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EAN : 9782492895111
194 pages
Labyrinthe[s (07/03/2024)
5/5   3 notes
Résumé :
Elle a pris un train pour Trouville, le train de midi. Elle voulait écrire un livre sur lui, sur le génie. Elle avait réservé une chambre d'hôtel, la saison n'avait pas commencé. Elle s'est installée dans la chambre, la fenêtre donnait sur la plage, avec ses marées, ses îlots de sable. Alors sont apparus les fantômes.
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
LA PLUS MALHEUREUSE DES FEMMES
Dominique Lebel. 2024

Un roman « tout littéraire », dans son argument d'abord, une écrivaine ( ou apprentie écrivaine ) qui cherche l'inspiration à Trouville, dans un hôtel au bord de la mer, désiste, l'esprit hanté par de grands acteurs de la littérature : Flaubert, Tolstoï, Duras, Virginia Woolf et leurs personnages tourmentés.
Ensuite, « tout littéraire » par le thême choisi et les références livresques indispensables à la comprehension du texte : dans cette chambre d'hôtel, les « âmes ombrées » la visitent, mortes d'amour impossible. Des femmes si malheureuses, qu'elles en perdent la vie, ou la tête (Emma Bovary, Anna Karénine, Lol V Stein… pour les personnages, V.Woolf…).
Dominique Lebel agit en écrivaine, libre de ses choix, ravie (je suppose) de donner un supplément de vie à des personnages figés dans le marbre de la Littérature. Quel orgasme ! Euh disons : quelle jubilation ! Faire parler et se plaindre la Bovary, la montrer dans ses frustrations de personnage, évoquer l'homme Flaubert… Anna Karénine, belle et sombre héroïne de Tolstoï, doublement amoureuse, dont le corps disparaitra sous la ferraille grinçante d'un train en gare russe. Et puis il y a « la » Duras, dont elle aperçoit la silhouette un peu courbée, là-devant sur la plage (Trouville et Marguerite, toute une histoire ) et l'évocation du complexe personnage Lol V Stein, la folle d'amour, (dont Duras expliquera que l'idée du livre lui vint alors qu'elle assistait à un bal dans un hôpital psychatrique…) .

Dominique Lebel évoque d'autres « malheureuses », mortes d'amour interdit. Par exemple, Gabrielle Russier, la prof agrégée de Lettres (tiens !) tombée amoureuse de son élève de 16 ans (la majorité d'alors était de 21 ans), ceci dans les années 60, victime de la morale rouleau-compresseur, morte par suicide à l'âge de 32 ans. Une fin romantique, un destin malheureux, une société dévoreuse de faibles.

Ce livre au style brillant, à la vibration « Duras », place au zenit la Littérature : celle, classique, déjà écrite et adulée, celle aussi en devenir : Dominique Lebel nous montre que tout est possible dans le roman, les personnages n'appartiennent à personne, et si on les laisse un peu aller, ils sont capables de sortir de leur habit sur mesure confectionné par leur auteur, investir le cerveau du lecteur ouvert à l'enchantement.

Ce livre me semble être un grand MERCI à la littérature, à la liberté qu'elle apporte.
À son pouvoir d'approcher la grande détresse due à l'amour trahi, ou non correspondu.
Choisir l'amour comme fil conducteur, cela peut paraître bateau, mais la manière qu'emploie l'auteure de le traiter est un pur plaisir : j'ai eu l'impression de transcender toutes les règles en participant aux reflexions des personnages de livres déjà écrits, donc en principe absolument interdits du moindre écart.

Bref, très difficile de faire un retour convaincant, tant ce roman offre de tiroirs à ouvrir… Reflexions sur l'acte d'écrire, la création littéraire, le mega thême de l'amour impossible, les correspondances entre oeuvre écrite et lecteur, l'appropriation des personnages, leur influence dans la société (de moins en moins).

À titre d'anecdote, je viens de consulter la liste de mes quinze dernières lectures, et je constate (ravi !) que mes trois préférées sont des livres auto-édités (et il y avait du beau monde dans ma liste : Vol de nuit de St-Ex, La bête humaine de Zola, les hirondelles de Kaboul de Yasmina Khadra,..). Les élus, avec le présent roman : « le fil d'Argent » de Rebecca Greenberg et Au flanc de ma colline de « Daniel Bayon ».
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Ouvrage inclassable. Livre ? Murmure à l'oreille des filles qui ? Doutent, aiment, vivent et s'échinent à le faire envers et contre tout, tous. Modestes et désespérées. Ah, quel destin que de perdre sa taille si fine et que le corset même ne parvient pas à restaurer ! Même Marguerite Duras s'en est émue : elle est là, dans ce livre et même si ne ne l'aime guère (son afféterie, ses manières...) , je dois dire qu'elle sent et voit juste ici - par la plume de D. Lebel. Ah, la Karénine qui parle enfin, "il m'a voulue fanée, toujours occupée à se plaindre. Ennuyeuse, c'est ce qu'il a dit" Et puis son physique (car une femme ne vaut que par lui: "elle s'était élargie de partout", sic. Mais "élargir" a aussi le sens de libérer d'une prison...
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Ce texte est à la fois une enquête et le récit de son cheminement en tant que livre. Qui est Emma Bovary ? Cette femme existe-t-elle autrement que de la façon dont Flaubert a bien voulu nous la dépeindre ? Possède-t-elle une autre vérité décelable, en creux, dans le portrait qu'en dresse son créateur ? La créature d'encre et de papier peut-elle échapper au destin que lui a forgé son démiurge ? Dans la quête des éléments de réponses surgissent d'autres figures féminines, personnages ou auteures, pour finalement faire résonner la littérature comme un coeur qui bat, envers et contre tout.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
De retour dans sa chambre, un peu étourdie par l’air marin, elle a tiré les rideaux de la fenêtre afin d’échapper à la mer et aux dernières colorations de la plage. Elle a sorti son manuscrit de sa valise, s’est assise devant la table en bois disposée face au lit et dans sa tête a résonné la voix qui s’était immiscée dans ses pensées, les parasitait, l’empêchait depuis des semaines, ou des mois, de vivre en dehors d’elle. C’était la voix tout approximative d’Emma B. – celle qu’elle s’était inventée depuis le début et qu’elle arrivait à retrouver chaque fois, après quelques minutes d’effort. Il lui fallait l’appeler, doucement et ce n’était pas une convocation, non, plutôt une demande polie. Emma noyée dans une eau sale, avait-il écrit. Elle s’est souvenue d’une ligne d’eau de mer abandonnée par la marée entre deux bandes de sable, c’était là que jouait l’enfant.

Elle s’est demandé un moment s’il était bien raisonnable qu’elle continue cette histoire avec Emma B. et le romancier, si elle avait bien fait de venir là, si écrire servait à quelque chose. Il s’était lui-même posé la question, à propos de l’écriture et avait eu une réponse définitive, plutôt encourageante. Mais il lui arrivait de dire n’importe quoi, elle le savait. Il pouvait être grossier, provocateur et se lancer dans des serments qu’il s’empressait de rompre. Il n’était pas toujours pardonnable. Emma B. non plus.

Et puis elle a hasardé cette question qui la tourmentait chaque jour, chaque fois qu’elle prenait en main son stylo et s’asseyait à une table, n’importe laquelle car elle pouvait écrire partout.
Les morts peuvent-ils parler ?
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Dans les tragédies, on peut toujours s'en prendre aux Dieux, à leur cruauté. mais dans les romans ? (p 23)
J'aimerais savoir ce qu'il a fait de ma mort à l'instant où il l'écrivait. Ce qu'il a ressenti exactement. (p 65)
Il m'a voulu fanée, toujours occupée à me plaindre. Ennuyeuse, c'est ce qu'il a dit. Déjà finie, prête à me jeter sous le train avec mon corps empâté. Lisez et vous verrez. (p 85)
Comment partir au paradis dans une robe serrée à la taille ? (page 117)
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En ce lieu étrange et plat où ne s’élève aucune colline et pas même un escalier, ni un promontoire ni une estrade, où ne se produit aucune bousculade des lignes, Emma B semble promener encore sa déception et l’on a du mal à la comprendre.
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