sa propre oeuvre et nous emmène aux sources de la création littéraire.
L'auteur Christian Kracht est né le 29 décembre 1966 à Saanen, en Suisse. Écrivain de langue allemande, cinq de ses romans ont été traduits en français : " Fin de party " (Denoël, 2003), " Je serai alors au soleil et à l'ombre " (Jacqueline Chambon Éditeur, 2010), " Imperium " (Phébus, 2017), " Les Morts " (Phébus, 2018) et " Faserland " (Phébus, 2019). Il vit entre l'Europe et les États-Unis.
+ Lire la suite
autres livres classés : Nouvelle-Guinée (île)Voir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (92) Voir plus



Quiz Voir plus

Stefan Zweig ou Thomas Mann

La Confusion des sentiments ?

Stefan Zweig
Thomas Mann

10 questions
24 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur ce livre

{* *} .._..