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EAN : 9782221270561
256 pages
Robert Laffont (24/08/2023)
3.34/5   51 notes
Résumé :
« La vie, c’est dommage, ne peut pas toujours être une comédie. »

Lorsque Paul le provincial rencontre Henri le Parisien, c'est l'amitié immédiate. Ils sont étudiants et s'imaginent des destins flamboyants. Devenu un journaliste dilettante, Henri découvre les arrière-cuisines de la presse et de l’édition. Paul publie un premier roman ambitieux – que personne ne lit. Malgré cet échec, un éditeur rompu à tous les coups lui propose d'écrire dans l'ombre... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
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Les temps changent mais la comédie humaine demeure. Déclinaison contemporaine des Illusions perduesDe Balzac, cette comédie enjouée et désenchantée dresse une satire féroce du monde de l'édition et de la presse.


A la mort de son ami Paul Beuvron, Henri d'Estissac, journaliste d'un magazine branché, se retrouve le légataire de ses documents personnels. Ramené à ses souvenirs de leur rencontre en classe préparatoire littéraire, alors qu'ils débordaient encore d'ambitions quand à leur avenir, il se met à retracer leurs parcours respectifs, lui d'abord pigiste puis précaire plumitif pour une revue culturelle provocatrice et décalée – le double aisément reconnaissable de Technikart où collabore l'auteur –, Paul, écrivain génial d'un roman monumental resté confidentiel, bientôt réduit à produire à la chaîne les best-sellers signés par d'autres et à servir de prête-plume à un ministre dépravé.


N'en déplaise à leurs nobles idéaux littéraires, Paul et Henri se heurtent bien vite à une réalité : « le monde des lettres ne jure plus que par les chiffres. » Industrie soumise comme une autre aux diktats de la rentabilité commerciale, l'univers feutré de l'édition gère la littérature en marchandise et les auteurs comme des marques. Tant pis pour le génie littéraire trop souvent invendable, ce qu'il faut, ce sont des « moyens de palper », de « l'artillerie lourde », « des blockbusters littéraires » capables de « bombarder les librairies » en fin d'année et de « bousiller la concurrence en mode bulldozer ». Pour ces grandes manoeuvres, bien des coups sont permis et, avec le piquant sans méchanceté d'une lucidité pleine d'humour, la satire s'en donne à coeur joie, décrivant savoureusement cuisines et arrière-cuisines, de l'édition mais aussi de la presse, des prix et de la critique littéraires.


En familier de ces milieux, l'auteur ne se dépare jamais du plus parfait réalisme et, captivé autant qu'amusé par le sens de la formule qui égaye chaque page de la succulence et de la justesse de ses trouvailles, l'on se régale de ce roman drôle et cruel qui pousse la facétie jusqu'à paraître en pleine rentrée littéraire. Entamé sur cet exergue emprunté à Balzac : « tu pourras être un grand écrivain, mais tu ne seras jamais qu'un petit farceur », cette tragi-comédie est aussi un requiem pour les illusions perdues d'un écrivain maudit. « Les maudits ne mènent pas la grande vie. On ne peut pas avoir le spleen et l'argent du spleen. »

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Paul Le provincial et Henri le parisien se rencontrés en prépa à Danielou et sont restés amis même si la vie les a éloignés et s'ils n'ont pas fait les carrières qu'ils espéraient.
À la mort de Paul, c'est leur histoire qu'Henri va nous raconter, l'histoire de deux petits farceurs dans les coulisses du monde de l'édition.

J'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman car il est très bien écrit, le style est alerte et chaque chapitre se lit avec délectation car les scènes et les situations sont savoureuses. Je remercie donc vivement l'équipe de Babelio et les éditions Robert Laffont pour l'envoi de ce roman qui m'a fait passer un agréable moment de lecture.

Je mettrais toutefois un bémol : j'aurais aimé que l'auteur s'attarde plus sur la naissance de l'amitié entre Henri et Paul en classe préparatoire, et globalement les ressentis des personnages auraient pu être plus creusés et développés, le roman serait alors passé de bon à excellent.
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Louis-Henri de la ROCHEFOUCAUD. Les petits farceurs.

Un grand merci à Nathan de Babelio et aux éditions Robert Laffont pour l'envoi de ce roman.

Un titre prometteur. Mais en fin de compte, une illusion. Je pensais vivre des instants de connivence, découvrir de nombreuses facéties inventées et jouées par nos deux étudiants. Je suis un peu déçue par ce titre et son contenu.

Deux jeunes garçons se rencontrent et sympathisent dans un établissement scolaire, le Centre Madeleine-Danièlou où ils accomplissent leurs études en hypokhâgne. Cet établissement est situé à Rueil-Malmaison, proche banlieue de Paris. Paul Beuvron est un enfant issu de la province et se rêve en écrivain prolifique. le monde de l'édition et littéraire attire nos joyeux drilles. Cependant la production culturelle, le succès n'est pas au rendez-vous et chacun doit donc se faire une place au soleil. Henri D'estissac, l'aristocrate devient journaliste de seconde zone et Paul pour subvenir a ses besoins sera professeur. Cette vie lui pèse. A son décès, il lègue ses écrits à son ancien ami. Ce dernier est chargé d'écrire les mémoires de Paul.

Depuis de nombreuses années, les farceurs ne se sont plus fréquentés. Cet éloignement a été causé par le tourbillon de la vie. Chacun s'est recentré sur son objectif. Une demi réussite pour Henri et un demi échec pour Paul. Les aléas de la vie professionnelle, familiale, sociale. Nous assistons davantage à un règlement de comptes, aux difficultés à intégrer une bonne maison d'édition. Les auteurs entrant chez le bon éditeur tirent les marrons du feu, quel que soit souvent la qualité de leurs écrits. Les « nègres », écrivant pour de grands auteurs ne parviennent pas à publier sous leur véritable identité ! J'ai quelques exemples sous le coude …. Cela ne date pas des années 2000…. de grands auteurs, contemporains ne font que signer les titres écrits par d'autres ! ! !

Cet auteur a obtenu l'an dernier, en janvier 2022, le prix « des Deux magots », avec « Châteaux de sable », dont les babelionautes nous ont rédigé des critiques élogieuses. Je vais donc me plonger dans ce récit et vous trouverez ma critique prochainement sur le site. Je ne sais si je dois vous inciter à lire cette narration. certes le style est alerte, les traits de caractères des deux héros incisifs: de l'ironie émaille la narration. Les entourloupes des producteurs littéraires, les jalousies n'apportent rien à ce récit satirique. Je vous souhaite une bonne journée et de belles lectures.
(10/10/2023).

Lien : https://lucette.dutour@orang..
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Décidément Louis-Henri de la Rochefoucauld est un auteur, si ce n'est farceur, du moins facétieux. Après avoir ressuscité Louis XVI dans Châteaux de sable, au risque de faire perdre la tête à certains historiens, et, fort d'avoir reçu le prix des Deux Magots, il s'offre le luxe de dézinguer la profession qui lui assure, si ce n'est le gîte, du moins le couvert en lui assurant bonne presse quant à ses romans.
Les petits farceurs, alias Paul et Henri se sont trouvés et liés d'amitié lors de leur prépa littéraire à Daniélou, ils faisaient alors des plans sur la comète et bien que rêvant des plus hautes sphères, ils réalisaient un parcours décousu et atypique. Ils se re-trouvent, si l'on peut dire, des années plus tard alors que Paul, écrivain méconnu et résolu à écrire les best-sellers d'auteurs en mal d'inspiration, vient de mettre fin à ses jours en chargeant par testament Henri, ”journaliste de troisième division”, de faire le récit de sa vie à l'aide de son journal intime. ”II me léguait ses papiers, ses clefs et de quoi payer un an de loyer avant de libérer son appartement. le temps pour moi de faire le tri et d'en tirer sa biographie, la vraie vie de Paul Beuvron.” Une occasion providentielle pour le journaliste de réhabiliter son ami et de faire la peau au monde des écrivains et de l'édition. Un monde où le business, le marketing, les magouilles tiennent les cordons de la bourse et de la notoriété. ”Le monde des lettres ne jure plus que par les chiffres”. Bon nombre s'y reconnaîtront.
Si Henri, son personnage, se délecte sans entrave, n'est-ce pas une dangereuse entreprise pour Henri de la Rochefoucauld, l'auteur ? Ne risque-t-il pas de scier la branche sur laquelle il est assis ? L'avenir le dira. Pas sûr cette fois qu'il obtienne pour Les Petits Farceurs un prix littéraire !
Quant au lecteur, il passe un bon moment car le style est alerte. La plume bien qu'acide n'en est pas moins savoureuse car l'humour enrobe astucieusement les bouchées amères. J'ajouterai qu'au côté gouailleur de l'auteur vient se substituer celui d'un grand sentimental quand il s'agit d'amour et d'amitié, offrant au lecteur des pages d'une grande sensibilité.
Il n'en reste pas moins qu'après la lecture de ce livre, tout lecteur est en droit de s'interroger, voire s'inquiéter, sur la qualité de ce qui lui est ”offert” de lire, comme sur la manipulation dont il est victime de façon plus ou moins consciente. Au moins le voilà prévenu. A bon lecteur, salut !
Merci à Babelio et aux éditions Robert Laffont pour l'envoi de cet ouvrage plaisant et instructif.
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J'apprécie beaucoup les récits mettant en scène des supercheries littéraires et depuis la rentrée littéraire de l'été dernier, j'attendais avec impatience de lire ce roman De La Rochefoucauld espérant retrouver la drôlerie irrésistible de son "club des vieux garçons".
Je dois reconnaître que j'ai été déçue car dans ce texte l'humour parait avoir cédé la place à une ironie féroce et désabusée qui trouve son point d'orgue dans le suicide d'un des deux protagonistes.
Attention ceci n'est pas un spoiler car dès les premières pages, on apprend que l'un des deux amis vient de trouver la mort et c'est le survivant qui va raconter son histoire.
Deux garçons brillants issus de milieux différents, l'un aristocrate dilettante (évoquant furieusement l'auteur) et l'autre provincial doué et ambitieux (Rubempré ?) veulent se faire un nom dans le monde des lettres.
Alors que le premier se contente de piges journalistiques au journal "Avant Garde" , feuille de chou contestataire et confidentielle, le second se lance dans l'écriture pour échapper à une fonction enseignante qu'il juge dévalorisante (il est vrai qu'être prof à Argenteuil, cela ne fait pas rêver vu du 16ème !!!).
Manque de bol son grand oeuvre qui reprend en les pastichant les grands auteurs de la langue française est loin de trouver son public et son éditeur lui propose une juteuse reconversion : écrire pour le compte des autres.
Et voici Paul qui se lance dans la carrière de "nègre".
Les auteurs auxquels il prête sa plume pourraient bien être directement inspirés de ceux qui dans la vraie vie inondent le marché . Patrick Rossi avec "la vérité sur l'affaire Paméla Windsor " ce jeune homme promu aux plus hautes destinées littéraires , cela ne vous dit rien ? En ce qui me concerne, le texte De La Rochefoucauld m'a paru inutilement vindicatif et méchant car Dieu sait qu'il y a bien pire dans les best sellers que l'on a plaisir à critiquer que les romans du petit suisse .... Quant il s'agit d'hommes politiques, la critique devient encore plus incisive avec un ministre de la justice haut en couleurs, ancien avocat mafieux sur les bords, spécialiste de l'acquittement des coupables ...On voit tout de suite qui est visé. Quant à la starlette Marilyn ou le rappeur Sevran, les modèles sont nombreux ....
En ce qui concerne Marcillac l'éditeur dandy et roublard, Emma Roche la féroce nageuse prête à renouveler les cadres de l'édition ,je n'ai pas la connaissance suffisante du milieu pour les identifier mais je suppose que d'autres lecteurs le pourront aisément.
Les petits dessous du milieu de l'édition parisienne sont décrit sans concession mais sans cet humour désopilant que j'apprécie tant . Les soirées parisiennes, la collusion des "grands de ce monde " qui évoluent au niveau du caniveau, tout cela laisse un goût d'amertume et une sensation de "tous pourris "
Henri le narrateur, parait regretter les cours de l'Ancien Régime. Certes à voir les milieux qu'il décrit, on ne peut pas lui donner tort, mais était ce vraiment mieux avant ?
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critiques presse (6)
LeMonde
27 octobre 2023
Amateurs de pastiches et de canulars littéraires, ce roman plein de malice est fait pour vous.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LaLibreBelgique
24 octobre 2023
Le regard de La Rochefoucauld ne s’attarde pas en scrupules qui, sans cesse, fait apparaître dans son récit satirique des personnages identifiables.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LeFigaro
11 octobre 2023
Fan du groupe The Strokes et descendant en droite ligne des rois de France, il pose, dans ["Les Petits Farceurs"], un regard désabusé et féroce sur le milieu du journalisme et de l’édition.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Bibliobs
03 octobre 2023
[Un] roman satirique, drôle et cruel.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LeFigaro
04 septembre 2023
Dans ce tableau de mœurs de l’édition française, l’auteur interroge l’art exaltant de l’écriture.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Actualitte
18 août 2023
Ces "Petits Farceurs", l’air de rien, méritent les honneurs. À l’instar de Balzac, Louis-Henri de La Rochefoucauld atteint son objectif : décrire un réel.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (27) Voir plus Ajouter une citation
« Le gang des pastiches » : l’expression était d’Emma Roche, ravie d’avoir trouvé en Paul l’alter ego parfait pour exécuter ses vils coups marketing. Malgré sa jambe raide, il faisait preuve d’une assurance surprenante. Dans son bel appartement de la cité de Varenne, une bibliothèque à échelle ornait le salon. Paul y avait aligné une intégrale reliée de La Comédie humaine, les numéros du magazine Punch contenant La Foire aux vanités de Thackeray, la première édition des Caractères de La Bruyère et d’autres livres de collection. Une étagère entière était réservée à ses productions pour les autres. En démiurge au petit pied, il lui semblait fascinant de voir que tous les best-sellers de notre époque étaient signés par un seul homme : lui !
En vérité, qu’était-il ? Un ventriloque ? Un illusionniste ? Dans ce western que devenait l’édition, Paul se définissait en riant comme « un chasseur de primes », « un desperado littéraire », « un pistolero du traitement de texte ». Personne n’aurait osé le provoquer en duel dans quelque saloon. Qu’attendait le shérif ? Quand sortirait-on le goudron et les plumes pour cette fine gâchette qui tirait plus vite que son ombre, mais finirait par retourner son arme contre lui à force d’accepter tout et n’importe quoi ? Je n’osais lui dire ce que je pensais de lui : qu’il n’était qu’un larbin assurant des ménages.
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« J’aime beaucoup ce que vous faites, cette littérature expérimentale incompréhensible pour les non-initiés, mais vous devez comprendre que ça ne nous nourrit pas. Dans l’édition, on ne vit pas d’amour et d’eau fraîche. Il faut inventer des moyens de palper.
— Et ?
— Et avec vous, par exemple, je ne palpe pas du tout.
— Avec qui palpez-vous ?
— C’est tout le problème, justement… Des auteurs avec lesquels on perd un tas d’oseille, on en trouve partout, ce n’est pas ça qui manque ; mais des auteurs avec lesquels on palpe, ça on en cherche désespérément. Et là, j’en ai signé un.
— C’est secret ?
— Plus ou moins… Je vais vous le confier car je veux vous mettre dans la boucle : il s’agit de Patrick Rossi.
— Vous rigolez ? Rossi chez Marcillac ?
— Ça vient du groupe… Ils m’ont aidé à avoir le Goncourt ; en échange, je dois m’occuper du dossier Rossi. Rossi a des tirages mirifiques mais souffre d’un vrai déficit d’image – tout le monde le prend pour un péquenaud, pour dire les choses franchement. Il est en quête de crédibilité littéraire, onction divine que nous pouvons lui apporter.
— Ne risquez-vous pas de vous décrédibiliser par la même occasion ?
— Oh, Marcillac est une maison bien assez ancienne pour encaisser le choc… »
Le pacha pachyderme a tiré sur son cigare avec la sérénité de celui qui en a vu d’autres. La décoration de son bureau n’était pas constituée de bibelots achetés la veille dans une boutique à la mode. Il avait sur sa table d’épais livres de comptes des années 1850. Et derrière lui, sur une étagère, on voyait quatre bustes en bronze : ceux de Liancourt, Guyon, Combreux et Blanzac – le mont Rushmore des éditions Marcillac, à défaut d’être celui de la littérature française du xixe siècle.
« Vous, à titre personnel, vous aimez les livres de Rossi ?
— Si je devais ne serait-ce qu’apprécier ce que je publie, cela ferait longtemps que j’aurais fait faillite… Tout éditeur qui se respecte juge épouvantable la majorité de sa production ! Rossi, c’est du petit polar sentimental à la mords-moi-le-nœud – aucun intérêt, mais ça marche.
— Et en quoi puis-je vous aider ?
— Vous ne devez pas vous en souvenir, mais l’an dernier il y a eu un canular autour d’une vraie-fausse candidature de Rossi à l’Académie française.
— J’avais suivi ça, en effet.
— Rossi, qui est un peu parano, a cru que ça venait de chez son éditeur, que quelqu’un s’y foutait de lui. Il a demandé la tête de plusieurs personnes, ça s’est envenimé, la situation n’était plus tenable. Le problème, c’est qu’il s’est brouillé à mort avec son éditeur, qui était, comment dire, très… interventionniste.
— Vous insinuez que Rossi n’écrit pas ses livres ?
— Moins fort ! Pourquoi tout le monde parle si fort dans cette maison ? Et ne commencez pas à casser du sucre sur le dos de notre prochaine poule aux œufs d’or. Les bonnes idées sont de Patrick, bien sûr, les meilleures phrases aussi. Et ses scènes, toutes ses si belles scènes… Patrick a une façon inégalable de camper ses personnages, de créer des ambiances. Il a par ailleurs un grand art de la construction et des dialogues qui font mouche. Cependant, oui, il a besoin d’un partenaire de jeu…
— Dois-je comprendre que vous me demandez d’être son nègre ?
— Son partenaire de jeu, je vous dis. Patrick a perdu toute confiance en lui, il faut l’épauler et le motiver. Qui peut le plus peut le moins : vous avez su pasticher Chateaubriand, vous saurez pasticher Rossi. Attention, toutefois : il faudra singer Rossi, mais en le tirant vers le haut.
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On était au printemps et Emma Roche n’avait aucune cartouche pour la fin de l’année, pas le moindre best-seller potentiel, or on sait que le dernier trimestre est porteur pour les éditeurs, avec Noël en ligne de mire. Il fallait qu’elle trouve d’urgence deux ou trois « blockbusters littéraires », de l’artillerie lourde pour « bombarder les librairies d’ici décembre » et « bousiller la concurrence en mode bulldozer ». Mais c’était devenu si difficile, selon elle, les livres ayant de moins en moins le temps de s’installer…
Pompette, Paul lui a rétorqué que c’était une idée reçue. Dans la préface de la deuxième partie des Illusions perdues, Balzac écrivait que « par le temps actuel, un livre n’a pas six semaines à vivre » – des propos qui dataient de 1839 !
« Balzac ou pas, il n’empêche que les gens ont de moins en moins le temps de lire.
— Vraiment ?
— Les écrans ont remplacé l’écrit. »
Un autre lieu commun… En khâgne à Daniélou, nous avions été fascinés, Paul et moi, par une phrase de Diderot dans son Éloge de Richardson, ce texte sur le romancier anglais qu’il vénérait : « Chez un peuple entraîné par mille distractions, où le jour n’a pas assez de ses vingt-quatre heures pour les amusements dont il s’est accoutumé de les remplir, les livres de Richardson doivent paraître longs. » On était en 1761 ! « Il n’y avait pas alors autant de divertissements…
— Je suis sûr que, dès les années 1450, Gutenberg jugeait qu’on imprimait trop de livres.
— Le marché se rétracte et les leviers de croissance ne sont pas infinis… Avec en plus l’éclatement de la prescription, les libraires qui rament et la presse qui n’existe plus que pour trois ou quatre grand-mères… À l’heure actuelle, nous devons produire moins mais produire mieux. En étant omniprésents sur les derniers secteurs qui fonctionnent. Et en dénichant les nouveaux talents qu’on pourra pousser au firmament des ventes.
— Oh, ce n’est pas nouveau, Martin Marcillac voulait déjà faire du commerce en 1835, les éditeurs n’ont jamais été des enfants de chœur… »
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Nous nous étions rencontrés en 2003 en classe préparatoire, où notre entente avait été immédiate. À certains égards, je le voyais comme un frère, voire un double – à ce détail près qu’il était moins désinvolte et plus désenchanté que moi, et surtout infiniment plus doué. Mais la vraie différence entre nous, la voici : en provincial motivé, Paul tenait à tout prix à réussir alors que, en Parisien blasé, il ne me déplaisait pas d’échouer pourvu qu’il y ait eu du bon temps. L’expérience intérieure et l’émotion vécue m’importaient plus que le résultat des courses. Nous voulions découvrir un jour ce qu’il y a derrière le rideau de la vie courante, aller de l’autre côté – mais où, ça, nous ne le savions pas. Nous n’étions pas des mystiques, aussi la foi ne nous a-t-elle pas permis de passer du monde visible au monde invisible. Jeune homme, Paul parlait de montagnes poétiques, d’un Everest accessible par la face nord de la littérature. Je ne comprenais pas tout à son charabia. À l’arrivée, il n’a pas atteint les paradis perdus aux neiges éternelles : il s’est faufilé par l’entrée des artistes et n’a exploré que les coulisses de l’industrie culturelle, puis celles du pouvoir. Il a beaucoup travaillé, en a été déçu.
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« J’ai un article qui saute dans notre numéro à paraître fin août. Ça libère une page. Ton ami, là, Beuvron, tu ne veux pas l’écarteler ?
— Ce ne serait pas très sympa…
— C’est vieillot, son truc, un exercice de style prétentieux, on dirait le livre d’un centenaire. Tu ne trouves pas ?
— Ne fais pas de jeunisme : ils ont leurs qualités, les livres de centenaire.
— Avant-garde ne peut pas défendre ça. Pense un peu à toi : l’éreintement est une gymnastique de l’esprit. Si tu veux progresser, tu dois en commettre de temps en temps. Et puis tu lis Le Figaro, je crois ?
— Quel est le rapport ?
— Je ne t’apprendrai pas la phrase de Beaumarchais qui sert de devise au journal : “Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur.” Si tu ne t’octroies pas toi-même régulièrement le droit de flinguer, tes compliments ne vaudront plus un clou. On ne te prendra pas au sérieux. On dira de toi que tu n’es qu’un robinet d’eau tiède. C’est ça que tu veux être dans la vie ? Tu veux qu’on écrive ça sur ta pierre tombale : “Henri d’Estissac, 1985-…, profession robinet d’eau tiède” ?
— Mon ami Beuvron ne va pas comprendre, il trouvera ça dégueulasse…
— Oh, c’est mon quotidien… Me faire enguirlander par les éditeurs et les labels… Rien de grave en vérité : tant qu’ils ont besoin de nous, ils finissent toujours par revenir. C’est du catch, la critique : tout est faux. Quant à ton Paul, tu lui expliqueras que c’est pour son bien, qui aime bien châtie bien, etc. Et surtout tu lui préciseras que c’est excellent pour sa promo.
— Comment ça ?
— Regarde toutes ces piles sous lesquelles on croule… Comment tirer son épingle du jeu ? Comment survivre ? Comment exister ne serait-ce qu’une seconde ? Si tu assassines proprement ce Beuvron, ça fera parler. Par esprit de contradiction, d’autres voudront le soutenir. Nos ennemis seront ses amis.
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